Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.453/2016
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
8C_453/2016

Arrêt du 1er mai 2017

Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard et Viscione.
Greffier : M. Beauverd.

Participants à la procédure
Bâloise Assurances SA,
Aeschengraben 25, 4051 Basel,
représentée par Me Christian Grosjean, avocat,
recourante,

contre

A.________,
représenté par son curateur Me Michel Valticos, avocat, intimé.

Objet
Assurance-accidents (accident; suicide),

recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de
justice de la République et canton de Genève du 1er juin 2016.

Faits :

A.

A.a. B.________ a travaillé dès le 1 ^er juin 2008 en qualité de responsable
informatique du Service C.________. Il était le père de deux enfants,
D.________ et A.________. Il était divorcé de son épouse, E.________, selon
jugement du Tribunal de première instance de la République et canton de Genève
du 29 mars 2011. Depuis 2011, il avait consulté plusieurs médecins en raison
d'un état dépressif, à savoir les docteurs F.________, spécialiste FMH en
psychiatrie et psychothérapie, G.________ (entretemps décédé), spécialiste FMH
en médecine interne, et H.________, spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie.
Le 25 mai 2012, vers une heure du matin, B.________ a été retrouvé sans vie sur
la voie publique, gisant au pied de son immeuble. Selon le rapport de levée de
corps de la police, il ressortait des premiers éléments de l'enquête que le
défunt était tombé du balcon de son domicile, au quatrième étage. La porte de
son appartement était fermée, mais pas verrouillée. Toutes les lumières de
l'appartement étaient éteintes. Le défunt était probablement en train de manger
un yaourt juste avant de chuter, ce yaourt et son contenu partiel ayant été
retrouvés au sol à côté de lui. Aucune trace de lutte, de fouille ou de vol n'a
été constatée dans l'appartement. Aucun message d'adieu n'a été trouvé. La
présence de médicaments antidépresseurs et anxiolytiques a été constatée. Le
Ministère public a ordonné aux fins d'expertise médico-légale la mise en sûreté
du cadavre au Centre de médecine légale I.________.

D'après le rapport d'expertise toxicologique du 26 juillet 2012, les analyses
des échantillons biologiques indiquaient la présence dans le sang et l'urine de
Citalopram, de Norcitalopram, soit des antidépresseurs, et de caféine.
Toutefois les concentrations des antidépresseurs déterminées dans le sang se
situaient en dessous de la fourchette des valeurs thérapeutiques. Les analyses
n'avaient pas révélé la présence d'autres toxiques, stupéfiants ou médicaments
courants en concentrations considérées comme significatives sur le plan
toxicologique.

Le rapport d'autopsie, daté du 14 août 2012, revient plus précisément sur les
constatations faites sur place. La porte-fenêtre de la cuisine était ouverte
sur le balcon qui était bordé par une rambarde haute de 90 cm. Sur la droite de
la rambarde, dans la direction du corps en contrebas qui se trouvait plusieurs
mètres en avant de la rambarde, il a été observé une trace de ripage sous la
forme d'un décollement de peinture. Au premier étage, il y avait une marquise
située juste en-dessous des balcons. Un skateboard se trouvait sur le sol juste
à côté de la rambarde. Sur la table de nuit, il y avait des emballages de deux
hypnotiques (Stilnox® et Zolpidem®) et d'une benzodiazépine (Temesta®), ainsi
qu'une ordonnance pour du Cipralex® (antidépresseur), établie le 24 mai 2012
par le docteur H.________. Dans la salle de bains, se trouvait du Tranxilium®
(benzodiazépine). Les médecins légistes ont conclu à un décès consécutif à un
polytraumatisme sévère. L'ensemble des lésions constatées était compatible avec
une chute d'une hauteur du quatrième étage.

A.b. Le défunt était obligatoirement assuré contre les accidents auprès de la
Bâloise Assurances SA (ci-après: la Bâloise). Le 14 juin 2012, l'employeur a
annoncé le décès à cet assureur. Le docteur H.________ a établi à l'intention
de celui-ci un rapport du 30 octobre 2013. Il a posé le diagnostic d'épisode
dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2). Il a précisé que la
première consultation du patient remontait à janvier 2012 et qu'il s'agissait
d'une rechute. L'assureur a confié un mandat d'expertise au docteur J.________,
spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L'expert s'est entretenu avec
le docteur H.________, auquel il a en outre demandé un rapport complémentaire.
Dans sa réponse à l'expert du 29 juin 2014, le docteur H.________ a précisé
que, lors de la dernière consultation, le 24 mai 2012, le patient présentait
les signes et les symptômes de sa dépression sévère. Auparavant, il avait
signalé des facteurs de stress liés à une mise en évaluation de son activité
professionnelle et à l'hospitalisation récente de son fils cadet. L'expert
s'est également entretenu avec la mère du défunt. Selon elle, son fils n'avait
jamais présenté de troubles psychiatriques jusqu'aux faits en cause. Le fils
cadet du défunt avait toujours été sensible et était devenu difficile les
dernières années. Il avait été hospitalisé dans le service de pédiatrie de
l'Hôpital K.________ en raison de son comportement. La veille du décès, elle
était rentrée de U.________ et l'assuré était venu la chercher à l'aéroport. Il
semblait aller tout à fait bien. Il était bien habillé et sortait d'un cocktail
organisé pour fêter avec son équipe le succès d'un projet professionnel. Il
l'avait conduite chez elle et n'était pas resté pour manger avec elle comme il
en avait l'habitude, prétextant qu'il avait "quelque chose" ce soir-là.
Toujours selon sa mère, il avait prévu de prendre ses deux fils à son domicile
le lendemain. Il avait préparé les cadeaux pour l'anniversaire du fils cadet
auquel elle était invitée ainsi que les beaux-parents et peut-être des amis. Il
avait acheté la nourriture pour le repas d'anniversaire. Au vu de tous ces
éléments, la mère considérait comme hautement improbable que son fils se fût
suicidé.

L'expert a rendu son rapport le 18 juillet 2014. Par décision du 5 septembre
2014, la Bâloise a statué qu'aucune prestation d'assurance ne pouvait être
allouée, à l'exception de l'indemnité pour frais funéraires. Les enfants du
défunt ont formé une opposition, que la Bâloise a écartée (décision sur
opposition du 24 novembre 2014).

B. 
Représenté par son curateur, A.________ a recouru devant la Chambre des
assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
La cour a tenu plusieurs audiences. Elle a entendu l'expert, ainsi que
plusieurs autres témoins, dont le docteur H.________, la personne qui avait été
le supérieur hiérarchique du défunt, ainsi que E.________. Statuant le 1 ^
er juin 2016, elle a admis le recours et annulé la décision sur opposition du
24 novembre 2014. Elle a dit que l'enfant A.________ avait droit à une rente
d'orphelin à partir du 1 ^er juin 2012.

C. 
La Bâloise forme un recours en matière de droit public dans lequel elle conclut
à l'annulation de l'arrêt attaqué et au rétablissement de sa décision sur
opposition.

A.________ conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral
de la santé publique ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1. 
La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de
l'assurance-accidents (en l'espèce une rente d'orphelin [art. 30 LAA]), le
Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction
précédente (art. 105 al. 3 LTF).

2. 
Selon l'art. 37 al. 1 LAA, si l'assuré a provoqué intentionnellement l'atteinte
à la santé ou le décès, aucune prestation d'assurance n'est allouée, sauf
l'indemnité pour frais funéraires. Même s'il est prouvé que l'assuré entendait
se mutiler ou se donner la mort, l'art. 37 al. 1 LAA n'est pas applicable si,
au moment où il a agi, l'assuré était, sans faute de sa part, totalement
incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de
suicide ou l'automutilation est la conséquence évidente d'un accident couvert
par l'assurance (art. 48 OLAA [RS 832.202]; voir à ce propos ATF 140 V 220
consid. 3 p. 222; 129 V 95).

Lorsqu'il y a doute sur le point de savoir si la mort est due à un accident ou
à un suicide, il faut se fonder sur la force de l'instinct de conservation de
l'être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du
caractère involontaire de la mort, ce qui conduit à admettre la thèse de
l'accident. Le fait que l'assuré s'est volontairement enlevé la vie ne sera
considéré comme prouvé que s'il existe des indices sérieux excluant toute autre
explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d'examiner
dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que
soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort. Lorsque les
indices parlant en faveur d'un suicide ne sont pas suffisamment convaincants
pour renverser objectivement la présomption qu'il s'est agi d'un accident,
c'est à l'assureur-accidents d'en supporter les conséquences (voir les arrêts
8C_773/2016 du 20 mars 2017 consid. 3.3; 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid.
3.1; 8C_324/2010 du 16 mars 2011 consid. 3.2; 8C_550/2010 du 6 septembre 2010
consid. 2.3; RAMA 1996 n° U 247 p. 168 [U 21/95] consid. 2b).

3. 
Du rapport d'expertise du docteur J.________, on peut retenir les éléments
essentiels suivants:

3.1. La première consultation médicale de l'assuré pour troubles psychiques
remonte au 26 octobre 2011. Lors de celle-ci, du Deprivita® lui a été prescrit.
Le défunt avait demandé des soins à plusieurs autres médecins pour ses
problèmes psychiques, avant de débuter un traitement auprès du docteur
H.________ dès le mois de janvier 2012. S'il avait respecté la prescription
médicale, il aurait dû être sous Escitalopram (Cipralex®) lors du décès et non
pas sous Citalopram. Le défunt souffrait d'un épisode dépressif sévère sans
symptômes psychotiques selon la dénomination de la CIM-10 (classification
internationale des troubles mentaux et du comportement) ou d'un trouble
dépressif majeur, épisode isolé, état actuel sévère, sans caractéristique
psychotique selon la terminologie du DSM IV (manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux). Bien que le dossier ne permette pas de répertorier
l'entier des éléments ayant conduit à poser le diagnostic d'épisode dépressif
sévère, l'expert se dit convaincu d'un tel diagnostic au vu des explications
données par le médecin psychiatre traitant. Le trouble dépressif avait été
suffisamment grave pour justifier une attestation d'incapacité de travail du 7
au 14 mai 2012. Même en souffrant d'un tel trouble, il était tout à fait
possible que le défunt fût à même de sauver la face dans certaines situations
et même d'avoir un rendement proche de la normale au travail s'il ne présentait
pas de ralentissement marqué, ni d'importantes difficultés à penser et à se
concentrer. Le dossier rapporte des fluctuations de la thymie et, par
conséquent, des légers mieux de plus ou moins longue durée. Statistiquement, 10
à 15 % des patients ayant présenté un épisode dépressif majeur modéré ou sévère
au cours de leur vie allaient mourir par suicide. D'autres facteurs de risque
doivent être pris en considération, en l'occurrence le sexe masculin. Dans les
facteurs de risque généraux et indépendants de la dépression, il faut retenir
en l'espèce la séparation et le divorce, les problèmes familiaux et la
probabilité de difficultés professionnelles. Il ne semblait pas que l'assuré
ait eu une compagne. Le rôle de la médication psychotrope devrait être écarté
dès lors que le taux sérique mesuré lors de l'autopsie était inférieur à la
zone thérapeutique et que ce type de problème se posait ordinairement une
dizaine de jours après l'introduction de l'antidépresseur. En revanche, on peut
se poser la question de l'observance de la prescription médicamenteuse et d'une
diminution de la posologie dans les jours ou la semaine précédant le décès, ce
qui aurait aussi pu constituer un facteur de risque suicidaire supplémentaire.
La présence d'un yaourt et d'une cuillère à côté du corps n'exclut pas
l'éventualité d'un suicide. Dans un contexte de désespoir et de ruminations
suicidaires, ces objets ont pu être jetés préalablement au sol avant le passage
à l'acte ou être gardés à la main lorsque l'assuré s'est précipité dans le
vide.

3.2. Toujours selon l'expert, en cas d'incapacité totale de discernement, il
est souvent fait référence à un raptus, à savoir une émotion paroxystique
immédiatement transformée en passage à l'acte. L'épisode dépressif sévère ne
valide pas une totale incapacité de discernement  per se. Le défunt n'était pas
particulièrement impulsif. Il n'y avait pas notion d'une quelconque instabilité
sur le plan personnel, professionnel ou social et il n'avait jamais été
question d'un trouble de la personnalité. Par conséquent, la notion de raptus
ne cadre pas avec ce qu'on sait du défunt.

3.3. En conclusion, l'expert retient un épisode dépressif sévère, sans
symptômes psychotiques (F32.2). Au regard des circonstances du décès et de la
nature de la pathologie psychiatrique, il considère que le suicide demeure
l'hypothèse la plus probable et ce, avec une vraisemblance prépondérante (> 50
%). Il se déclare convaincu, pour le cas où le suicide serait retenu, que
l'assuré n'était pas totalement incapable d'agir raisonnablement au moment de
l'acte.

4. 
Les premiers juges n'ont pas suivi les conclusions de l'expert, essentiellement
pour les motifs suivants:

4.1. Tout d'abord, son rapport reposerait sur un état de fait incomplet.
L'expert n'aurait questionné que le docteur H.________, sans chercher à obtenir
des renseignements auprès des autres médecins qui ont traité le patient. Le
rapport contiendrait en outre des imprécisions. C'est ainsi que l'expert
retient que la première consultation pour troubles psychiques est intervenue le
26 octobre 2011, alors que la première prise en charge psychiatrique, par le
docteur F.________, remonte à novembre 2011. Ensuite, la réalité de la gravité
de l'épisode dépressif attestée par l'expert ne serait pas établie. L'arrêt de
travail du 7 au 14 mai 2012 n'a pas été ordonné par un psychiatre traitant,
mais par le docteur G.________, spécialiste FMH en médecine interne, ce qui
permettrait de douter qu'il fût en relation avec des troubles psychiques.
L'assuré a certes dû, sur présentation d'un certificat médical, annuler un
voyage à l'étranger qu'il se proposait de faire avec son amie du 16 au 23 mai
2012 (voyage payé deux semaines auparavant). Interrogé à ce sujet en audience,
le docteur H.________ a confirmé avoir établi ce certificat (daté du 8 mai
2012). Toutefois, ce médecin n'a pas été en mesure de dire s'il avait rédigé
cette attestation en relation avec ce voyage. On ne pouvait donc pas affirmer
qu'à l'époque l'état de santé de l'assuré lui interdisait de voyager à
l'étranger.

4.2. D'autre part, lors de son audition, l'expert J.________ a indiqué s'être
fondé, également, sur la présence chez l'assuré de difficultés existentielles,
à savoir un divorce récent, un fils avec des problèmes psychiques ayant
entraîné une hospitalisation, ainsi que des difficultés professionnelles. La
juridiction cantonale relève à ce sujet que l'expert n'avait pas connaissance
du fait que l'assuré avait une amie avec laquelle il avait prévu de partir en
vacances à l'étranger. Il n'avait pas non plus tenu compte du fait que le jour
de son décès, le fils de l'assuré devait sortir de l'hôpital. Ces événements,
que la juridiction cantonale qualifie d'heureux, ne rendent pas vraisemblables
des difficultés existentielles qui auraient pu pousser le défunt à mettre fin à
ses jours. Quant aux difficultés professionnelles, elles ne seraient pas
avérées selon les premiers juges: le témoignage en audience du supérieur
hiérarchique établirait au contraire que l'employé donnait entière
satisfaction. Même si le projet informatique difficile qu'il menait faisait
l'objet d'un audit, l'employé avait fêté par un cocktail un "succès d'étape" du
projet. La juridiction cantonale met aussi en évidence le fait que l'assuré
avait acheté un cadeau - retrouvé à son domicile - pour son fils et qu'il se
préparait à fêter l'anniversaire de celui-ci. Enfin, elle relève encore, à
l'encontre des conclusions de l'expert, l'absence de lettre d'adieu et la
présence du pot de yaourt et d'une cuillère retrouvés à côté du cadavre,
corroborant selon elle l'absence d'un acte intentionnel.

4.3. Sur les causes probables de la chute, la juridiction cantonale prend en
considération l'existence des traces de ripage sous la forme de peinture
écaillée sur le côté droit de la barrière, à la hauteur de l'endroit où le
corps a été retrouvé. Ces traces rendent selon elle vraisemblable un choc
contre ladite barrière. La présence du skateboard sur le sol du balcon
permettrait d'envisager l'hypothèse que dans l'obscurité l'assuré ait trébuché
sur la planche à roulettes alors qu'il mangeait son yaourt et qu'il soit tombé
par-dessus le balcon au vu de la faible hauteur de la barrière. La marquise en
béton située au-dessus du rez-de-chaussée de l'immeuble et sise sur toute la
longueur accréditerait cette hypothèse. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi,
en l'absence d'un choc ayant eu un effet propulsant, le corps n'a pas heurté
ladite marquise qui est un peu plus profonde que le balcon. La juridiction
cantonale émet encore une autre hypothèse, soit un brusque malaise ou une perte
de connaissance qui a entraîné une chute par-dessus la barrière (l'ex-épouse a
déclaré qu'elle avait assisté à un malaise du défunt à la sortie de l'hôpital
après une visite commune à l'enfant). La mention à l'autopsie d'une
athérosclérose coronarienne généralisée modérée avec signes d'une
cholestérolose renforcerait cette hypothèse.

4.4. En définitive, la cour cantonale retient que les indices en faveur d'un
suicide ne sont pas suffisamment convaincants pour exclure toute autre
explication résultant des circonstances et renverser la présomption que la mort
a été causée par un accident.

5. 
Tant l'argumentation développée par les juges précédents que les conclusions
qu'ils en tirent ne peuvent être suivies.

5.1. On peut tout d'abord exclure - cela n'est pas contesté - l'intervention
d'une tierce personne, de même qu'une chute accidentelle sous l'emprise de
médicaments ou de l'alcool. En ce qui concerne le diagnostic, on ne saurait
guère nier l'existence d'un état dépressif sévère clairement attesté par le
docteur H.________, lequel a encore vu son patient quelques heures avant son
décès. Sur le plan personnel, l'assuré avait vécu et vivait une situation
pénible. Selon le docteur H.________ (procès-verbal d'audition du 3 juin 2015),
le patient était venu en consultation depuis le début de l'année 2012. Il avait
eu un divorce difficile en 2010/2011. A cette époque, il avait déjà souffert de
dépression et avait été traité par le docteur F.________. Le docteur H.________
a précisé qu'avant l'événement, le fils cadet avait souffert d'un problème
psychologique qui avait nécessité une hospitalisation en pédiatrie dans une
unité spécialisée. Lors de la dernière consultation (24 mai 2012), le patient
avait surtout parlé de cette hospitalisation. Il se faisait beaucoup de soucis
à ce propos. Au cours de précédentes consultations, il avait certes parlé d'une
relation qu'il avait eue après son divorce, mais au dire du médecin, cette
relation avait pris fin. Par ailleurs, contrairement à l'affirmation des
premiers juges, le fils cadet ne devait pas "sortir de l'hôpital" le 25 mai
2012. En réalité, comme cela ressort des déclarations de E.________
(procès-verbal d'audition du 16 septembre 2015), l'enfant, qui est resté
hospitalisé jusqu'au 19 juin 2012, avait des "droits de sortie", ce qui était
probablement le cas pour la journée du 25 mai 2012. S'agissant des difficultés
professionnelles, leur existence doit être considérée comme établie. Le patient
s'en était ouvert au docteur H.________ (voir les réponses données par ce
dernier à l'expert le 29 juin 2014). Le psychiatre a confirmé ce fait lors de
son audition. Quant au supérieur hiérarchique, il est resté très vague à ce
sujet. Il s'est contenté de déclarer n'avoir pas eu connaissance du fait que le
défunt "aurait fait l'objet d'une évaluation" (procès-verbal d'audition du 3
juin 2015). Enfin, on est fondé à considérer que l'incapacité de travail
attestée par le docteur G.________ (du 7 au 14 mai 2012) était bien en relation
avec l'état dépressif du patient. Lors de son audition, le docteur H.________ a
indiqué qu'il avait rédigé le 8 mai 2012 un certificat selon lequel le patient
n'était pas en état de quitter la Suisse pour les deux semaines à venir. Les
motifs étaient clairement d'ordre psychique (au dire du docteur H.________, le
patient était alors déprimé, anxieux et insomniaque).

5.2. La présence d'un pot de yaourt et d'une cuillère au côté du cadavre était
un fait connu de l'expert et discuté dans son rapport. Lors de son audition, le
docteur J.________ a précisé que l'on "ne pouvait rien en tirer" (procès-verbal
d'audition du 19 août 2015). La circonstance que le défunt avait préparé
l'anniversaire de son fils n'apparaît pas non plus décisive. A ce propos
l'expert a expliqué que l'assuré avait probablement des projets suicidaires
"depuis pas mal de temps" et qu'il y a eu une conjonction d'événements qui ont
fait qu'il a passé à l'acte "ce soir-là". L'absence de signes de dépression ou
de mal-être constatée par la mère la veille du drame, de même que l'absence
d'un message d'adieu ou d'une lettre d'explications, ne sont pas des éléments
de nature à exclure la thèse du suicide ni même à l'affaiblir. Il n'est pas
rare qu'un suicide apparaisse aux yeux des membres de la famille ou des proches
comme un événement totalement imprévisible et inexplicable (arrêt 8C_773/2016
du 20 mars 2017 consid. 4.2.3).

5.3. La thèse selon laquelle l'assuré a pu trébucher sur le skateboard qui se
trouvait sur le balcon, avec un effet propulsant, relève de la pure conjecture.
Rien ne dit que les traces de ripage relevées sur le balcon aient un quelconque
lien avec la chute. On peine au demeurant à imaginer que le simple fait de
trébucher ait pu entraîner un effet propulsant. Affirmer par ailleurs que
l'assuré a pu être victime d'un malaise est une simple supposition. A aucun
moment, les médecins légistes ne semblent considérer que l'affection
coronarienne - signalée par eux dans une importante liste de diagnostics
anatomo-pathologique - aurait pu jouer un rôle dans le décès. On peut au
demeurant penser qu'en cas de malaise, l'homme se serait affaissé et le corps,
à supposer qu'il ait basculé par dessus la rambarde, aurait vraisemblablement
heurté la marquise en tombant. Le fait que le corps n'a pas heurté cet obstacle
donne au contraire à penser que l'assuré s'est élancé de son propre mouvement
dans le vide.

5.4. En définitive, il n'existe pas d'éléments suffisamment concrets en faveur
d'un acte non intentionnel. Dans ces conditions, la juridiction cantonale
n'avait pas de raison de s'écarter des conclusions de l'expert. Le fait que
l'expertise contient certaines imprécisions, au demeurant sans importance pour
l'appréciation du cas, n'est pas de nature à en amoindrir la valeur probante.
De même, l'expert, qui n'avait pas une mission d'enquête, n'était pas tenu
d'entendre les médecins qui ont successivement traité l'assuré. Le plus
important était d'entendre le psychiatre qui avait soigné en dernier lieu le
patient et qui l'avait vu en consultation peu de temps avant le décès. Enfin,
le dossier contenait des renseignements qui étaient aussi de nature à permettre
à l'expert d'éclairer l'assureur, respectivement le juge, sur des points pour
lesquels le mandat d'expertise lui avait été confié. On notera, dans ce
contexte, que le docteur H.________ n'a d'aucune manière infirmé les
conclusions de l'expert.

6. 
Ainsi donc, à l'aune du degré de vraisemblance prépondérante qui est requis
(cf. ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338; 117 V 194 consid. 3b p. 194), la thèse
du suicide doit être retenue. On peut par ailleurs tenir pour établi, au vu des
explications convaincantes fournies par l'expert - au demeurant non contestées
sur ce point - que l'assuré n'était pas privé de sa capacité de discernement au
moment de l'acte. Il en résulte que la Bâloise était fondée à nier le droit aux
prestations de survivants en application de l'art. 37 al. 1 LAA.

7. 
Le recours se révèle bien fondé. L'intimé, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens (art.
68 al. 3 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis et le jugement de la Chambre des assurances sociales de la
Cour de justice de la République et canton de Genève du 1 ^er juin 2016 est
annulé. La décision sur opposition du 24 novembre 2014 est confirmée.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances
sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à
l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 1er mai 2017

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Maillard

Le Greffier : Beauverd

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