Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.456/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[R]             
{T 0/2}
                
6B_456/2015

Arrêt du 21 mars 2016

Cour de droit pénal

Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffier : M. Vallat.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Yaël Hayat, avocate,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
intimé.

Objet
Fixation de la peine (infraction à la LStup), conditions de détention

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 4 février 2015.

Faits :

A. 
Par jugement du 13 octobre 2014, le Tribunal correctionnel du canton de Genève
a reconnu X.________, jugé aux côtés de A.________, coupable d'infraction à
l'art. 19 al. 1 et 2 let. a LStup et l'a condamné à 4 ans de privation de
liberté sous déduction de 175 jours de détention avant jugement.

B. 
Saisie d'un appel de X.________, puis d'un appel joint du Ministère public, par
jugement sur appel du 4 février 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision
de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le premier et admis le
second, la durée de la peine privative de liberté infligée étant portée à 5
ans, sous déduction de 289 jours de détention avant jugement. En bref, ce
jugement sur appel retient que de la fin du mois de février au 22 avril 2014,
X.________ s'est livré à un trafic d'héroïne portant sur une quantité évaluée à
plus de 3,5 kilos. Durant près de 2 mois, il a écoulé pas moins de 1 à 1,5 kilo
de drogue, avant de former son successeur, A.________.
A son entrée à la prison de Champ-Dollon, le 23 avril 2014, X.________ a passé
sa première nuit dans une cellule d'une surface nette de 10,18 m2, hébergeant
trois détenus. Il a ensuite séjourné 265 nuits dans une cellule de type C3
d'une surface nette de 23,92 m2 (Unité Nord) occupée successivement par cinq
(21 nuits, souvent non consécutives) et six détenus (244 nuits), laissant à
disposition de chacun d'eux un espace individuel net de respectivement 4,78 et
3,99 m2. Le 2 mai 2014, il s'est inscrit sur la liste d'attente pour obtenir
une place de travail. Deux mois plus tard, il a refusé son transfert dans
l'aile Est de la prison, obligatoire pour l'obtention d'une place de travail,
et son nom a été rayé de la liste d'attente. A partir du 2 novembre 2014, il a
toutefois pu bénéficier, au niveau de son unité, d'une place de nettoyeur de
tables, puis d'une place de nettoyeur d'étages.

C. 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut,
avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement sur
appel en ce sens que sa peine soit réduite, que soit constaté le caractère
illicite de ses conditions de détention durant 140 jours (entre le 23 avril et
le 9 septembre 2014), une réduction de peine de 5 mois et demi lui étant
accordée pour ce motif et une peine de 3 ans lui étant infligée, avec sursis
partiel à concurrence de 18 mois. A titre subsidiaire, il demande l'annulation
de la décision querellée et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert, par ailleurs, le
bénéfice de l'assistance judiciaire.
Invités à formuler des observations, la cour cantonale y a renoncé, cependant
que le Ministère public du canton de Genève a conclu au rejet du recours, par
acte du 25 février 2016. Par acte du 14 mars 2016, X.________ s'est exprimé sur
cette écriture, persistant dans les conclusions de son recours. Il a produit à
l'appui de ses explications un arrêt de la Chambre administrative de la Cour de
justice du canton de Genève du 26 janvier 2016.

Considérant en droit :

1. 
Sans remettre en cause sa condamnation pour infraction grave à la LStup, le
recourant conteste la quotité de sa peine, en particulier quant à
l'appréciation portée par la cour cantonale sur la nature de sa participation
et sa position dans le trafic de stupéfiants. Selon lui, son comportement en
procédure justifierait aussi une réduction de un cinquième à un tiers de la
durée de sa privation de liberté et sa situation personnelle aurait
insuffisamment été prise en considération, cependant que la cour cantonale
aurait, à tort, refusé de retenir en sa faveur un repentir sincère.

1.1. On renvoie en ce qui concerne les principes régissant la fixation de la
peine aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (consid. 2.1 et les références citées) et,
quant aux particularités en matière de stupéfiants (notamment la prise en
considération de la nature de la participation de l'auteur et de sa position au
sein de l'organisation), à ceux publiés aux ATF 122 IV 299 consid. 2b et 2c p.
301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196, 202 consid. 2d/aa p. 204 et consid. 2d/cc
p. 206). On peut rappeler ici que le comportement du délinquant lors de la
procédure peut aussi jouer un rôle dans le cadre de l'art. 47 CP. Le juge
pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de
l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment
si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient
restés obscurs (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204; 118 IV 342 consid. 2d p.
349). Savoir si le geste du recourant dénote un esprit de repentir ou repose
sur des considérations tactiques est une question d'appréciation des faits. Les
constatations des autorités cantonales sur ce point lient en principe le
Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF).

1.2. Au moment de fixer la peine, la cour cantonale a retenu que la faute de
X.________ était grave. Il s'était livré à un trafic d'héroïne de la fin du
mois de février au 22 avril 2014, portant sur une quantité évaluée à plus de
3,5 kilos. Durant cette courte période pénale d'environ 2 mois, il avait écoulé
pas moins de 1 à 1,5 kilo de drogue. La quantité d'héroïne (dont plus de 700
grammes avaient encore un degré de pureté élevé) et de produit de coupage
stockée dans l'appartement dans lequel il vivait ainsi que la quantité qu'il
avait lui-même vendue montraient que ses supérieurs lui faisaient confiance. Il
n'était pas un simple ouvrier et le rôle qu'il avait joué dans le trafic
d'héroïne ne pouvait être qualifié de subalterne. Il ne s'était pas contenté de
dissimuler des stupéfiants dans l'appartement qu'il occupait, étant notamment
responsable de la comptabilité et du stock, en plus de son rôle de vendeur.
Salarié, il était un important maillon du trafic et devait savoir que son
activité pouvait mettre en danger la santé de très nombreuses personnes. Avant
de quitter la Suisse, il s'était occupé de la formation de son remplaçant,
s'assurant que ce dernier pourrait reprendre son travail. Il n'était lui-même
pas consommateur de stupéfiants et la rémunération de son activité se montait à
3500 fr. par mois. Il avait accepté ce rôle pour disposer d'un moyen
d'existence. Il avait agi par appât du gain; ses mobiles étaient égoïstes.

1.3. Le recourant objecte que les faits établis par la cour cantonale
(notamment qu'il a été salarié) auraient dû conduire l'autorité précédente à
retenir un rôle subalterne dans le trafic. Il n'aurait disposé que d'une marge
de manoeuvre très faible puisqu'il obéissait aux ordres de son supérieur quant
aux ventes à effectuer; il n'entretenait aucun contact téléphonique avec les
consommateurs et n'était en position de négocier ni les prix ni les quantités.
Le recourant souligne aussi n'avoir joué aucun rôle dans la mise en place de la
structure qui préexistait au début de son activité.
Il n'est pas contesté que le recourant a agi en bout de chaîne dans le système
de distribution, soit en contact avec les consommateurs auxquels il vendait des
quantités moyennes de l'ordre de quelques grammes (200 à 300 sachets pour 1000
à 1500 grammes d'héroïne). Sa situation n'est toutefois pas comparable à celle,
plus usuelle, où le revendeur au détail s'approvisionne auprès d'un
semi-grossiste ou d'un autre revendeur. Comme l'a constaté la cour cantonale,
si le recourant déployait une activité de vente, dont il ne maîtrisait pas
nécessairement les conditions (quantités et prix), il assumait en sus, dans le
réseau, un rôle qui n'est généralement pas dévolu au petit revendeur. Il avait
ainsi la responsabilité d'un stock important (dont 700 g d'héroïne d'un degré
de pureté élevé et une grande quantité de produit de coupage), dissimulant des
stupéfiants dans l'appartement et tenant aussi la comptabilité du trafic à son
échelon. Contrairement à ce que paraît penser le recourant, le fait qu'il a été
salarié (inhabituel s'agissant d'un petit revendeur), met plutôt en évidence
l'importance de ses responsabilités dans le stockage et la gestion au niveau
local. Par ailleurs, le fait qu'il a formé son successeur souligne qu'il avait
accepté, tout en se retirant du trafic, d'en assurer la pérennité, même s'il
n'avait pas participé à sa mise en place. Ces éléments permettaient, sans abus
ni excès du pouvoir d'appréciation, de considérer que son rôle excédait
largement celui d'un ouvrier subordonné, mais constituait déjà un maillon
important du trafic. Ce grief est infondé.

1.4. Quant à la participation du recourant à l'enquête, la cour cantonale l'a
jugée limitée. Il ne pouvait en effet contester les faits reprochés, compte
tenu des circonstances de son arrestation, de la découverte de la drogue par la
police et de la présence de son ADN sur les emballages. Il avait néanmoins
considérablement varié dans ses déclarations tout au long de la procédure,
revenant sur certains de ses aveux. Admettant tout d'abord que son coprévenu
était venu pour le remplacer, il s'était rétracté, avançant qu'il ne savait en
réalité rien sur celui-ci, si ce n'est qu'il voulait aller en Suède ou en
Norvège et qu'il avait besoin d'argent. Il avait aussi persisté à nier avoir
rédigé les notes retrouvées dans l'appartement, pour n'admettre en être
l'auteur que devant la cour cantonale. Les regrets exprimés n'étaient pas
suffisants pour réaliser la circonstance atténuante du repentir sincère
(jugement entrepris, consid. 4.3.1 p. 20 s.).

1.5. Le recourant objecte avoir spontanément avoué devant la police avoir vendu
200 à 300 sachets d'héroïne représentant quelque 1000 à 1500 grammes.
Soulignant que la " comptabilité " retrouvée sur les lieux ne permet pas de
retracer la vente de telles quantités, il relève aussi avoir fourni des
indications sur son salaire, la provenance des sommes retrouvées sur les lieux,
des récépissés postaux, le nombre de ses supérieurs hiérarchiques et
l'utilisation des téléphones portables ainsi que sur le rôle de son coprévenu.
La cour cantonale aurait aussi retenu à tort que ses aveux en appel, relatifs à
la rédaction de la " comptabilité ", ne pouvaient être retenus en sa faveur.
Le jugement sur appel retient que le trafic du recourant a porté sur une
quantité de plus de 3,5 kilos d'héroïne, ce que le recourant ne conteste pas.
Ses aveux relatifs aux ventes (1 à 1,5 kilos) permettaient ainsi, tout au plus,
de préciser la manière dont une partie de ces stupéfiants avait été écoulée et
de souligner que le recourant s'occupait plutôt de consommateurs acquérant, à
chaque fois, de faibles quantités. Comme on l'a vu ci-dessus, le recourant
tentant d'en déduire qu'il n'occupait qu'une position subalterne, il avait tout
intérêt à fournir ces indications, comme il l'a fait s'agissant de son salaire
et de l'utilisation du téléphone. Quant à la succession du recourant par son
coprévenu dans le trafic, il ressort clairement du consid. 3.3 du jugement
entrepris que les explications du recourant n'ont pas permis à elles seules de
l'établir. On ne saurait, non plus, reprocher à la cour cantonale d'avoir jugé
que les aveux tardifs (relatifs à la tenue de la comptabilité) du recourant -
survenus, de plus, alors que le Ministère public demandait par voie d'appel
joint une aggravation de la sanction -, ne démontraient pas une participation
particulièrement méritoire à l'enquête, moins encore qu'il ne s'agissait pas là
d'aveux complets susceptibles, selon la jurisprudence, de justifier une
réduction d'un cinquième à un tiers de la peine (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2d/
cc). Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. Elle exclut
simultanément l'application de l'art. 48 al. 1 let. d CP. Que le recourant ait,
comme il l'affirme, décidé de mettre seul un terme à son activité criminelle
(non sans veiller cependant à la pérennité du trafic à son échelon après son
départ) et qu'il ait exprimé des regrets, ne justifie pas l'application de
cette norme, qui suppose, au-delà d'aveux et de remords, un comportement
méritoire empreint d'un esprit de sacrifice (ATF 107 IV 98 consid. 1 p. 99;
plus récemment: arrêt 6B_339/2014 du 27 novembre 2014 consid. 2.1). On n'en
perçoit pas trace en l'espèce. Le grief est infondé.

1.6. En ce qui concerne la situation personnelle du recourant, la cour
cantonale a retenu qu'elle était sans doute précaire sur le plan financier. Il
avait toutefois une formation d'électricien et avait travaillé comme menuisier
en Grèce et en Albanie. Non toxicomane et sans antécédents judiciaires, rien
n'expliquait qu'il se soit livré à de tels agissements. Il avait volontairement
débuté son activité illicite, alors qu'il aurait pu trouver un emploi dans son
pays. Une entreprise s'était d'ailleurs déclarée prête à l'engager dès son
retour en Albanie (jugement entrepris, consid. 4.3.1 p. 19). Le recourant
reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié défavorablement à son endroit le
fait d'avoir retrouvé un emploi dans son pays d'origine, soit son désir de
recommencer à travailler honnêtement.
Ainsi articulé, le grief confond la constatation d'un fait avec la preuve d'un
autre fait. La cour cantonale n'a pas reproché au recourant d'avoir retrouvé un
travail pour le moment de son retour chez lui, elle a constaté, en se fondant
sur la pièce qu'il a produite pour établir ce fait, qu'il disposait de
compétences professionnelles qui lui auraient permis, au lieu de s'adonner au
trafic de stupéfiants, de se procurer des revenus licites. La cour cantonale
pouvait, sans arbitraire, conclure qu'en optant pour l'illicéité alors qu'il
disposait de capacités lui permettant de travailler honnêtement, le recourant
avait agi par appât du gain, soit pour des mobiles égoïstes. Elle pouvait, sans
violer le droit fédéral, en tenir compte en sa défaveur au moment de fixer la
peine. Pour le surplus, pour positive que soit l'aspiration du recourant à
exploiter désormais ses compétences pour assurer la couverture de ses besoins
comme tout citoyen respectueux des lois, il ne s'agit, ni plus ni moins, que du
but visé par sa condamnation. Cela ne saurait justifier une réduction de la
sanction. Le grief est infondé.

2. 
Selon le recourant, la cour cantonale aurait refusé à tort de réduire sa peine
en compensation de ses conditions de détention qu'il estime avoir été illicites
durant 140 jours, soit de son entrée en prison (23 avril 2014) au 9 septembre
2014, date après laquelle il admet que sa situation est devenue acceptable
durant un temps suffisant (5 jours) en raison de l'occupation de la même
cellule par seulement 4 autres détenus. Il invoque, sur ce point, la garantie
de l'art. 3 CEDH.
La conclusion ainsi formulée lie le Tribunal fédéral (art. 107 al. 1 LTF).

2.1. L'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les garanties offertes par cette
norme en matière de détention ne sont pas plus étendues que celles contenues
dans la Constitution fédérale (ATF 118 Ia 64 consid. 2d p. 73). En se référant
à la Recommandation Rec (2006) 2 sur les Règles pénitentiaires européennes
(ci-après: RPE) édictée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le
11 janvier 2006, ainsi qu'au Commentaire de ces règles émanant du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT), la jurisprudence a déduit de l'art. 3 CEDH ainsi
que des autres normes protégeant la dignité humaine, en droit international et
en droit interne, un certain nombre de critères permettant d'évaluer si les
conditions concrètes de détention se situent en-deçà ou au-delà du seuil du
traitement inhumain ou dégradant.
Un traitement dénoncé comme contraire à l'art. 3 CEDH doit atteindre un niveau
d'humiliation ou d'avilissement supérieur à ce qu'emporte habituellement la
privation de liberté. La gravité de cette atteinte est jaugée au regard de
l'ensemble des données de la cause, considérées globalement, notamment de la
nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272
consid. 4 p. 278; 123 I 221 consid. II/1c/cc p. 233). Celle-ci est susceptible
de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation qui ne le serait
pas nécessairement sur une courte période. Sans viser à l'exhaustivité, il
s'agit d'apprécier, notamment, si le lieu de détention répond à des exigences
minimales quant à l'hygiène (propreté; accès aux installations de bain et de
douche et aux sanitaires; protection de l'intimité), à la literie, à la
nourriture (régime alimentaire; hygiène de la préparation et de la
distribution; accès à l'eau potable), à l'espace au sol, au volume d'air, à
l'éclairage et à l'aération, en tenant compte notamment des conditions
climatiques locales et des possibilités d'effectuer des exercices à l'air
libre.
Quant, en particulier, à l'espace au sol, il sied, dans la règle, de considérer
comme standard minimum une surface disponible estimée à 4 m2 par détenu dans un
dortoir et à 6 m2 dans une cellule (individuelle); ces conditions d'hébergement
doivent cependant être modulées en fonction des résultats d'analyses plus
approfondies du système pénitentiaire; le nombre d'heures passées en dehors de
la cellule doit être pris en compte; en tout état, ces chiffres ne doivent pas
être considérés comme la norme. En cas de surpopulation carcérale, la
restriction de l'espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour
conclure à une violation de l'art. 3 CEDH: une telle violation n'est retenue
que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3
m2. Au-delà d'une telle surface, les autres aspects des conditions de la
détention doivent être pris en compte, comme l'aération disponible, la qualité
du chauffage, le respect des règles d'hygiène de base et la possibilité
d'utiliser les toilettes de manière privée. Il y a lieu, par ailleurs, de
considérer, quant à la surface, mais toujours dans une appréciation globale,
l'espace dont bénéficie concrètement le détenu pour se mouvoir compte tenu de
l'emprise au sol des installations présentes (lavabo, mobilier, etc.; v. sur
toute la question: ATF 140 I 125 consid. 2 p. 128 ss et les références citées).
En application de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de
surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon,
l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun
disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier - est une
condition difficile mais ne représente pas un traitement dégradant portant
atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l'occupation d'une
cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2 -
restreinte encore par le mobilier - peut constituer une violation de l'art. 3
CEDH si elle s'étend sur une longue période (s'approchant, à titre indicatif,
de trois mois) et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de
détention, en particulier lorsque le détenu n'est autorisé qu'à passer un temps
très limité hors de sa cellule (une heure de promenade en plein air par jour;
v. ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 ss; v. aussi les arrêts 1B_239/2015 du 29
septembre 2015 et 1B_335/2013 du 26 février 2014).

2.2. Pour être complet, on peut encore mentionner, préliminairement, que la
cour cantonale ne relève aucune amélioration significative dans les conditions
de détention à Champ-Dollon telles qu'elles ressortaient des précédents
précités (ATF 140 I 125; arrêts 1B_239/2015 et 1B_335/2013), qui se référaient
à un rapport établi par la Commission nationale de prévention de la torture
(CNPT), à l'intention du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève,
daté du 12 février 2013 et rapportant des observations opérées en juin 2012.
Depuis lors, la CNPT a établi un nouveau rapport, daté du 13 janvier 2015,
commentant les résultats de deux visites postérieures du site de Champ-Dollon,
les 23 octobre 2013 et 8 décembre 2014 (Commission nationale de prévention de
la torture CNPT, Rapport au Conseil d'Etat du canton de Genève concernant les
visites de suivi à la prison de Champ-Dollon par la Commission nationale de la
prévention de la torture; document CNPT 22/2014; < www.nkvf.admin.ch/dam/data
/.../
150113_followup_champ-dollon.pdf >). Ce document aux conclusions mitigées ne
fait pas état non plus d'améliorations ou de péjorations substantielles quant
aux conditions de détention. On peut, cela étant, considérer que les arrêts
cités ci-dessus offrent encore une base de comparaison pertinente pour
apprécier la situation du recourant.

2.3. En l'espèce, la cour cantonale a sollicité un rapport sur les conditions
de détention du recourant. Elle en a retenu qu'il avait passé une seule nuit
dans un espace individuel de 3,39 m2et 244 nuits dans une cellule avec un
espace individuel de 3,99 m2. Cette situation a été jugée certes difficile mais
non comme dégradante dans la mesure où la surface par détenu n'était inférieure
au stade compatible avec l'art. 3 CEDH que de 0,01 m2. La cour cantonale a
souligné, dans ce contexte, que le Tribunal fédéral n'avait pas non plus
tranché la question de savoir si le standard de 4 m2 se comprenait comme une
surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou
nette, installations et meubles déduits.
De surcroît, le recourant ne pouvait valablement se prévaloir d'un espace
individuel trop confiné dès lors qu'il s'était inscrit sur la liste d'attente
pour une place de travail mais avait refusé, le 2 juillet 2014, son transfert à
l'aile Est de la prison conformément au processus d'octroi d'une place de
travail. Il aurait ainsi pu jouir de 4,11 m2 de surface individuelle, en
partageant avec 5 codétenus une cellule de type C3 d'une surface nette de 24,64
m2. Sans ce refus, il aurait donc pu occuper une cellule plus vaste et aurait
bénéficié, en travaillant, d'un temps hors cellule largement supérieur. Il
avait cependant pu obtenir, dans son unité, une place de nettoyeur de table
entre le 2 novembre et le 21 décembre 2014, puis, depuis le 22 décembre 2014,
un emploi de nettoyeur d'étage, lui permettant de sortir tous les jours de sa
cellule durant 4h30.

2.4. En ce qui concerne la surface individuelle disponible (3,99 m2 dans une
cellule dite triple " C3 " de 23,92 m2 occupée par six détenus), le recourant
objecte que les constatations de fait de la cour cantonale seraient
arbitraires. Il relève que selon le rapport établi par la prison de
Champ-Dollon le 13 janvier 2015, la surface nette de 23,92 m2 correspond à une
surface de plancher de 25,20 m2, dont à déduire 0,41 m2 de construction
(restent 24,79 m2) et 0,87 m2 correspondant à la surface du lavabo et des
toilettes mais non des douches (restent 23,92 m2). Il faudrait, conformément à
une étude architecturale réalisée durant l'été 2014, en déduire encore la
surface de la douche (1,74 m2; restent 22,18 m2). La cellule occupée par 6
détenus n'offrirait, en réalité, qu'une surface individuelle de 3,69 m2. Le
recourant souligne, à ce propos, que dans l'arrêt 1B_335/2013 du 26 février
2014, qui avait trait à l'occupation de cellules triples des unités Nord et
Sud, le Tribunal fédéral a fondé son raisonnement sur une surface brute de 25,5
m2 comprenant des douches et sanitaires avec séparation (2,5 m2).
Selon le même raisonnement, le recourant soutient que la cellule triple de
l'aile Est dont il aurait pu bénéficier, ne lui aurait offert, avec 5
codétenus, qu'une surface individuelle de 3,91 m2.

2.4.1. On ignore si la cellule C3 occupée par le recourant (cellule n° 275)
dans l'unité Nord correspond en tout point à la cellule triple de l'unité Nord
visée dans l'arrêt 1B_335/2013. Le recourant ne soutenant pas que sa propre
cellule atteindrait une surface brute de 25,5 m2, il n'y a pas lieu d'examiner
ce point plus avant. La seule question qui demeure est de savoir s'il y a lieu
ou non de prendre en considération l'emprise au sol de la douche au moment
d'examiner si, compte tenu de la surface disponible, les conditions de
détention sont inhumaines ou dégradantes. Ainsi posé, le problème relève moins
de l'établissement des faits, dont le contrôle est limité à l'arbitraire, que
de l'appréciation des circonstances à opérer pour examiner le caractère
inhumain des conditions de détention. Cette dernière question relève du droit
fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let.
a et 106 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral en contrôle librement le respect, dans
le cadre des griefs répondant aux exigences de motivation figurant à l'art. 106
al. 2 LTF.

2.4.2. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, il faut considérer que
l'occupation d'une cellule triple, offrant une surface individuelle de 3,99
m2encore restreinte par le mobilier et une installation de douche, peut
constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue
période (s'approchant, à titre indicatif, de trois mois) et si elle
s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention, en particulier lorsque
le détenu n'est autorisé qu'à passer un temps très limité hors de sa cellule
(une heure de promenade en plein air par jour).
En l'espèce, la période de 140 jours considérée excède de plus de 50% la durée
indicative au-delà de laquelle des restrictions importantes à la liberté,
tolérables à court terme, peuvent devenir critiques. Si la surface occupée par
le détenu, telle que calculée par la cour cantonale, demeure très proche de la
limite indicative de 4 m2, sans toutefois l'atteindre, il faut aussi considérer
que cet espace n'est pas restreint uniquement par le mobilier de la cellule
mais, de surcroît aussi, par la présence d'une douche. Cette installation
n'amoindrit certes pas la surface disponible par détenu dans une mesure telle
que ce seul élément justifierait déjà la qualification de traitement inhumain
ou dégradant. En revanche, l'avantage de disposer d'une douche accessible
immédiatement dans la cellule se trouve ainsi largement compensé par la
réduction de surface qui en est le corollaire. Aussi, nonobstant d'éventuelles
préférences personnelles, les détenus bénéficiant de cette facilité ne se
trouvent, en définitive, guère mieux lotis que s'ils n'avaient accès qu'à des
douches communes sur demande en logeant dans une cellule légèrement plus
grande.

2.4.3. Concernant une cellule triple offrant 3,83 m2 par détenu (sanitaires et
douche déduits), le Tribunal fédéral a considéré que son occupation pas 6
détenus constituait un traitement inhumain et dégradant si elle s'étendait sur
une longue période et s'accompagnait d'autres mauvaises conditions de
détention. Il a jugé que tel était le cas pour une durée de 89 jours
consécutifs, compte tenu, surtout, du confinement en cellule 23h sur 24h (arrêt
1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3).
L'espace dont disposait le recourant (compte tenu notamment de la présence de
la douche) se rapproche de ce dernier cas, cependant que la durée litigieuse
(140 jours) est sensiblement plus longue, ce qui aggrave singulièrement l'effet
des conditions de détention subies. Ces conditions n'atteignent, en revanche,
pas la gravité de celles décrites dans le cas 1B_239/2015 du 29 septembre 2015
(espace disponible de 3,39 m2) où, surtout, la période de 14 jours séparant les
184 jours puis 149 nuits n'a pas été jugée interruptive, de sorte que la durée
globale de la période à prendre en considération, durant laquelle les
conditions de détention ont été jugées illicites, correspondait à plus de 10
mois (déduction faite des jours durant lesquels ces conditions ont été
licites).

2.4.4. Dans ce même arrêt 1B_239/2015, le Tribunal fédéral a aussi jugé, compte
tenu de la durée de la période litigieuse et de l'exiguïté de l'espace
individuel que la possibilité de sortir de cellule, entre 1h00 et 5h45 par jour
une semaine sur deux, était certes susceptible d'alléger les conditions de
détention mais ne suffisait pas, en soi, dans la situation telle que décrite de
la prison de Champ-Dollon, à rendre ces conditions de détention conformes à
l'art. 3 CEDH. Il a précisé que, même dans l'hypothèse d'une prise de travail
par le détenu concerné (qui n'avait pas fait de demande en ce sens), les deux
périodes en cause (184 jours et 149 nuits) auraient très vraisemblablement été
qualifiées de contraires à la dignité humaine (arrêt 1B_239/2015 du 29
septembre 2015 consid. 2.5.3).
Le recourant a, quant à lui, bénéficié d'un espace individuel un peu plus
important et la situation critiquée n'a duré, sous réserve de brèves
interruptions (v. supra consid. B et infra consid. 2.4.5) que 140 jours. Un
confinement quotidien moins important, résultant d'un travail aurait
éventuellement pu alléger les conditions de détention dans une mesure
suffisante pour les rendre licites. Toutefois la cour cantonale n'a pas
constaté formellement qu'en acceptant son transfert dans l'aile Est au début du
mois de juillet 2014, le recourant eût pu espérer obtenir un poste de travail
avant le 9 septembre 2014 et les autres constatations de fait contenues dans le
jugement sur appel ne plaident pas en ce sens. En effet, la décision querellée
constate que le coprévenu du recourant, transféré dans l'aile Est le 3 juillet
2014 n'a commencé à travailler en cuisine que le 31 octobre 2014 (jugement
entrepris, consid. 5.2 p. 23). Il s'ensuit que rien ne permet d'affirmer qu'une
telle prise de travail aurait eu un effet quelconque quant au confinement du
recourant durant la période litigieuse (jusqu'au 9 septembre 2014). En ce qui
concerne enfin la taille de la cellule de l'aile Est, la cour cantonale a
retenu que sa surface nette n'excédait celle de la cellule occupée par le
recourant que de quelque 0,72 m2. L'avantage pour le recourant, à occupation
comparable, n'aurait pas excédé 0,12 m2 soit une surface de 30x40 cm. Enfin,
toutes choses étant égales par ailleurs, la surface de cette cellule, déduction
faite de la douche, n'excédait que de peu, également, la superficie au sol de
celle dont il était question dans l'arrêt 1B_335/2013 précité, ce qui réduit
d'avantage encore l'espace individuel disponible. Il n'y a pas de raison de
considérer que le seul transfert du recourant dans la cellule de l'aile Est
aurait pu rendre son traitement acceptable au regard de l'art. 3 CEDH.

2.4.5. Au vu de ce qui précède, la période de 140 jours visée par les
conclusions du recourant n'apparaît pas conforme aux exigences de l'art. 3
CEDH. Durant ce laps de temps, il ressort du document " parcours cellulaire "
figurant au dossier que la cellule en question n'a été occupée que par 5
détenus les 3 juin, 3 juillet, 21 juillet et 1er septembre 2014, soit durant 4
nuits. Il y a lieu de préciser d'office (art. 105 al. 2 LTF) en ce sens la
constatation selon laquelle sur les 265 nuits de détention prises en
considération par la cour cantonale, l'occupation de la cellule avait été
réduite durant 21 nuits, souvent non consécutives (supra consid. B). Il
convient donc de constater que le recourant a subi 136 jours de détention dans
des conditions illicites et de renvoyer la cause à la cour cantonale afin
qu'elle détermine les conséquences de cette violation, cas échéant, sur la
peine infligée au recourant (ATF 140 I 125 consid. 2.1 p. 128).

3. 
Le recourant obtient partiellement gain de cause (conditions de détention). Ses
conclusions étaient, pour le surplus dénuées de chances de succès (autres
éléments déterminant la fixation de la peine). Le recourant peut prétendre des
dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire est sans
objet dans cette mesure; elle doit être rejetée pour le surplus (art. 64 al. 1
LTF). Le recourant supporte une part des frais judiciaires, qui seront fixés en
tenant compte de sa situation, le solde demeurant à la charge de la caisse du
Tribunal fédéral (art. 65 al. 2, art. 66 al. 1 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis partiellement. Le jugement sur appel du 4 février 2015 est
réformé en ce sens qu'il est constaté que les conditions dans lesquelles s'est
déroulée la détention du recourant ont été illicites au sens des considérants.
La cause est renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle statue sur les
conséquences de cette situation. Le recours en matière pénale est rejeté pour
le surplus.

2. 
L'Etat de Genève versera en main du conseil du recourant la somme de 1500 fr. à
titre de dépens pour la procédure fédérale.

3. 
La demande d'assistance judiciaire est sans objet dans cette mesure. Elle est
rejetée pour le surplus.

4. 
Une part des frais judiciaires, arrêtée à 800 fr., est mise à la charge du
recourant.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 21 mars 2016

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Vallat

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