Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.486/2015
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2015
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2015


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_486/2015

Arrêt du 25 mai 2016

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Mabillard.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Léonard Bruchez, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud,,
A.________,
B.________,
C.________,
tous les trois représentés par Me Flore Primault, avocate,
intimés.

Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants; fixation de la peine; indemnité,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 6 février 2015.

Faits :

A. 
Par jugement du 7 octobre 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de La Broye et du Nord vaudois a constaté que X.________ s'était rendu coupable
de calomnie, actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol
et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de
résistance. Il a condamné le prévenu à une peine privative de liberté de six
ans, sous déduction de 513 jours de détention avant jugement, cette peine étant
partiellement complémentaire à celle prononcée le 12 avril 2007, et ordonné un
traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré ambulatoire ainsi qu'un
contrôle de l'abstinence à l'alcool. Le prévenu a également été condamné à
verser, à titre d'indemnité pour tort moral, un montant de 50'000 fr., avec
intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2007 à A.________ ainsi qu'un montant de 1
fr. à C.________.
Statuant le 6 février 2015, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois
a partiellement admis l'appel de X.________, le libérant des accusations de
viol et de calomnie. Elle a confirmé les autres infractions. La peine a été
réduite à cinq ans et quatre mois et l'indemnité pour tort moral de A.________
ramenée à 40'000 francs. Pour le surplus, le jugement du tribunal correctionnel
a été confirmé.
En substance, il est reproché au prévenu d'avoir commis, entre 2003 et 2006 et
à réitérées reprises, divers actes d'ordre sexuel à l'encontre de A.________,
née en 1997. Le prévenu, alors proche ami des parents de celle-ci, B.________
et C.________, s'occupait à l'époque régulièrement des trois filles du couple.
En particulier, il emmenait parfois A.________ se promener avec le chien de la
famille et profitait notamment de ces instants pour l'amener dans un petit
cabanon se situant à proximité du domicile de la famille, où il abusait
sexuellement de l'enfant. A la même époque, le prévenu a touché les fesses de
D.________, alors âgée de 11 ou 12 ans, par-dessus les vêtements puis sous
ceux-ci; ces faits s'étaient déroulés à plusieurs reprises.

B. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral,
X.________ conclut à son acquittement et au rejet des conclusions civiles
prises à son encontre. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement
de la Cour d'appel pénale du 6 février 2015 et au renvoi de la cause à cette
autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en
outre l'assistance judiciaire.
La cour cantonale et le ministère public renoncent à déposer des déterminations
et se réfèrent à la décision attaquée. Invitée à se déterminer, C.________ n'a
pas produit de réponse. A.________ a conclu au rejet du recours, après avoir
obtenu l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le
recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il reproche à
la cour cantonale d'avoir refusé d'entendre E.________ et F.________, soeurs de
A.________.

1.1. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les
preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de
première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires.
Ainsi, la juridiction de recours peut administrer, d'office ou à la demande
d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours.
Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des
preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà
suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la
règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière
d'appréciation anticipée des preuves (arrêt 6B_977/2014 du 17 août 2015 consid.
1.2 et les références). Le magistrat peut renoncer à l'administration de
certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent
rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce
refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si
l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle
le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229 consid. 5.3 p. 236
s.; 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les arrêts cités).

1.2. En l'espèce, la cour cantonale a refusé la requête du recourant tendant à
l'audition comme témoins des deux soeurs de la victime au motif que ces preuves
complémentaires n'apparaissaient pas nécessaires au traitement de l'appel. Le
recourant ne partage pas cet avis; il ne voit en particulier pas en quoi ces
auditions ne seraient pas pertinentes. Cette argumentation est toutefois
insuffisante; le recourant n'explique en effet nullement en quoi la motivation
de la cour cantonale serait insoutenable. Celle-ci n'apparaît pas arbitraire et
le recourant invoque donc en vain son droit d'être entendu.

2. 
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière
manifestement inexacte en retenant qu'il avait commis des actes d'ordre sexuel
à l'encontre de A.________ et de D.________ alors même qu'il n'existait aucune
preuve, sinon les déclarations des parties plaignantes dix ans après les faits
sans que ces déclarations ne soient corroborées par le moindre élément concret.
Il invoque à cet égard le principe "in dubio pro reo".

2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves
découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de
l'arbitraire dans la constatation des faits. La notion d'arbitraire a été
rappelée récemment dans l'ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205, auquel on peut se
référer. En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat.
Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base
d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou
l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul
insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son
ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être
déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De
même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments
corroboratifs sont fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de
façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la
conviction (arrêt 6B_563/2014 du 10 juillet 2015 consid. 1.1 et l'arrêt cité).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP et 32 al. 1 Cst.,
ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le
fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. Lorsque, comme en
l'espèce, l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont
critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de
portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p.
82).

2.2. En l'espèce, l'accusation repose pour l'essentiel sur les déclarations des
parties plaignantes A.________ et D.________.

2.2.1. A la suite des premiers juges, la cour cantonale a constaté que les
versions des faits des parties plaignantes étaient parfaitement convaincantes.
S'agissant plus particulièrement des faits dénoncés par A.________, qui
constituaient le centre de l'accusation, les indices de vérité étaient
nombreux. Le récit était constitué des souvenirs d'une enfant. Ce récit sonnait
vrai par les détails inscrits dans la mémoire de la victime, qui évoquait
notamment des souvenirs sensoriels touchant l'odorat, l'ouïe, la vue et le
toucher; les émotions étaient congruentes, tout comme la gêne et la difficulté
à dévoiler qui ressortaient de son audition. Le fait que A.________ ne s'était
confiée à personne jusqu'en 2013 n'avait aucune incidence sur sa crédibilité.
Les circonstances des révélations étaient cohérentes avec les explications de
l'intimée : elles s'inscrivaient dans le contexte de difficultés rencontrées
lors de préliminaires amoureux à l'adolescence et faisaient suite à son suivi
par une psychologue, dont elle avait pris l'initiative. Son récit était en
outre corroboré par celui de l'autre victime, D.________, avec lequel il était
entièrement compatible. Enfin, les explications du recourant au fil de ses
auditions étaient troubles et ambiguës, certains attouchements prétendument
accidentels étant admis.

2.2.2. Le recourant relève qu'aucune preuve matérielle ne vient étayer les
déclarations des parties plaignantes, alors qu'il avait toujours nié les faits
de manière non équivoque, contrairement à ce qu'avait retenu la cour cantonale.
Celle-ci avait par ailleurs établi que les parents n'avaient remarqué aucune
lésion ou trace physique en faisant la toilette à leur fille; elle en avait
arbitrairement déduit que "des lésions internes n'auraient selon toute
vraisemblance pas pu être constatées par un parent donnant le bain à une
fillette de 6 à 9 ans". Or, ces agissements, notamment une pénétration à l'âge
de 6 ans, auraient laissé des traces visibles, ce même en cas de précautions
particulières prises sur lui-même par le recourant. Il relève encore quelques
incohérences dans les déclarations de A.________ ou de ses parents, qui
seraient incompatibles avec le rôle qu'ils voudraient lui faire endosser. Il
rediscute aussi l'appréciation du témoignage de G.________ qui avait rapporté
avoir eu peur de lui. Par ailleurs, il fait valoir que les conclusions de
l'expert ne permettaient pas de retenir qu'il s'était livré à la pratique
d'actes déviants et aucun matériel à caractère pédophile n'avait été retrouvé
en sa possession. Ces nombreux éléments étaient suffisants à son avis pour
laisser un doute raisonnable et irréductible à l'autorité précédente, doute qui
aurait dû lui profiter.

2.2.3. Il apparaît que le recourant discute librement l'appréciation des faits
et des preuves à laquelle a procédé la cour cantonale, en y opposant sa propre
version. Il est douteux qu'une telle argumentation soit recevable. Quoi qu'il
en soit, elle ne permet pas de déceler de l'arbitraire dans l'établissement des
faits du jugement attaqué. Les juges cantonaux ont expliqué de manière
détaillée en quoi les éventuelles contradictions dans les déclarations de
A.________ ne remettaient pas en cause la crédibilité de cette dernière; aucune
déclaration de tiers n'infirmait par ailleurs celles des victimes. Quant à
l'absence de traces matérielles des abus dénoncés, il n'est pas arbitraire de
considérer que des lésions internes n'auraient selon toute vraisemblance pas pu
être constatées par un parent se contentant de donner le bain à une fillette de
6 à 9 ans sans examiner son intimité. Le recourant dément par ailleurs en vain
sa position ambiguë durant toute la procédure; il a certes toujours nié les
faits reprochés, mais en expliquant qu'il ne se souvenait pas ou qu'il ne
savait pas si c'était vrai ou pas et que, si c'était le cas, il fallait
l'enfermer à vie. Il a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne savait pas s'il
avait commis les actes qu'on lui reprochait ou pas, puis a voulu demander
pardon à la victime, précisant qu'il méritait la mort.

2.3. Sur la base de ces éléments, il apparaît que, malgré les critiques du
recourant et l'absence de preuves matérielles, la cour cantonale n'a pas violé
le principe de la présomption d'innocence en se déclarant convaincue de sa
culpabilité.

3. 
Invoquant les art. 47 et 48 let. e CP, le recourant conteste la quotité de la
peine. Il soutient en substance que l'abandon des qualifications de viol et de
calomnie en deuxième instance aurait dû entraîner une réduction de peine plus
conséquente. Par ailleurs, la cour cantonale avait insuffisamment tenu compte
des circonstances atténuantes pour déterminer la quotité de la peine; en
particulier, un temps relativement long s'était écoulé depuis les actes
reprochés et il n'avait plus commis d'infractions analogues depuis.

3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle
de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La
culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger
du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les
motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci
aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation
personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). L'art. 47 CP confère un
large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le
droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde
sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en
considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou,
enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point
de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p.
61).
Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à
punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et
que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. Cette disposition ne fixe
pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du
temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription.
L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir,
doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas
encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien
comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit
écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque
les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF
140 IV 145 consid. 3.1 p. 148). S'agissant d'infractions imprescriptibles au
sens de l'art. 101 CP, l'alinéa 2 de cette disposition prévoit que le juge peut
atténuer la peine dans le cas où l'action pénale est prescrite en vertu des
art. 97 et 98 CP. Cette disposition précise l'art. 48 let. e CP en ce qui
concerne les infractions imprescriptibles. Elle fixe ainsi le délai à partir
duquel le juge peut atténuer la peine dans ce cadre. L'art. 48 let. e CP n'est
par conséquent pas applicable aux crimes imprescriptibles (ATF 140 IV 145
consid. 3.2 p. 148).

3.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que la culpabilité du recourant
était très lourde. Celui-ci avait agi à réitérées reprises et s'en était pris à
deux victimes; l'une d'elles était une enfant en bas âge et elle avait subi des
actes particulièrement odieux. Le recourant avait en outre ainsi trahi la
confiance d'une famille amie, qui l'avait souvent hébergé et accueilli en ami.
A décharge, les juges cantonaux ont tenu compte de l'ancienneté des faits, de
l'addiction du prévenu à l'alcool et de la diminution de responsabilité légère
retenue par les experts. L'infraction de calomnie (pour des faits intervenus en
juin 2013 et janvier 2014) ayant été écartée, ils ont relevé que la peine à
prononcer était entièrement complémentaire à celle prononcée le 12 avril 2007
pour infraction à la loi sur la circulation routière, et non plus partiellement
complémentaire comme arrêté par le tribunal correctionnel. La peine globale
hypothétique devait être fixée à 6 ans; la peine prononcée le 12 avril 2007
étant de 8 mois de privation de liberté, la peine complémentaire était arrêtée
à 5 ans et 4 mois de peine privative de liberté.
Contrairement à ce que soutient le recourant, c'est à juste titre que la cour
cantonale n'a pas retenu le motif d'atténuation obligatoire de la peine de
l'art. 48 let. e CP puisque cette disposition n'est pas applicable aux crimes
imprescriptibles, à savoir aux infractions des art. 187 ch. 1, 189 et 191 CP
commises par le recourant (art. 101 al. 1 let. e CP et 101 al. 3 dernière
phrase CP). Les juges cantonaux ont néanmoins tenu compte du temps écoulé
depuis les abus sexuels dans leur appréciation globale. Ils ont également pris
en considération l'abandon du chef d'accusation de calomnie. Quant à
l'infraction de viol, il sied de relever que le recourant a été libéré de cette
accusation dans la mesure où la cour cantonale a modifié la qualification
juridique des actes commis. Au demeurant, le recourant ne peut être suivi quand
il affirme que la cour cantonale a maintenu une peine d'une durée équivalente à
celle prononcée par le tribunal correctionnel (peine privative de liberté de 6
ans). Cette peine était en effet partiellement complémentaire à celle prononcée
le 12 avril 2007 alors que la nouvelle peine est entièrement complémentaire, le
recourant étant condamné à 5 ans et 4 mois de peine privative de liberté. Il y
a dès lors lieu de constater que la peine a été fixée dans le cadre légal et
sur la base de critères pertinents; en outre, elle n'apparaît pas exagérément
sévère au point de constituer un abus du large pouvoir d'appréciation dont
dispose le juge dans ce domaine.

4. 
Le recourant conteste l'indemnité pour tort moral de 40'000 fr. qu'il est
condamné à verser à A.________. Il estime ce montant exagéré; l'indemnité
devrait être réduite à une somme qui n'excède pas 20'000 francs.

4.1. L'art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa
personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour
autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas
donné satisfaction autrement.
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des
souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la
victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une
somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature,
l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut
que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en
chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit
toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 s.; 129 IV 22
consid. 7.2 p. 36). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de
l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à
la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter
aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie
(ATF 129 IV 22 consid. 7.2 p. 36 s. et les arrêts cités).
La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du
droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la mesure
où celle-ci relève pour une part importante de l'appréciation des
circonstances, il fait toutefois preuve de retenue. Il n'intervient que si
l'autorité cantonale s'est fondée sur des critères étrangers à la disposition
applicable, a omis de tenir compte d'éléments pertinents ou a fixé une
indemnité inéquitable parce que manifestement trop élevée ou trop faible. Comme
il s'agit d'une question d'équité, et non d'une question d'appréciation au sens
strict, qui limiterait sa cognition à l'abus ou à l'excès du pouvoir
d'appréciation, le Tribunal fédéral examine toutefois librement si la somme
allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est
disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la
victime (ATF 138 III 337 consid. 6.3.1 p. 344 s. et les références citées).
S'agissant du montant de l'indemnité, toute comparaison avec d'autres affaires
doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments
d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit
différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d'autres cas
similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément
d'orientation utile (ATF 138 III 337 consid. 6.3.3 p. 345 et l'arrêt cité).

4.2. En l'espèce, les faits commis par le recourant au préjudice de A.________
sont très graves. S'étendant sur plusieurs années, ils ont souillé et
dévalorisé la jeune victime, qui s'est retrouvée enfermée dans son silence,
dont elle n'a pu se libérer que bien des années après les faits. En alléguant
que l'intimée a gardé le silence pendant dix ans, que son comportement ainsi
que son attitude à l'époque des événements n'ont jamais changé et qu'aucune
séquelle physique n'a jamais été constatée, le recourant tente de minimiser la
portée de ses actes. Or, comme l'ont relevé les juges cantonaux, celle-ci a de
toute évidence intensément souffert des abus perpétrés et en sera marquée à
vie. La souffrance et son traumatisme, réactivés à l'adolescence, sont
clairement perceptibles.
Le recourant se réfère à l'arrêt 6B_970/2013 du 24 juin 2014 dans lequel un
montant de 20'000 fr. avait été alloué à une jeune victime d'abus sexuels. Or,
avec les juges cantonaux, l'on doit constater que les deux affaires sont
différentes, dans le sens que les sévices endurés par A.________ sont plus
importants et s'étendent sur une période plus longue - quelques années au lieu
de quelques mois -. La cour cantonale a pris comparaison avec l'arrêt cité par
le tribunal correctionnel (arrêt 6B_646/2008 du 23 avril 2009), où des
indemnités de 50'000 fr. avaient été accordées pour des faits multiples sur une
période encore plus importante; elle a estimé que les crimes de la présente
cause, même si leur gravité avait déjà été soulignée, justifiaient l'allocation
d'une réparation morale quelque peu inférieure, qu'elle a arrêtée à 40'000
francs. Au vu de la jurisprudence précitée et des circonstances du cas
d'espèce, ce montant n'apparaît pas excessif et ne consacre pas un abus du
pouvoir d'appréciation de la cour cantonale.

5. 
Le recourant soutient enfin que les conclusions civiles allouées à C.________
(1 franc symbolique) doivent être rejetées puisqu'il a été acquitté de
l'infraction de calomnie. Au demeurant, il allègue que l'allocation d'une
indemnité pour tort moral nécessite une "atteinte grave", ce qui ne serait en
l'évidence pas le cas en l'espèce.

5.1. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. b CPP, le tribunal statue également sur
les conclusions civiles lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est
suffisamment établi (à défaut, il doit renvoyer la partie plaignante à agir par
la voie civile; art. 126 al. 2 let. d CPP). Un jugement d'acquittement peut
donc aussi bien aboutir à la condamnation du prévenu sur le plan civil - étant
rappelé que, selon l'art. 53 CO, le jugement pénal ne lie pas le juge civil -
qu'au déboutement de la partie plaignante (YVAN JEANNERET, L'action civile au
pénal, in Quelques actions en paiement, 2009, n° 74 p. 131 s.; JEANDIN/MATZ, in
Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 11 ad art. 126
CPP).
Ainsi que l'indique l'art. 122 al. 1 CPP, les prétentions civiles que peut
faire valoir la partie plaignante sont exclusivement celles qui sont déduites
de l'infraction. Cela signifie que les prétentions civiles doivent découler
d'une ou de plusieurs infractions qui, dans un premier temps, sont l'objet des
investigations menées dans la procédure préliminaire, puis, dans un second
temps, figurent dans l'acte d'accusation élaboré par le ministère public, en
application de l'art. 325 CPP. La plupart du temps, le fondement juridique des
prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile
des art. 41 ss CO. La partie plaignante peut ainsi réclamer la réparation de
son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et
49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de
l'infraction reprochée au prévenu (YVAN JEANNERET, op. cit., nos 50 ss p. 121
s.; PIQUEREZ/MACALUSO, Procédure pénale suisse,3 ^e éd. 2011, n° 1626 p. 556).
En règle générale, si l'acquittement résulte de motifs juridiques (c'est-à-dire
en cas de non réalisation d'un élément constitutif de l'infraction), les
conditions d'une action civile par adhésion à la procédure pénale font défaut
et les conclusions civiles doivent être rejetées (cf. VICTOR LIEBER, in
Donatsch/Hansjakob/ Lieber (édit.) Kommentar zur Schweizerischen
Strafprozessordnung (StPO), 2 ^e éd. 2014, n° 8 ad art. 126 CPP; ANNETTE DOLGE,
in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2 ^e éd. 2013, n° 21
ad art. 126 CPP).

5.2. Aux termes de l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à la
personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui
y participe (al. 1); une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit
justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé
ou public, ou par la loi (al. 2).
Cette disposition protège le sentiment qu'une personne a de sa propre dignité
(«honneur interne»), ainsi que toutes les qualités nécessaires à une personne
pour être respectée dans son milieu social («honneur externe»). L'honneur
externe comprend, non seulement le droit d'une personne à la considération
morale, c'est-à-dire le droit à sa réputation d'honnête homme pour son
comportement dans la vie privée ou publique, mais aussi le droit à la
considération sociale, à savoir notamment le droit à l'estime professionnelle,
économique ou sociale. Pour juger si une déclaration est propre à entacher une
réputation, il faut utiliser des critères objectifs et se placer du point de
vue du citoyen moyen, en tenant compte des circonstances, en particulier du
contexte dans lequel la déclaration a été émise (ATF 129 III 49 consid. 2.2 p.
51; 127 III 481 consid. 2b/aa p. 487; 126 III 209 consid. 3a in fine p. 213).
N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou
sociale d'une personne ne justifie pas une réparation (ATF 130 III 699 consid.
5.1 p. 704; 125 III 70 consid. 3a p. 75). L'allocation d'une indemnité pour
tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une
certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime,
subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il
apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge
pour obtenir réparation (cf. ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29; arrêt 1B_648/
2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2).

5.3. Il ressort du jugement attaqué que le recourant a proféré des propos
mensongers à l'encontre de C.________ uniquement dans le cadre d'une audition
par le procureur, en affirmant l'avoir eue pour maîtresse.
La question de savoir si, malgré son acquittement, le comportement du recourant
constitue néanmoins une atteinte illicite à la personnalité de l'intimée et
ouvre la voie à l'action civile par adhésion à la procédure pénale peut rester
indécise en l'espèce. Il apparaît en effet peu probable que les déclarations
litigieuses aient pu avoir un impact sur la vie privée ou sociale de
l'intéressée d'une intensité telle qu'il se justifierait de lui octroyer une
réparation fondée sur l'art. 49 CO. Le jugement attaqué ne dit d'ailleurs rien
à ce sujet. C'est dès lors en violation du droit fédéral que la cour cantonale
a condamné le recourant à verser à C.________ un montant de 1 fr. à titre
d'indemnité pour tort moral. Le jugement attaqué doit par conséquent être
annulé sur ce point.

6. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis. Le
jugement attaqué est réformé en ce sens que la demande d'indemnité pour tort
moral de C.________ est rejetée. Il est confirmé pour le surplus.
Le recourant a requis l'assistance judiciaire. Dans la mesure où il obtient
partiellement gain de cause, il ne sera pas perçu de frais (art. 66 al. 1 et 4
LTF) et il obtiendra des dépens réduits de la part du canton (art. 68 al. 1
LTF), l'intimée C.________ ne s'étant pas déterminée. La requête d'assistance
judiciaire est, pour cette partie de la procédure, sans objet. Pour le surplus,
le recours était dénué de chances de succès si bien que l'assistance judiciaire
doit lui être refusée pour le reste (art. 64 al. 1 LTF). Une partie des frais
sera ainsi supportée par le recourant (art. 66 al. 1 LTF), qui devra verser à
l'intimée A.________ une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis. Le jugement attaqué est réformé en ce sens
que la demande d'indemnité pour tort moral de C.________ est rejetée. Pour le
surplus, le recours est rejeté.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée dans la mesure où elle n'est pas
sans objet.

3. 
Les frais judiciaires, fixés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 
Le canton de Vaud versera au conseil du recourant une indemnité réduite de 800
fr. à titre de dépens.

5. 
Le recourant versera au conseil de l'intimée A.________ une indemnité de 3'000
fr. à titre de dépens.

6. 
Pour le cas où les dépens dus par le recourant ne pourraient pas être
recouvrés, la caisse du Tribunal fédéral versera au conseil de l'intimée
A.________ une indemnité de 3'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

7. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 25 mai 2016
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Mabillard

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben