Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1314/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_1314/2015

Arrêt du 10 octobre 2016

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Boris Lachat, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,
Y.________,
représenté par Me Imed Abdelli, avocat,
intimés.

Objet
Réduction de la peine du fait des conditions illicites de détention;
arbitraire,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 2 octobre 2015.

Faits :

A. 
Par jugement du 15 avril 2015, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a
reconnu X.________ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22
al. 1 et 122 CP) et d'entrée illégale en Suisse (art. 115 al. 1 let. a LEtr).
Il l'a condamné à une peine privative de liberté de trente-six mois, sous
déduction de la détention avant jugement.

B. 
Par arrêt du 2 octobre 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a admis l'appel formé par X.________. Elle a reconnu
l'appelant coupable d'agression, confirmant le jugement de première instance
pour le surplus.

En résumé, cette condamnation repose sur les faits suivants:

Le 22 août 2013, à Genève, dans le parc de la Perle du Lac, de concert avec
A.________ et B.________, X.________ et C.________ ont frappé et donné
plusieurs coups de couteau au visage et à la tête, ainsi qu'aux cuisses de
Y.________.

Le 8 novembre 2014, X.________ a pénétré sur le territoire suisse sans être au
bénéfice des autorisations nécessaires et sans être en possession d'un
passeport valable indiquant sa nationalité.

C. 
Contre ce dernier arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière
pénale devant le Tribunal fédéral. En résumé, il conclut, principalement, à la
réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est acquitté de l'infraction
d'agression, qu'il est constaté qu'il a été détenu dans des conditions
illicites entre le 18 avril et le 28 juillet 2015 (98 jours) et que la
détention avant jugement est imputée à due concurrence sur le solde de la peine
à purger. A titre subsidiaire, il requiert la réforme du jugement attaqué en ce
sens que la peine prononcée est réduite en raison de la violation des principes
régissant la fixation de la peine et de la détention illicite subie. En outre,
il sollicite l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1. 
Le recourant s'en prend à l'établissement des faits, qu'il qualifie
d'arbitraire sur plusieurs points.

1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci
n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte
au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. La notion d'arbitraire a été rappelée
récemment dans l'ATF 141 IV 305 consid. 1.2 p. 308 s., auquel on peut se
référer. En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son
résultat. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la
violation de droits fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de
manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont
irrecevables (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).

La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP et 32 al. 1 Cst.,
ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le
fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. Lorsque, comme en
l'espèce, l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont
critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de
portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p.
82).

1.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire
en retenant sa participation à l'agression.

1.2.1. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir omis de prendre en
considération une série d'éléments de preuve. En particulier, elle n'a pas tenu
compte du rapport de police du 26 août 2013, qui concluait que rien n'indiquait
que le recourant ait participé à cette agression contrairement aux allégations
de la victime. Elle a arbitrairement écarté les déclarations constantes de
B.________, de A.________ et de C.________, qui avaient tous mis le recourant
hors de cause. Enfin, elle n'a pas pris en considération le résultat des
écoutes actives, qui mettaient le recourant hors de cause. Enfin, l'analyse des
divers éléments biologiques et la perquisition à son domicile n'avaient donné
aucun résultat.

1.2.1.1. Pour fonder sa conviction, la cour cantonale s'est fondée sur
différents éléments.

Lors de ses auditions devant la police et le Centre universitaire romand de
médecine légale (ci-après: CURML), la partie plaignante a mis en cause quatre
personnes, dont le recourant.

Le rapport du CURML décrit des blessures qui sont compatibles avec les coups
aux visages et aux cuisses tels que rapportés par la partie plaignante.

L'analyse des rétroactifs et des différentes bornes activées au fil de la
soirée permet de confirmer la thèse d'une participation du recourant à
l'agression de Y.________. Juste avant l'agression, à savoir à 22h32, le
recourant se trouvait au bord du lac, les bornes de la rue de la Paix et de la
rue du Clos ayant été activées. Son téléphone est resté inactif entre 22h33 et
23h03 (heure qui correspond à l'heure à laquelle Y.________ dit s'être fait
agresser). Vers 23h03, à savoir après la fin présumée de l'agression, le
recourant a de nouveau activé les bornes Paix et Clos, ce qui permet d'affirmer
qu'il est resté dans le même secteur, à savoir au bord du lac. Il ressort
également des rétroactifs que le recourant est entré en communication à de
nombreuses reprises avec ses comparses avant et après l'agression.

Deux témoins D.________ et E.________ ont confirmé avoir vu la partie
plaignante, le visage encore ensanglanté, qui leur avait dit avoir été agressée
au couteau par quatre personnes.

Si les autres participants n'ont pas mis en cause le recourant, C.________ a
mentionné la présence d'une troisième personne, même s'il s'est finalement
rétracté (toutefois dans des conditions qui ne permettent pas de tenir son
revirement pour crédible).

Les déclarations par lesquelles le recourant a cherché à se dédouaner ne sont
pas crédibles.

1.2.1.2. Les éléments retenus par la cour cantonale sont pertinents. La partie
plaignante a mis en cause le recourant. Cette déclaration est confirmée par
deux témoins indirects qui indiquent avoir vu la victime, le visage
ensanglanté, qui leur avait dit avoir été agressée par quatre personnes, dont
le recourant. Les blessures qui ont été infligées à la partie plaignante
correspondent au déroulement des faits, tel que celle-ci les a décrits. Un
participant à l'agression a fait référence à la présence d'une troisième
personne. L'analyse des rétroactifs permet de confirmer la présence du
recourant sur les lieux ainsi que ses contacts avec les autres protagonistes
avant et après l'agression. Enfin, le recourant n'a fourni aucune explication
crédible sur sa présence sur les lieux de l'agression. L'ensemble de ces
indices permet de conclure, sans arbitraire, que le recourant a participé à
l'agression de la partie plaignante. Pour le surplus, le recourant ne démontre
pas en quoi les éléments qu'il cite pourrait renverser le verdict de
culpabilité. Insuffisamment motivés (art. 106 al. 2 LTF), les griefs soulevés
sont irrecevables.

1.2.2. Le recourant soutient que la cour cantonale s'est trompée sur le sens et
la portée des données téléphoniques rétroactives. Il fait valoir que ces
données indiquent uniquement qu'il se trouvait au bord du lac lors des faits et
qu'il parlait quotidiennement avec les protagonistes.

Certes, prises isolément, ces données ne pourraient pas suffire pour conclure à
la culpabilité du recourant. Toutefois, prises avec les autres éléments du
dossier, elles permettent de conclure, sans arbitraire, que le recourant a
participé à l'agression de la partie plaignante (cf. consid. 1.2.1 ci-dessus).
Le grief soulevé doit être rejeté.

1.2.3. Le recourant fait observer que la cour cantonale aurait opéré des
constatations contradictoires puisque, d'une part, elle a admis sur la base des
déclarations de la victime qu'il ne faisait aucun doute qu'il avait participé à
l'agression et, d'autre part, qu'elle ne pouvait pas retenir que le recourant
avait personnellement donné des coups de couteau, tels que décrit par la
victime.

La cour de céans ne voit pas de contradiction dans les conclusions de la cour
cantonale. En effet, la participation du recourant à l'agression se fonde sur
les déclarations de la partie plaignante et les autres éléments du dossier (cf.
consid. 1.2.1). En revanche, la nature des coups portés et leur intensité
reposent sur les seules déclarations de la partie plaignante, qui ne sont pas
forcément exactes compte tenu de la rapidité de l'agression et du nombre des
agresseurs. Dans ces conditions, la cour cantonale a renoncé à retenir que le
recourant avait donné tel ou tel coup. Le grief soulevé doit être rejeté.

1.3. Le recourant fait valoir que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire
en retenant qu'une confrontation était matériellement impossible puisqu'à aucun
moment le recourant et la partie plaignante ne s'étaient trouvés simultanément
à disposition des autorités pénales (arrêt attaqué p. 23).

Le recourant explique qu'il a été interpellé en Espagne le 15 octobre 2013 et
que Y.________ se trouvait encore à cette date détenu à la prison F.________,
de sorte que les autorités pénales suisses auraient dû demander son extradition
pour le confronter avec la partie plaignante. Sur la base des seuls faits
mentionnés par le recourant, la cour de céans ne peut pas juger si les
autorités cantonales auraient pu et/ou dû demander l'extradition du recourant
pour organiser une confrontation avec la partie plaignante. En effet, on ignore
quand les autorités cantonales ont été informées de l'arrestation du recourant,
combien de temps le recourant a été détenu en Espagne et jusqu'à quand la
partie plaignante a été détenue en Suisse. Des informations complémentaires sur
l'avancement de l'enquête à ce moment font également défaut. Insuffisamment
motivé (art. 106 al. 2 LTF), le grief tiré de l'arbitraire est irrecevable.

1.4. Le recourant reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire
en retenant qu'il avait séjourné durant 20 et 78 jours dans une cellule lui
offrant un espace individuel net de 3,39 m2et qu'il avait pu bénéficier d'un
espace individuel suffisant à raison de 5 et 18 jours (arrêt attaqué p. 35).

Se fondant sur le rapport de la prison F.________ du 25 août 2015, il soutient
avoir séjourné de manière ininterrompue entre le 18 avril 2015 et le 28 juillet
2015, à savoir durant 98 jours, dans une cellule n'offrant pas un espace
individuel conforme aux standards applicables en la matière. Il explique que la
cour cantonale s'est fondée, à tort, sur la page 1 de l'annexe 2 au rapport du
28 août 2015, laquelle contient un tableau résumant le parcours cellulaire du
recourant; or ce tableau n'est pas présenté de manière chronologique.
Effectivement, si l'on examine le rapport cellulaire détaillé, il ressort que
le recourant n'a pas bénéficié d'une surface individuelle suffisante, de
manière ininterrompue, entre le 18 avril 2015 et le 28 juillet 2015 (cf. annexe
2 au rapport du 28 août 2015 p. 5 à 7). Comme on le verra au considérant 4,
cette constatation de fait inexacte n'est toutefois pas susceptible d'influer
sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF), de sorte que le grief soulevé est
infondé.

2. 
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir organisé une
confrontation entre lui et la partie plaignante. Il invoque l'art. 6 § 3 let. d
CEDH, ainsi que les art. 147, 389 et 343 al. 3 CPP.

2.1.

2.1.1. Conformément à l'art. 6 § 3 let. d CEDH, tout accusé a le droit
d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Il s'agit d'un des
aspects du droit à un procès équitable consacré par l'art. 6 § 1 CEDH qui
exige, dans la règle, que les éléments de preuve soient produits en présence de
l'accusé lors d'une audience publique, en vue d'un débat contradictoire. Cette
garantie exclut ainsi, en principe, qu'un jugement pénal soit fondé sur les
déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au
moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et
d'interroger les déclarants.

Le droit du prévenu de faire poser des questions à un témoin à charge est
absolu lorsque la déposition de cette personne constitue une preuve décisive.
Néanmoins, lorsqu'il n'est plus possible de faire procéder à une audition
contradictoire en raison du décès, de l'absence ou d'un empêchement durable du
témoin, la déposition recueillie au cours de l'enquête peut être prise en
considération alors même que le prévenu n'aurait pas eu l'occasion d'en faire
interroger l'auteur, mais à condition qu'elle soit soumise à un examen
attentif, que le prévenu puisse prendre position à son sujet et que le verdict
de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid.
2.2 p. 480 ss et les arrêts cités).

Selon un arrêt du 15 décembre 2011 de la Cour européenne des droits de l'homme
(ci-après: CourEDH; Al-Khawaja et Tahery c. Royaume Uni), l'utilisation comme
preuve des déclarations d'un témoin absent impose trois exigences: un motif
sérieux de l'absence du témoin; l'obligation pour le juge de rechercher si la
condamnation se fonde uniquement ou dans une mesure déterminante sur la
déposition du témoin absent et l'existence d'éléments suffisants pour
contrebalancer cette situation, dont des garanties procédurales solides pour
permettre une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de ce
témoignage (arrêt de la CourEDH Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni du 15
décembre 2011, requêtes n° 26766/05 et 22228/06, § 119, 120 ss, 126 ss et 131;
cf. aussi arrêt de la CourEDH Schatschaschwili contre Allemagne du 15 décembre
2015, requête n° 9154/10, § 100 ss).

2.1.2. Selon la CourEDH, la non-comparution d'un témoin à un procès peut
s'expliquer par diverses raisons, par exemple la peur ou le décès de
l'intéressé, des raisons de santé ou encore l'impossibilité d'entrer en contact
avec le témoin. Le tribunal du fond doit faire tout ce que l'on peut
raisonnablement attendre de lui pour assurer la comparution de l'intéressé.
L'impossibilité d'entrer en contact avec le témoin concerné ou le fait que
celui-ci ait quitté le territoire du pays ont été jugés insuffisants en soi.
Les autorités doivent prendre des mesures positives pour permettre à l'accusé
d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge (cf. arrêt
Schatschaschwili contre Allemagne, précité, § 119 ss).

En l'espèce, le recourant, qui avait disparu sitôt après les faits, a été
arrêté le 8 novembre 2014; à cette date, la partie plaignante n'était plus "
localisable " (cf. arrêt attaqué p. 23). Dans ces conditions, la cour cantonale
était dans l'impossibilité d'organiser une confrontation, sans que ce fait ne
soit imputable à une faute du ministère public et/ou des autorités de jugement.
On ne saurait reprocher aux autorités cantonales, qui ne disposaient d'aucune
information quant à la localisation de la partie plaignante, de ne pas avoir
effectué des démarches complémentaires pour entendre la partie plaignante.

Le recourant reproche aux autorités cantonales de ne pas avoir déployé tous les
efforts raisonnables pour retrouver la partie plaignante. Il fait valoir qu'il
a mentionné dans sa déclaration d'appel que la partie plaignante pourrait être
en Angleterre mais que la cour cantonale n'a fait aucune recherche. Il fait
également grief à la cour cantonale de ne pas avoir interpellé formellement le
conseil de la partie plaignante pour obtenir de plus amples informations sur
les motifs de l'absence de son client. Il ne saurait toutefois suffire de
proposer n'importe quelle démarche pour conclure que les autorités n'ont pas
procédé aux recherches adéquates. Il appartenait, au contraire, au recourant de
démontrer que ces démarches auraient permis de localiser l'intéressé ou, à tout
le moins, avaient quelques chances de succès d'aboutir. Or, tel n'est
manifestement pas le cas des démarches proposées par le recourant. En effet, à
la lecture de la déclaration d'appel, il apparaît que l'information, selon
laquelle la partie plaignante serait en Angleterre, repose sur des déclarations
d'autres détenus, que le recourant ne nomme même pas. En l'absence
d'informations plus précises, les griefs du recourant sont donc infondés.

2.1.3. Il faut ensuite, d'après la CourEDH, examiner si la déposition d'un
témoin absent a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation
de l'accusé. Le mot " unique " renvoie à une preuve qui est la seule à peser
contre un accusé. Le terme " déterminant " doit être appréhendé dans un sens
étroit, comme désignant une preuve dont l'importance est telle qu'elle est
susceptible d'emporter la décision sur l'affaire. Si la déposition d'un témoin
n'ayant pas comparu au procès est corroborée par d'autres éléments,
l'appréciation de son caractère déterminant dépendra de la force probante de
ces autres éléments : plus elle sera importante, moins la déposition du témoin
absent sera susceptible d'être considérée comme déterminante (arrêt Al-Khawaja
et Tahery, précité, § 131; arrêt Schatschaschwili contre Allemagne, précité, §
123).

La cour cantonale n'a pas fondé son verdict de culpabilité sur les seules
déclarations de la partie plaignante, mais s'est référée à d'autres éléments
pour corroborer la version présentée par cette dernière. Ainsi, les données
téléphoniques rétroactives établissent la présence du recourant sur les lieux
ainsi que les contacts qu'il a eus avec les participants à l'agression. Le
rapport médical décrit des blessures compatibles avec les coups relatés par la
partie plaignante. Deux témoins ont confirmé qu'ils avaient rencontré la partie
plaignante, le visage ensanglanté, qui leur avait déclaré avoir été agressée
par quatre individus, dont notamment le recourant. Un participant a parlé d'un
troisième homme. A cela s'ajoute que les déclarations du recourant pour
expliquer sa présence sur les lieux de l'agression sont contradictoires. Ces
autres éléments sont dotés d'une force probante importante, de sorte que la
déposition de la partie plaignante ne peut être qualifiée de déterminante au
sens de la jurisprudence européenne. Les griefs soulevés doivent être rejetés.

2.1.4. Enfin, la CourEDH mentionne les éléments suivants en tant qu'éléments
compensateurs pour contrebalancer les difficultés causées à la défense à la
suite de l'admission des preuves déterminantes d'un témoin absent: la façon
dont le tribunal du fond a abordé les preuves non vérifiées, l'administration
d'autres éléments à charge et la valeur probante de ceux-ci et les mesures
procédurales prises en vue de compenser l'impossibilité de contre-interroger
directement les deux témoins au procès (arrêt Schatschaschwili contre
Allemagne, précité, § 125 ss).

En l'espèce, consciente de leur valeur réduite, la cour cantonale s'est penchée
avec prudence sur les déclarations de la partie plaignante. Elle a expliqué en
détail pourquoi elle a considéré que ces déclarations étaient fiables, tout en
tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. Il n'était pour le
surplus pas possible aux autorités pénales de permettre au recourant d'assister
aux auditions de la partie plaignante en cours d'enquête. En effet, en cours
d'enquête, le recourant et la partie plaignante ne se sont jamais trouvés
simultanément sur le sol suisse. Le recourant conteste certes cette
constatation de fait, mais son argumentation est irrecevable (cf. consid. 1.2).
Une fois arrêté, le recourant a été pourvu d'un avocat et a été mis en mesure
de se prononcer sur toutes les autres preuves retenues contre lui. En
conclusion, il faut admettre que la procédure dans son ensemble a revêtu un
caractère équitable et que l'art. 6 § 3 let. d CEDH n'a pas été violé.

2.2. Le recourant dénonce encore la violation de l'art. 147 CPP et des art. 389
et 343 al. 3 CPP.

2.2.1. L'art. 147 al. 1 CPP consacre le droit de poser des questions lors d'une
audition. L'alinéa 3 de cette disposition prévoit qu'une partie ou son conseil
juridique a le droit de demander la répétition de tout acte d'instruction
effectué lorsque, pour des motifs impérieux, le conseil juridique ou la partie
non représentée n'a pas pu y prendre part. Il peut être renoncé à cette
répétition lorsqu'elle entraînerait des frais et des démarches disproportionnés
et que le droit des parties d'être entendues, en particulier celui de poser des
questions aux comparants, peut être satisfait d'une autre manière (cf. OLIVIER
THORMANN, Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, 2011, n. 12 ss
CPP). Ainsi, il sera renoncé à la répétition en cas de décès du comparant, de
son expulsion du territoire ou de l'impossibilité de le retrouver malgré des
recherches (OLIVIER THORMANN, op. cit., n. 18 ad art. 147 CPP); dans ce cas, la
première audition pourra être utilisée à condition que le prévenu ait eu la
possibilité d'en prendre connaissance et de se déterminer, que l'audition fasse
l'objet d'une appréciation prudente et qu'elle ne serve pas de preuve
déterminante (OLIVIER THORMANN, op. cit., n. 30 et 31 ad art. 147 CPP).

Conformément à l'art. 389 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves
administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première
instance (al. 1). L'administration des preuves du tribunal de première instance
n'est répétée que si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes
(al. 2 let. a); l'administration des preuves était incomplète (al. 2 let. b);
les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables
(al. 2 let. c). L'autorité de recours administre, d'office ou à la demande
d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours
(al. 3). Par ailleurs, selon l'art. 343 al. 3 CPP, applicable aux débats
d'appel par le renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, le tribunal réitère
l'administration des preuves qui, lors de la procédure préliminaire, ont été
administrées en bonne et due forme lorsque la connaissance directe du moyen de
preuve apparaît nécessaire au prononcé du jugement. Seules les preuves
essentielles et décisives dont la force probante dépend de l'impression
qu'elles donnent doivent être réitérées. Afin de déterminer quel moyen de
preuve doit l'être, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation (arrêts 6B_614/
2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.3; 6B_484 2012 du 11 décembre 2012 consid.
1.2 et les références citées).

2.2.2. La cour cantonale n'a pas violé l'art. 147 CPP, qui ne pose pas des
exigences plus sévères que la jurisprudence européenne. Conformément à l'art.
147 al. 3 CPP, la cour cantonale peut renoncer à répéter l'audition de la
partie plaignante lorsque cette audition entraînerait des frais et des
démarches disproportionnés et que les droits de défense de l'accusé ont pu être
satisfaits d'une autre manière. Comme vu ci-dessus, la cour cantonale a procédé
à des recherches raisonnables pour localiser la partie plaignante et a pris des
mesures compensatrices suffisantes pour permettre une appréciation équitable et
adéquate de la fiabilité des dépositions de la partie plaignante. Pour le
surplus, l'administration des preuves dans la présente affaire respecte les
exigences posées aux art. 343 et 389 CPP.

3. 
Condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, le recourant conteste la
mesure de la peine qui lui a été infligée. Il dénonce une violation du principe
d'égalité de traitement par rapport à ses coprévenus.

3.1.

3.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de
l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle
de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). L'alinéa 2
de cette disposition énumère une série de critères à prendre en considération
pour déterminer la culpabilité de l'auteur (ATF 136 IV 55 consid. 5.4 p. 59;
134 IV 17 consid. 2.1 et les références citées).

3.1.2. Lorsque le juge est appelé à juger les coauteurs d'une même infraction
ou deux coaccusés ayant participé ensemble au même complexe de faits
délictueux, il est tenu de veiller à ce que la différence des peines infligées
aux deux intéressés soit justifiée par une différence dans les circonstances
personnelles en fonction desquelles, conformément à l'art. 47 CP, la peine doit
être individualisée (ATF 135 IV 191 consid. 3.3 p. 193 s.; 121 IV 202 consid.
2d p. 204 ss).

Si, pour des raisons formelles, seul un des coauteurs peut être jugé, le juge
doit s'interroger sur la peine qu'il aurait prononcée s'il avait eu à juger les
deux coauteurs en même temps. Dans un tel cas, le juge n'est pas lié par le
jugement rendu contre le coauteur. Toutefois, il devra s'y référer et motiver
pourquoi la peine prononcée à l'encontre du coauteur ne saurait servir de moyen
de comparaison. Il n'y a pas de droit à une " égalité de traitement dans
l'illégalité ", si le juge estime que le coauteur a été condamné à une peine
trop clémente (ATF 135 IV 191 consid. 3.3 p. 194 s.).

3.2.

3.2.1. En l'espèce, le juge de première instance appelé à juger B.________ et
A.________ a condamné le premier à une peine privative de liberté de 36 mois et
le second à une peine privative de liberté de 30 mois. Il relevait que la faute
du premier était supérieure à celle du second dans la mesure où il apparaissait
comme " le moteur de l'action entreprise contre Y.________ " (jugement du 3
novembre 2014 du Tribunal correctionnel du canton de Genève p. 20). En outre,
il a tenu compte, concernant A.________, de " l'effet de la peine à prononcer
en regard des condamnations qu'il doit encore purger " (jugement précité p.
21).

3.2.2. Même si l'on admet que B.________ était le " moteur de l'action ", cela
ne signifie pas encore que le recourant doit avoir une peine inférieure à celle
de B.________. En effet, contrairement au recourant, ce dernier a admis les
faits et a fait progresser le dossier en début de procédure en décrivant ce qui
s'était passé avant de revenir sur ses déclarations; une prise de conscience
extrêmement partielle a été admise. Ces deux éléments se compensent, de sorte
qu'il est justifié d'infliger la même peine aux deux coauteurs. Quant à l'écart
de six mois par rapport à la peine prononcée à l'encontre de A.________, il
s'explique pour deux raisons. D'une part, contrairement au recourant,
A.________ a admis les faits du bout des lèvres et une prise de conscience
extrêmement partielle a été admise. D'autre part, sa peine a été réduite pour
tenir compte de l'effet de la peine à prononcer en regard des condamnations
qu'il devait encore purger.

Le grief tiré de l'inégalité de traitement doit donc être rejeté.

4. 
Le recourant réclame une réduction de peine, au motif que ses conditions de
détention à la prison F.________ étaient illicites. Il se prévaut d'une
violation de l'art. 3 CEDH.

4.1. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de surpopulation carcérale telle que
la connaît la prison F.________, l'occupation d'une cellule dite individuelle
par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint
du mobilier, - est une condition de détention difficile; elle n'est cependant
pas constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH et ne représente pas un
traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus.

En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une
surface individuelle inférieure à 3,83 m2 - restreinte encore par le mobilier -
peut constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue
période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention. Il
faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu
dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois
consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la
détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cf. art. 227 al. 7 CPP)
apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention
susmentionnées ne peuvent plus être tolérées. En effet, si les conditions de
détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de
fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la
sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger, cela ne vaut pas
lorsque la durée de la détention provisoire est de l'ordre de trois mois. Ce
délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme
mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de
l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention. La
durée très limitée des périodes que le recourant est autorisé à passer hors de
la cellule aggrave encore la situation (une heure de promenade en plein air par
jour) (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 s.).

De brèves interruptions d'un à trois jours lors desquelles un détenu bénéficie
d'un espace individuel plus grand ne sont pas de nature à interrompre le délai
indicatif de trois mois au-delà duquel les conditions de détention ne sont plus
tolérables et sont contraires à la dignité humaine. En revanche, il y a lieu
d'évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d'une appréciation
globale qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée
précédant la période d'interruption et des autres conditions concrètes de
détention (nombre journalier d'heures passées hors de la cellule; possibilité
de travailler; visites; hygiène; installations sanitaires; régime alimentaire;
éclairage; aération) (arrêts 6B_946/2015 du 13 septembre 2015 consid. 3.2;
1B_84/2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.1; 1B_239/2015 du 29 septembre 2015
consid. 2.5.2; 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.7.2).

S'agissant du nombre journalier d'heures passées en cellule, la possibilité de
sortir de la cellule, entre 1 heure et 5 heures 45 par jour une semaine sur
deux, ne suffit pas en soi, dans la situation prévalant à la prison F.________,
à rendre ces conditions de détention conformes à l'art. 3 CEDH (arrêts 1B_84/
2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.1; 1B_239/2015 précité consid. 2.5.3).

Lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie
conventionnelle ou constitutionnelle a entaché la procédure relative à la
détention provisoire, celle-ci peut être réparée par une décision de
constatation (ATF 140 I 246 consid. 2.5.1 p. 250). Une telle décision vaut
notamment lorsque les conditions de détention provisoire illicites sont
invoquées devant le juge de la détention. A un tel stade de la procédure, seul
un constat peut donc en principe intervenir et celui-ci n'a pas pour
conséquence la remise en liberté du prévenu (ATF 139 IV 41 consid. 3.4 p. 45).
Il appartient ensuite à l'autorité de jugement d'examiner les possibles
conséquences des violations constatées, par exemple en octroyant une
indemnisation fondée sur l'art. 431 CPP ou, cas échéant, en réduisant la peine
(arrêt 6B_876/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.1 destiné à la publication; ATF 141
IV 349 consid. 2.1 p. 352; 140 I 125 consid. 2.1 p. 128).

4.2. En l'espèce, le recourant a été détenu durant 98 jours consécutifs, entre
le 18 avril 2015 et le 28 juillet 2015, dans une cellule individuelle occupée
par trois détenus, ne lui offrant de ce fait qu'un espace individuel de 3,39
m2. La cour cantonale a retenu à tort que la période de 98 jours avait été
entrecoupée de périodes où le recourant avait pu bénéficier d'un espace
individuel net bien supérieur au seuil minimal toléré par la jurisprudence (cf.
consid. 1.4).

Le recourant a été confiné dans un espace individuel insuffisant à peine plus
de trois mois. Le délai de trois mois fixé par la jurisprudence - au-delà
duquel les conditions de détention ne sont plus tolérables et sont contraires à
la dignité humaine - est toutefois une durée indicative à prendre en compte
dans l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention.

Dans cette appréciation, il convient de relever que les conditions concrètes de
détention (état d'hygiène, d'aération et d'approvisionnement en eau,
nourriture, chauffage et lumière) étaient convenables, que le recourant a pu
recevoir des visites et qu'un de ses codétenus a exercé l'activité de nettoyeur
de table. Au vu de l'ensemble de ces circonstances et compte tenu du fait que
la détention litigieuse n'a dépassé que très faiblement le seuil critique de
trois mois, il faut admettre que le recourant n'a pas été détenu dans des
conditions contraires à la dignité humaine. Le grief soulevé doit être rejeté.

5. 
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais
judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant
compte de sa situation financière.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 10 octobre 2016

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Kistler Vianin

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