Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.251/2016
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
8C_251/2016

Arrêt du 10 avril 2017

Ire Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Maillard, Président, Frésard et Heine.
Greffier : M. Beauverd.

Participants à la procédure
Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances SA, Dufourstrasse 40, 9001 St-Gall,
recourante,

contre

A.________,
représenté par CAP Compagnie d'Assurance de Protection Juridique SA,
intimé.

Objet
Assurance-accidents (évaluation de l'invalidité; affection psychique)

recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de
justice de la République et canton de Genève du 22 février 2016.

Faits :

A. 
A.________ a travaillé en qualité de jardinier et chef d'équipe au service de
la société B._________ SA. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre
le risque d'accident auprès de la Compagnie d'assurances nationale suisse SA
(ci-après: la Nationale).
Le 5 octobre 1998, l'assuré a été victime d'une fracture styloïde du péroné
droit après être tombé d'une échelle d'une hauteur de trois mètres. La
Nationale a pris en charge le cas. Malgré la persistance des douleurs, l'assuré
a repris son activité professionnelle. Le 27 avril 1999, une arthroscopie de la
cheville droite a mis en évidence une importante lésion ostéo-cartilagineuse de
l'angle antéro-interne du dôme astragalien. La symptomatologie a évolué vers
une arthrose de l'articulation tibio-astragalienne. La Nationale a confié une
expertise au docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique (rapport
du 12 octobre 2005). Les douleurs se sont ensuite aggravées et l'assuré a subi
trois nouvelles opérations, soit la pose d'une prothèse totale le 17 octobre
2006, la révision et le débridement du tendon du membre tibial supérieur le 26
juin 2007, ainsi qu'une arthroscopie antérieure et dorsale avec décompression
et mobilisation de la cheville le 16 avril 2008.
Saisi d'une demande de prestations, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton de Genève (ci-après: l'office AI) a reconnu à l'assuré le droit à une
demi-rente d'invalidité du 1er septembre au 31 décembre 2005 et à une rente
entière à compter du 1er janvier 2006 (décision du 23 avril 2008).
Après avoir requis derechef l'avis du docteur C.________ (rapport du 1er
février 2010), la Nationale a alloué à l'intéressé une indemnité pour atteinte
à l'intégrité fondée sur un taux de 25 % (décision du 3 février 2010), ainsi
qu'une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 27 % à compter
du 1 ^er février 2010 (décision du 12 avril 2010). Saisie d'une opposition
contre la décision de rente du 12 avril 2010, la Nationale l'a réformée en ce
sens qu'elle a retenu un taux d'invalidité de 29 % (décision du 1er décembre
2010).

B.

B.a. L'assuré a déféré cette décision à la Chambre des assurances sociales de
la Cour de justice de la République et canton de Genève. En cours d'instance,
il a produit un rapport du docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie (du 6 juin 2011).
Après avoir recueilli l'avis du docteur C.________ (rapport du 27 juillet 2011)
et de la doctoresse E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et
médecin traitant (rapport du 6 juillet 2011), la cour cantonale a annulé les
décisions des 12 avril et 1er décembre 2010 et a reconnu à l'assuré le droit à
une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 100 % à
partir du 1er février 2010. Elle a considéré, en résumé, qu'il n'existait plus
de possibilités de travail réalistes pour l'assuré sur un marché du travail
équilibré compte tenu de ses limitations fonctionnelles (jugement du 24 octobre
2011).
Saisi d'un recours en matière de droit public formé par La Nationale, le
Tribunal fédéral a annulé le jugement entrepris et a renvoyé la cause à la
juridiction cantonale pour nouveau jugement. Celle-ci devrait examiner en
particulier la question du taux de capacité de travail raisonnablement exigible
sur le plan somatique et déterminer s'il existe un lien de causalité entre les
troubles psychiques allégués par l'intéresséet l'événement assuré, au besoin en
complétant l'instruction (arrêt du 7 décembre 2012 dans la cause 8C_926/2011).

B.b. Reprenant l'instruction de la cause, la cour cantonale a recueilli des
rapports du docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie
(des 2 avril, 27 mai et 11 juin 2013) et de la doctoresse E.________ (du 14
juin 2013) et elle a confié des expertises aux docteurs G.________, spécialiste
en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur (rapport du 2
juin 2014 et rapports complémentaires des 7 novembre 2014 et 20 février 2015),
et F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 15
septembre 2015).
Par jugement du 22 février 2016, la juridiction cantonale a annulé la décision
sur opposition du 1er décembre 2010 et a reconnu à l'assuré le droit à une
rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 100 % (chiffre 4 du
dispositif). En outre, elle a renvoyé la cause à l'assureur-accidents, dans le
sens des considérants, à savoir pour nouvelle évaluation du taux de l'indemnité
pour atteinte à l'intégrité allouée par décision du 3 février 2010 (chiffre 5
du dispositif). Par ailleurs, elle a mis à la charge de l'assureur-accidents
les frais (par 9'000 fr.) de l'expertise judiciaire psychiatrique établie par
le docteur F.________ (chiffre 6 du dispositif). Enfin, elle a condamné
l'assureur-accidents à payer à l'assuré une indemnité de dépens de 5'000 fr.
(chiffre 7 du dispositif).

C. 
Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances SA (ci-après: Helvetia), qui a succédé à
La Nationale, forme un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont elle demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, à
la confirmation de sa décision sur opposition du 1er décembre 2010.
L'intimé conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. La cour
cantonale, ainsi que l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à
présenter des déterminations.

Considérant en droit :

1.

1.1. Outre la reconnaissance du droit de l'intimé à une rente d'invalidité
fondée sur une incapacité de gain de 100 % et la condamnation de la recourante
à prendre en charge les frais de l'expertise judiciaire psychiatrique par 9'000
fr., le jugement attaqué ordonne le renvoi de la cause à l'assureur-accidents
pour nouvelle évaluation du taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité
allouée par décision du 3 février 2010 (chiffre 5 du dispositif). Cependant,
cette décision n'a pas fait l'objet d'une opposition de l'assuré, de sorte
qu'elle est entrée en force de chose décidée, comme l'a justement constaté la
cour cantonale dans son jugement du 24 octobre 2011. Celle-ci ne pouvait dès
lors pas revenir sur cette question dans le jugement attaqué et le chiffre 5 du
dispositif doit être annulé d'office.

1.2. Cela étant, le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF)
rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai
(art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc
recevable.

2. 
Le litige porte sur le taux de la rente d'invalidité de l'assurance-accidents à
laquelle a droit l'intimé depuis le 1 ^er février 2010. Singulièrement, il
s'agit d'évaluer sa capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée à
ses limitations fonctionnelles et de statuer sur l'existence éventuelle d'un
lien de causalité entre l'accident survenu le 5 octobre 1998 et les troubles
psychiques à l'origine d'une incapacité de travail.
La procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de
l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis
par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).

3. 
Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas
d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie
professionnelle.
Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA; RS 830.1) à 10 % au moins par suite d'un
accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer
le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité
qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les
mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

4.

4.1. En ce qui concerne la capacité résiduelle de travail dans une activité
adaptée aux limitations fonctionnelles, la cour cantonale a retenu que l'intimé
est capable, d'un point de vue orthopédique, d'exercer à raison de 50 % une
activité adaptée de gardien de parking, de réceptionniste, de téléphoniste ou
d'employé de bureau. Elle s'est fondée pour cela sur les conclusions du docteur
G.________ (rapport d'expertise du 2 juin 2014 et rapport complémentaire du 20
février 2015). Bien que le docteur C.________ ait conclu à une capacité de
travail entière dans une activité adaptée (rapport du 1er février 2010), la
juridiction précédente est d'avis qu'il convient de s'écarter de ce point de
vue au motif que, d'une part, l'expert C.________ n'a pas tenu compte de la
symptomatologie douloureuse dans l'examen des limitations fonctionnelles et
que, d'autre part, il n'a pas retenu le fait que l'intéressé ne peut piétiner
ni effectuer des marches prolongées, ce qui exclut certaines professions comme
celles de surveillant de musée, d'huissier, de gardien de parking actif ou de
réceptionniste-employé de bureau mobile. En ce qui concerne l'arrêt de renvoi
du 7 décembre 2012 (8C_926/2011), la cour cantonale considère qu'au demeurant,
le Tribunal fédéral n'a pas fixé la capacité de travail à un taux minimal de 75
%, contrairement à ce que soutient l'assureur-accidents.

4.2. La recourante invoque une appréciation arbitraire de l'état de fait en
tant que la cour cantonale a fixé à 50 % le taux de la capacité résiduelle de
travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. En
particulier, elle fait valoir que le jugement attaqué remet en question l'état
de fait établi par le Tribunal fédéral dans l'arrêt susmentionné, lequel
renvoyait la cause à la juridiction précédente pour fixer le taux de capacité
de travail dans une fourchette comprise entre 75 % et 100 %. Selon la
recourante, la cour cantonale n'avait dès lors pas de motif de confier une
nouvelle expertise orthopédique du moment que le docteur C.________ avait fait
état d'un taux de capacité de travail situé entre 75 % et 100 %.

4.3.

4.3.1. Dans son arrêt de renvoi du 7 décembre 2012, le Tribunal fédéral a
écarté le point de vue de la cour cantonale (jugement du 24 octobre 2011),
selon lequel l'assuré présentait une invalidité totale, au motif qu'il
n'existait plus pour lui de possibilités de travail réalistes sur un marché du
travail équilibré compte tenu de son handicap à la cheville droite. Il s'est
fondé pour cela sur le point de vue du docteur C.________ (rapport du 27
juillet 2011) et sur l'appréciation de la doctoresse E.________ (rapport du 11
mai 2010), selon laquelle la capacité de travail résiduelle était de 50 %,
voire (au maximum) de 75 % dans une activité s'exerçant en position assise.
Cela étant, le Tribunal fédéral a considéré qu'une activité exercée
principalement en position assise, permettant d'alterner les positions et ne
requérant pas de longs déplacements (en raison de l'utilisation de cannes)
restait exigible et il a renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour
nouvelle décision après avoir examiné notamment la question du taux de capacité
de travail raisonnablement exigible sur le plan somatique.

4.3.2. Ainsi, il ressort de l'arrêt de renvoi susmentionné que, d'une part, le
Tribunal fédéral n'a pas écarté d'emblée le fait que l'incapacité de travail
dans une activité adaptée pouvait être de 50 %. D'autre part, le renvoi pour
nouvel examen de la capacité de travail raisonnablement exigible sur le plan
somatique ne fait certainement pas obstacle à la mise en oeuvre d'une nouvelle
expertise orthopédique, bien au contraire.
En l'occurrence, les constatations objectives du docteur G.________ sont
essentiellement les mêmes que celles du docteur C.________. En revanche, le
docteur G.________ est d'avis que l'impact de ces atteintes sur la capacité
fonctionnelle de l'intimé est plus important, en particulier parce que
l'intéressé est astreint à utiliser des cannes lors de la marche. C'est
pourquoi il est d'avis que le taux de capacité de travail dans des activités de
gardien de parking, de réceptionniste, de téléphoniste ou d'employé de bureau
est, certes, compris dans une fourchette de 50 % à 75 % mais certainement plus
proche de 50 %. En outre, le fait que l'intéressé ne peut piétiner ni effectuer
des marches prolongées exclut certaines professions comme celles de surveillant
de musée, d'huissier, de gardien de parking actif ou de réceptionniste-employé
de bureau mobile. Il n'y a pas de motif de mettre en cause la force probante de
cette appréciation fondée sur les constatations objectives rapportées par
l'ensemble des médecins consultés. D'ailleurs, le docteur C.________ atteste de
son côté que l'assuré ne peut pas piétiner ni marcher plus de quelques mètres
sans cannes (rapport du 1er février 2010). On peut donc raisonnablement inférer
de ces constatations que l'intimé n'est pas en mesure d'exercer les activités
de surveillant de musée, d'huissier, de gardien de parking actif ou de
réceptionniste-employé de bureau mobile, comme l'atteste le docteur G.________.
Vu ce qui précède, on ne saurait reprocher à la juridiction précédente de se
fonder sur l'appréciation du médecin prénommé pour retenir, d'un point de vue
orthopédique, un taux de capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée,
lequel, au demeurant, n'est pas discuté par la recourante.

5. 
Sur le plan psychique, la cour cantonale a constaté l'existence d'un lien de
causalité naturelle et adéquate entre l'accident survenu le 5 octobre 1998 et
les troubles à l'origine d'une incapacité de travail entière, à savoir un
trouble dépressif majeur, en rémission partielle, gravité actuelle légère
(F32.5), et une personnalité borderline (abandonnique) décompensée (F60.31).

5.1. La recourante invoque une constatation arbitraire des faits pertinents en
tant que la cour cantonale a admis l'existence d'un lien de causalité naturelle
entre les troubles psychiques et l'accident. Elle lui reproche de s'être fondée
sur les conclusions de l'expert F.________ (rapport du 15 septembre 2015),
selon lesquelles la décompensation psychique est due à l'accident à raison de
50 %, d'autres facteurs comme le décès de plusieurs membres de sa famille ayant
eu une incidence sur l'état thymique-algique de l'intimé. La recourante
soutient qu'il convient bien plutôt de se fonder sur le point de vue de son
médecin-conseil, le docteur H.________ (rapport du 23 décembre 2015), lequel a
indiqué qu'un lien de causalité partielle entre les troubles psychiques et
l'accident était seulement possible.
En l'occurrence, il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner plus avant si
l'existence d'un lien de causalité naturelle est établie au degré de la
vraisemblance prépondérante, dès lors qu'en tout état de cause, l'existence
d'une relation de causalité adéquate doit être niée.

5.2.

5.2.1. La juridiction cantonale a admis l'existence d'un lien de causalité
adéquate entre les troubles psychiques et l'événement du 5 octobre 1998,
qu'elle a qualifié d'accident de gravité moyenne  stricto sensu. Elle a
considéré que quatre critères retenus par la jurisprudence (cf. ATF 115 V 133
consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409) étaient réalisés en
l'occurrence, à savoir:
la durée anormalement longue du traitement médical,
les douleurs physiques persistantes,
les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications
importantes, ainsi que
le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques.

5.2.2. De son côté, la recourante fait valoir que l'événement du 5 octobre 1998
doit être qualifié d'accident de gravité moyenne, à la limite des cas de peu de
gravité, et que seuls deux, voire trois critères déterminants sont réalisés.
Cependant, dans la mesure où ceux-ci ne revêtent pas une intensité
particulière, l'existence d'un lien de causalité adéquate doit être niée.

5.3.

5.3.1. En l'occurrence, il n'y a pas de motif de s'écarter du point de vue de
la cour cantonale, selon lequel l'accident est de gravité moyenne  stricto
sensu ( cf. p. ex. arrêt 8C_420/2013 du 30 mai 2014 consid. 7.1 et les arrêts
cités). Au demeurant, la recourante ne fait valoir aucun argument à l'appui de
son opinion divergente. Cela étant, pour que la causalité adéquate soit admise,
il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l'un des
critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour
l'accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/
2016 du 9 février 2017 consid. 4).

5.3.2. La juridiction précédente a retenu le critère des douleurs physiques
persistantes en se référant aux indications des médecins consultés, lesquels
ont fait état de douleurs au pied droit, apparues dès la survenance de
l'accident et devenues plus intenses et plus fréquentes depuis la dernière
intervention du 16 avril 2008 et postérieurement au 1 ^er décembre 2010.
En l'occurrence, le docteur F.________ s'est prononcé sur le lien entre le
trouble algique et le trouble dépressif majeur, en rémission partielle, de
gravité actuelle légère, constaté chez l'intimé et a indiqué que le dossier
était très lacunaire en ce qui concerne le moment de la survenance de cette
affection. Bien que ce diagnostic ait été posé pour la première fois en 2007,
l'expert relève la mention d'une douleur restée inexpliquée en 1999 (rapport du
docteur I.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, du 7 décembre 1999)
et d'un syndrome douloureux persistant, sans explication objective, en 2000
(rapport du docteur I.________ du 17 février 2000) et en 2004. Selon le docteur
F.________, si la plainte principale de l'intéressé a été focalisée durant des
années sur les douleurs à la cheville droite, celles-ci semblent
disproportionnées de par leur ampleur et le handicap induit. Il infère de cela
que la surcharge psychogène liée aux décès de la mère en 2001 et du frère aîné
en 2002, ainsi qu'au départ de la fille du foyer familial est à l'origine, de
manière très plausible, du développement, peu après la survenance de
l'accident, d'un trouble somatoforme douloureux, soit un équivalent dépressif
chez une personnalité fruste à faible pouvoir représentatif (rapport
d'expertise du 15 septembre 2015).
Cela étant, il apparaît que la surcharge psychique a exercé assez tôt une
influence majeure sur le tableau algique, en particulier sur son ampleur. Or,
la jurisprudence considère que les critères objectifs définis par la
jurisprudence, en particulier celui des douleurs physiques persistantes,
doivent être examinés en faisant abstraction des éléments psychiques (cf. ATF
115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409). Dans ces
conditions, on ne voit pas que les douleurs physiques se soient manifestées
d'une manière particulièrement marquante en l'occurrence et le critère des
douleurs physiques persistantes n'apparaît dès lors pas réalisé en
l'occurrence.

5.3.3. Par ailleurs, la cour cantonale a retenu le critère du degré et de la
durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques en se référant à
l'énumération des diverses périodes d'incapacité subies, d'un taux variable
(100 % et 50 %) et interrompues par des périodes de pleine capacité, attestées
jusqu'au 18 octobre 2005, date de la cessation définitive de l'activité. Elle a
relevé, en outre, que l'intimé avait tenté, dans toute la mesure du possible,
de reprendre son travail.
En l'occurrence, la liste des périodes d'incapacité de travail établie par la
cour cantonale mentionne toutefois plusieurs intervalles assez longs durant
lesquels l'intimé était apte à travailler, en particulier les périodes du 21
février 2000 au 2 mars 2001 (plus de douze mois), du 30 avril au 15 décembre
2001 (plus de sept mois) et du 31 mars 2003 au 2 février 2004 (dix mois). En
outre, l'incapacité de travail est largement liée à la surcharge psychique
pesant sur le tableau algique. En effet le docteur I.________ a préconisé la
reprise du travail à 100 % à partir du 1 ^er janvier 2000, au motif qu'il n'y
avait pas d'explication objective à la persistance des douleurs (rapport du 17
février 2000). De son côté, le docteur J.________ a accepté d'attester une
incapacité de travail de 50 % durant la période du 25 janvier au 20 février
2000, au motif que l'assuré alléguait ne pas pouvoir travailler toute la
journée, mais il a ordonné la reprise du travail à 100 % après cette période
(rapport du 29 février 2000). Quant au docteur K.________, il a refusé de
prescrire l'interruption de l'activité en dépit des plaintes de l'intéressé
(rapports des 24 novembre 2000 et 8 février 2001).
Cela étant, l'incapacité de travail entière conduisant à la cessation totale et
définitive de l'activité est due pour une large part à des facteurs psychiques,
de sorte que l'existence du critère du degré et la durée de l'incapacité de
travail liés aux seules lésions physiques doit être niée.

5.3.4. Vu ce qui précède, même en admettant que les deux autres critères
retenus par la cour cantonale et non encore examinés (la durée anormalement
longue du traitement médical et les difficultés apparues au cours de la
guérison, ainsi que les complications importantes) sont réalisés, il n'apparaît
pas que ces critères se soient manifestés d'une manière particulièrement
marquante, de sorte que l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les
troubles psychiques et l'accident - de gravité moyenne - du 5 octobre 1998 doit
être niée.

6. 
Il découle de ce qui précède que la capacité résiduelle de travail de l'intimé
dans une activité adaptée doit être fixée à 50 % en raison de ses seules
limitations fonctionnelles.

Dans sa décision sur opposition du 1er décembre 2010, la recourante a retenu un
revenu d'invalide de 55'775 fr. en tenant compte d'une pleine capacité de
travail dans une activité simple et répétitive selon le tableau TA1, niveau de
qualification 4, de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)
publiée par l'Office fédéral de la statistique, - soit un montant annuel brut
(non contesté) de 61'973 fr. en 2010 -, et en opérant un abattement sur le
salaire statistique de 10 %. Etant donné que la capacité résiduelle de travail
de l'intimé dans une activité adaptée s'élève à 50 % et compte tenu d'un
abattement de 10 %, le revenu d'invalide doit dès lors être fixé à 27'887 fr.
En comparant ce montant au revenu sans invalidité (non contesté) de 78'204 fr.,
on obtient un taux d'invalidité (arrondi) de 64 % ([78'204 - 27'887] : 78'204 x
100 = 64,34).

Cela étant, l'intimé a droit, à compter du 1er février 2010, à une rente
d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 64 % au lieu de 100 %.

7.

7.1. La recourante conteste sa condamnation par la cour cantonale à la prise en
charge des frais de l'expertise judiciaire psychiatrique confiée au docteur
F.________. Elle reproche aux premiers juges de n'avoir pas mis en oeuvre une
expertise pluridisciplinaire - orthopédique et psychiatrique - laquelle aurait
permis de clarifier les interactions complexes entre ces deux domaines. En
outre, elle soutient qu'elle n'a pas à prendre en charge les frais de
l'expertise ordonnée par la cour cantonale, dès lors qu'elle a respecté le
principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs
convergents et sur les conclusions d'une expertise répondant aux exigences de
la jurisprudence.

7.2. Selon la jurisprudence, les frais d'expertise font partie des frais de
procédure (cf. SVR 2013 IV n° 1 p. 1 [9C_13/2012] consid. 3; consid. 3 non
publié aux ATF 139 V 225 de l'arrêt 8C_984/2012 du 6 juin 2013). Aux termes de
l'art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l'instruction sont pris en charge par
l'assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l'assureur rembourse les frais
occasionnés par les mesures indispensables à l'appréciation du cas ou comprises
dans les prestations accordées ultérieurement.

Dans un arrêt ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a considéré que lorsque le
tribunal cantonal des assurances (respectivement le Tribunal administratif
fédéral) constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre
lui-même une expertise en oeuvre (consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Dans ce cas, les
coûts de l'expertise ordonnée par le tribunal auprès du COMAI peuvent être mis
à la charge de l'assurance-invalidité (consid. 4.4.2). Dans la mesure où, en
principe, les mêmes règles de procédure, à savoir les art. 43 à 49 LPGA, sont
applicables à l'instruction de la demande aussi bien en matière
d'assurance-invalidité que dans le domaine de l'assurance-accidents, les
principes jurisprudentiels régissant la prise en charge des frais d'expertise
du COMAI par les offices de l'assurance-invalidité valent également par
analogie lorsque le tribunal cantonal juge un complément d'instruction
nécessaire et ordonne la mise en oeuvre d'une expertise au lieu de renvoyer la
cause à l'assureur-accidents. Les frais d'expertise peuvent ainsi être mis à la
charge de l'assureur-accidents lorsque les résultats de l'instruction mise en
oeuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire
suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un
renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme
indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du
principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3 p. 226).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise
judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que
l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes
ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à
pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En
d'autres termes, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction
administrative et la nécessité de mettre en oeuvre une expertise judiciaire. En
revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire
et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les
conclusions d'une expertise qui répondait aux exigences jurisprudentielles, la
mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité
judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par
exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise
privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 p. 502 et les
références).

7.3. En l'espèce, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la cour cantonale
pour qu'elle examine notamment, au besoin en complétant l'instruction, s'il
existe un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre les troubles
psychiques allégués par l'assuré et attestés par les docteurs L.________,
spécialiste en médecine interne (cf. rapport du 10 mai 2010) et D.________ (cf.
rapport du 6 juin 2011), et l'événement assuré (arrêt 8C_926/2011 du 7 décembre
2012). Dans son rapport du 10 mai 2010, le docteur L.________ a indiqué que
l'intimé avait développé un état dépressif secondaire aux troubles
orthopédiques affectant la cheville droite. Cette affection avait nécessité un
traitement anti-dépresseur. Or, dans sa décision sur opposition du 1er décembre
2010, la recourante a considéré que même s'il existait un lien de causalité
entre l'état dépressif et l'accident, les conditions d'octroi d'une rente en
raison de cet état ne seraient pas réalisées au motif qu'à l'exception du
docteur L.________, aucun médecin n'avait mentionné un trouble psychique et
qu'au demeurant, ce médecin avait fait état d'une évolution progressivement
favorable. Cela étant, en laissant indécis, ou tout au moins en ne clarifiant
pas un point nécessaire à l'appréciation de la situation médicale, la
recourante a fait naître pour la cour cantonale la nécessité de mettre en
oeuvre un expertise sur le plan psychiatrique (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p.
352). L'expertise psychiatrique confiée au docteur F.________ apparaît dès lors
indispensable à la solution du litige et la juridiction précédente était fondée
à en faire supporter les frais à la recourante.

8. 
Vu ce qui précède, le recours apparaît partiellement bien fondé.

Etant donné l'issue du litige, il se justifie de répartir les frais à raison de
trois cinquièmes à la charge de la recourante et de deux cinquièmes à la charge
de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF), d'allouer à celui-ci une indemnité de dépens
réduite à la charge de la recourante (68 al. 1 LTF), laquelle n'a pas droit à
des dépens (art. 68 al. 3 LTF), et de renvoyer la cause à la cour cantonale
pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis. Le chiffre 4 du dispositif du jugement de
la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et
canton de Genève du 22 février 2016 est réformé en ce sens que l'intimé a
droit, à compter du 1 ^er février 2010, à une rente d'invalidité de
l'assurance-accidents fondée sur un taux d'incapacité de gain de 64 %. Le
recours est rejeté pour le surplus.

2. 
Le chiffre 5 du dispositif du jugement du 22 février 2016 est annulé.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour trois cinquièmes à la
charge de la recourante et de deux cinquièmes à la charge de l'intimé.

4. 
Le chiffre 7 du dispositif du jugement du 22 février 2016 est annulé et la
cause est renvoyée à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice
de la République et canton de Genève pour nouvelle décision sur les dépens de
la procédure antérieure.

5. 
Une indemnité de dépens de 1'200 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée)
est allouée à l'intimé à la charge de la recourante.

6. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances
sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à
l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 10 avril 2017
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Maillard

Le Greffier : Beauverd

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