Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 233/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
9C_233/2015
                   

Arrêt du 2 juillet 2015

IIe Cour de droit social

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Glanzmann, Présidente, Meyer, Pfiffner, Parrino
et Moser-Szeless.
Greffier : M. Berthoud.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

Avenir Assurance Maladie SA, Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920
Martigny,
intimé.

Objet
Assurance-maladie,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des
assurances sociales,
du 6 mars 2015.

Faits :

A. 
A.________ est au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse et vit dans le
canton de Vaud. A partir du 1 ^er janvier 2006, il a été affilié pour
l'assurance obligatoire des soins à la caisse-maladie Avenir Assurance Maladie
SA (ci-après: Avenir) dans le cadre d'un contrat d'assurance collective (n° xxx
B.________ SA; depuis le 1 ^er janvier 2013, n° yyy) conclu par le biais de
l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM).
Requise par A.________ de lui délivrer une carte d'assuré, la caisse-maladie a
refusé de le faire, par décision du 24 janvier 2014, confirmée par décision sur
opposition datée du 15 septembre suivant. En bref, elle a considéré que
l'assuré avait accès aux soins de base par le réseau de soins FARMED mis sur
pied par l'Etat de Vaud, que des certificats d'assurance attestant de son
affiliation à l'assurance obligatoire des soins lui avaient été transmis et que
la détention d'une carte d'assuré contrevenait au bon fonctionnement du système
instauré par le canton de Vaud, avec une adresse de facturation unique auprès
de la société B.________ SA; pour le surplus, dans la mesure où l'assuré était
représenté par l'EVAM pour les questions d'affiliation à l'assurance-maladie
obligatoire, il était invité à s'adresser directement à ce dernier.

B. 
L'assuré a déféré la décision sur opposition au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales. Il a produit différents documents, dont une
décision sur opposition rendue le 19 décembre 2013 par l'EVAM, par laquelle
celui-ci a refusé de lui faire délivrer une carte d'assurance, voire
d'entreprendre des démarches à cette fin auprès d'Avenir.
Statuant le 6 mars 2015, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours.

C. 
A.________ interjette un recours en matière de droit public et un recours
constitutionnel subsidiaire contre le jugement cantonal, dont il demande
l'annulation. Il conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour
nouvelle décision au sens des considérants de son recours, dont il ressort, en
substance, qu'il demande la remise d'une carte d'assuré de l'assurance-maladie
obligatoire. Il requiert également l'assistance judiciaire, en vue de la
dispense des frais judiciaires.
Avenir conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé
publique (OFSP) a renoncé à se prononcer à son sujet. L'assuré a encore
présenté des déterminations le 15 mai 2015.

Considérant en droit :

1. 
Interjeté par une partie particulièrement atteinte par la décision attaquée et
qui a un intérêt digne de protection à son annulation (art. 89 al. 1 LTF), le
recours en matière de droit public, dirigé contre un jugement final (art. 90
LTF) rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), est recevable, dès
lors qu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi et que l'on ne se trouve pas dans l'un des cas
d'exceptions mentionnés à l'art. 83 LTF. En raison de son caractère
subsidiaire, le recours constitutionnel également interjeté par le recourant
n'est en revanche pas recevable (art. 113 LTF).

2. 
Au vu des conclusions et des motifs du recours, le litige en instance fédérale
porte uniquement sur le point de savoir si l'intimée était en droit de ne pas
délivrer au recourant une carte d'assuré relative à l'assurance-maladie
obligatoire.
Les premiers juges ont considéré que la caisse-maladie avait à juste titre
rejeté la demande de l'assuré à ce sujet, parce qu'elle était liée par la
décision (entrée en force) de l'EVAM du 19 décembre 2013; cette autorité
administrative, qui représentait le recourant auprès de l'intimée, avait déjà
tranché la question de l'octroi d'une carte d'assurance-maladie par la
négative. Le recourant conteste ce raisonnement en invoquant différents griefs
tirés de la violation de droits constitutionnels (interdiction de l'arbitraire
[art. 9 Cst.], droit à une procédure équitable [art. 29 al. 1 Cst.], force
dérogatoire du droit fédéral [art. 49 al. 1 Cst.]).

3.

3.1. L'assurance-maladie obligatoire pour les personnes pour lesquelles une
admission provisoire a été décidée conformément à l'art. 83 de la loi fédérale
du 16 décembre 2005 sur les étrangers [LEtr; RS 142.20], tenues de s'assurer à
l'assurance obligatoire des soins (art. 1 al. 2 let. c OAMal, en relation avec
l'art. 3 LAMal), est régie par les dispositions de la loi fédérale du 26 juin
1998 sur l'asile (LAsi; RS 142.31) et de la LAMal applicables aux requérants
d'asile (art. 86 al. 2 LEtr).
En particulier, l'art. 82a al. 1 LAsi prévoit que l'assurance-maladie pour les
requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une
autorisation de séjour doit être, sous réserve des dispositions suivantes,
adaptée en vertu de celles de la LAMal. Selon l'art. 82a al. 2 LAsi, les
cantons peuvent limiter les requérants d'asile et les personnes à protéger qui
ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour dans le choix de leur
assureur et désigner à leur intention un ou plusieurs assureurs offrant une
forme particulière d'assurance en vertu de l'art. 41 al. 4 LAMal (al. 2). Ils
peuvent limiter les requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne sont
pas titulaires d'une autorisation de séjour dans le choix des fournisseurs de
prestations visés aux art. 36 à 40 LAMal (al. 3 première phrase). Ils peuvent
désigner un ou plusieurs assureurs qui n'offrent qu'aux requérants d'asile et
qu'aux personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de
séjour une assurance assortie d'un choix limité des fournisseurs de prestations
au sens de l'art. 41 al. 4 LAMal (al. 4).
Avant l'entrée en vigueur de l'art. 82a LAsi au 1 ^er janvier 2008 (RO 2007
5575), le principe selon lequel les cantons étaient autorisés à limiter les
requérants d'asile et les personnes à protéger sans autorisation de séjour dans
le choix de leur assureur et de leur fournisseur de prestations avait déjà été
prévu à l'art. 26 al. 4 de l'ordonnance 2 sur l'asile du 11 août 1999 relative
au financement (dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 [OA 2; RS
142.312]).

3.2. Faisant usage de la compétence prévue par le droit fédéral, l'Etat de Vaud
a, en adoptant la loi du 7 mars 2006 sur l'aide aux requérants d'asile et à
certaines catégories d'étrangers (LARA; RSVD 142.21), limité le choix,
notamment des personnes au bénéfice d'une admission provisoire (art. 2 et 3
LARA), de leur assureur et de leur fournisseur de prestations.
Selon l'art. 34 LARA, le département en charge de la santé conclut des
conventions avec un ou plusieurs assureurs concernant l'affiliation à
l'assurance-maladie et accidents des demandeurs d'asile [et personnes
assimilées] (al. 1) ou veille, à défaut de convention, à affilier celles-ci
auprès d'un ou plusieurs assureurs autorisés à pratiquer dans le canton au sens
de l'art. 13 LAMal (al. 2); il peut confier l'affiliation et la gestion des
dossiers qui en découlent à un tiers (al. 3).
De plus, le département en charge de la santé organise l'accès des personnes au
bénéfice d'une admission provisoire aux fournisseurs de prestations (art. 37
al. 1 LARA). Il peut en particulier instituer des réseaux de soins infirmiers
et de médecins de premier recours auxquels les demandeurs d'asile devront
s'adresser en cas de maladie ou d'accident (art. 37 al. 2 LARA).

3.3. Entre autres tâches, le canton de Vaud a chargé l'EVAM d'organiser la
prise en charge médicale et l'accès aux fournisseurs de prestations des
personnes admises provisoirement en Suisse (art. 9 ss et 35 à 37 LARA).

Selon l'art. 35 LARA, l'EVAM représente les personnes au bénéfice d'une
admission provisoire dans le système d'affiliation de l'assurance-maladie
obligatoire. A ce titre, il doit veiller à ce que ces derniers soient assurés
et annoncer à l'assureur ou au tiers désigné conformément à l'art. 34 toutes
les mutations des situations ayant un impact sur les conditions d'assurance,
ainsi que les cas d'accident survenus au sein de la population qu'elle assiste.

Aux termes de l'art. 9 du Règlement vaudois, du 3 décembre 2008, d'application
de la loi du 7 mars 2006 sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines
catégories d'étrangers (RLARA; RSVD 142.21.1),

" 1 Les personnes assistées et les bénéficiaires de l'aide d'urgence sont
affiliés par l'établissement dans le cadre de l'assurance obligatoire des
soins, conformément aux art. 34 et 35 LARA.
2 La police d'assurance est transférée au bénéficiaire, d'office ou sur demande
de ce dernier, selon les conditions suivantes:

       - soit, d'office, au 1er octobre pour les bénéficiaires de prestations
complémentaires de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, ainsi que
pour les personnes financièrement autonomes depuis 6 mois de manière
ininterrompue en date du 30 septembre de la même année;
       - soit, sur demande de l'intéressé, à la fin de chaque mois, pour les
personnes financièrement autonomes depuis 6 mois de manière ininterrompue ou
n'ayant aucun autre lien d'assistance avec l'établissement.
3 Lorsque la police d'assurance est transférée au bénéficiaire conformément à
l'alinéa 2, l'intéressé n'est plus considéré comme affilié par l'établissement.
4 Si l'intéressé n'est plus en mesure d'assumer lui-même les charges
financières relatives à sa police d'assurance, il en transfère la gestion à
l'établissement en signant une procuration en faveur de ce dernier. L'intéressé
est alors considéré comme affilié par l'établissement."

4. 
A l'appui de son recours, le recourant cite notamment l'art. 42a LAMal, qui n'a
pas été mentionné dans le jugement entrepris.

4.1. En adoptant l'art. 42a LAMal (entré en vigueur le 1 ^er janvier 2005), le
législateur fédéral a attribué au Conseil fédéral la compétence de décider
qu'une carte d'assuré portant un numéro d'identification attribué par la
Confédération soit remise à chaque assuré pour la durée de son assujettissement
à l'assurance obligatoire des soins (art. 42a al. 1 première phrase LAMal).
Cette carte comporte une interface utilisateur et est utilisée pour la
facturation des prestations selon la LAMal (art. 42a al. 2 LAMal).
Le but visé par la carte d'assuré est une simplification des procédures
administratives entre les assureurs, les assurés et les fournisseurs de
prestations. Elle contribue aux efforts de rationalisation entrepris par ces
derniers et améliore l'information tout en augmentant le confort du patient/de
l'assuré (Message du 26 mai 2004 concernant la révision de la loi fédérale sur
l'assurance-maladie [Stratégie et thèmes urgents], FF 2004 4042 s. ch. 3.1).
Comme il ressort de l'art. 42a al. 2 LAMal, l'objectif principal de
l'utilisation de la carte se limite aux aspects administratifs visant à
simplifier la facturation des prestations remboursées par l'assurance
obligatoire des soins. L'idée en est que du moment que tous les assurés seront
en possession de la carte d'assuré et qu'une grande partie des fournisseurs de
prestations seront équipés des systèmes nécessaires, les prestations ne
pourront plus être facturées et remboursées autrement que par ce biais. Les
fournisseurs de prestations, tout comme les personnes assurées, seraient donc
obligés d'utiliser la carte pour faire valoir leur droit au remboursement d'une
prestation (message cité, FF 2004 4043 ch. 3.1).

4.2. Selon l'art. 42a al. 4 LAMal, moyennant le consentement de l'assuré, la
carte contient des données personnelles auxquelles peuvent avoir accès les
personnes qui y sont autorisées. Le Conseil fédéral définit, après avoir
consulté les milieux intéressés, l'étendue des données pouvant être
enregistrées sur la carte. Il règle l'accès aux données et à leur gestion.
Les données médicales concernées constituent des données personnelles
particulièrement dignes de protection au sens de la loi du 19 juin 1992 sur la
protection des données (LPD; RS 235.1). L'enregistrement et la consultation des
données ne sont possibles qu'avec le consentement de la personne assurée
(message cité, FF 2004 4043 ch. 3.1).

4.3. Le gouvernement fédéral a usé des compétences attribuées par l'art. 42a
LAMal et édicté l'ordonnance du 14 février 2007 sur la carte d'assuré pour
l'assurance obligatoire des soins (OCA; RS 832.105), en vigueur depuis le 1 ^
er mars 2007 (pour les dispositions ici pertinentes: art. 20 OCA). L'art. 1 OCA
prévoit que:

"1 Les assureurs doivent délivrer une carte d'assuré à toutes les personnes
tenues de s'assurer en vertu de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur
l'assurance-maladie (OAMal).
2 Les personnes qui sont tenues de s'assurer en vertu de l'art. 1, al. 2, let.
d et e, OAMal, mais qui ne peuvent pas recevoir de prestations prises en charge
par l'assurance obligatoire des soins sur le territoire suisse, excepté par le
biais de l'entraide internationale, ne se voient pas délivrer de carte
d'assuré."
L'art. 6 OCA définit l'étendue des données que les personnes autorisées peuvent
enregistrer électroniquement sur la carte d'assuré, pour autant que la personne
assurée ait donné son accord. Les art. 9 et 10 OCA règlent les droits et
obligations de la personne assurée, tandis que les art. 11 et 12 OCA portent
sur ceux de l'assureur. En particulier selon l'art. 12 OCA, l'assureur - qui
reste propriétaire de la carte qu'il délivre (art. 11 al. 1 OCA) - est tenu,
lorsqu'il remet la carte d'assuré à la personne assurée, d'informer cette
dernière par écrit, de manière détaillée et compréhensible, de ses droits et de
ses obligations, dont l'obligation d'utiliser la carte lors du recours à des
prestations (let. a).
Les standards techniques auxquels la carte d'assuré doit satisfaire ont été
fixées par le Département fédéral de l'intérieur dans l'ordonnance du 20 mars
2008 concernant les exigences techniques et graphiques relatives à la carte
d'assuré pour l'assurance obligatoire des soins (OCA-DFI; RS 832.105.1).

5. 
D'entrée de cause, il y a lieu de relever que le raisonnement qui a conduit la
juridiction cantonale à rejeter le recours de l'assuré, motif pris de la force
de chose décidée à l'égard de l'intimée de la décision sur opposition de l'EVAM
du 19 décembre 2013, est contraire au droit, en tant qu'il méconnaît la portée
de l'autorité de chose décidée (Rechtsbeständigkeit). Cette décision a été
rendue par le Directeur de l'EVAM dans une procédure opposant cet établissement
et le recourant, à laquelle l'intimée n'a pas pris part, à quelque titre que ce
soit. Portant uniquement sur le refus de la part de l'EVAM de délivrer une
carte d'assuré au recourant, voire d'entreprendre des démarches en ce sens, la
décision n'avait d'effets juridiques et ne s'imposait qu'à son destinataire et
à l'autorité qui l'a rendue (Pierre Tschannen/Ulrich Zimmerli/Markus Müller,
Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème éd., 2014, p. 297 § 31 n° 2; Thierry
Tanquerel, Manuel de droit administratif, 2011, p. 278 n° 808); elle ne pouvait
en revanche lier l'intimée.
S'ajoute à cela qu'en vertu de l'art. 1 OCA, la remise de la carte d'assuré aux
personnes assurées ressortit à l'assureur-maladie, et non à une autorité
d'assistance. L'EVAM n'était donc pas compétent pour refuser de manière valable
la remise de la carte au recourant, de sorte que l'intimée n'avait pas à se
fier à la décision du 19 décembre 2013.

6. 
Entre autres motifs, le recourant soutient que le refus de lui délivrer la
carte d'assuré fondé sur les art. 34 et 35 LARA est contraire au principe de la
primauté du droit fédéral, dans la mesure où l'art. 42a LAMal prévoit
l'introduction d'une carte d'assuré pour toute personne assurée à l'assurance
obligatoire des soins.

6.1. Garanti à l'art. 49 al. 1 Cst., le principe de la primauté du droit
fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui
éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou
l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre,
ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de
façon exhaustive. Cependant, même si la législation fédérale est considérée
comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans
le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui
recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère
exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une
matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est
que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine
particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions
complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral
ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 140 I 218 consid. 5.1 p. 221 et
les arrêts cités).

6.2. Au regard des dispositions de droit fédéral citées, on constate que dans
le cadre de la compétence qui lui a été attribuée par l'art. 117 Cst. de
légiférer en matière d'assurance-maladie, la Confédération a réglé de manière
exhaustive aux art. 42a LAMal et 1 OCA la remise de la carte d'assuré. Le
Conseil fédéral a posé le principe de la délivrance de la carte à toutes les
personnes tenues de s'assurer en vertu de l'OAMal. Il a prévu une seule
exception concernant les personnes visées à l'art. 1 al. 2 let. d et e OAMal
(assurés résidant dans un Etat membre de l'Union européenne, en Islande ou en
Norvège et soumises aux Accords cités, qui ne peuvent recevoir des prestations
prises en charge par l'assurance-maladie obligatoire que par le biais de
l'entraide internationale; cf. aussi Commentaire de l'OCA de l'OFSP du 14
février 2007, <http://www.ehealth.admin.ch>). Aucune dérogation n'a été
instaurée pour la catégorie de personnes tenues de s'assurer en vertu de l'art.
1 al. 2 let. c OAMal, dont fait partie le recourant.
Par ailleurs, le législateur fédéral n'a prévu aucune compétence résiduelle des
cantons pour légiférer sur ce point ou de marge de manoeuvre leur permettant de
prévoir une exception supplémentaire à celle découlant de l'art. 1 al. 2 OCA.

6.3. Une telle attribution de compétence en faveur des cantons ne peut pas non
plus être déduite de l'art. 82a al. 1 à 4 LAsi (supra consid. 3.1).

6.3.1. Cette disposition permet aux cantons de limiter, pour la catégorie des
personnes mentionnées (également par renvoi de l'art. 86 al. 2 LEtr), le libre
choix de l'assureur (art. 4 LAMal) et du fournisseur de prestations (art. 41
LAMal).
Il s'agit, avec cette limitation, de permettre aux cantons de mieux contrôler
l'accès des personnes concernées au système de santé, mais non de réduire les
prestations médicales en faveur de celles-ci. En effet, sous réserve des al. 2
à 7 de l'art. 82a LAsi, toutes les formes d'assurance proposées aux personnes
concernées doivent être conformes aux dispositions de la LAMal; notamment,
toutes les prestations obligatoires en vertu de la LAMal sont garanties et
doivent être fournies par les fournisseurs de prestations au sens des art. 36 à
40 LAMal (Message du 4 septembre 2002 concernant la modification de la loi sur
l'asile, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie et de la loi fédérale sur
l'assurance-vieillesse et survivants, FF 2002 6436 s. ch. 2.5.3.2).

6.3.2. La plupart des cantons a usé de la possibilité de restreindre le choix
des assureurs en concluant des accords-cadre avec les assurances-maladie
(message précité, FF 2002 6434 ch. 2.5.2), soit des conventions sur les
éventuelles charges supplémentaires devant être assurées par les assureurs en
vue d'accroître l'efficacité du système en simplifiant les démarches
administratives liées à l'assurance-maladie des requérants d'asile et des
personnes à protéger sans autorisation de séjour (message précité, FF 2002 6437
ch. 2.5.3.2). En particulier, l'autorité d'assistance désignée par le droit
cantonal est autorisée à conclure pour et à la place de la personne concernée
soumise à l'obligation d'assurance un contrat d'assurance-maladie, pour le
moins lorsque la personne assurée n'a pas déjà elle-même conclu un tel contrat
(ATF 133 V 353 consid. 4.4 p. 358).
Toutefois, le fait qu'en raison de facilités administratives, les personnes
assurées concernées - dont le choix de l'assureur-maladie est ainsi restreint -
puissent être réunies au sein d'un contrat-cadre conclu entre un preneur
d'assurance et un assureur pour la gestion d'un nombre déterminé d'assurés
individuels, ne saurait constituer une dérogation aux règles de la LAMal. De
tels contrats ne constituent pas un contrat collectif au sens de la LAMA, qui
n'est plus admissible sous l'empire de la LAMal (arrêt K 47/01 du 25 août 2003,
RAMA 2003 n° KV 259 p. 295). Singulièrement, les personnes concernées restent
soumises aux règles et obligations de la LAMal en tant qu'assuré individuel (
ATF 128 V 263 consid. 3c/aa p. 269 s; cf. RAMA 1996 p. 139). Même si elles sont
affiliées à une caisse-maladie pour l'assurance-maladie obligatoire par le
biais d'un preneur d'assurance, elles sont assurées à titre personnel,
conformément au principe de l'assurance individuelle (sur ce principe, EUGSTER,
Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit [SBVR], 2 ^ème éd., n° 16 s. p. 406;
GUY LONGCHAMP, Conditions et étendues du droit aux prestations de
l'assurance-maladie sociale, thèse 2004, p. 200). Dès lors, on ne voit pas qu'à
ce titre, elles ne puissent pas faire valoir, parmi les droits dont bénéficient
les assurés en vertu de la LAMal, celui d'obtenir leur carte d'assuré.

6.3.3. C'est le lieu de préciser qu'en raison de l'assurance individuelle
obligatoire à laquelle est soumis le recourant, sa représentation par l'EVAM,
telle que prévue par le droit cantonal et évoquée par la juridiction cantonale,
ne saurait avoir pour effet de limiter les droits dont peut bénéficier la
personne assurée, en dehors des restrictions prévues par le droit fédéral quant
au choix de l'assureur et du fournisseur de prestations.
La représentation prévue à l'art. 35 LARA (consid. supra 3.3) a pour unique
objet l'affiliation des demandeurs d'asile et personnes assimilées: l'EVAM
représente les personnes concernées "dans le système de l'affiliation de
l'assurance-maladie obligatoire", ce qui implique la compétence de les affilier
("veiller à ce que ces derniers soient assurés") à l'assureur-maladie avec
lequel une convention a été conclue ou, à défaut, une caisse-maladie de son
choix. Or la représentation en ce qui concerne l'affiliation à l'assurance
obligatoire des soins n'a pas pour effet de faire perdre aux personnes
concernées la qualité d'assuré en tant que telle, avec les droits et
obligations que celle-ci comporte. La représentation par l'EVAM, pas plus que
le fait que l'assuré est considéré comme "affilié par l'établissement" (cf.
art. 9 RLARA), ne saurait limiter les droits dont il bénéficie dans les limites
prévues par la législation fédérale.
Dans ce contexte, l'intimée qualifie en vain de "modalité d'affiliation" le
refus d'octroi d'une carte d'assuré. La remise à chaque assuré pour la durée de
son assujettissement de la carte d'assuré prévue par l'art. 42a LAMal est une
prérogative liée à la qualité de personne soumise à l'assurance obligatoire des
soins et non pas une circonstance relative au choix de la caisse-maladie et de
l'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire.

6.4. De manière générale, il convient encore de constater que l'utilité toute
relative de la remise de la carte d'assuré au recourant - en tant que celle-ci
a pour objectif principal de simplifier la facturation des prestations
remboursées par l'assurance obligatoire des soins (supra consid. 4.1) - ne
permet pas de lui en interdire l'accès.
Il est vrai que dans le cadre du système mis en oeuvre par l'Etat de Vaud qui a
entraîné la mise en place du réseau de soins FARMED (aujourd'hui, Réseau de
santé et migration [RESAMI]) auquel les assurés concernés doivent recourir en
premier lieu (cf. art. 37 al. 2 LARA), les prestations qui leur sont fournies
sont facturées directement à la société B.________ SA, selon les indications de
l'EVAM (cf. décisions des 12 novembre et 19 décembre 2013. La carte d'assuré
remplit toutefois aussi un autre rôle: elle facilite le décompte des
prestations (données administratives sous forme électronique) et peut
contribuer à améliorer le traitement des patients (données médicales
enregistrées sur la carte; Circulaire de l'OFSP n° 7.7 du 12 décembre 2008 sur
la carte d'assuré, p. 4 ch. 3.3 "Utilisation de la carte"); la carte
permettrait d'influencer les gestes thérapeutiques (déclaration Brunner, BO
2004 E 458). Elle a donc aussi la fonction de "carte de patient" ou "carte
d'urgence" (termes évoqués lors des débats parlementaires sur l'art. 42a LAMal,
déclarations Rossini et Brunner, BO 2004 N 1503 et 1505), en ce sens qu'elle
contient et donne accès à des données personnelles et d'ordre médical, qui
peuvent être utiles lors d'une consultation médicale ou en cas d'urgence (Le
système "carte d'assuré", 1er avril 2008, OFSP, <http://www.ehealth.admin.ch>,
p. 4). Sous cet angle, on ne saurait nier ni l'utilité ni la nécessité de
l'instrument en question pour l'assuré.
En tout état de cause, si l'utilisation de la carte d'assuré devait entraîner
des inconvénients systématiques pour les assureurs-maladie ou les organes
d'assistance impliqués dans l'organisation et la prise en charge des
prestations de l'assurance-maladie obligatoire des personnes au bénéfice d'une
admission provisoire en Suisse, il appartiendrait au législateur fédéral,
respectivement au Conseil fédéral, - et non au Tribunal fédéral - d'intervenir
et d'introduire une nouvelle exception à l'art. 1 al. 2 OCA.

6.5. Il découle de ce qui précède que l'application des règles de droit
cantonal porte atteinte au principe de la primauté du droit fédéral,
puisqu'elle prive le recourant du bénéfice d'un droit reconnu par la
législation fédérale, dans un domaine dans lequel la Confédération est seule
compétente. Il y a dès lors lieu de reconnaître le droit du recourant à la
remise de sa carte d'assuré par l'intimée.
Partant, le recours en matière de droit public se révèle bien fondé, sans qu'il
soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par l'assuré.

7. 
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires y afférents sont mis à la
charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2. 
Le recours en matière de droit public est admis. La décision du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 6 mars 2015 et la
décision sur opposition d'Avenir Assurance Maladie SA du 15 septembre 2014 sont
annulées. L'intimée délivrera au recourant une carte d'assuré.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 2 juillet 2015

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Glanzmann

Le Greffier : Berthoud

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