Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.485/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
5A_485/2015

Arrêt du 2 octobre 2015

IIe Cour de droit civil

Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Romain Jordan, avocat,
recourante,

contre

B.________,
intimée,

G.________, représenté par Me Julie André, avocate,

Service de protection des mineurs,

Objet
récusation d'un expert (droit de garde),

recours contre la décision de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
de surveillance, du 12 mai 2015.

Faits :

A. 
F.________ est née en 2008 de la relation entre A.A._______ et G.________.

 A.A.________ a également deux fils, D.________ et E.________, nés
respectivement les 8 octobre 1999 et 20 avril 2002 de son mariage avec
C.A._______. L'autorité parentale et la garde sur ces deux garçons ont été
attribuées à A.A.________ dans le cadre du divorce prononcé le 6 janvier 2005.

B.

B.a. Par décision de clause-péril prise le 15 octobre 2013, le Service de
protection des mineurs (ci-après: SPMi) a provisoirement retiré à A.A.________
la garde sur ses enfants, ordonné leur placement en foyer et suspendu le droit
aux relations personnelles entre ces derniers et leur mère.

 Cette mesure a été adoptée suite au signalement de la situation des trois
mineurs par un médecin et un assistant social du Kinderspital de Zurich, sur la
base des explications données par le père de F.________.

B.b. Le 5 décembre 2013, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
(ci-après: le Tribunal de protection) a ratifié la clause-péril prononcée le 15
octobre 2013, et, sur mesures provisionnelles, levé le placement de l'enfant
F.________ en foyer, accordé à son père un droit de visite, donné acte à
A.A.________ de son intention d'entreprendre un suivi thérapeutique, instauré
une curatelle d'assistance éducative et désigné les curateurs à cet effet.

 La question de la garde de D.________ et E.________ fait l'objet d'une
procédure distincte (cf. procédure 5A_484/2015).

B.c. Un rapport d'expertise psychiatrique familiale, ordonné par le Tribunal de
protection, a été établi le 17 novembre 2014 par la Dresse B.________,
spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en co-expertise avec la
Dresse I.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie de l'enfant
et de l'adolescent.

 Pour effectuer cette expertise, les experts ont mené trois entretiens avec
A.A.________, mère de F.________, trois entretiens avec G.________, père de
F.________, deux entretiens avec A.A.________ et l'enfant F.________, deux
entretiens avec F.________ et son père, un entretien avec F.________ seule, un
entretien avec A.A.________ en présence de ses trois enfants. Les experts ont
en outre eu des contacts avec les différents professionnels entourant la
mineure (psychiatre, psychothérapeute, enseignante, éducateurs, pédiatre,
intervenante en protection de l'enfance au SPMi).

 Sur la base de l'ensemble de ces entrevues, ainsi que du dossier que leur a
remis le Tribunal de protection, les experts ont conclu d'attribuer la garde de
F.________ à son père, de fixer un droit de visite sous surveillance en faveur
de la mère, d'instaurer une curatelle de surveillance et d'organisation du
droit de visite, doublée d'une curatelle d'assistance éducative en faveur de la
mère, d'ordonner le suivi psychothérapeutique de la mineure avec la
participation alternative des deux parents, le suivi individuel thérapeutique
de la mère et la poursuite de son traitement psychothérapeutique par le père.
Craignant une décompensation psychique de A.A.________ susceptible de mettre en
danger l'enfant, les experts ont préconisé que F.________ soit mise à l'abri
chez son père lorsque sa mère apprendrait son changement de lieu de vie.

B.d. Le SPMi a rendu un préavis le 20 novembre 2014, recommandant à l'autorité
de protection de retirer le droit de garde de A.A.________ sur ses trois
enfants en urgence, et de placer F.________ chez son père avec lequel la
collaboration était soutenue.

B.e. Par ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 20 novembre
2014, considérant qu'il était indispensable de mettre les enfants à l'abri des
réactions de A.A.________ lorsque le résultat de l'expertise lui serait
communiqué, le Tribunal de protection a retiré à A.A.________ la garde et le
droit de déterminer le lieu de résidence de sa fille F.________, placé cette
dernière auprès de son père avec effet immédiat, accordé un droit de visite à
la mère à raison de deux heures à quinzaine en Point rencontre, et instauré une
curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre
l'enfant et sa mère.

B.f. Le SPMi a rendu un rapport complémentaire le 9 décembre 2014, recommandant
le maintien du placement de F.________ chez son père, la fixation d'un droit de
visite usuel en faveur de A.A.________ et l'instauration d'une curatelle
d'assistance éducative.

B.g. Le 11 décembre 2014, le Tribunal de protection a tenu une audience en
présence de A.A.________, de G.________, du père des enfants D.________ et
E.________, du curateur de représentation des enfants, et de la représentante
du SPMi.

 Il a procédé à l'audition de la Dresse B.________, chargée de l'expertise
psychiatrique familiale.

B.g.a. L'intéressée a confirmé les termes et conclusions de son expertise
établie le 17 novembre 2014 en précisant que l'intervention de la Dresse
I.________ relevait de la supervision.

 L'expert a confirmé que les aspects pratiques des capacités parentales de la
mère étaient susceptibles d'être améliorés, mais qu'en revanche, ses
difficultés de séparation et d'individuation, sa capacité à envisager ses
enfants comme ayant une personnalité propre, étaient assez ancrées. Un suivi
thérapeutique s'avérait utile, mais le pronostic d'une telle démarche était
réservé, compte tenu de la difficulté de A.A.________ à voir le problème.

 La relation entre D.________ et F.________ présentait, selon l'expert, plus de
faits proches de la maltraitance que d'épisodes de complicité. D.________
jalousait sa soeur, se montrait agressif à son égard, exerçait une emprise sur
elle afin de l'empêcher de s'autonomiser et critiquait de manière violente le
père de sa soeur en présence de celle-ci. S'agissant de la relation E.________
et F.________, l'expert a constaté que E.________ protégeait sa soeur, au
détriment de ses propres besoins, lorsque l'adulte faisait défaut. De manière
générale, l'expert a indiqué ne pas être favorable à ce que les relations entre
les trois enfants se déroulent sous la forme de week-ends entiers auprès de
leur mère.

B.g.b. Concernant la forme et les modalités d'exécution de son expertise, la
Dresse B.________ a précisé que l'utilisation de la forme conditionnelle
procédait d'un choix rédactionnel, mais n'impliquait aucun doute sur le contenu
des observations formulées.

 Elle a par ailleurs exposé être parvenue aux conclusions exprimées dans son
rapport sur la base de l'ensemble des éléments recueillis au cours des
entretiens menés. Le signalement émis par G.________, père de F.________,
n'était qu'un élément parmi d'autres.

B.g.c. En cours d'audience, à plusieurs reprises durant l'audition de l'expert,
la juge a rappelé au conseil de A.A.________ que la procédure concernait les
mineurs D.________, E.________ et F.________, que l'expert avait clairement
indiqué que le signalement effectué par G.________, père de F.________, n'avait
pas été un élément prédominant dans les constats et les conclusions effectués
dans son rapport, que l'objectif de l'audience était de trouver des solutions
conformes à l'intérêt des enfants, dont la situation était préoccupante, et non
pas dans l'intérêt exclusif de leurs parents, et que le conseil était invité à
tenir compte de ces éléments.

 A la suite de ces rappels, le conseil de A.A.________, avec l'appui du conseil
de C.A.________, a sollicité la récusation de la juge.

 La Dresse B.________ a alors exprimé être choquée de ces échanges, a insisté
sur le fait que les enfants allaient mal et a déclaré revendiquer leur droit
d'aller mieux.

 A.A.________ a sollicité le prononcé de mesures provisionnelles. G.________ a
requis le maintien des mesures en place concernant F.________.

 A l'issue de l'audience, la cause a été transmise au Président de juridiction
pour instruction sur récusation.

C.

C.a. Par courrier du 11 décembre 2014, A.A.________ a sollicité la récusation
de l'expert, ainsi que l'annulation et le renouvellement des expertises qu'il
avait diligentées, au motif que l'impartialité de l'intéressée avait été
gravement mise à mal par les déclarations qu'il avait eues au terme de
l'audience du 11 décembre 2014, ainsi que par celles qu'il aurait faites à
l'attention de son conseil et de celui de son ex-époux en sortant de la salle
d'audience, à savoir ": "c'est vraiment honteux et dégueulasse, ce que vous
avez fait ".

C.b. Le 6 janvier 2015, la Dresse B.________ a contesté la demande de
récusation, arguant de son impartialité. Revenant sur le contexte de son
audition du 11 décembre 2014, elle a relevé les circonstances difficiles de son
audition, précisant qu'après avoir longuement répondu au Tribunal de protection
sur une question aussi difficile que la psychopathologie et les carences
parentales de A.A.________, le conseil de celle-ci lui avait demandé de manière
répétitive de développer un seul point de son expertise. Elle avait en outre
été choquée par l'interruption brutale de ladite audience à la veille des fêtes
de Noël, annulant ainsi tout le processus engagé par différents professionnels
depuis plusieurs semaines, alors qu'il était dans l'intérêt des enfants de
comprendre comment les protéger et de leur permettre de voir leurs parents
durant cette période de fêtes. Les propos qui lui étaient reprochés visaient la
manière dont les conseils de C.A._______ et A.A.________ avaient agi, et non
les parents eux-mêmes ou les autres personnes présentes dans la salle.

C.c. Le SPMi a rendu un rapport complémentaire le 15 janvier 2015, concluant
notamment à la confirmation de l'expertise réalisée par la Dresse B.________ et
de ses conclusions.

C.d. A.A.________, G.________, le curateur des enfants et la représentante du
SPMi ont été entendus par le Tribunal de protection le 15 janvier 2015.

C.e. Par courrier adressé au Tribunal de protection le 15 janvier 2015,
G.________ s'est opposé à la récusation de l'expert. Il a relevé que
A.A.________ reprochait à l'expert les propos tenus lors de son audition, sans
émettre aucune critique sur le travail accompli par celui-ci et que la
récusation de l'expert et l'ordonnance d'une nouvelle expertise serait
contraire au bien des enfants.

C.f. Par ordonnance du 15 janvier 2015, le Tribunal de protection a rejeté la
requête formulée par A.A.________ tendant à la récusation de la Dresse
B.________ (ch. 1), à l'annulation, au renouvellement de l'expertise et à la
privation de la rémunération de l'expert (ch. 2), renonçant à l'audition de
F.________ (ch. 3).

 Sur mesures provisionnelles, le Tribunal de protection a notamment maintenu le
retrait du droit de garde et du droit de déterminer le lieu de résidence de
A.A.________ sur sa fille F.________ (ch. 4), maintenu le placement de la
mineure chez son père (ch. 5), accordé à la mère un droit de visite selon des
modalités dûment précisées (ch. 6), maintenu la curatelle d'organisation et de
surveillance des relations personnelles entre l'enfant et sa mère (ch. 7),
instauré une curatelle aux fins d'organiser et de surveiller le placement de
F.________ chez son père (ch. 8) et débouté les parties de toute autre
conclusion (ch. 16).

C.g. A.A.________ a formé recours contre l'ordonnance, sollicitant l'annulation
des chiffres 1 à 8 et 16 de son dispositif.

C.h. La Cour de justice a rejeté le recours le 12 mai 2015. L'arrêt a été
notifié au conseil de A.A.________ le 18 mai 2015.

D. 
Agissant par la voie du recours en matière civile le 17 juin 2015, A.A.________
(ci-après: la recourante) conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à sa
réforme en ce sens que l'expert est récusé et son rapport retiré de la
procédure, le dossier étant pour le surplus retourné à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision au sens des considérants.

 Des déterminations n'ont pas été demandées.

Considérant en droit :

1. 
Le recours a été déposé dans une boîte postale le dernier jour du délai, avec
mention et signature de deux témoins; le même jour, le mandataire de la
recourante a adressé le mémoire de recours par fax au Tribunal de céans. Il
faut ainsi admettre que l'écriture a été déposée à temps (art. 100 al. 1 LTF;
ATF 124 V 372 consid. 3b; arrêt 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.2). Le
recours est par ailleurs dirigé contre une décision rendue en matière de
protection de l'enfant (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF) par le tribunal
supérieur du canton statuant dans le cadre d'une procédure de recours (art. 75
al. 1 LTF; ATF 137 III 424 consid. 2.2); le litige, de nature non pécuniaire,
porte principalement sur la récusation d'un expert (art. 92 al. 1 LTF; cf. ATF
138 V 271 consid. 2.2.1; arrêts 5A_254/2014 du 5 septembre 2014 consid. 1;
5A_48/2014 du 27 mai 2014 consid. 3), les autres conclusions formulées par la
recourante en constituant les conséquences logiques (annulation de l'expertise
et renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision sur la
garde des enfants à titre provisionnel); la recourante a enfin la qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF).

2. 
La recourante dénonce la violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH ainsi que
l'application arbitraire des art. 46 de la Loi d'application du code civil
suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du canton de Genève
(ci-après LACC; RSGE E 1 05) et 47 let. f CPC, soutenant que l'expert aurait dû
être récusé en raison de son comportement et de sa prévention. La recourante
axe sa motivation exclusivement sur les déclarations tenues par l'expert à
l'issue de l'audience du 11 décembre 2014 ainsi que sur sa détermination du 6
janvier 2015 relative à la requête de récusation formée à son encontre. C'est
donc sous ce seul angle que sera examinée l'éventuelle prévention de
l'intéressée.

2.1. La cour cantonale a avant tout souligné qu'il convenait de replacer les
déclarations contestées de l'expert dans leur contexte (en audience: " Je
revendique le droit des trois enfants d'aller bien. Je suis donc
particulièrement choquée de ce qui vient de se passer [i.e. requête de
récusation formée à l'encontre de la magistrate], étant précisé que D.________,
E.________ et F.________ vont très mal "; à l'issue de l'audience, à
l'intention des conseils de la recourante et de C.A.________: " c'est vraiment
honteux et dégueulasse, ce que vous avez fait ") : au terme d'une audience
tendue et longue, dont l'objet était de parvenir à trouver une solution
adéquate pour les enfants à la veille des fêtes de Noël, la suspension de la
procédure avait été ordonnée suite à la demande de récusation formée par la
recourante à l'encontre de la magistrate de première instance. Le Tribunal
cantonal a considéré qu'en exprimant, dans ce contexte particulier, son souci
pour les enfants, dont la situation était alarmante et dont le sort allait être
différé suite à la récusation requise, l'expert avait certes fait état d'une
critique de l'acte de procédure ainsi formé par le conseil de la recourante,
mais jugé que l'avis exprimé se limitait toutefois à cette issue procédurale
ainsi qu'aux conséquences qui en résultaient pour les enfants, qu'elle
considérait préjudiciables à l'intérêt de ceux-ci. Selon la juridiction
cantonale, les déclarations de l'expert ne contenaient aucune critique à
l'égard de la recourante elle-même ou de son conseil de sorte qu'aucune
prévention à l'encontre de ceux-ci ne pouvait lui être reprochée. Les propos
tenus par l'expert ne permettaient donc pas de douter de son impartialité et
n'avaient aucune incidence sur l'expertise réalisée et ses conclusions.

2.2. La recourante affirme en substance que les garanties d'un procès
équitables ne seraient plus respectées: la cour cantonale aurait minimisé
l'attitude de l'expert de façon absolument inadmissible, alors que la
prévention de celui-ci était objectivement donnée. Cette prévention se
matérialiserait d'abord dans les propos inacceptables tenus par l'intéressée à
l'égard de son conseil à l'issue de l'audience du 11 décembre 2014 et dans ses
déterminations du 6 janvier 2015 sur la requête de récusation formée à son
encontre: le comportement de son mandataire serait ainsi " brutal ", " choquant
", " dégueulasse ", " honteux ", manquant d'" éthique " et de " respect " ou
encore de " considération " envers les enfants, qualificatifs dépassant
manifestement la limite de l'inimitié au sens de l'art. 47 al. 1 let. f CPC.
Contrairement ensuite à ce que retenaient les magistrats cantonaux, l'audience
n'aurait pas été " longue " et son contexte n'excuserait en rien le
comportement de l'expert: il serait en effet choquant de l'admettre au motif
que les questions posées n'auraient soi-disant pas été opportunes ou mettraient
à mal la patience de l'intéressée, étant précisé qu'elle avait exercé son droit
à l'interrogatoire de manière respectueuse et professionnelle. La prévention de
l'expert se concrétiserait enfin par son comportement: celui-ci serait en effet
sorti de son rôle, se positionnant bien plus comme une thérapeute partiale que
comme un expert neutre, faisant preuve de distance face aux enjeux de la
procédure. Ses déterminations du 6 janvier 2015, virulentes alors que presque
un mois avait passé, plaideraient ainsi fortement en faveur d'un sentiment
tenace d'inimitié et de rancoeur.

2.3.

2.3.1. En matière de protection de l'enfant, les dispositions relatives à la
procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par
analogie (art. 314 al. 1 CC). En tant qu'il ne contient pas de règles
particulières, ce qui est le cas pour la récusation (arrêt 5A_254/2014 du 5
septembre 2014 consid. 2.1 et la référence), le droit fédéral attribue aux
cantons la compétence de régir la procédure dans ce domaine. Si les cantons
n'en disposent pas autrement, les normes de la procédure civile s'appliquent
par analogie (art. 450f CC); dès lors que celles-ci sont applicables à titre de
droit cantonal supplétif (cf. ATF 140 III 167 consid. 2.3 [art. 122 al. 2 CPC];
arrêt 5A_254/2014 précité et les exemples donnés), le Tribunal fédéral ne peut
intervenir que si l'autorité précédente a versé dans l'arbitraire ou enfreint
d'autres droits constitutionnels (ATF 139 III 225 consid. 2.3; 138 I 232
consid. 2.4 et les arrêts cités), et autant qu'un tel grief a été invoqué et
régulièrement motivé (art. 106 al. 2 LTF; cf. sur ces exigences, notamment: ATF
133 II 249 consid. 1.4.2; 134 II 244 consid. 2.2 et 349 consid. 3).

 La LACC prévoit à ses art. 43 ss des règles particulières quant à l'expertise
ordonnée devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (Titre III
" Procédure devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant ",
Chapitre I " Principes - Règles de procédure ", Section 4 " Preuve - Expertise
"). Selon l'art. 46 al. 1 LACC, " [p]our les mêmes causes que pour les juges,
la récusation d'un expert peut être sollicitée par requête motivée, adressée au
Tribunal de protection, dans les 10 jours de sa nomination ou de la
connaissance d'une cause de récusation ". Dès lors qu'aucune disposition
particulière n'est prévue dans la LACC sur la récusation des juges, il faut
admettre que ce sont les motifs de récusation prévus par le code de procédure
civile (art. 47 CPC) qui s'appliquent par analogie, à titre de droit cantonal
supplétif.

2.3.2. L'art. 47 al. 1 CPC énumère divers motifs de récusation aux let. a à f,
la let. f imposant la récusation lorsque les magistrats ou fonctionnaires
judiciaires " pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en
raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant
". Cette disposition concrétise les garanties découlant des art. 30 al. 1 Cst.
et 6 § 1 CEDH. Certes, dès lors que l'expert ne fait pas partie du tribunal, sa
récusation ne s'examine pas au regard de l'art. 30 al. 1 Cst. mais sous l'angle
de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès (ATF 125 II 541 consid.
4a p. 544). S'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises
d'un expert, cette disposition assure toutefois au justiciable une protection
équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198),
qui a, de ce point de vue, la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 134 I 20
consid. 4.2; 138 I 1 consid. 2.2). La jurisprudence rendue en application de
cette norme reste ainsi pertinente (arrêts 4A_3/2012 du 27 juin 2012 consid.
2.3; 5A_109/2012 du 3 mai 2012 consid. 3.1, avec les citations).

 Les dispositions précitées permettent aux parties d'exiger la récusation d'un
expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un
doute sur son impartialité. Ces garanties tendent notamment à éviter que des
circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en
faveur ou au détriment d'une partie. Elles n'imposent pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition
interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances
donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale.
Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne
sont pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2; 137 I 227 consid. 2.1; 136 III 605
consid. 3.2.1; 136 I 207 consid. 3.1 p. 210; 134 I 20 consid. 4.2).

 Le juge ou l'expert doit faire preuve de la distance professionnelle
nécessaire et s'exprimer ainsi avec la retenue requise. Si des réactions
d'impatience sont inévitables de la part d'êtres humains exerçant des fonctions
judiciaires, ceux-ci doivent veiller à garder leur sang-froid en toutes
circonstances, sans que cela ne les empêche toutefois de porter des
appréciations critiques sur la manière dont une partie mène le procès (arrêts
1P.687/2005 du 9 janvier 2006 consid. 7.2; 1P.314/2001 du 2 juillet 2001
consid. 1; Wullschleger, in Sutter-Sohm et al. (éd.), Kommentar zur
schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2e éd. 2013, n. 33 ad art. 47 CPC);
ils ne peuvent en revanche généralement émettre un jugement de valeur sur la
partie elle-même sans donner l'apparence d'une certaine prévention (ATF 127 I
196 consid. 2d; 120 V 357 consid. 3b; arrêt 1B_303/2008 du 25 mars 2009 consid.
2.4; WULLSCHLEGER, op. cit., ibid; KIENER, in Oberhammer et al. (éd.), ZPO,
Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2014, n. 19 ad art. 47 CPC).

2.4. Il a été établi que les déclarations contestées de l'expert ont été
formulées à l'issue d'une audience tendue et longue, dont l'objet était de
parvenir à trouver une solution adéquate pour les enfants à la veille des fêtes
de Noël. Dès lors qu'en cours d'audience, les conseils de la recourante et de
son ex-époux ont sollicité la récusation de la magistrate en charge du dossier,
l'audience a été suspendue et la question du sort des enfants différée. Ainsi
que l'ont parfaitement souligné les instances précédentes, les déclarations de
l'expert doivent être replacées dans ce cadre particulier. L'on ne peut alors
qu'en déduire que ces propos, que l'on peut certes juger maladroits, visaient
exclusivement le comportement procédural des conseils précités et sa
conséquence principale, à savoir le report de la problématique du sort des
enfants (ainsi, pour replacer les critiques de la recourante dans leur
contexte: " j'étais interloquée que l'on puisse interrompre brutalement toute
discussion constructive "; " l'audience s'est terminée par une demande brutale
de récusation " [cf. déterminations du 6 janvier 2015, p. 2]; " c'est vraiment
honteux et dégueulasse ce que vous avez fait " [à la sortie de la salle
d'audience, à l'intention des conseils de la recourante et de son ex-époux]; "
je m'attendais à des conseils plus éthiques et respectueux non seulement des
enfants mais également des professionnels engagés dans cette procédure "
[déterminations du 6 janvier 2015, p. 2]). Ces déclarations exprimaient
manifestement l'inquiétude de l'intéressée face au sort de ces enfants, dont la
situation est à l'évidence particulièrement préoccupante, et s'articulaient
uniquement dans leur intérêt qui, il sied de le souligner, demeure l'objectif
principal des conclusions établies par ce type d'expertise judiciaire. Dans ces
conditions, l'on ne saurait retenir l'apparence d'une prévention de la part de
l'expert, étant au demeurant précisé que son rapport a été réalisé fin novembre
2014, à savoir antérieurement aux déclarations qui lui sont reprochées. Il n'y
a en conséquence pas lieu de retirer l'expertise du dossier et de retourner la
cause à l'instance cantonale.

3. 
En définitive, le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 66
al. 1 LTF). Aucun dépens n'est attribué à l'intimée qui n'a pas été invitée à
se déterminer.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à G.________, au Service de
protection des mineurs et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre de
surveillance.

Lausanne, le 2 octobre 2015

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : von Werdt

La Greffière : de Poret Bortolaso

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