Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.700/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_700/2015

Arrêt du 14 septembre 2016

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffier : M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Jacques Roulet, avocat,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Genève,
intimé.

Objet
délit de chauffard

recours contre l'arrêt rendu le 28 mai 2015 par la Chambre pénale d'appel et de
révision de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A. 
Le 24 mai 2013, X.________ conduisait une automobile sur l'autoroute A1 en
direction de la frontière française. Dans la commune de Bardonnex, à l'approche
de la douane, des signaux limitent la vitesse autorisée à 40 km/h. Sur ce
tronçon, la vitesse de X.________ a été contrôlée à 14h12 par un radar mobile;
l'appareil a relevé 99 km/h. Après déduction d'une marge de 3 km/h, la vitesse
autorisée était dépassée de 56 km/h.
Accusé de délit de chauffard selon l'art. 90 al. 3 et 90 al. 4 let. b de la loi
fédérale sur la circulation routière (LCR), X.________ a été jugé le 18
septembre 2014 par le Tribunal de police du canton de Genève. Ce tribunal l'a
acquitté du délit de chauffard et reconnu coupable de violation grave des
règles de la circulation routière selon l'art. 90 al. 2 LCR; il lui a infligé
la peine pécuniaire de cent vingt jours-amende au taux de 80 fr. par jour, avec
sursis durant trois ans, et une amende de 1'500 francs.
La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a statué le 28
mai 2015 sur les appels du prévenu et du Ministère public. Selon les
conclusions du prévenu, les deux peines devaient être réduites, la peine
pécuniaire de cent vingt à septante jours-amende et l'amende de 1'500 fr. à
1'000 francs. La Cour a rejeté cet appel et elle a accueilli celui du Ministère
public. X.________ est désormais reconnu coupable de délit de chauffard et
condamné à un an de privation de liberté, avec sursis durant trois ans.

B. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ saisit le
Tribunal fédéral de conclusions libellées de manière ambiguë. Il réclame de
n'être condamné que pour violation simple des règles de la circulation selon
l'art. 90 al. 1 LCR, ou d'être libéré de toute prévention.
Le Ministère public conclut au rejet du recours; la Cour de justice a renoncé à
présenter des observations.
Le recourant a pris position sur les observations du Ministère public.

Considérant en droit :

1. 
Le recourant tient sa condamnation pour viciée parce que les signaux limitant
la vitesse à 40 km/h n'ont pas été valablement mis en place.

1.1. L'art. 27 al. 1 LCR impose aux usagers de la route de se conformer aux
signaux et aux marques. Selon la jurisprudence, dans l'intérêt de la sécurité
du trafic, ce devoir s'étend également aux signaux et aux marques qui n'ont pas
été apposés de manière régulière, lorsque ceux-ci créent une apparence digne de
protection pour d'autres usagers; le devoir de s'y conformer découle alors du
principe de la confiance qui se rattache à l'art. 26 al. 1 LCR. Une éventuelle
irrégularité n'est pas reconnaissable par la majorité des usagers; c'est
pourquoi celui qui sait qu'un signal n'a pas été apposé régulièrement ne doit
pas, par un comportement non conforme à ce signal, mettre en danger les autres
usagers qui se fient à l'apparence ainsi créée (ATF 128 IV 184 consid. 4.2 p.
186). Cela concerne notamment les signaux de limitation de la vitesse. Un
comportement non conforme aux signaux et aux marques ne peut être licite que
dans des cas très exceptionnels, où ces injonctions sont entachées de vices si
particulièrement manifestes qu'elles doivent être tenues pour nulles (ATF 128
IV 184 cons. 4.3 p. 186/187; 113 IV 123 consid. 2b p. 124; 99 IV 164 consid. 6
p. 169; arrêt 6B_112/2011 du 8 juin 2011, consid. 3.3, JdT 2011 I 314).
L'art. 108 de l'ordonnance sur la signalisation routière (OSR) régit les
dérogations aux limitations générales de vitesse. Sur les autoroutes, aux
termes de l'art. 108 al. 5 let. a OSR, des limitations inférieures à 120 km/h,
jusqu'à 60 km/h, peuvent être prescrites. Dans le périmètre des jonctions et
des intersections, des limitations plus sévères encore sont admissibles selon
le degré d'aménagement. Toutes ces limitations doivent respecter une gradation
de 10 km/h.
L'art. 108 al. 4 OSR exige qu'une dérogation aux limitations générales de
vitesse soit précédée d'une expertise destinée à vérifier que cette mesure soit
nécessaire, opportune et conforme au principe de la proportionnalité; il
s'impose notamment d'examiner s'il est possible de limiter la mesure aux heures
de pointe.
L'art. 107 al. 1 et 1bis OSR exige qu'avant la mise en place des signaux
correspondants, les mesures de réglementation locale du trafic, telles les
dérogations aux limitations générales de vitesse, soient ordonnées et publiées
par l'autorité avec l'indication des voies de recours.
La Cour de justice retient que les signaux limitant la vitesse à 40 km/h sur le
tronçon d'autoroute présentement en cause ne sont pas conformes à la gradation
de 10 km/h, d'une part, et que leur mise en place n'a pas été ordonnée par une
décision publiée avec l'indication des voies de recours, d'autre part. Cette
limitation de la vitesse est donc irrégulière. Le recourant soutient qu'il ne
peut par conséquent pas être condamné pour l'avoir violée.

1.2. Le recourant ne prétend pas avoir su que la limitation à 40 km/h était
irrégulière et s'être cru pour ce motif autorisé à ne pas la respecter.
La Cour de justice considère que cette limitation de vitesse se justifie au
regard de la configuration particulière d'un tronçon d'autoroute aboutissant à
un poste de douane, où les véhicules doivent réduire progressivement leur
vitesse de manière à rouler au pas au moment de leur passage devant le poste.
Cela n'est pas sérieusement contesté par le recourant. Au contraire, selon son
propre exposé, « il est notoire que ce tronçon est emprunté quotidiennement par
tous les travailleurs, notamment frontaliers, qui rentrent chez eux, ce qui
crée régulièrement de forts engorgements ». Il n'est donc pas question d'une
limitation de vitesse entachée d'un vice si manifeste qu'il s'impose de la
considérer comme nulle. Au regard de la jurisprudence précitée relative à
l'art. 26 al. 1 LCR, le recourant avait donc le devoir de s'y conformer. Le
moyen de défense qu'il prétend tirer des art. 107 al. 1 et 1bis OSR et 108 al.
5 let. a OSR est ainsi privé de fondement. Le recourant allègue inutilement que
251 autres conducteurs ont eux aussi été trouvés en excès de vitesse au même
endroit et dans le même laps d'environ une heure. Ce fait n'est d'ailleurs pas
constaté dans l'arrêt attaqué, de sorte que même s'il était pertinent, le
Tribunal fédéral ne pourrait pas le prendre en considération conformément à
l'art. 105 al. 1 LTF.

2. 
L'art. 90 al. 3 LCR définit et réprime les infractions particulièrement graves
aux règles de la circulation routière, dites « délit de chauffard ». Le
recourant se plaint d'une application prétendument incorrecte de cette
disposition.

2.1. Celle-ci vise textuellement « celui qui, par une violation intentionnelle
des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque
d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en
commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des
dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites
avec des véhicules automobiles ».
L'art. 90 al. 4 LCR se rattache à cette même disposition; il se lit comme suit:
L'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été
dépassée:
a. d'au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h;
b. d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h;
c. d'au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h;
d. d'au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h.

La Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a statué le 20 novembre 2014
sur un recours de l'Office fédéral des routes qui tendait à l'aggravation d'une
sanction administrative. Le conducteur en cause, circulant sur une autoroute,
avait dépassé de 64 km/h une limite fixée à 80 km/h. Le dépassement était
appréhendé par l'art. 90 al. 4 let. c LCR. De cela, selon l'appréciation
juridique de la Cour, il résultait que le conducteur devait être jugé sans
autre examen coupable du délit de chauffard. Il n'était ni nécessaire ni
admissible de discuter, ce que l'autorité précédente avait erronément fait, si
ce conducteur avait agi intentionnellement, ni s'il avait « accepté de courir
un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort »;
ces conditions de la répression devaient être tenues pour accomplies par
l'effet d'une présomption irréfragable. Le libellé « L'al. 3 est toujours
applicable » excluait qu'un dépassement de la vitesse appréhendé par l'art. 90
al. 4 LCR pût constituer seulement une violation grave des règles de la
circulation, punissable selon l'art. 90 al. 2 LCR moins sévèrement que le délit
de chauffard, plutôt que ce délit-ci (arrêt 1C_397/2014 du 20 novembre 2014,
consid. 2.4.1). Il était également exclu de distinguer selon que le dépassement
de vitesse était perpétré sur une autoroute à chaussées séparées ou sur un
autre type de route (même arrêt, consid. 2.4.2).
Dans la présente contestation, la Cour de justice s'est référée à cet arrêt du
20 novembre 2014.

2.2. Le recourant critique l'interprétation de l'art. 90 al. 4 LCR retenue dans
ledit arrêt et par la Cour de justice. Il soutient que lorsque le dépassement
de la vitesse est appréhendé par cette dernière disposition, il en résulte
seulement, certes de manière irréfragable, qu'un « excès de vitesse
particulièrement important », aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, est avéré, et
que cela n'accomplit qu'un seul des éléments constitutifs du délit de
chauffard. Le recourant conteste avoir commis ce délit; il prétend n'avoir
dépassé la vitesse limitée à 40 km/h que par l'effet de sa simple inattention,
plutôt qu'intentionnellement, et il conteste avoir « accepté de courir un grand
risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort ». Il
affirme que la configuration des lieux - une chaussée d'autoroute à sens
unique, avec bande d'arrêt d'urgence et trois voies de circulation, se
prolongeant sur 700 m du lieu du contrôle jusqu'au poste de douane - et la
faible densité du trafic se prêtaient à la vitesse de 96 km/h, et qu'un pareil
risque était donc inexistant.
L'interprétation de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR qui se trouve à la base de l'arrêt
du 20 novembre 2014 est actuellement caduque. En effet, dans son arrêt 6B_165/
2015 du 1er juin 2016 (ATF 142 IV 137), rendu à l'issue de la procédure de
coordination entre cours prévue par l'art. 23 al. 1 LTF, la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral a exclu le principe d'une présomption irréfragable portant
sur les éléments subjectifs de l'infraction. Il a au contraire admis que
certains dépassements de la vitesse autorisée peuvent éventuellement réaliser
les conditions objectives du délit de chauffard sans toutefois relever de
l'intention, et que le juge de la cause pénale doit donc jouir d'un pouvoir
d'appréciation, certes restreint, qui lui permette dans des circonstances
particulières, aussi lors d'un dépassement de vitesse appréhendé par l'art. 90
al. 4 LCR, d'exclure la réalisation des conditions subjectives de ce délit
(consid. 11.2).

2.3. En l'espèce, la Cour de justice a appliqué une présomption irréfragable
qui était consacrée par une jurisprudence maintenant dépassée et qui n'est pas
conforme au droit fédéral. Elle n'a pas vérifié au regard des circonstances
concrètes du cas si le recourant a effectivement agi intentionnellement et s'il
a accepté de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves
blessures ou la mort. Il est peu ordinaire que la vitesse soit limitée à 40 km/
h sur une chaussée d'autoroute parfaitement aménagée. Parce que la décision
nécessaire selon l'art. 107 al. 1 et 1bis OSR a été omise, cette dérogation aux
limitations générales de vitesse semble n'avoir pas non plus été préalablement
étudiée conformément à l'art. 108 al. 4 OSR. Ces circonstances particulières
exigent un examen attentif des conditions subjectives du délit de chauffard.
Or, élucider ce que l'auteur d'une infraction savait ou voulait, ou ce dont il
s'accommodait au moment d'agir relève de la constatation des faits (ATF 135 IV
152 consid. 2.3.2 p. 156; 125 IV 242 consid. 3c p. 252 i.i.). Dans ce domaine
également, les déductions à opérer sur la base d'indices relèvent de la
constatation des faits (ATF 117 II 256 consid. 2b p. 258; 136 III 486 consid. 5
p. 489; 128 III 390 consid. 4.3.3 in fine p. 398). Celle-ci ressortit au
premier chef à la juridiction cantonale. Il convient donc d'annuler l'arrêt
attaqué et de renvoyer la cause à la Cour de justice pour nouveau prononcé.

3. 
Le recourant obtient en l'état gain de cause, de sorte que des dépens doivent
lui être alloués à la charge du canton de Genève.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable.

2. 
L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour de justice pour
nouvelle décision.

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
Le canton de Genève versera une indemnité de 3'000 fr. au recourant, à titre de
dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 14 septembre 2016

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le président : Denys

Le greffier : Thélin

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