Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.90/2016
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
2C_90/2016

Arrêt du 2 août 2016

IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier : M. Chatton.

Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Olivier Wehrli, avocat,
recourante,

contre

Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé,
B.________ SA,
représentée par Me Mattia Deberti, avocat.

Objet
Autorisation d'exploiter une pharmacie; qualité pour recourir d'une société
concurrente,

recours contre l'arrêt de la Cour de Justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 8 décembre 2015.

Faits :

A.

A.a. A.________ SA (ci-après: la Société 1) a notamment pour but l'exploitation
d'une pharmacie. C.________ SA (ci-après: la Société 2) a pour but l'achat, la
vente et le développement de projets immobiliers. D.________ SA (ci-après: la
Société 3) est active dans le domaine de la santé. B.________ SA (ci-après: la
Société 4) a pour but la vente de médicaments et de services pharmaceutiques.
L'ensemble de ces sociétés ont leur siège social à E.________ (GE). Les
Sociétés 2, 3 et 4 sont dirigées par les mêmes administrateurs.

A.b. En 2012, la Société 2 a été le maître d'ouvrage d'un bâtiment situé à
E.________, destiné à accueillir, sous le nom de "F.________" (ci-après: le
Centre médical), un centre d'activités de professionnels de la santé (médecins,
dentistes, centre d'imagerie médicale, pharmacie).

A.c. En septembre 2012, la Société 3, remplacée subséquemment par la Société 4,
a requis l'autorisation d'exploiter une pharmacie publique au sein du Centre
médical. Après avoir, le 3 avril 2013, effectué une inspection des locaux de la
pharmacie et rendu un rapport (ci-après: le Rapport), le Service du pharmacien
cantonal genevois (ci-après: le Pharmacien cantonal) a préavisé favorablement
le plan de ladite pharmacie, sous réserve du respect des exigences légales, de
même que l'octroi de l'autorisation sollicitée. Par arrêté non publié du 13 mai
2013, le Département cantonal des affaires régionales, de l'économie et de la
santé (ci-après: le Département de la santé) a octroyé à la Société 4 une
autorisation d'exploiter la pharmacie dans le Centre médical, en conditionnant
celle-ci à la mise en place d'une signalétique permettant de séparer la
pharmacie des autres institutions de santé établies dans le Centre médical,
ainsi qu'à la garantie d'un accès continu du public à la pharmacie en cas de
service de garde.

A.d. En parallèle, le 7 février 2013, la Société 3, à laquelle la Société 4
s'est par la suite substituée, a déposé une demande d'autorisation de
construire en procédure accélérée pour l'aménagement du rez-de-chaussée du
Centre médical en une pharmacie. Cette demande a été préavisée favorablement
par le Pharmacien cantonal le 17 avril 2013. Le 30 juillet 2013, le Département
cantonal de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après: le
Département de l'aménagement) a accordé l'autorisation sollicitée. La Société 1
a recouru contre cette décision le 23 août 2013 auprès du Tribunal
administratif de première instance de la République et canton de Genève.

A.e. Le 19 août 2013, la Société 1 a obtenu par courriel du Pharmacien cantonal
une copie de l'autorisation d'exploiter du 13 mai 2013, mais s'est vu refuser
l'accès notamment au Rapport du 3 avril 2013. Le 30 octobre 2013, le
Département de la santé a dénié à la Société 1 l'accès au Rapport. La Société 1
a recouru contre cette décision auprès de la Chambre administrative de la Cour
de Justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de Justice),
dans le cadre d'une procédure cantonale distincte. Le juge délégué de la Cour
de Justice a obtenu la production du "volet inspections", contenant le Rapport,
dans le cadre de ladite procédure, mais en a interdit la consultation aux
parties.

B. 
Le 18 septembre 2013, la Société 1 a recouru contre l'autorisation d'exploiter
une pharmacie, délivrée le 13 mai 2013 à la Société 4, auprès de la Cour de
Justice, laquelle a appelé en cause la Société 4. Un transport sur place a eu
lieu le 10 juin 2014, dans le cadre duquel la Cour de Justice a notamment
constaté que les locaux des Sociétés 1 et 4 étaient séparés par un seul
bâtiment, correspondant à une centaine de mètres de distance. Par arrêt du 8
décembre 2015, la Cour de Justice a déclaré irrecevable, pour défaut de la
qualité pour recourir, le recours interjeté par la Société 1 le 18 septembre
2013 contre l'arrêté du 13 mai 2013 autorisant la Société 4 à exploiter une
pharmacie au sein du Centre médical.

C. 
La Société 1 saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière de droit public
contre l'arrêt d'irrecevabilité de la Cour de Justice du 8 décembre 2015. La
recourante conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à
l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale en
l'invitant à rendre une nouvelle décision conforme aux considérants;
subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt précité et de l'autorisation
d'exploiter une pharmacie octroyée à la Société 4. Il n'a pas été procédé à un
échange des écritures.

Considérant en droit :

1.

1.1. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré
irrecevable pour défaut de la qualité pour agir est habilité à contester
l'arrêt d'irrecevabilité par un recours en matière de droit public lorsque la
cause au fond aurait pu être déférée au Tribunal fédéral par cette voie de
droit (ATF 135 II 145 consid. 3.2 p. 149; arrêt 68/2015 du 13 janvier 2016
consid. 4.3). En l'espèce, le recours est dirigé contre un arrêt
d'irrecevabilité rendu en dernière instance cantonale dans le cadre d'une
contestation portant au fond sur une cause de droit public (art. 82 let. a
LTF), à savoir la délivrance par le Département de la santé d'une autorisation
d'exploiter une pharmacie à une société concurrente, et ne tombant pas sous le
coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit
public est donc en principe ouverte.

1.2. Inscrite en tant que société anonyme au registre du commerce genevois, la
Société 1 dispose de la personnalité morale (cf. art. 643 al. 1 CO [RS 220])
et, partant, de la capacité d'être partie ainsi que d'ester en justice. La
recourante a participé à la procédure devant la Cour de Justice. Elle est en
outre directement touchée par l'arrêt d'irrecevabilité attaqué et dispose a
priori d'un intérêt digne de protection à son annulation, car il lui dénie le
droit d'obtenir une décision au fond contre laquelle elle pourrait recourir
(cf. art. 89 al. 1 LTF; ATF 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; arrêts 2C_68/2015 du
13 janvier 2016 consid. 1.2; 1C_636/2015 du 26 mai 2016 consid. 1). Le point de
savoir si la recourante dispose, comme elle le prétend, d'un droit à une telle
décision relève du fond (arrêt 2C_1006/2014 du 24 août 2015 consid. 1.2, non
publié in ATF 141 I 172).

1.3. Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile compte tenu des
féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites
(art. 42 LTF), de sorte que le recours en matière de droit public est
recevable, sous réserve du considérant suivant.

1.4. La conclusion subsidiaire de la recourante tendant à l'annulation de
l'arrêt cantonal et de l'autorisation d'exploiter une pharmacie octroyée à la
Société 4 est irrecevable, car elle dépasse l'objet du litige, seule la
décision de la Cour de Justice prononçant l'irrecevabilité du recours cantonal
pouvant être remise en cause en l'occurrence (ATF 135 II 145 consid. 3.1 p.
148).

2. 
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle
librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature
constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des
exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet
alinéa, le Tribunal fédéral n'examine les droits fondamentaux que si le grief a
été invoqué et motivé par le recourant (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 136
II 304 consid. 2.5 p. 314).
Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF),
la violation du droit cantonal en tant que tel ne peut être invoquée devant le
Tribunal fédéral. Il est néanmoins possible de faire valoir que son application
consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre
l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits
constitutionnels (ATF 141 IV 305 consid. 1.2 p. 308; arrêt 2C_655/2015 du 22
juin 2016 consid. 3.1, non destiné à la publication officielle).

3. 
Le litige porte sur la question de savoir si la Cour de Justice pouvait à bon
droit refuser d'entrer en matière sur le recours formé devant elle par la
Société 1 à l'encontre de l'autorisation d'exploiter une pharmacie octroyée à
la Société 4. A cet égard, la recourante invoque la violation de l'art. 89 LTF
relatif à la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral en lien avec
l'art. 111 LTF ("unité de la procédure").

3.1. L'art. 111 al. 1 LTF prévoit que  "la qualité de partie à la procédure
devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a
qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral". Il en découle que si les
cantons demeurent libres de concevoir la qualité pour recourir devant leurs
propres autorités de manière plus large que celle devant le Tribunal fédéral,
il leur est en revanche interdit d'apprécier cette qualité de manière plus
restrictive (ATF 138 II 162 consid. 2.1.1 p. 164; arrêts 2C_68/2015 du 13
janvier 2016 consid. 4.2; 1C_822/2013 du 10 janvier 2014 consid. 2.1). Il
convient partant de vérifier librement (art. 106 al. 1 LTF), à l'aune de l'art.
89 al. 1 LTF, si la qualité pour recourir retenue par la Cour de Justice
s'avère conforme au standard minimum posé par le droit fédéral à l'art. 111 al.
1 LTF (cf. ATF 135 II 145 consid. 4 p. 149 et consid. 5 p. 150; arrêt 2C_68/
2015 précité, consid. 4.2).

3.2. En tant que condition de recevabilité, la qualité pour recourir définit le
cercle des personnes à qui est reconnue la faculté de contester un acte
administratif. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un
recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente ou été privé de la possibilité de le faire (let. a); est
particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b);
et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let.
c). Selon la jurisprudence, ces conditions sont cumulatives (ATF 137 II 40
consid. 2.2 p. 43). Constitue un intérêt digne de protection, au sens de l'art.
89 al. 1 let. c LTF, tout intérêt pratique ou juridique à demander la
modification ou l'annulation de la décision attaquée. Il consiste donc dans
l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui
évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre
que la décision attaquée lui occasionnerait. Cet intérêt doit être direct et
concret; en particulier, le recourant doit se trouver, avec la décision
entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris
en considération. Il doit être touché dans une mesure et avec une intensité
plus grande que l'ensemble des administrés (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p.
164).

3.3. De jurisprudence constante, dans le but d'exclure l'action populaire (cf.
ATF 123 II 376 consid. 2 p. 378; arrêts 2C_888/2015 du 23 mai 2016 consid. 2.1;
2C_457/2011 du 26 octobre 2011 consid. 3.3), les concurrents du bénéficiaire
d'une autorisation n'ont pas qualité pour recourir du seul fait qu'ils
invoquent la crainte d'être exposés à une concurrence accrue; une telle
conséquence découle naturellement du principe de la libre concurrence (cf. ATF
142 II 80 consid. 1.4.2 p. 84; 141 II 262 consid. 7.1 p. 279; 139 II 328
consid. 3.3 p. 333; arrêts 2C_888/2015 du 23 mai 2016 consid. 4.4; 2P.169/2006
du 20 septembre 2007 consid. 3.3). En vue de fonder sa qualité pour recourir,
un concurrent doit établir l'existence d'un rapport particulièrement étroit et
digne de protection (en all.: "eine schutzwürdige besondere Beziehungsnähe")
avec l'objet du litige; cette relation doit résulter de la législation
applicable au fond. Un tel intérêt digne de protection est susceptible de se
présenter dans les branches économiques qui sont gouvernées par des normes de
politique économique ou par d'autres règles spécifiques ayant pour effet de
placer les concurrents dans une telle relation particulièrement étroite les uns
avec les autres (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2 p. 84; 139 II 328 consid. 3.3 p.
333; arrêt 2C_622/2013 du 11 avril 2014 consid. 2.3). Un concurrent dispose
également de la qualité pour recourir lorsqu'il fait valoir que d'autres
concurrents bénéficient d'un traitement de faveur (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2
p. 84; 139 II 328 consid. 3.3 p. 333; arrêts 2C_622/2013 du 11 avril 2014
consid. 2.3; 2P.169/2006 du 20 septembre 2007 consid. 3.3).

3.4. La recourante prétend, en substance, que la Cour de Justice aurait dû la
considérer comme étant directement atteinte dans ses intérêts dignes de
protection pour deux motifs distincts (cf. consid. 3.5 et 3.6 infra).

3.5. En premier lieu, la recourante affirme que la loi cantonale genevoise sur
la santé du 7 avril 2006 (LS/GE; RS/GE K 1 03) et le règlement cantonal sur les
institutions de santé du 22 août 2006 (RISanté/GE; RS/GE K 2 05.06), qui
régissent notamment les pharmacies publiques, ne poursuivraient pas
exclusivement, comme retenu par la Cour de Justice, un but de police, mais
qu'ils seraient également destinés à protéger l'intérêt économique des
(pharmaciens) concurrents. Pour cette raison, ceux-ci auraient qualité pour se
plaindre de la violation de ces normes par des tiers. La recourante étaie son
point de vue en citant les art. 114 al. 3 LS/GE et 60 al. 1 RISanté/GE, dont la
teneur est la suivante:
Art. 114 al. 3 LS/GE: "La vente directe de médicaments par le médecin traitant
(pro-pharmacie) est interdite. Les médecins et les dentistes peuvent cependant
administrer directement de manière non renouvelable des médicaments à leurs
patients dans les cas d'urgence".
Art. 60 al. 1 RISanté/GE: "La pharmacie doit avoir une entrée sur la voie
publique et être clairement séparée de tout autre commerce ou institution de
santé".

3.5.1. On ne voit pas que les deux dispositions citées par la recourante aient
(également) pour but d'accorder une protection spécifique aux pharmacies.
Hormis la circonstance que l'interdiction de la pro-pharmacie, à savoir la
vente de médicaments par les médecins, ne présente aucun lien avec le présent
litige, il résulte du renvoi que les travaux préparatoires relatifs à l'art.
114 LS/GE opèrent vers les ATF 118 Ia 175 et 119 Ia 433 (cf. exposé des motifs
accompagnant le projet de loi sur la santé PL 9328 du Conseil d'Etat genevois,
du 2 juillet 2004, p. 100) qu'une telle interdiction vise à garantir un réseau
de soins suffisamment dense dans le but de mieux protéger la santé de la
population et qu'elle poursuit partant un intérêt de santé publique légitime
(cf., en particulier, ATF 118 Ia 175 consid. 3c p. 182; de manière générale,
sur le but d'intérêt public des règles relatives à la remise des médicaments,
cf. ATF 142 II 80 consid. 2.2 p. 86 s.). Quant à l'exigence que les locaux
d'une pharmacie soient reconnaissables et physiquement séparés des autres
commerces et institutions de santé, au sens de l'art. 60 RISanté/GE, elle
traduit le besoin du public de se procurer, en toute sécurité, conseils et
médicaments auprès de pharmacies clairement identifiables et dignes de
confiance et ne poursuit dès lors aucun but de politique économique.

3.5.2. Cette analyse est corroborée par l'interprétation et les objectifs de la
LS/GE et de son règlement. Dans leur ensemble, ces actes normatifs entendent
ainsi poser des règles de qualité et de transparence qui sont destinées à
protéger le public à l'attention des professionnels de la santé; ces derniers,
en particulier, "fournissent  des soins en étant en contact avec leurs patients
ou en traitant leurs données médicales" (cf. art. 71 al. 1 LS/GE). En outre,
tel qu'il résulte de l'exposé des motifs précité du Conseil d'Etat (p. 101),
l'objectif prioritaire de la LS/GE est de permettre au canton d'agir tant
envers les professionnels de la santé qu'aussi par rapport à toute activité à
risque (cf. art. 124 LS/GE) en vue de protéger la santé publique. Même les
dispositions concernant la planification sanitaire cantonale apparaissent comme
exclusivement axées sur la volonté de garantir une égalité d'accès de la
population à des soins de qualité (art. 1 al. 2 cum 28 ss LS/GE; cf. arrêt
2P.169/2006 du 20 septembre 2007 consid. 3.3), sans qu'il n'y soit pour autant
question de soumettre les pharmaciens à des règles, notamment de nature
corporatiste, de contingentement (ATF 125 I 7 consid. 3e p. 10) ou équivalant à
l'introduction d'une clause du besoin (cf., par exemple, ATF 140 I 218 consid.
6.4 p. 231; arrêt 2C_94/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2.3, in FINMA-Bulletin 4
/2013 p. 54), qui obligeraient les concurrents à interagir d'une manière
particulièrement étroite. S'il est certes vrai que les autorités cantonales
doivent appliquer la LS/GE et le RISanté/GE de manière à ne pas fausser la
concurrence, ce devoir est toutefois le propre de toute réglementation de
police et ne fonde donc pas un régime spécial de politique économique (arrêt
2C_94/2012 précité, consid. 2.7), dont la recourante serait en mesure de
déduire la qualité pour recourir contre l'autorisation octroyée à une pharmacie
concurrente.

3.5.3. Par conséquent, on ne peut reprocher à la Cour de Justice d'avoir nié
l'existence de normes ou de règles cantonales conférant une protection
(économique) particulière aux pharmacies concurrentes ou instaurant des liens
de proximité intenses entre ces dernières.

3.6. La recourante affirme, en second lieu, que la Société 4 aurait bénéficié
d'un traitement de faveur et contraire au droit, qui justifierait que la
qualité pour recourir contre l'autorisation d'exploiter une pharmacie octroyée
à cette dernière concurrente lui soit reconnue. La recourante soutient que
l'exploitation, par les mêmes personnes et dans un même immeuble - à savoir le
Centre médical -, d'une pharmacie publique (par la Société 4) et d'une
pharmacie d'assistance pharmaceutique (par la Société 3; cf. art. 102 LS/GE),
qui plus est en dérogation aux exigences de séparation physique des locaux
fixées par l'art. 60 al. 1 RISanté/GE, favoriserait indûment les intérêts
économiques de la Société 4 au détriment de ceux de la recourante, dont les
locaux se trouvent à proximité immédiate du Centre médical et qui accuserait
d'ores et déjà une diminution de son chiffre d'affaires.

3.6.1. Il sera d'emblée rappelé (consid. 3.3 supra) que, contrairement à ce que
semble soutenir la recourante, la perte de parts de marché ou la baisse du
chiffre d'affaires consécutives à l'installation d'un nouveau concurrent à
proximité d'une autre entreprise ne fondent pas, à elles seules, la qualité
pour recourir de celle-ci à l'encontre de l'autorisation d'exploiter un
commerce octroyée à son concurrent. Il s'agit là en général des conséquences
naturelles de la libre concurrence, qui est protégée par les art. 27 et 94 Cst.
De surcroît, le seul intérêt des concurrents à ce que les règles générales
soient correctement appliquées à toutes les entreprises ne leur confère pas non
plus la qualité pour recourir (arrêts 2C_622/2013 du 11 avril 2014 consid.
2.4.3; 2C_94/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2.3, in FINMA-Bulletin 4/2013 p.
54). Les arguments de la recourante tirés de sa proximité, à une distance de
100 mètres environ, du Centre médical et de la perte alléguée de son chiffre
d'affaires ne sauraient donc, à eux seuls, fonder sa qualité pour recourir
contre l'autorisation accordée à sa concurrente.

3.6.2. Par ailleurs, on ne voit pas - et la recourante ne le démontre point -
en quoi l'assimilation, par les autorités cantonales, du Centre médical
abritant la Société 4 à un centre commercial serait arbitraire. Compte tenu des
différences entre la situation d'une pharmacie intégrée dans un tel centre et
celle d'une pharmacie qui, à l'instar de la Société 1, dispose de locaux
séparés donnant directement sur la voie publique, on ne saurait reprocher à la
Cour de Justice d'avoir, à tout le moins implicitement, retenu que l'adaptation
des règles applicables et l'imposition d'exigences spécifiques à la Société 4
en vue de tenir compte de sa situation ne constituaient pas un traitement de
faveur au détriment de la Société 1, malgré leur relative proximité
géographique. Il résulte au demeurant des faits constatés dans l'arrêt attaqué,
qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), et des faits auxquels
l'arrêt cantonal se réfère (art. 105 al. 2 LTF; cf., en particulier, le
procès-verbal relatif au transport sur place que la Cour de Justice a effectué
le 10 juin 2014, ainsi que celui relatif à la comparution personnelle des
parties du 28 avril 2014), que les autorités cantonales ont considéré que la
Société 4 respectait les exigences auxquelles la soumettait l'arrêté litigieux
du 13 mai 2013, à savoir, d'une part, l'existence d'une signalétique pour
identifier et séparer clairement la pharmacie des autres institutions de santé
sises dans le Centre médical, et d'autre part, la garantie que l'accès du
public à la pharmacie soit possible en permanence afin d'assurer, s'il y a
lieu, un service de garde: d'une part, un accès permanent à la pharmacie
publique exploitée par la Société 4 demeurait possible en tant que de besoin
via un sas et, hors des heures d'ouverture du Centre médical, par une porte
particulière; d'autre part, la pharmacie de la Société 4 disposait de sa propre
enseigne et d'un drapeau à croix verte. En outre, le risque de voir la
pharmacie publique profiter des achats de médicaments au prix d'usine effectués
par la pharmacie d'assistance médicale (cf. art. 81 RISanté/GE) sise dans le
même Centre médical était neutralisé par les contrôles ciblés opérés par le
Pharmacien cantonal à cet égard (cf. procès-verbal du 28 avril 2014, p. 4; voir
aussi les explications fournies par la Société 4 en p. 5). Quant à l'avantage
compétitif que redoute la recourante du fait que la pharmacie publique
concurrente sera fréquentée par la clientèle des autres prestataires de soins
au sein du Centre médical, il ne dérive pas des normes cantonales ou de leur
application, tel que l'affirme la recourante, mais bien du regroupement,
purement factuel, de plusieurs entreprises de soins, dont des cabinets
médicaux, dans un unique bâtiment. Par conséquent, la Cour de Justice n'a pas
violé le droit en réfutant l'existence d'un traitement de faveur concernant la
Société 4.

3.7. C'est aussi en vain que la recourante se prévaut des ATF 97 I 591 (consid.
2 p. 593) et 98 Ib 226 (consid. 2 p. 228 s.) pour fonder sa propre qualité pour
recourir. Dans ces deux causes relatives au même litige, à savoir le recours
formé par des pharmacies à l'encontre de l'autorisation d'ouvrir une pharmacie
avec un horaire plus large au sein d'une gare ferroviaire, la qualité pour
recourir avait en effet été reconnue, d'une part, parce que la pharmacie de
gare avait été autorisée à pratiquer des heures d'ouverture considérablement
plus larges que les horaires imposés aux pharmacies concurrentes, de sorte à en
retirer un avantage compétitif évident. D'autre part et surtout, cette
autorisation intervenait sur un marché qui était régi par une clause du besoin,
ce qui avait pour effet d'instaurer un lien étroit entre les divers
concurrents. Une pareille situation fait cependant défaut en l'espèce.

3.8. La recourante n'invoque de surcroît aucune application arbitraire du droit
de procédure cantonal susceptible, le cas échéant, de lui conférer une qualité
pour agir cantonale dépassant les exigences minimales fixées par les art. 89
al. 1 et 111 al. 1 LTF (cf. arrêt 2C_622/2013 du 11 avril 2014 consid. 2.5).

3.9. En résumé, la Cour de Justice n'a pas violé le droit en refusant à la
Société 1 la qualité pour recourir contre l'arrêté du 13 mai 2013 et, ainsi, en
n'entrant pas en matière sur son recours du 19 novembre 2013. En tant que la
recourante se prévaut, comme grief supplémentaire, de l'interdiction du déni de
justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) en lien avec cette décision cantonale
d'irrecevabilité, en reprochant à la Cour de Justice de ne pas s'être prononcée
sur diverses questions matérielles, son grief se recoupe avec ceux qui viennent
d'être abordés et doit donc être écarté pour les mêmes motifs.

4. 
La recourante se plaint aussi d'une violation par la Cour de Justice de son
droit d'être entendue, en lien avec le refus par le Département de la santé de
lui donner accès au rapport d'inspection du Pharmacien cantonal du 3 avril 2013
au sujet des locaux de la Société 4. Elle expose que, le 20 novembre 2014, le
juge délégué de la Cour de Justice avait, à teneur de l'arrêt entrepris (p.
10), ordonné au Département de la santé de lui transmettre le Rapport considéré
comme devant être soustrait à la consultation de la recourante. Le 25 novembre
2014, ce Rapport avait été communiqué à la Cour de Justice dans le cadre d'une
procédure de recours distincte engagée par la recourante à l'encontre du refus
de consultation précité. La recourante dit ignorer si la Cour de Justice a tenu
compte du "volet inspections" incluant ledit Rapport dans l'optique de rendre
l'arrêt litigieux, notamment pour déterminer si la Société 4 avait bénéficié
d'un traitement de faveur ou non.

4.1. Consacré à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu garantit
notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de
s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise
touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir
qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à
l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur
son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (
ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299; 135 I 279 consid. 2.3 p. 282).

4.2. En l'occurrence, il résulte de l'arrêt attaqué que le Rapport a été
transmis à la Cour de Justice dans le contexte d'une autre procédure portant
sur le refus par le Département de la santé de divulguer ledit document (arrêt
attaqué, p. 10, ch. 43). Or, rien n'indique - et la recourante ne le rend
nullement vraisemblable - que les juges cantonaux auraient pris en compte le
Rapport dans le cadre du présent litige. Au demeurant, ceux-ci ont nié
l'existence d'un traitement de faveur ou contraire au droit, susceptible de
conférer la qualité pour recourir à la Société 1, sur la base des "mesures
d'instruction de la  présente procédure" (arrêt attaqué, p. 13), ce qui permet
sans arbitraire d'exclure la prise en compte d'éléments versés dans le cadre
d'une procédure formellement distincte.

4.3. En outre, il ne saurait être reproché à la Cour de Justice, comme y
procède pourtant la recourante, d'avoir opéré une appréciation anticipée
arbitraire des preuves en refusant d'intégrer le Rapport contesté au dossier de
la présente cause. En effet, les offres de preuves présentées par la recourante
portaient sur des éléments sans pertinence, qui n'étaient d'emblée pas à même
de fonder un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en
considération avec l'objet de la contestation, lequel se limite au déni de la
qualité pour recourir et au refus d'entrer en matière par la Cour de Justice
(cf. arrêts 2C_622/2013 du 11 avril 2014 consid. 2.5; 2C_166/2012 du 10 mai
2012 consid. 4.2). Partant, les griefs de la recourante tirés de son droit
d'être entendue et d'une appréciation anticipée des preuves arbitraire par la
Cour de Justice doivent être écartés.

4.4. Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté, en tant qu'il est
recevable.

5. 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). Etant donné que les intimés n'ont pas été invités à se déterminer et que
le Département cantonal obtient gain de cause dans l'exercice de ses
attributions, il n'y a pas lieu de leur accorder des dépens (art. 68 al. 1, 2
et 3 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
Il n'est pas alloué de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de la
société intimée, au Département de l'emploi, des affaires sociales et de la
santé, Direction générale de la santé, ainsi qu'à la Cour de Justice de la
République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section.

Lausanne, le 2 août 2016

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

Le Greffier : Chatton

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