Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.29/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
5A_29/2015

Arrêt du 5 juin 2015

IIe Cour de droit civil

Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
1.       A.________,
2.       B.________,
tous les deux représentés par
Me Michael Rudermann, avocat,
recourants,

contre

C.________,
représenté par Me Alain Maunoir, avocat,
intimé.

Objet
Cessation du trouble,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice
du canton de Genève, Chambre civile,
du 21 novembre 2014.

Faits :

A.

A.a. A.________ et B.________ (ci-après : les époux A.________ et B.________)
sont propriétaires de la parcelle n ^o xxx sise dans la commune de U.________
depuis 1997. Ils se sont installés en 2003 dans la villa qu'ils ont construite
sur ce bien-fonds.

 C.________ est propriétaire de la parcelle voisine n ^o yyy depuis 2001 et s'y
est installé en 2004.

A.b. Dès septembre 2004, les parties ont connu un conflit de voisinage portant
notamment sur l'aménagement d'une voie d'accès sise sur la propriété de
C.________ ainsi que sur la hauteur de certains arbres et arbustes ornant
celle-ci.

A.c. Entre juillet et novembre 2006, les époux A.________ et B.________ ont
mandaté D.________, ingénieur en génie rural EPFL, pour procéder à des relevés.
Ce dernier a notamment constaté, selon des mesures effectuées le 5 juillet
2006, qu'un hêtre planté à 2,3 mètres de la limite de propriété, mesurait 11,21
mètres, qu'un bouleau atteignait la hauteur de 8,68 mètres tandis qu'un érable
celle de 6,36 mètres, ces hauteurs ayant toutefois été calculées depuis la
parcelle des époux A.________ et B.________.

A.d. Par courrier du 15 décembre 2006, les époux A.________ et B.________ ont
mis en demeure C.________ d'écimer ces trois végétaux ainsi qu'un magnolia de
manière à ce que ces différents arbres ne dépassent pas 6 mètres.

 Après divers courriers et discussions entre les parties, C.________ a fait
écimer les arbres litigieux à 8 mètres au mois de février 2008.

 Les époux A.________ et B.________ ont indiqué par courrier du 12 février 2008
que ce problème était réglé, étant admis que la coupe devait régulièrement être
renouvelée afin que cette hauteur de 8 mètres soit respectée.

A.e. Dès le mois de novembre 2009, les époux A.________ et B.________ se sont à
nouveau plaints de la hauteur des arbres qui avaient grandi et dépassaient
largement la hauteur de 8 mètres. Sous la plume de leur conseil, ils ont invité
C.________ à procéder à l'écimage des arbres litigieux à la hauteur précitée,
en vain.

A.f. A la demande des époux A.________ et B.________, D.________ a procédé à un
nouveau relevé des arbres au mois de septembre 2010. A teneur de son rapport du
11 octobre 2010, le hêtre était planté à 2,3 mètres de la limite de propriété
et mesurait 10,76 mètres, le bouleau était planté à 2 mètres de la limite de
propriété et mesurait 8,97 mètres et l'érable était planté à 2,20 mètres et
mesurait 10,19 mètres.

B.

B.a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 17 novembre
2010, déclaré non concilié le 19 juin 2011 et introduit le 20 juin 2011, les
époux A.________ et B.________ ont agi en prévention et en cessation du trouble
contre C.________, concluant à ce que celui-ci soit condamné à écimer le hêtre
à une hauteur maximale de 3,98 mètres, le bouleau à une hauteur maximale de
3,46 mètres, l'érable et le magnolia à une hauteur de 6 mètres ainsi qu'un
saule pleureur à une hauteur maximale de 12 mètres et à respecter les hauteurs
susvisées. Ils ont en outre demandé à être autorisés à mandater une entreprise
aux frais de C.________ si l'écimage n'intervenait pas dans un délai d'un mois
à compter de la date du jugement définitif.

 Le Tribunal a suspendu l'instance à la demande des parties le 3 octobre 2011.
Celle-ci a été reprise par jugement du 22 mars 2012.

 Les époux A.________ et B.________ ont modifié leurs conclusions s'agissant du
hêtre et du bouleau, concluant désormais à une taille d'une hauteur maximale de
6 mètres.

 Lors de l'audience de comparution personnelle du 30 mai 2012, les demandeurs
ont retiré leurs conclusions concernant le saule; les parties ont par ailleurs
trouvé un accord au sujet du magnolia, C.________ s'engageant à l'écimer à 6,75
mètres et à le maintenir à cette hauteur.

 Différents témoins ont été entendus et une expertise judiciaire a été ordonnée
en vue de déterminer la hauteur, l'âge, la date de plantation et les éventuels
élagages effectués sur le bouleau, le hêtre et l'érable situés sur la parcelle
de C.________.

 Par jugement du 21 mars 2014, le Tribunal a débouté les époux A.________ et
B.________ de leurs conclusions tendant à l'écimage du hêtre, du bouleau et de
l'érable sis sur la propriété de C.________ (ch. 1) et donné acte à celui-ci de
son engagement d'écimer le magnolia à une hauteur maximale de 6,75 mètres à
calculer à partir de la hauteur naturelle du terrain et de la maintenir à cette
hauteur, l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 2).

B.b. Les époux A.________ et B.________ ont fait appel de ce jugement. Par
arrêt du 21 novembre 2014, la Cour de Justice du canton de Genève a annulé le
chiffre 1 du jugement entrepris. Statuant à nouveau, elle a condamné C.________
à tailler à 6 mètres depuis le niveau naturel du terrain à son pied, l'érable
sis sur sa propriété et situé à 2,42 mètres de la limite parcellaire, dits
travaux devant être exécutés à ses frais et dans un délai de soixante jours dès
l'entrée en force de la décision. A défaut d'exécution dans le délai, les
travaux seraient exécutés par un professionnel aux frais de C.________. Pour le
surplus, la cour cantonale a débouté les époux A.________ et B.________ de
toutes autres conclusions.

C. 
Agissant par les voies du recours en matière civile et du recours
constitutionnel subsidiaire le 12 janvier 2015, les époux A.________ et
B.________ (ci-après : les recourants) concluent à titre principal et sur
recours en matière civile, à l'annulation de l'arrêt cantonal en tant qu'il les
déboute de leurs conclusions en condamnation de l'intimé à tailler à 6 mètres
depuis le niveau naturel du terrain à son pied, le hêtre sis sur sa propriété,
situé à 2,40 mètres de la limite parcellaire et le bouleau sis sur sa
propriété, situé à 2,18 mètres de la limite parcellaire et à la condamnation de
l'intimé à procéder à ces tailles, subsidiairement au renvoi de la cause à la
Cour de justice pour nouvelle décision; à titre subsidiaire et sur recours
constitutionnel subsidiaire, les recourants concluent à l'annulation de l'arrêt
cantonal en tant qu'il les déboute de leurs conclusions en condamnation de
l'intimé à tailler à 6 mètres le hêtre et le bouleau précités et au renvoi de
la procédure à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des
considérants.

 Des observations n'ont pas été demandées.

Considérant en droit :

1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2).

1.1. La décision entreprise a été rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF);
elle est de nature pécuniaire.

1.1.1. Le recours en matière civile n'est en principe ouvert que si la valeur
litigieuse minimale de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF).
C'est le montant litigieux devant la dernière instance cantonale qui est
déterminant (art. 51 al. 1 let. a LTF) et l'autorité cantonale de dernière
instance doit mentionner celui-ci dans son arrêt (art. 112 al. 1 let. d LTF).
Lorsque les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent
déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son
appréciation (art. 51 al. 2 LTF), comme sous l'ancien droit (art. 36 al. 2 OJ;
ATF 136 III 60 consid. 1.1.1; 140 III 571 consid. 1.2). Ce contrôle d'office ne
supplée toutefois pas au défaut d'indication de la valeur litigieuse: il
n'appartient pas en effet au Tribunal fédéral de procéder lui-même à des
investigations pour déterminer cette valeur, si elle ne résulte pas d'emblée
des constatations de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF) ou d'autres
éléments ressortant du dossier (ATF 136 III 60 consid. 1.1.1; 140 III 571
consid. 1.2). Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le recourant doit ainsi
donner les éléments suffisants pour permettre au Tribunal de céans d'estimer
aisément la valeur litigieuse, sous peine d'irrecevabilité. Le Tribunal fédéral
n'est toutefois lié ni par l'estimation de la partie recourante ou un accord
des parties, ni par une estimation manifestement erronée de l'autorité
cantonale (ATF 136 III 60 consid. 1.1.1; 140 III 571 consid. 1.2).

1.1.1.1. La valeur litigieuse relative aux restrictions légales à la propriété
foncière se détermine de la même manière que dans les contestations portant sur
l'existence d'une servitude (ATF 45 II 402 consid. 1 p. 405 s.) : elle équivaut
donc ici à l'augmentation de valeur que l'abattage des arbres procurerait au
fonds des recourants ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur
qu'il entraînerait pour le fonds de l'intimé (cf. ATF 45 II 402 consid. 1;
arrêts 5C.200/2005 du 21 octobre 2005 consid. 1.2 non publié aux ATF 132 III 6
et les références; 5A_23/2008 du 3 octobre 2008 consid. 1.1). Elle ne
correspond pas au coût de l'abattage des arbres en cause (arrêts 5C.200/2005
précité consid. 1.2 et les références; 5A_749/2007 du 2 juin 2008 consid. 1.2).

1.1.1.2. Compte tenu de l'importance des nuisances dont se plaignaient les
recourants (perte de vue et d'ensoleillement, impression d'écrasement et chute
des feuilles) et du prix au m ^2, notoirement très élevé, du terrain sis sur la
commune de U.________, la cour cantonale a retenu qu'à défaut de pouvoir être
chiffré avec exactitude, l'écimage des arbres était susceptible d'entraîner une
plus-value de la parcelle des recourants supérieure à 10'000 fr., valeur
litigieuse minimale pour la recevabilité de l'appel dans les affaires
patrimoniales (art. 308 al. 2 CPC).

1.1.1.3. Les recourants reprennent cette argumentation sans lui apporter plus
de précisions, l'adaptant simplement aux conditions de recevabilité du recours
en matière civile et se limitant ainsi à affirmer que la plus-value apportée
par l'écimage serait en réalité bien supérieure à 30'000 fr. On ne saurait
toutefois se fonder sur cette motiva-tion, qui ne fait référence à aucune
donnée chiffrée et n'apporte dès lors aucun élément concret d'appréciation
permettant d'affirmer que la valeur litigieuse requise serait largement
atteinte.

 L'argumentation subsidiaire des recourants consistant à se fonder sur le
caractère périodique de l'écimage des arbres n'est pas déterminant dès lors que
la valeur litigieuse n'est pas arrêtée en référence au coût de leur abattage
(supra consid. 1.1.1.1).

 En tant qu'il n'est pas possible de constater d'emblée et avec certitude que
la valeur litigieuse de 30'000 fr. est atteinte et faute de constatations ou
d'éléments d'appréciation permettant au Tribunal fédéral de fixer lui-même la
valeur litigieuse, le recours en matière civile est irrecevable au regard de
l'art. 74 al. 1 let. b LTF.

1.1.2. Les recourants ne prétendent pas (art. 42 al. 2, 2 ^ème phrase, LTF) que
la contestation soulèverait une question juridique de principe (art. 74 al. 2
let. a LTF), circonstance permettant de déroger à l'exigence de la valeur
litigieuse.

1.1.3. Il s'ensuit que le recours en matière civile n'est pas ouvert en
l'espèce; en conséquence, la décision n'est susceptible que du recours
constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF).

1.2. Celui-ci a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c, 100 al. 1 et
117 LTF), contre une décision finale (art. 90 et 117 LTF), rendue par une
autorité supérieure cantonale statuant sur recours (art. 75 et 114 LTF), et les
recourants, qui ont pris part à l'instance précédente, démontrent un intérêt
juridique à la modification de la décision attaquée (art. 115 LTF). Le recours
constitutionnel subsidiaire est donc en principe recevable.

2. 
Seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée à l'appui
d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 116 LTF). Conformément à l'art.
106 al. 2 LTF, auquel renvoie l'art. 117 LTF, le Tribunal fédéral n'examine que
les griefs constitutionnels qui sont expressément soulevés et motivés dans
l'acte de recours conformément au principe d'allégation (art. 117 et 106 al. 2
LTF; ATF 138 I 232 consid. 3; 134 V 138 consid. 2.1; 133 III 439 consid. 3.2).
Il contrôle sous l'angle de l'arbitraire l'application des dispositions
législatives ou réglementaires fédérales ou cantonales (cf. notamment: ATF 139
I 169 consid. 6.1).

 De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsque celle-ci est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il que le recourant démontre qu'elle se révèle arbitraire non seulement
dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 139 III 334 consid. 3.2.5;
138 I 305 consid. 4.3; 137 I 1 consid. 2.4).

3. 
Les recourants invoquent l'application arbitraire de l'art. 8 CC, estimant que
l'autorité cantonale aurait renversé le fardeau de la preuve de manière
inadmissible.

3.1. Rappelant d'abord que l'art. 688 CC autorise les cantons à déterminer les
distances que les propriétaires sont tenus d'observer pour leurs plantations,
la cour cantonale a ensuite relevé que le canton de Genève a fait usage de
cette faculté en édictant des règles dans la Loi d'application du code civil
suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (ci-après LaCC; RS GE E 1
05). Le propriétaire d'un fonds peut ainsi exiger l'écimage des plantations qui
ne respectent pas les prescriptions de hauteur fixées aux art. 129 et 130 LaCC
(art. 132 al. 1 let. b LaCC). Selon l'art. 129 al. 3 LaCC, à partir de 2 mètres
de la limite de propriété, aucune plantation ne doit dépasser la hauteur de 6
mètres, si la plante pousse entre 2 et 5 mètres de la limite parcellaire (let.
a), et de 12 mètres, si la plante pousse entre 5 et 10 mètres de cette limite
(let. b). Les plantations existantes au 10 juillet 1999 demeurent cependant
régies par l'ancien droit dans sa teneur au 1er janvier 1998 et ne sont ainsi
pas soumises aux prescriptions de hauteur susmentionnées sauf si, au 10 juillet
1999, elles s'inscrivent dans les gabarits suivants: 8 mètres, si l'arbre se
trouve entre 2 et 5 mètres de la limite parcellaire; 16 mètres, si l'arbre se
trouve entre 5 et 10 mètres de cette limite (art. 134 LaCC). En définitive, les
arbres dépassant 8 mètres de hauteur au 10 juillet 1999, situés entre 2 et 5
mètres de la limite parcellaire ne doivent donc pas être écimés. La LaCC du 11
octobre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, a emporté abrogation de
celle du 28 novembre 2010, dont les art. 142 al. 3, 145 al. 1 let. b et 147
avaient une teneur identique à celle des art. 129 al. 3, 132 et 134 précités.

 Après avoir posé ces principes, l'autorité cantonale a examiné la situation
des trois arbres encore litigieux devant elle, à savoir le hêtre, le bouleau et
l'érable.

 S'agissant du hêtre et du bouleau, existant en juillet 1999 et situés
respectivement à 2,40 mètres et 2,18 mètres de la limite de propriété selon les
mesures de l'expert judiciaire, la juridiction cantonale a relevé que les
constatations développées par celui-ci ne permettaient pas de déterminer la
hauteur de ces arbres à cette époque; les recourants n'étaient ainsi pas
parvenus à établir la preuve qui leur incombait conformément à l'art. 8 CC, à
savoir établir que ces deux végétaux atteignaient alors la taille maximale de 8
mètres, condition à l'obtention de l'écimage en application des dispositions de
la LaCC précitées. Ils devaient être déboutés de leurs conclusions.

 La juridiction a en revanche fait droit aux conclusions des recourants
réclamant l'écimage de l'érable à une hauteur de 6 mètres. Elle a considéré à
cet égard que cet arbre avait été totalement recépé en 2000, circonstance
permettant de raisonnablement considérer que les dispositions transitoires
susmentionnées ne lui étaient pas applicables, bien qu'il " existât " en
juillet 1999. Cette question n'est donc plus litigieuse devant le Tribunal de
céans.

3.2. Les recourants soutiennent que la juridiction cantonale aurait procédé à
un renversement inadmissible du fardeau de la preuve découlant de l'art. 8 CC.
Contrairement à ce que retenait l'autorité cantonale, ce n'était pas à eux
d'apporter la preuve que les arbres litigieux ne dépassaient pas la hauteur de
8 mètres au 10 juillet 1999, mais à l'intimé que revenait le fardeau de cette
preuve: dès lors que celui-ci se prévalait d'une exception légale en prétendant
ne pas avoir à respecter la hauteur légale de 6 mètres découlant de l'art. 129
al. 3 let. a LaCC, il devait très logiquement démontrer qu'en juillet 1999, ces
trois (recte: deux) arbres litigieux mesuraient plus de 8 mètres de hauteur.
Dans la mesure où la procédure n'avait pas permis de déterminer la hauteur du
hêtre et du bouleau en juillet 1999, l'intimé devait en conséquence supporter
l'échec de la preuve quant au fait que ces arbres auraient dépassé la hauteur
de 8 mètres le 10 juillet 1999. Il ne pouvait ainsi bénéficier de l'exception
prévue à l'art. 134 al. 2 LaCC lui permettant de se soustraire à la limite de
hauteur de ses plantations.

3.3.

3.3.1. L'art. 688 1ère phrase CC autorise les cantons à déterminer la distance
que les propriétaires sont tenus d'observer dans leurs plan-tations, selon les
diverses espèces de plantes et d'immeubles. Cette disposition constitue une
réserve au sens propre en faveur du droit privé cantonal (art. 5 al. 1 CC) qui
est attributive, le législateur fédéral renonçant à régir cette question mais
la plaçant dans la compétence du droit privé des cantons (ATF 122 I 81 consid.
2a et les références; Steinauer, Le Titre préliminaire du Code civil, 2009, n.
181 ss; Rey/Strebel, in Basler Kommentar, ZGB II, 4ème éd. 2011, n° 26 ad art.
687/688 CC) : les dispositions cantonales édictées sur la base de l'art. 688 CC
sont ainsi des règles de droit civil cantonal. Elles visent à protéger les
voisins contre les immissions dues à la végétation, telles que la diminution de
la lumière, de la vue ou de l'air ainsi que l'augmentation de l'humidité (arrêt
5P.430/1995 consid. 3 non publié aux ATF 122 I 81; Meier-Hayoz, Commentaire
bernois, 3ème éd. 1975, n° 61 ad art. 687/688 CC).

3.3.2. Le canton de Genève a fait usage de la faculté réservée à l'art. 688 CC
en édictant diverses dispositions dans la LaCC.

 La LaCC du 7 mai 1981 ne prévoyait pas de limites de hauteur à respecter pour
les plantations situées au-delà de 2 mètres dès la limite de propriété
(Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 3 décembre 1998, no 52/VII,
p. 6847 s. et séance du 20 mai 1999, no 21/IV p. 3326). Le 20 mai 1999, le
Grand Conseil du canton de Genève a adopté une modification de la LaCC
introduisant des hauteurs maximales que les propriétaires étaient tenus de
respecter pour leurs plantations, l'idée étant, pour les plantations éloignées
de plus de 2 mètres de la limite séparative, de pallier le manque de dégagement
induit par l'absence de hauteur maximale et la dépréciation économique des
lotissements qui en était la conséquence (Mémorial des séances du Grand
Conseil, séance du 3 décembre 1998, no 52/VII, p. 6847 s.). Il a ainsi été
décidé que la hauteur de ces plantations devait désormais s'inscrire dans un
gabarit tracé à 60° (art. 64 al. 3 LaCC; Mémorial des séances du Grand Conseil,
séance du 3 décembre 1998, no 52/VII, p. 6847 s. et séance du 20 mai 1999, no
21/IV p. 3326). Une disposition de droit transitoire était prévue pour les
plantations existantes lors de l'entrée en vigueur de la modification
législative: sous réserve de l'art. 65B al. 2, ces plantations demeuraient
régies par l'ancien droit dans sa teneur au 1er janvier 1998 (art. 65B al. 1
LaCC) et n'étaient donc pas soumises aux restrictions de hauteur (Mémorial des
séances du Grand Conseil, séance du 20 mai 1999, no. 21/IV p. 3330); l'art. 64
al. 3 LaCC était cependant applicable aux plantations existantes situées à plus
de deux mètres de la limite parcellaire et dont la hauteur, lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi, s'inscrivait dans un gabarit tracé à 60° (art. 65B
al. 2 LaCC).

 Les limites de hauteur ont par la suite fait l'objet de diverses modifications
législatives. Les dispositions actuellement en vigueur, à savoir les art. 129
ss LaCC, prévoient toujours le principe d'une hauteur maximale, fixée à 6
mètres si la plante pousse entre 2 et 5 mètres de la limite parcellaire (art.
129 al. 3 let. a LaCC) et à 12 mètres si elle pousse entre 5 et 10 mètres de
cette limite (art. 129 al. 3 let. b LaCC). Une disposition transitoire est
également aménagée pour les plantations qui existaient au 10 juillet 1999, à
savoir avant l'introduction des limites de hauteur adoptées le 20 mai 1999.
Elle reprend, dans son principe, ce qui prévalait alors, à savoir que ces
plantations sont régies par l'ancien droit en vigueur au 1er janvier 1998 (art.
134 al. 1 LaCC) : elle ne sont donc soumises à aucune restriction de hauteur
sauf si leur hauteur, au 10 juillet 1999, ne dépassait pas 8 mètres pour les
plantations situées entre 2 et 6 mètres de la limite parcellaire (art. 134 al.
2 let. a LaCC), respectivement 16 mètres pour les plantations situées entre 5
et 10 mètres de cette limite (art. 134 al. 2 let. b LaCC).

3.3.3. Aux termes de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette
règle est considérée comme un principe de base de la répartition du fardeau de
la preuve en droit privé fédéral (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa). Elle ne
s'applique pas aux litiges tranchés selon le droit privé cantonal, à moins que
celui-ci n'y renvoie (ATF 82 II 120 consid. 3; Steinauer, op. cit., n. 635) ou
qu'il n'ait établi aucune présomption de droit dans les domaines où sa
compétence législative est réservée (cf. Piotet, in Pichonnaz/Foëx (éd.),
Commentaire romand, Code civil I, 2010, n° 20 s. ad art. 8 CC). L'art. 8 CC
devient alors une règle de droit privé cantonal (Steinauer, op. cit., n. 635,
note infrapaginale 11; Walter, in Berner Kommentar, 2012, n° 55 ad art. 8 CC;
Lardelli, in Basler Kommentar, 5ème éd. 2014, n° 25 ad art. 8 CC).

 Selon la conception de la doctrine dominante, qui suit la théorie des normes
(Normentheorie), il découle en principe de l'art. 8 CC que le rapport entre les
normes matérielles applicables détermine la répartition du fardeau de la
preuve. Ce rapport établit de cas en cas si le fait à prouver fait naître un
droit (fait générateur), l'éteint, respectivement le modifie (fait destructeur)
ou s'il tient en échec cette naissance ou cette extinction (fait dirimant).
Celui qui prétend être titulaire d'un droit doit prouver les faits générateurs
dont dépend la naissance du droit. En revanche, c'est à celui qui invoque
l'extinction d'un droit ou conteste sa naissance ou sa mise en application
qu'il incombe de prouver les faits destructeurs ou dirimants. Il sied cependant
d'observer qu'il s'agit là d'une règle générale (Grundregel) qui, d'une part,
peut être renversée par des règles légales concernant le fardeau de la preuve
et qui, d'autre part, doit être concrétisée dans le cas d'espèce (ATF 139 III
13 consid. 3.1.3.1; 130 III 321 consid. 3.1; 128 III 271 consid. 2a/aa; arrêt
5C.162/2005 consid. 2.3; cf. également Steinauer, op. cit., n. 697).

3.4.

3.4.1. Les recourants ne contestent pas que les arbres litigieux existaient au
10 juillet 1999; il est par ailleurs établi que ceux-ci se trouvent entre 2 et
5 mètres de la limite parcellaire. Abstraction faite de la question du fardeau
de la preuve, les recourants ne prétendent pas non plus que la Cour de justice
aurait arbitrairement interprété les art. 129 al. 3 et 134 LaCC.

 Conformément au raisonnement cantonal, en tant que les plantations litigieuses
existaient toutes deux au 10 juillet 1999, le droit transitoire leur est ainsi
applicable et elles demeurent régies par l'ancien droit dans sa teneur au 1 ^
er janvier 1998 (art. 134 al. 1 LaCC). Dites plantations ne sont donc pas
soumises aux prescriptions de hauteur posées par l'art. 129 al. 3 LaCC et ne
doivent en conséquence pas être écimées, sauf si, au 10 juillet 1999, elles
s'inscrivaient dans un gabarit de 8 mètres, auquel cas les prescriptions de
hauteur fixées par l'art. 129 al. 3 LaCC doivent alors leur être appliquées
(art. 134 al. 2 let. a LaCC).

3.4.2. C'est précisément le fardeau de la preuve de ce gabarit que les
recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir arbitrairement mis à leur
charge.

 La législation cantonale ne donne pas de précision quant à la répartition du
fardeau de la preuve sur ce point; c'est donc sans arbitraire que la
juridiction cantonale a fait application de l'art. 8 CC, applicable à titre de
droit cantonal supplétif (consid. 3.3.3 supra).

 La suite du raisonnement cantonal ne prête pas le flanc à la critique sous
l'angle de l'arbitraire. Dans la mesure où les plantations litigieuses
existaient au 10 juillet 1999, le principe qui prévaut est donc celui de
l'absence de prescriptions de hauteur (droit transitoire, art. 134 al. 1 LaCC),
ce que confirment d'ailleurs les travaux législatifs ayant donné lieu à
l'introduction des hauteurs maximales (consid. 3.3.2 supra). L'application de
l'art. 129 al. 3 LaCC, qui constitue certes le principe pour les plantations
postérieures au 10 juillet 1999, devient cependant l'exception pour celles qui
existaient à cette date (art. 134 al. 2 LaCC). La cour cantonale n'a donc pas
statué arbitrairement en faisant supporter aux recourants le fardeau de la
preuve dès lors que ce sont eux qui prétendent disposer du droit à l'écimage
des deux arbres litigieux et ainsi de l'exception aménagée par le droit
transitoire. C'est donc sans arbitraire que la cour cantonale a jugé que les
intéressés devaient être déboutés de leur conclusion en écimage, faute pour eux
d'établir qu'au 10 juillet 1999, les arbres s'inscrivaient dans un gabarit de 8
mètres.

4. 
En définitive, le recours en matière civile est irrecevable; le recours
constitutionnel subsidiaire est rejeté, aux frais de ses auteurs (art. 66 al. 1
LTF). L'intimé, qui ne s'est pas déterminé sur le fond du litige, n'a droit à
aucun dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours en matière civile est irrecevable.

2. 
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des
recourants.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 5 juin 2015

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : von Werdt

La Greffière : de Poret Bortolaso

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