Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.567/2016
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]               
2C_567/2016, 2C_568/2016     

Arrêt du 10 août 2017

IIe Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffier : M. Dubey.

Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Alan Hughes, avocat,
recourante,

contre

Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204
Genève.

Objet
Impôts fédéral direct, cantonal et communal 2008, contribution d'entretien,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 10 mai 2016.

Faits :

A. 
A.A.________ (ci-après : la contribuable) et B.A.________ se sont mariés le 2
décembre 1988 à Londres. Ils ont deux enfants, nés en 1990 et en 1993. En 2008,
toute la famille était domiciliée dans le canton de Genève. Le 17 décembre
2009, B.A.________ a demandé que l'Administration fiscale cantonale du canton
de Genève taxe les époux de manière séparée. En effet, depuis le mois de
février 2008, il ne faisait plus ménage commun avec son épouse. Ils avaient
déjà pris les dispositions nécessaires en vue de régler leur vie séparée
jusqu'à l'introduction formelle d'une demande de divorce ou de séparation de
corps. Il contribuait à l'entretien de son épouse, qui ne disposait d'aucune
source de revenu propre et de ses deux enfants, dont l'un était majeur, de
trois façons différentes : - en laissant à son épouse l'usage de ses cartes de
crédit; - en alimentant un compte précis auquel elle avait accès; - en prenant
en charge certaines factures. Depuis début 2008, ils ne faisaient plus «caisse
commune» pour le logement, l'entretien et les loisirs et il n'existait plus
aucune gestion partagée des moyens financiers. De plus, depuis le mois de mars
2008, l'organisation de leur vie séparée s'étendait également aux décisions
relatives à leurs enfants. B.A.________ a produit son contrat de bail, dont le
début était fixé au 1er février 2008.

Dans sa déclaration fiscale 2008, la contribuable a indiqué sous la rubrique
«13.10 Pensions alimentaires, contributions d'entretien» un montant de 306'832
fr. perçus de la part de son mari.

Le 16 septembre 2013, l'Administration fiscale cantonale a imposé la
contribuable pour l'impôt fédéral direct, cantonal et communal 2008 sur un
montant de 306'832 fr. au titre de pensions alimentaires. Le 17 octobre 2013,
la contribuable a déposé une réclamation à l'encontre des deux bordereaux 2008.
Le 6 février 2014, l'Administration fiscale cantonale, par deux décisions sur
réclamation distinctes relatives l'une à l'impôt fédéral direct ainsi qu'à
l'impôt cantonal et communal 2008, a décidé de maintenir la taxation de la
contribuable.

Par jugement du 5 février 2015, le Tribunal administratif de première instance
du canton de Genève a admis partiellement les recours de la contribuable et
renvoyé le dossier à l'Administration fiscale cantonale pour nouvelles
décisions de taxation : seuls 244'200 fr. devaient être considérés comme une
pension alimentaire imposable et non pas 306'832 fr.

B. 
Par arrêt du 10 mai 2016, la Cour de justice du canton de Genève a
partiellement admis le recours déposé par la contribuable contre le jugement
rendu le 5 février 2015 par le Tribunal administratif de première instance du
canton de Genève, fixé le montant total de la contribution d'entretien pour
l'année 2008 à 223'850 fr. (11 x 20'350.--) et renvoyé la cause pour nouvelles
décisions de taxations en matière d'impôt fédéral direct, cantonal et communal
2008.

C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la contribuable
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt
rendu le 10 mai 2016 par la Cour de justice du canton de Genève. Elle soutient
qu'il n'y a pas de contribution d'entretien imposable pour la période fiscale
2008. Elle se plaint de l'établissement des faits ainsi que de la violation du
droit fédéral.

La Cour de justice du canton de Genève s'en tient aux considérants de son
arrêt. L'Administration fiscale cantonale et l'Administration fédérale des
contributions concluent au rejet du recours. La contribuable a répliqué.

Considérant en droit :

1. 

1.1. Le Tribunal cantonal a rendu un seul arrêt concernant à la fois l'impôt
fédéral direct et l'impôt cantonal et communal. Par souci d'unification par
rapport à d'autres cantons dans lesquels deux décisions sont rendues lorsque
l'impôt fédéral direct et l'impôt cantonal et communal sont en jeu, la Cour de
céans a toutefois ouvert un dossier pour chacun des impôts concernés (2C_567/
2016 concernant l'impôt cantonal et communal et 2C_568/2016 concernant l'impôt
fédéral direct). Comme le complexe de fait est identique et que les questions
juridiques se recoupent, les causes seront toutefois jointes et il sera statué
dans un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]).

En pareilles circonstances, on ne peut reprocher à la contribuable d'avoir
formé un seul recours au Tribunal fédéral (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2 p.
263 s.). Il faut cependant qu'il ressorte, comme en l'espèce, de la motivation
du recours qu'elle s'en prend tant à l'impôt fédéral direct qu'à l'impôt
cantonal et communal pour que ces deux catégories d'impôts puissent être revues
par le Tribunal fédéral (ATF 135 II 260 consid. 1.3.2 p. 263 s.).

1.2. La recourante n'a pas indiqué par quelle voie de recours elle procédait.
Ce défaut d'intitulé ne lui nuit pas, dans la mesure où son recours remplit les
conditions formelles de la voie de droit qui lui est ouverte (cf. ATF 138 I 367
consid. 1.1 p. 370; 136 II 497 consid. 3.1 p. 499; 134 III 379 consid. 1.2 p.
382). En l'espèce, le litige a trait à l'imposition du revenu des personnes
physiques en matière d'impôt fédéral direct ainsi qu'en matière d'impôt
cantonal et communal. Comme ces domaines relèvent du droit public et qu'aucune
des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en
matière de droit public est ouverte dans les deux catégories d'impôt en vertu
des art. 82 let. a LTF, 146 de la loi du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral
direct (LIFD; RS 642.11) et 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; loi sur
l'harmonisation fiscale; RS 64.14), l'imposition du revenu des personnes étant
une matière harmonisée par l'art. 7 LHID.

1.3. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions
qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF) ou contre les décisions partielles
(art. 91 LTF). En revanche, en vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions
incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence ou sur une
demande de récusation ne peuvent faire l'objet d'un recours en matière de droit
public que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si
l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui
permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Un arrêt
de renvoi constitue en principe une décision incidente contre laquelle le
recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'aux conditions des art. 92 et 93
LTF (ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127). Un tel arrêt est néanmoins considéré
comme final si l'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée n'a aucune marge de
manoeuvre, notamment lorsqu'il ne lui reste plus qu'à calculer le montant de
l'impôt, en appliquant les règles définies dans la décision de renvoi (ATF 138
I 143 consid. 1.2 p. 148).

En l'espèce, l'arrêt attaqué renvoie la cause à l'Administration fiscale
cantonale et l'invite, de manière contraignante, à rendre de nouvelles
décisions en intégrant une contribution d'entretien de 223'850 fr. pour l'année
2008 dans le revenu imposable de la recourante de sorte que seul le montant de
l'impôt doit encore être calculé et que l'arrêt attaqué est une décision
finale. Par conséquent, le recours est recevable sous l'angle de l'art. 90 LTF.

2. 
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le
droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), mais n'examine la violation de droits
fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et
intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (cf.
art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de
façon claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 141 I 36 consid.
1.3 p. 41; 135 III 232 consid. 1.2 p. 234). Le Tribunal fédéral vérifie
toutefois librement la conformité du droit cantonal harmonisé et de son
application par les instances cantonales aux dispositions de la loi sur
l'harmonisation fiscale, à moins que les dispositions de cette loi ne laissent
une certaine marge de manoeuvre aux cantons, auquel cas l'interprétation de la
loi cantonale n'est examinée que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
134 II 207 consid. 2 p. 210; arrêts 2C_652/2015 du 25 août 2016 consid. 1.3;
2C_51/2016 du 10 août 2016 consid. 1.3). En l'occurrence, l'art. 7 al. 4 let. g
LHID ne laisse pas de marge de manoeuvre aux cantons de sorte que l'examen de
l'application de cette disposition par l'instance précédente aura lieu
librement.

3. 

3.1. Le Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de
façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF
140 III 115 consid. 2 p. 117) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95
LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF), ce que
la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément
aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (cf. ATF 136 II
101 consid. 3 p. 104 s.). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle
ne peut en principe être présenté devant le Tribunal de céans (art. 99 al. 1
LTF).

Il n'y a arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des
preuves que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un
moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen
important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des
éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 136 III
552 consid. 4.2 p. 560).

3.2. La recourante soutient que l'instance précédente a retenu de manière
contraire au contenu de l'Ordonnance du Tribunal de première instance du 15
août 2013 auquel l'arrêt se réfère et donc de manière arbitraire que "  M.
B.A.________ avait satisfait, depuis la séparation du couple en février 2008, à
ses obligations d'entretien vis-à-vis de la recourante et de ses enfants,
puisque celle-ci avait pu procéder à des prélèvements réguliers et libres sur
le compte mis à sa disposition par son époux jusqu'à la fin de l'année 2011".
Elle relève que le dispositif de l'Ordonnance du Tribunal de première instance
du 15 août 2013 indique uniquement que "  [...] B.A.________ a satisfait à son
obligation d'entretien à l'égard de son épouse durant l'année 2012". Au vu de
l'argumentation développée dans son mémoire, elle est d'avis, au moins
implicitement, que la correction de ce vice aura une influence sur la
qualification des montants qu'elle a prélevés durant l'année 2008 sur le compte
mis à sa disposition par son époux.

Il est vrai que le chiffre 1 de l'Ordonnance du Tribunal de première instance
du 15 août 2013 "  constate que B.A.________ a satisfait à son obligation
d'entretien à l'égard de son épouse durant l'année 2012". Il faut toutefois
constater que la teneur du dispositif, limité à l'année 2012, est la
conséquence procédurale directe de la conclusion - également limitée à l'année
2012 - formulée par B.A.________, sur mesures provisionnelles, demandant à ce
"  qu'il lui soit donné acte de son engagement de verser à A.A.________, du 1er
janvier 2012 au 31 décembre 2012 une contribution d'entretien de 25'000 fr.
sous déduction de toutes sommes d'ores et déjà versées et dès le 1er janvier
2013, une contribution d'entretien de 10'000 US$ [...] " (Ordonnance du 15 août
2013, en fait consid. 6c, p. 8). Il n'en demeure pas moins que le dispositif
est fondé sur le constat que "  le défendeur a satisfait, depuis la séparation
du couple il y a plusieurs années, à ses obligations d'entretien vis-à-vis de
son épouse et de ses enfants [...], la demanderesse ayant du reste pu procéder
à des prélèvements réguliers et libres sur le compte mis à sa disposition par
le défendeur jusqu'à la fin de l'année 2012. Si, à partir de janvier 2012, le
défendeur est revenu sur ce mode de fonctionnement, soit a commencé à verser à
son épouse une contribution mensuelle d'un montant fixe, cela est la
conséquence du transfert ordonné par la demanderesse de la somme de [...]
appartenant aux deux époux sur un compte à son seul nom " (cf. la motivation de
l'Ordonnance du Tribunal de première instance du 15 août 2013, consid. en droit
C.b, p. 16). Il n'est ainsi pas arbitraire de retenir que les montants laissés
à disposition de la recourante l'ont été en exécution d'une obligation
d'entretien à son endroit et celui des enfants du couple. Le grief doit par
conséquent être rejeté.

3.3. Les autres griefs relatifs à l'établissement des faits constituent des
griefs de violation du droit s'agissant des obligations de procédure ou du
fardeau de la preuve, qui seront examinés ci-dessous, ou se bornent à opposer
des faits différents de ceux retenus par l'instance précédente sans exposer en
quoi celle-ci serait tombée dans l'arbitraire en tenant pour établis les faits
retenus dans l'arrêt attaqué. Ces derniers ne peuvent par conséquent pas être
examinés.

I.       Impôt fédéral direct

4. 

4.1. L'art. 9 al. 1 LIFD prévoit que le revenu et la fortune des époux qui
vivent en ménage commun s'additionnent, quel que soit le régime matrimonial. De
cette exigence découle  a contrario que si le mariage n'existe plus que
juridiquement mais que les époux vivent séparés judiciairement ou de fait, ils
ne doivent plus faire l'objet d'une taxation commune, mais d'une taxation
séparée (cf. Message du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur
l'impôt fédéral, FF 1983 III 1 ss, p. 167).

Selon la jurisprudence et la doctrine, pour que l'on considère qu'il y a
séparation de fait, il ne doit plus y avoir de ménage commun et les moyens
financiers ne doivent plus être gérés en commun. Ces conditions sont
cumulatives. Une séparation au sens de l'art. 9 al. 1 LIFD suppose ainsi que
les époux ont renoncé à la vie commune. Partant, aussi longtemps que chaque
époux a un domicile propre tout en maintenant la communauté conjugale, il n'y a
pas de vie séparée. Il est dès lors nécessaire, pour que les conditions d'une
taxation séparée soient réalisées, que les époux entendent réduire à néant la
communauté conjugale, plus précisément qu'ils renoncent à vivre en ménage
commun, en particulier pour l'un des motifs indiqués aux art. 137, 175 et 176
CC, et qu'ils vivent séparés de manière durable. Par ailleurs, l'imposition
séparée suppose l'absence de mise en commun des moyens d'existence des époux
s'agissant notamment des dépenses afférentes à l'appartement et au ménage;
autrement dit, l'assistance d'un époux par l'autre ne se fait plus que sous la
forme de subsides d'un montant déterminé (arrêt 2C_753/2011 du 14 mars 2012
consid. 6.1.2 et les références citées).

4.2. En l'espèce, dès le 1er février 2008, la recourante et son époux ont cessé
de faire ménage commun, ce dernier ayant pris un logement séparé. C'est
également à cette même date que les moyens du couple ont cessé d'être mis en
commun. Sous l'angle du droit civil toutefois, l'obligation d'entretien
convenable de la famille résultant de l'art. 163 CC a perduré après la date de
la séparation de fait, raison pour laquelle les époux se sont mis d'accord pour
qu'un compte bancaire permette à la recourante, qui ne disposait durant l'année
2008 d'aucune source de revenu propre, de se procurer les moyens financiers
nécessaires à son entretien convenable et celui des enfants communs.

En l'espèce, c'est donc à bon droit que les époux ont été taxés séparément dès
la période fiscale 2008 en application de l'art. 42 al. 2 LIFD, ce que la
recourante ne conteste du reste pas du tout (cf. mémoire de recours, p. 9).

5. 

5.1. Parmi les autres revenus imposable, l'art. 23 let. f LIFD mentionne la
pension alimentaire obtenue pour lui-même par le contribuable divorcé ou séparé
judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien obtenues par
l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale. Il
s'agit d'une exception au principe de l'exonération prévue par l'art. 24 let. e
LIFD pour les prestations versées en exécution d'une obligation fondée sur le
droit de la famille, ce que cette dernière disposition précise expressément. De
manière concordante (cf. CHRISTINE JAQUES, Commentaire romand de la LIFD, 2e
éd., Bâle 2017, n° 39 ad art. 23 LIFD), l'art. 33 al. 1 let. c LIFD prévoit la
déduction de la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé
judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à
l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à
l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation
d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

5.2. Dans l'ATF 125 II 183, le Tribunal fédéral a jugé que les dispositions
légales relatives à l'imposition respectivement à la déduction de la pension
alimentaire ne s'appliquaient pas lorsque celle-ci était versée sous forme de
capital : après avoir rappelé que le code civil autorisait le versement de la
pension alimentaire sous forme de rentes périodiques ou de prestation unique de
la rente capitalisée, il a relevé que la loi sur l'impôt fédéral direct ne
réglait pas ce qu'il adviendrait si le montant de la prestation en capital
devait dépasser le revenu imposable global du débiteur et provoquer une perte
ne pouvant être reportée sur les périodes fiscales suivantes, de sorte que ce
dernier ne pourrait jamais déduire l'intégralité de la prestation alors même
que le créancier devrait être imposé intégralement durant la même période
fiscale (consid. 5). Laissant ces questions ouvertes, il a souligné que, d'une
manière générale, en matière d'impôt fédéral direct, les frais d'entretien du
contribuable et de sa famille ainsi que les dépenses affectées au remboursement
des dettes ne pouvaient pas être déduits (art. 34 let. a et c LIFD, cf.
également l'art. 22 al. 1 let. d de l'ancien arrêté sur l'impôt fédéral direct,
qui ne prévoyait pas de déduction des pensions alimentaires perçues par le
conjoint), tandis que les prestations versées en exécution d'une obligation
fondée sur le droit de la famille étaient exonérées (art. 24 let. e LIFD).
L'introduction des art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD, afin de mieux tenir
compte de l'imposition selon la capacité économique, faisait ainsi figure
d'exception. Au surplus, le versement d'une telle prestation constituait le
remboursement non déductible d'une dette résultant de la loi concrétisée par
une convention de divorce. Cette solution ne restreignait pas le choix offert
par le droit civil, dès lors que les conjoints avaient tout loisir de prendre
en considération les conséquences fiscales de l'une ou l'autre solution pour
déterminer les montants dus au titre d'aliments et évitait une inégalité de
traitement entre le créancier, dans le chapitre duquel la prestation serait
imposable à un taux spécial (art. 37 LFD), et le débiteur de celle-ci, qui, si
elle était déductible de son revenu, serait intégralement prise en
considération dans la fixation du taux d'imposition (consid. 7). Cette
jurisprudence a été confirmée en dernier lieu en 2016 (arrêt 2C_746/2015 du 31
mai 2016 consid. 4.1).

Il s'ensuit qu'entrent dans la notion de contributions d'entretien au sens de
ces dispositions les contributions d'entretien et de soutien versées de manière
régulière ou irrégulière aux fins de couvrir les besoins courants qui n'ont pas
pour effet une augmentation de fortune du bénéficiaire (SILVIA HUNZIKER/
ISABELLE MAYER-KNOBEL, in : Zweifel/Beusch, Bundesgesetz über die direkte
Bundessteuer, 3e éd., n° 23a ad art. 23 LIFD). Tel n'est pas le cas des
prestations en capital quand bien même elles provoquent une augmentation de la
fortune et seraient utilisées ultérieurement à des fins d'entretien.

5.3. Dans la plupart des cas, l'autorité fiscale n'a pas de difficulté à
déterminer si une contribution d'entretien revêt le caractère d'une prestation
périodique ou en capital. S'il n'est pas arbitraire de s'en tenir au dispositif
d'un jugement civil (arrêt P.1214/81 in RDAF 1984, 132), l'existence d'une
obligation d'entretien versée sous forme de contribution unique peut aussi
découler de l'examen des autres moyens de preuve. Ainsi, en va-t-il, notamment
en cas de séparation de fait, des conventions qui reposent sur l'art. 163 CC.
Dans la limite de l'art. 27 CC, les époux peuvent convenir librement de
l'entretien de la famille. Leur accord n'est soumis à aucune forme: il peut
notamment être implicite ou résulter d'actes concluants (arrêt 5A_317/2014 du
15 juillet 2014 consid. 5 et les références), les parties étant par ailleurs
libres de se mettre d'accord sur une contribution d'entretien plus élevée ou
plus faible que celle qui aurait pu être fixée par jugement. Les conventions
successives conclues par les parties constituent alors la cause de l'obligation
(arrêt 5A_945/2016 du 19 mai 2017 consid. 4.3; sur l'interprétation de telles
conventions cf. arrêt 2C_746/2015 du 31 mai 2016 consid. 4.2).

5.4. En l'espèce, la recourante et son époux ont convenu entre eux que, dès le
1er février 2008, date de leur séparation de fait, les moyens d'existence de
celle-ci et des enfants communs seraient assurés par des prélèvements opérés
sur un compte bancaire laissé à sa disposition et alimenté par l'époux, qui
paierait également certaines factures relatives aux enfants. Il ressort de
l'Ordonnance du Tribunal civil de première instance du 15 août 2013 que cet
accord avait bien pour cause juridique l'entretien de l'épouse et des enfants
en raison de l'absence de ménage commun et de la cessation de la mise en commun
des moyens financiers du couple (cf. consid. 3.2 ci-dessus). Seule demeure
ouverte la question de savoir sous quelle forme l'obligation d'entretien a été
exécutée en 2008.

6. 
La recourante soutient que les montants qui figuraient sur le compte bancaire
duquel elle a pu prélever les moyens nécessaires à son entretien et celui des
enfants communs faisaient partie de sa fortune. Les sommes débitées du compte
constituaient ainsi des prélèvements de fortune non imposable dans son chapitre
fiscal.

6.1. Sous le régime matrimonial de la participation aux acquêts, chaque époux
est propriétaire de ses biens propres et de ses acquêts (note marginale de 196
CC; cf. DESCHENAUX/STEINAUER, Le nouveau droit matrimonial, Berne 1987, p. 302;
OLIVIER GUILLOD, Droit matrimonial, fond et procédure, Bohnet/Guilllod Ed.,
Bâle 2016, n° 1 ad art. 196 CC), les acquêts comprenant notamment le produit du
travail (art. 197 al. 2 ch. 1 CC) ainsi que les revenus des acquêts. Le régime
matrimonial n'a pas, en lui-même, d'influence sur la possession des biens des
conjoints, de sorte que chaque époux conserve en principe la possession des
biens dont il est propriétaire (cf. DESCHENAUX/STEINAUER, op. cit., p. 303).
C'est le lieu d'ajouter également que la taxation commune des époux n'a
évidemment pas non plus d'influence sur la propriété et la possession des biens
de ceux-ci (cf. art 9 al. 1 LIFD in fine). En revanche, les contributions
d'entretien de l'art. 163 CC de non imposables qu'elles étaient tant que les
époux vivaient en ménage commun le deviennent dès la fin de la vie commune et
la taxation séparée des époux dans les limites rappelées ci-dessus (cf. consid.
5).

6.2. En l'espèce, l'instance précédente a retenu que la recourante ne disposait
d'aucune source de revenu propre. Il y a par conséquent lieu de présumer, en
l'état de la cause, que le montant qui figurait sur le compte laissé à
disposition de la recourante pour son entretien et celui des enfants communs au
1er février 2008 faisait partie des acquêts voire des biens propres de son
époux dont il était propriétaire et n'appartenait pas à la recourante, même si
elle disposait, le cas échéant, déjà d'une procuration sur ce compte avant le
1er février 2008. Si la propriété des biens telle que présumée ne se vérifie
pas, la recourante apportant la preuve de son droit de propriété (art. 200 CC),
alors les sommes débitées du compte dès le 1er février 2008 équivalaient à des
prélèvements de fortune non imposables à concurrence du montant qui y
figuraient à cette date. Dans le cas contraire, en revanche, en manifestant sa
volonté d'attribuer ledit compte bancaire à l'entretien de son épouse et de ses
enfants dès le 1er février 2008, le conjoint de la recourante a disposé (art.
201 al. 1 CC) de sa fortune et effectué une prestation en capital unique aux
fins d'entretien au sens de l'art. 163 CC, de sorte qu'à concurrence du montant
qui figurait effectivement sur ledit compte bancaire au 1er février 2008, la
recourante a perçu une prestation en capital non imposable dans son chapitre
fiscal 2008 au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. Il convient
toutefois de réserver dans les deux hypothèses d'éventuels versements
subséquents effectués sur ce compte par son époux jusqu'au 31 décembre 2008 :
de tels versements constituent une pension alimentaire imposable au titre de
prestations périodiques pour la période fiscale 2008.

En jugeant qu'un montant de 223'850 fr. était imposable dans le chapitre de la
recourante sans tenir compte soit d'éventuels prélèvements sur sa fortune soit
du versement d'une prestation en capital, dans les deux cas non imposables,
l'instance précédente a violé le droit fédéral.

6.3. Le recours en matière d'impôt fédéral direct doit par conséquent être
admis dans le sens des considérants et la cause renvoyée à l'instance
précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision (art. 107 al. 2
LTF).

II.       Impôt cantonal et communal

7.

7.1. La législation cantonale genevoise relative à l'imposition du couple et
des contributions d'entretien des couples séparés de fait est calquée sur celle
de l'impôt fédéral direct. En effet, l'art. 9 let. f aLIPP-IV (en vigueur pour
la période fiscale 2008) a la même teneur que l'art. 23 let. f LIFD. Ces
dispositions sont en outre identiques au contenu de l'art. 7 al. 4 let. g et 9
al. 2 let. c LHID.

7.2. En revanche, à l'instar de la loi sur l'impôt fédéral direct, la loi sur
l'harmonisation fiscale ne règle pas spécialement le sort fiscal des pensions
alimentaires versées sous forme de capital. Dans l'ATF 125 II 183, le Tribunal
fédéral a exprimé des doutes quant à la possibilité de déduire de l'absence de
règles spéciales que, malgré le postulat d'harmonisation verticale, les cantons
restaient libres de choisir s'ils entendaient inclure dans l'expression "
contribution d'entretien " (" pension alimentaire ") non seulement les
prestations périodiques mais aussi les prestations en capital; en effet, les
art. 7 al. 4 et 9 al. 4, 1ère phr., LHID énuméraient de façon exhaustive les
revenus exonérés respectivement les déductions admises du revenu imposable (ATF
125 II 183 consid. 6d p. 188 s. et les références citées; cf. aussi MARKUS
REICH, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die
Harmonisierung der direckten Steuern der Kantone und Gemeinden, 2e éd., Bâle/
Genève/Munich 2002, n° 100 ad art. 7 LHID). Il n'est toutefois pas nécessaire
de trancher cette question en l'espèce. Il suffit de renvoyer à la motivation
développée sous l'angle de l'impôt fédéral direct, en ajoutant qu'il
appartiendra à l'instance précédente de rendre une nouvelle décision dans le
sens des considérants après avoir tranché elle-même la question, qui n'a pas
été abordée devant elle, de savoir si une prestation en capital était
imposable, ou non, dans le canton de Genève durant la période fiscale 2008.

Partant, en tant qu'il concerne l'impôt cantonal et communal, le recours doit
être admis dans le sens des considérants et la cause renvoyée à l'instance
précédente pour instruction et nouvelle décision.

8. 
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours en matière
d'impôt fédéral direct et en matière d'impôt cantonal et communal pour la
période fiscale 2008 dans le sens des considérants. L'arrêt attaqué est annulé
et la cause renvoyée à l'instance précédente pour instruction complémentaire et
nouvelle décision sur le fond et sur les frais de procédure. Les frais de la
procédure fédérale sont mis à la charge du canton de Genève dont l'intérêt
patrimonial est en cause et qui a succombé dans l'exercice de ses attributions
officielles (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Obtenant gain de cause avec l'aide d'un
mandataire professionnel, la recourante a droit à une indemnité de dépens à
charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Les causes 2C_567/2016 et 2C_568/2016 sont jointes.

2. 
Le recours est admis en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct. L'arrêt
rendu le 10 mai 2016 est annulé et la cause renvoyée à l'instance précédente
pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur le fond et sur les
frais de procédure.

3. 
Le recours est admis en tant qu'il concerne l'impôt cantonal et communal.
L'arrêt rendu le 10 mai 2016 est annulé et la cause renvoyée à l'instance
précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur le fond et
sur les frais de procédure.

4. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du canton de
Genève.

5. 
Le canton de Genève est condamné à verser à la recourante une indemnité de
dépens, arrêtée à 3'000 fr.

6. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à
l'Administration fiscale cantonale, à la Cour de justice de la République et
canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, ainsi qu'à
l'Administration fédérale des contributions.

Lausanne, le 10 août 2017

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Seiler

Le Greffier : Dubey

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