Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.642/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
8C_642/2015
                   

Arrêt du 6 septembre 2016

Ire Cour de droit social

Composition
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
Ursprung et Frésard.
Greffière : Mme Castella.

Participants à la procédure
A.________,
représentée par Maître Isabelle Salomé Daïna et Maître Vesna Stanimirovic,
avocates,
recourante,

contre

Caisse cantonale de chômage, Division juridique, Rue Caroline 9bis, 1014
Lausanne,
intimée.

Objet
Assurance-chômage (indemnité en cas d'insolvabilité),

recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 13 juillet 2015.

Faits :

A.

A.a. Le 11 mars 2011, A.________ et son frère B.________ ont conclu devant
notaire une convention de fiducie portant sur la constitution d'une société
anonyme "C.________ SA". L'accord prévoyait notamment que la prénommée
détiendrait la totalité du capital-actions - soit 1'000 actions nominatives de
100 fr. chacune - entièrement libéré par son frère (le fiduciant), lequel ne
souhaitait pas que son nom apparaisse dans la société.
Par contrat de travail du 16 mai 2011, A.________ a été engagée en qualité de
directrice générale à compter du 1 ^er juin 2011. Elle était déjà inscrite à ce
titre au registre du commerce, avec signature individuelle, depuis le 9 mai
précédent.

A.b. Par lettre remise en main propre le 20 décembre 2013, l'administratrice
unique de C.________ SA a licencié A.________ avec effet immédiat, pour des
motifs économiques. Le 17 mars 2014, cette dernière a résilié, également avec
effet immédiat, le contrat de fiducie et a transféré la propriété des actions à
son frère. Son inscription au registre du commerce a été radiée le 25 mars
suivant.
Le 31 mars 2014, le Tribunal de l'arrondissement de Lausanne a prononcé la
faillite de la société.

A.c. L'intéressée a déposé une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité
auprès de la Caisse cantonale vaudoise de chômage (ci-après: la caisse),
laquelle a été rejetée par une décision du 3 avril 2014, confirmée sur
opposition le 1 ^er septembre suivant. La caisse refusait de lui ouvrir le
droit à cette prestation en raison de sa fonction dirigeante au sein de la
société.

B. 
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour des assurances
sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté par arrêt du 13
juillet 2015.

C. 
A.________ interjette un recours en matière de droit public. Elle conclut à
l'annulation des décisions des 3 avril et 1 ^er septembre 2014 de la caisse,
ainsi qu'à la reconnaissance de son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité
pour la période allant du mois novembre 2013 à la fin du mois de février 2014,
subsidiairement à partir du 20 décembre 2013 seulement, le tout sous suite de
frais et dépens. Elle requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
La caisse conclut au rejet du recours. La cour cantonale et le Secrétariat
d'Etat à l'économie (Seco) ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1. 
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de
droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.

2. 
Le litige porte sur le droit de l'assurée à des indemnités en cas
d'insolvabilité à la suite de la faillite de C.________ SA.

3.

3.1. Selon l'art. 51 al. 1 LACI (RS 837.0), les travailleurs assujettis au
paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à
une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en
Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité notamment lorsqu'une
procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce
moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a). N'ont pas droit à
l'indemnité les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou
peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un
organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation
financière à l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes,
lorsqu'ils sont occupés dans la même entreprise (art. 51 al. 2 LACI).

3.2. Selon la jurisprudence relative à l'art. 31 al. 3 let. c LACI - lequel,
dans une teneur identique, exclut du droit à l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire de travail le même cercle de personnes que celui visé par l'art. 51
al. 2 LACI et auquel on peut se référer par analogie (arrêt 8C_865/2015 du 6
juillet 2016 consid. 4.2 et la référence) - il n'est pas admissible de refuser,
de façon générale, le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils
peuvent engager l'entreprise par leur signature et qu'ils sont inscrits au
registre du commerce (ATF 122 V 270 consid. 3 p. 272 s; 120 V 521, voir aussi
THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol.
14, 3 ^e éd. 2016, n° 465 p. 2405). On ne saurait se fonder de façon stricte
sur la position formelle de l'organe à considérer mais il faut bien plutôt
établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances
concrètes. C'est donc la notion matérielle de l'organe dirigeant qui est
déterminante, car c'est la seule façon de garantir que l'art. 31 al. 3 let. c
LACI, qui vise à combattre les abus, remplisse son objectif (arrêts 8C_84/2008
du 3 mars 2009, in DTA 2009 p. 177; C 102/96 du 26 mars 1997 consid. 5d, in SVR
1997 ALV n° 101 p. 309; 8C_1044/2008 du 13 février 2009 consid. 3.2.1).
En édictant l'alinéa 2 de l'art. 51 LACI, le législateur a voulu exclure d'une
protection particulière les personnes qui exercent aussi bien une influence sur
la conduite des affaires et sur la politique de l'entreprise qu'un droit de
regard sur les pièces comptables et ne sont, de ce fait, pas surprises par la
faillite subite de l'employeur (FF 1994 I p. 362). Si le fait de disposer d'un
droit de regard sur la comptabilité est un indice de l'influence que peut
exercer un travailleur sur le processus de décision de l'entreprise, il ne
saurait constituer un motif indépendant d'exclusion. Le comptable responsable
serait sinon exclu d'office du droit à l'indemnité en raison de sa fonction au
sein de l'entreprise. Une telle sanction serait incompatible avec le texte
clair et la ratio legis de l'art. 51 al. 2 LACI, qui suppose, en priorité, que
la personne exclue du droit puisse exercer une influence déterminante sur la
conduite des affaires de l'employeur (cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi
sur l'assurance-chômage, 2014, n° 16 ad art. 51 LACI). Ce qui est décisif,
c'est de savoir si l'employé a pu prendre une part prépondérante à la formation
de la volonté de la société, dans les domaines qui touchent à l'orientation, à
l'étendue ou à la cessation de l'activité (cf. arrêt C 160/05 du 24 janvier
2006, consid. 6). Dans cette dernière hypothèse, un assuré n'a pas droit à
l'indemnité, car il peut lui-même décider de l'étendue de son droit, avec les
risques d'abus que cela comporte.

4. 
En l'espèce, les premiers juges ont retenu que la recourante pouvait influencer
la marche de la société, dans la mesure où elle détenait l'intégralité des
actions. Même si la convention de fiducie prévoyait qu'elle devait suivre les
instructions de son frère, il était également indiqué qu'elle disposait de tous
les droits et obligations conférés par la loi et les statuts aux titulaires
d'actions. Par ailleurs, le contrat de fiducie avait été conclu entre des
personnes unies par un lien familial et c'était dans le but d'aider son frère
que la recourante avait accepté la direction de la société. L'absence
d'inscription de B.________ au registre du commerce lui offrait en outre une
position dirigeante vis-à-vis des tiers et la signature individuelle donnait
davantage de prérogatives qu'une signature collective à deux. Enfin, la
recourante détenait un pouvoir financier dans la société, puisqu'elle en gérait
les comptes. Aussi bien la cour cantonale a-t-elle considéré que celle-ci ne
pouvait prétendre une indemnité en cas d'insolvabilité en raison de sa fonction
dirigeante.

5. 
La recourante soutient en substance que l'appréciation des premiers juges est
insoutenable et ne reflète pas sa position réelle au sein de la société. Elle
fait valoir qu'elle ne pouvait pas exercer ses prérogatives d'actionnaire
librement, vu que le contrat fiduciaire impliquait une stricte subordination de
son activité aux instructions de son frère. Le fait qu'elle a dû s'adresser à
la justice pour récupérer ses effets personnels après son licenciement serait
un exemple patent de son manque de pouvoir dirigeant, tout comme ses
difficultés à obtenir la radiation de son inscription au registre du commerce
et le fait qu'elle ne siégeait pas au conseil d'administration. La juridiction
cantonale aurait également dérogé à la jurisprudence en accordant un poids
décisif à l'inscription au registre du commerce. La recourante soutient par
ailleurs que même si elle était en charge des comptes, cela ne lui donnait pas
de pouvoir décisionnel particulier. Elle fait valoir à ce propos qu'elle n'a
plus perçu son salaire à partir de novembre 2013. Enfin, le lien familial avec
son frère ne lui aurait offert aucune position privilégiée au regard du contrat
de fiducie, dont on peut déduire, selon elle, que c'est par commodité que son
frère lui a demandé d'oeuvrer comme "homme de paille". En conclusion, elle
soutient que c'est bien lui qui prenait toutes les décisions, se prévalant à ce
propos de témoignages écrits produits devant l'autorité cantonale et écartés à
tort par celle-ci.

6. 
En l'occurrence, la détention d'une participation financière à l'entreprise
peut constituer un motif d'exclusion du droit à l'indemnité en cas
d'insolvabilité, conformément au texte de l'art. 51 al. 2 LACI. En l'espèce, il
est établi que jusqu'au 17 mars 2014 la recourante détenait, à titre
fiduciaire, la totalité des actions de la société. Selon la jurisprudence, le
fiduciaire est, sur le plan du droit civil suisse, considéré comme le
propriétaire des biens ou des droits qui lui ont été transférés à titre
fiduciaire (ATF 130 III 417 consid. 3.4 p. 426 s.; 117 II 429 consid. 3b p. 430
ss). Pour sa part, le fiduciant a une créance personnelle en restitution des
biens propriété du fiduciaire. Le fait que le fiduciaire détient les actions
pour le compte et aux risques du fiduciant ne change rien à la qualité de
propriétaire du fiduciaire au regard du droit civil (arrêt 2C_785/2013 du 28
mai 2014 consid. 4.5, in RDAF 2014 II 470, et les références citées). La
question de savoir si un actionnaire unique, qui dispose ex lege d'un pouvoir
déterminant (cf. à ce sujet le consid. 5 du jugement attaqué), peut d'emblée
être exclu du droit à l'indemnité, sans qu'il soit nécessaire de procéder à un
examen en fonction des circonstances concrètes (comme c'est le cas pour les
membres de conseils d'administration [ATF 122 V 270 consid. 3 p. 272 s.]), peut
rester ouverte. En effet, même en se fondant sur les rapports internes de
l'entreprise - et il convient sur ce point de compléter d'office l'état de fait
du jugement attaqué (105 al. 2 LTF) - on ne saurait nier que la recourante
participait à la formation de la volonté sociale.
On peut déduire du contrat de fiducie que la recourante ne jouissait pas d'une
totale indépendance dans l'exercice de sa fonction; ce que confirment
d'ailleurs les témoignages écrits auxquels elle se réfère dans son recours.
Cependant sa position n'est de loin pas comparable au rôle d'un homme de
paille. Il ressort des échanges de courriels produits au dossier que son frère
et elle partageaient des intérêts communs dans la bonne marche de la société et
qu'elle était pleinement impliquée dans la gestion du personnel et des
finances. On relèvera notamment ses déclarations suivantes:

"Va falloir avoir les pieds sur terre et ne pas faire n'importe quoi avec
l'argent", "il faut que tu licencies D.________, il ne sert à rien", "c'est pas
parce qu'il va [y] avoir une rentrée d'argent qu'il faut faire n'importe quoi
et si tu m'écoutes pas on laisse tout tomber et nous on rentre en France. La
galère j'en ai marre..." (courriel du 22 janvier 2013 à son frère); "nous
faisons tout pour que C.________ SA fonctionne, afin que nous puissions te
rendre tout l'argent que tu as donné", "Au vu de la situation E.________ tu ne
peux pas garder D.________ et F.________ puisque nous avons décidé de nous
séparer de monsieur G.________. H.________ va reprendre ton poste en tant
qu'administrateur et va donc gérer. Je serai là pour l'épauler..." (courriel du
6 mai 2013 à l'administratrice unique de la société); "nous croulons sous les
relances de factures de nos différents clients avec menaces de poursuites. Nous
devons payer également toutes nos poursuites, nous avons un sérieux problème!",
"Nous n'avons pas de trésorerie pour faire face à cette crise, que
faisons-nous?", "Dans le cas où nous fermons nous allons devoir payer nos
factures... On a des petits chantiers mais ça ne réglera pas nos soucis,
j'espère qu'on pourra payer les salaires de nos employés !" (courriel du 2
octobre 2013 à l'administratrice unique); "Nous avons fait le choix de payer
toutes les poursuites mais nous n'avons pas pu payer tous nos fabricants."
(courriel du 11 octobre 2013 à son frère).
On doit admettre au vu du contenu des messages que l'étendue du pouvoir de la
recourante dépassait un simple droit de regard sur les comptes de la société.
Elle était en outre, en raison de sa fonction, pleinement consciente des
difficultés financières que traversait la société (supra consid. 3.2). C'est
donc à juste titre que la juridiction cantonale a nié le droit de la recourante
à l'indemnité en cas d'insolvabilité en raison de sa position dirigeante. Quant
à une éventuelle rupture des liens avec la société après son licenciement, elle
peut certes ouvrir le droit à l'indemnité de chômage (voir à ce sujet BORIS
RUBIN, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position
assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013, p. 1 ss, en particulier ch. VI
/2 p. 7s.), mais n'est pas pertinente en ce qui concerne le droit à l'indemnité
en cas d'insolvabilité.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé et doit être rejeté.

7. 
Les frais afférents à la présente procédure seront supportés par la recourante
qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle a cependant déposé une demande
d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la
désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi sont
réalisées (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée.
En l'occurrence, la recourante était représentée par Maître Isabelle Salomé
Daïna et Vesna Stanimirovic, avocate-stagiaire au moment du dépôt du recours.
Seule la première peut être nommée d'office (art. 64 al. 2 LTF; cf. HANSJÖRG
SEILER, Bundesgerichtsgesetz, 2 ^e éd. 2015, n° 43 ad art. 64 LTF; THOMAS
GEISER, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2 ^e éd. 2011, n° 33 ad art.
64 LTF).
Par ailleurs, la recourante est rendue attentive au fait qu'elle devra
rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, si elle retrouve ultérieurement une
situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
L'assistance judiciaire est accordée à la recourante et M ^e Isabelle Salomé
Daïna est désignée comme avocate d'office de la recourante.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du
Tribunal fédéral.

4. 
Une indemnité de 2'800 fr., supportée par la Caisse du Tribunal, est allouée à
M ^e Isabelle Salomé Daïna, à titre d'honoraires.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales
du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie
(SECO).

Lucerne, le 6 septembre 2016

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Maillard

La Greffière : Castella

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