Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.704/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_704/2015

Arrêt du 16 février 2017

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Kiss, présidente, Klett et Hohl.
Greffier: M. Carruzzo

Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Christophe Imhoos,
recourante,

contre

1. Y.________ Inc.,
2. Z.________,
toutes deux représentées par Me Alexandre de Gorski,
intimées.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 25 novembre 2015
par l'arbitre unique statuant sous l'égide de la Chambre de Commerce
Internationale.

Faits:

A. 

A.a. X.________ SA (ci-après: X.________), qui a son siège à Genève, est
active, notamment, dans la distribution et le commerce de produits
pharmaceutiques.
Y.________ Inc. (ci-après: Y.________) est une société de droit canadien qui
fournit des conseils à des compagnies pharmaceutiques et s'emploie à favoriser
le développement des affaires de celles-ci au niveau international. Z.________
(ci-après: Mme Z.________), domiciliée au Canada, occupe une position
dirigeante au sein de cette société.
A.________ Inc. (ci-après: A.________) est une société américaine qui fabrique
un produit cicatrisant appelé xxx.

A.b. Le différend dont il est ici question est né dans le contexte de la
négociation et de la conclusion d'une série de contrats, fin 2010/début 2011,
relatifs à la distribution du xxx en Arabie Saoudite.
En résumé, Y.________ a proposé à A.________, représentée par le dénommé
B.________ (ci-après: M. B.________), de la mettre en contact avec de
potentiels distributeurs du xxx au Moyen-Orient, concrètement avec la société
C.________ Co. (ci-après: C.________) pour l'Arabie Saoudite. Les pourparlers
engagés à cette fin ont débouché sur la conclusion des contrats suivants: un 
Consultancy Agreement, le 29 novembre 2010, entre Y.________ et C.________; un
contrat de distribution, le 14 février 2011, entre A.________ et C.________
pour la commercialisation du xxx en Arabie Saoudite; une  Side Letter à ce
contrat de distribution, à la même date, entre Y.________, C.________ et
A.________, précisant les modalités de la rémunération de la société
canadienne; enfin, une "Lettre d'engagement ferme et irrévocable" (ci-après: la
Lettre d'engagement), datée du 1er avril 2011 mais signée en janvier 2011,
entre X.________ et Y.________. Dans ce dernier contrat, soumis au droit
suisse, qui est à l'origine du litige, Y.________ s'est engagée à verser à
X.________ 40% des commissions qu'elle allait percevoir de C.________. C'est ce
qu'elle a fait jusqu'en mars 2012 avant d'interrompre ses versements.

B.

B.a. Le 21 décembre 2012, X.________, se fondant sur la clause arbitrale
insérée dans la Lettre d'engagement, a déposé une demande d'arbitrage auprès du
Secrétariat de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale
(CCI). Elle a réclamé à Y.________ et à Mme Z.________, recherchées
solidairement, un total de 55'301,02 USD, intérêts en sus, au titre des
commissions en souffrance, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 20'000
USD, les frais et dépens de la procédure devant être mis à la charge des
défenderesses.
Le 18 avril 2013, la Cour d'arbitrage de la CCI a nommé une arbitre unique
(ci-après: l'arbitre [au féminin]) en la personne d'une avocate parisienne.
Les défenderesses ont soulevé d'entrée de cause une exception d'incompétence.
Le 6 novembre 2013, l'arbitre a rendu une sentence incidente au terme de
laquelle elle s'est déclarée compétente pour connaître du litige divisant
X.________ d'avec Y.________, tout en réservant sa décision sur les demandes
des parties relatives aux coûts de cette phase de l'arbitrage.
Cet incident de procédure liquidé, l'arbitre a instruit la cause. Désapprouvant
la manière dont cette instruction était menée, X.________ a déposé deux
demandes de récusation que la Cour d'arbitrage de la CCI a rejetées par
décisions non motivées des 12 février et 27 novembre 2014. L'arbitre a prononcé
la clôture des débats en date du 31 juillet 2015.

B.b. Le 25 novembre 2015, l'arbitre a rendu sa sentence finale. Dans le
dispositif de celle-ci, elle rejette toutes les demandes de la société suisse;
déclare que Mme Z.________ n'était pas partie à la Lettre d'engagement;
constate que cette dernière est entachée de dol et a été valablement invalidée
le 1er août 2012; déclare qu'aucun paiement n'est dû par les défenderesses au
titre de la Lettre d'engagement; condamne la demanderesse à payer 40'292
dollars canadiens à Y.________ pour les frais d'avocats encourus par cette
partie, et ce en application de l'art. 37 (4) du Règlement d'arbitrage de la
CCI; condamne la demanderesse à supporter seule tous les honoraires de
l'arbitre et les frais de la CCI, à savoir 25'000 USD; enfin, rejette tous
autres moyens, demandes ou exceptions des parties.
En substance, l'arbitre, examinant l'exception de dol (art. 28 CO) soulevée par
les défenderesses, retient que M. B.________, en tant que représentant de la
demanderesse, a présenté faussement celle-ci aux défenderesses comme étant
l'agent exclusif de A.________ pour le Moyen-Orient, en leur faisant croire, à
tort, que la conclusion du contrat de distribution entre A.________ et
C.________ dépendait entièrement de sa volonté, voire - question laissée
ouverte - en dissimulant l'existence de clauses contractuelles par lesquelles
A.________ aurait interdit à la demanderesse et/ou à M. B.________ de
s'arranger dans son dos avec ses propres distributeurs ou partenaires. Pour
l'arbitre, il n'est ainsi pas douteux que le dol mis au jour a influé sur la
volonté de Y.________ de conclure la Lettre d'engagement et de céder à la
demanderesse une partie des commissions versées par C.________. Admettant que
le contrat entaché de dol a été invalidé en temps utile, avec effet au 1er août
2012, et tenant compte du souhait des défenderesses de voir cette invalidation
sortir des effets ex nunc dans la procédure pendante, l'arbitre en tire la
conclusion que les défenderesses ne doivent plus rien à la demanderesse en
exécution de la Lettre d'engagement. Pour ce qui est des frais d'avocats
encourus par Y.________, soit 40'292 dollars canadiens, de ses propres
honoraires et des frais de la CCI, par 25'000 USD, l'arbitre les met à la
charge de la demanderesse au motif qu'elle a considérablement ralenti la
procédure et l'a rendue difficile par ses refus de se conformer à ses
ordonnances.

C. 
Le 4 janvier 2016, la demanderesse (ci-après: la recourante) a saisi le
Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet
suspensif, en vue d'obtenir l'annulation de la sentence du 25 novembre 2015.
Les défenderesses, intimées au recours, ont déposé une requête tendant à ce que
la recourante fût astreinte à déposer des sûretés en garantie de leurs dépens.
Cette démarche a donné lieu au prononcé de trois ordonnances présidentielles,
les 8 février, 29 mars et 9 mai 2016, la demande de sûretés étant finalement
rejetée à cette dernière date dans la mesure où elle était recevable.
L'arbitre a déposé une brève réponse au recours dans une lettre du 28 janvier
2016.
En tête de leur réponse du 24 mars 2016, les intimées ont conclu au rejet du
recours et au paiement de "dommages-intérêts pour témérité selon l'art. 33 al.
1 LTF".
La recourante, dans sa réplique du 26 mai 2016, et les intimées, dans leur
duplique du 16 juin 2016, ont maintenu leurs conclusions initiales.
L'arbitre a encore formulé une remarque dans une lettre du 15 juin 2016.
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 24
juin 2016.

Considérant en droit:

1. 
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par
les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet
du recours - une sentence finale, portant rejet intégral de la demande -, de la
qualité pour recourir, des conclusions prises par la recourante ou encore des
motifs de recours invoqués, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait
problème en l'espèce. La recourante, il est vrai, n'a pas calculé correctement
le délai de recours. En effet, comme elle a reçu la sentence le 26 novembre
2015, le délai de recours, qui a couru dès le lendemain (art. 44 al. 1 LTF),
n'a pas expiré le 26 décembre 2015, pendant les féries de fin d'année, pour
être reporté au 3 janvier 2016, puis au lendemain en vertu de l'art. 45 al. 1
LTF, ainsi qu'elle le soutient (recours, n. 109). En réalité, le cours de ce
délai a cessé le 17 décembre 2015 à minuit, conformément à l'art. 46 al. 1 let.
c LTF, pour ne reprendre que le 3 janvier 2016, alors que 9 jours sur les 30
fixés à l'art. 100 al. 1 LTF restaient encore à courir, si bien que le délai a
expiré le 11 janvier 2016. Cette erreur ne porte toutefois pas à conséquence
puisqu'elle est favorable à la recourante, laquelle a remis son mémoire au
greffe du Tribunal fédéral le 4 janvier 2016. Ainsi, rien ne s'oppose à
l'entrée en matière.

2. 
Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à
l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en
liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière
disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références). Cela suppose que le
recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément
en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit (arrêt 4A_522/
2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.1). Il ne pourra le faire, cela va sans dire,
que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au
regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage
revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit
être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé
consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués,
preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de
l'arbitrage. De même, se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des
moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile,
c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100
al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF), ou pour compléter, hors délai,
une motivation insuffisante (arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014 consid. 3.1).
Le Tribunal fédéral, faut-il le préciser, statue sur la base des faits
constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut
rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les
faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du
droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2
LTF). Aussi bien, sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière
civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste-t-elle pas à
statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais
uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite
sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits
que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas
exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une
telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve
figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid.
3.2). Cependant, comme c'était déjà le cas sous l'empire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50
consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal fédéral conserve la faculté de
revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs
mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait
ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris
en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (
ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).
C'est à l'aune de ces principes qu'il convient d'examiner maintenant les moyens
soulevés par la recourante.

3. 
Dans un premier grief, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, la recourante se
plaint de la désignation irrégulière de l'arbitre.

3.1. La disposition citée couvre deux griefs: la violation des règles
-conventionnelles (art. 179 al. 1 LDIP) ou légales (art. 179 al. 2 LDIP) - sur
la nomination des arbitres (nombre, qualifications, mode de désignation), d'une
part; le non-respect des règles touchant l'impartialité et l'indépendance des
arbitres (art. 180 al. 1 let. b et c LDIP), d'autre part (ATF 139 III 511
consid. 4 p. 513 i.f.).
Selon la jurisprudence relative à ce second grief (ATF 136 III 605 consid.
3.2.1 et les précédents cités), un tribunal arbitral doit, à l'instar d'un
tribunal étatique, présenter des garanties suffisantes d'indépendance et
d'impartialité. Le non-respect de cette règle, laquelle s'impose aussi bien aux
arbitres désignés par les parties qu'au président du tribunal arbitral (arrêt
cité, consid. 3.3.1), conduit à une désignation irrégulière relevant de la
disposition citée. Pour dire si un tribunal arbitral présente de telles
garanties, il faut se référer aux principes constitutionnels développés au
sujet des tribunaux étatiques. Il convient, toutefois, de tenir compte des
spécificités de l'arbitrage, et singulièrement de l'arbitrage international,
lors de l'examen des circonstances du cas concret.
L'art. 30 al. 1 Cst. confère à toute personne dont la cause doit être jugée
dans une procédure judiciaire le droit à ce que sa cause soit portée devant un
tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette garantie
permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement
est de nature à faire naître un doute sur son impartialité; elle tend notamment
à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le
jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la
récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car
une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que
les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une
activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées
objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement
individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives.
L'impartialité subjective - qui est présumée jusqu'à preuve du contraire -
assure à chacun que sa cause sera jugée sans acception de personne.
L'impartialité objective tend notamment à empêcher la participation du même
magistrat à des titres divers dans une même cause et à garantir l'indépendance
du juge à l'égard de chacun des plaideurs.
Le Tribunal fédéral se montre exigeant dans l'appréciation du risque de
prévention. Ainsi, il est de jurisprudence que les mesures de procédure, justes
ou fausses, ne sont pas, comme telles, de nature à fonder un soupçon objectif
de prévention à l'égard de l'arbitre qui les a prises. Cette remarque
s'applique aussi à l'arbitre qui a pris une part active à une sentence
partielle, fût-elle erronée. Plus généralement, des fautes de procédure ou une
décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l'apparence de
prévention d'un tribunal arbitral, sauf erreurs particulièrement graves ou
répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations. Cette
dernière exception ne doit pas être généralisée, sous peine de bouleverser
l'économie du système des moyens de droit permettant d'attaquer une sentence
rendue dans un arbitrage international. Elle ne saurait servir de base à une
critique en règle des constatations de fait et des considérations juridiques
sur lesquelles repose la sentence finale, ni permettre à une partie ne pouvant
pas invoquer avec succès l'un ou l'autre des motifs prévus aux lettres b à e de
l'art. 190 al. 2 LDIP d'obtenir l'annulation de ladite sentence par le biais
d'un recours fondé sur le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. a LDIP. Cela
reviendrait à faire du Tribunal fédéral une simple juridiction d'appel par une
voie détournée (arrêt 4A_606/2013 du 2 septembre 2014 consid. 5.3 et les
précédents cités).

3.2.  Pendente lite, la recourante a déposé deux demandes de récusation de
l'arbitre que la Cour d'arbitrage a rejetées par décisions non motivées des 12
février et 27 novembre 2014. Emanant d'un organisme privé, ces décisions, qui
ne pouvaient pas faire l'objet d'un recours direct au Tribunal fédéral (ATF 118
II 359 consid. 3b), ne sauraient lier la Cour de céans, laquelle peut donc
revoir librement si les circonstances invoquées à l'appui des demandes de
récusation sont propres à fonder le grief examiné (ATF 128 III 330 consid. 2.2
p. 332; arrêt 4A_348/2009 du 6 janvier 2010 consid. 3.1).

3.3. 

3.3.1. Dans le chapitre de son mémoire réservé aux "FAITS" (p. 5 à 33), la
recourante, après avoir résumé sur deux pages les circonstances pertinentes et
les positions respectives des parties, en consacre plus d'une vingtaine à
l'exposé des étapes déterminantes de la procédure arbitrale (p. 7 à 33).
Cependant, la narration qu'elle en fait repose sur de multiples renvois aux
pièces du dossier arbitral et est agrémentée, par surcroît, de remarques
critiques formulées à l'adresse tant des intimées que de l'arbitre, si bien
qu'en plus de revêtir un caractère essentiellement appellatoire, elle comporte
un élément subjectif marqué qui la rapproche d'un plaidoyer pro domo et lui
fait perdre une grande partie de sa crédibilité.
Partant de cette présentation unilatérale des faits procéduraux, la recourante
revient à la charge, dans la partie juridique de son mémoire (p. 35 à 41), pour
soutenir que l'arbitre aurait manifesté tout au long de la procédure une nette
prévention à son égard et, par voie de conséquence, accordé systématiquement un
traitement de faveur aux intimées. Et l'intéressée de dénoncer la manière dont
l'arbitre a géré les délais, son absence de réponses rapides aux diverses
requêtes qu'elle lui avait adressées, le recours à la production forcée de
documents ou encore le résultat de la sentence attaquée, aussi bien quant au
fond que sur les frais de procédure.
Force est de relever d'emblée que la façon d'argumenter de la recourante n'est
pas compatible avec la jurisprudence susmentionnée d'après laquelle il est tout
à fait exceptionnel que des fautes de procédure ou une sentence matériellement
erronée puissent fonder l'apparence de prévention du tribunal arbitral ou de
l'arbitre ayant rendu la sentence contestée. Paradoxalement, du reste, la
recourante, qui s'est pourtant employée à tenter de démontrer la gravité des
erreurs procédurales prétendument commises par l'arbitre, concède néanmoins que
celles-ci "pourraient paraître anodines", n'était leur répétition tout au long
de la procédure (recours, n. 143). Cela étant, il n'est déjà pas démontré,  in
casu, que des erreurs de procédure aient effectivement été commises par
l'arbitre. Les alléguer est une chose, établir leur existence en est une autre.
Or, sur le vu du dossier de l'arbitrage et des explications fournies tant par
l'arbitre que par les intimées dans leurs réponses au recours, les reproches
adressés à l'arbitre n'apparaissent pas fondés.
La correspondance échangée par l'arbitre et les parties occupe pas moins de six
classeurs fédéraux. La recourante est, dès lors, malvenue à se plaindre d'un
manque de communication de l'arbitre avec les parties et/ou leurs conseils.
Pour ce qui est de la gestion des délais, l'arbitre indique, dans sa réponse au
recours, que la recourante a, tout comme les intimées, souvent demandé et
obtenu des délais supplémentaires. Cette indication est laissée intacte dans la
réplique.
S'agissant de la production des documents, elle a fait l'objet de diverses
ordonnances de procédure parfaitement claires. En particulier, l'arbitre a fait
usage de la procédure ad hoc, dénommée  Redfern Schedule (sur la procédure
ainsi désignée, matérialisée par un tableau comprenant diverses colonnes, qui
permet au tribunal arbitral ou à l'arbitre unique de se prononcer sur
l'admissibilité des preuves requises, cf. arrêt 4A_522/2016 du 2 décembre 2016
consid. 3.2.1 et l'auteur cité), dans son ordonnance de procédure n° 2 du 7
avril 2014, pour permettre à chacune des parties de formuler ses offres de
preuve et de se déterminer sur celles de l'adverse partie avant de trancher la
question de l'admissibilité des preuves requises. Elle a d'ailleurs clairement
précisé, dans son ordonnance n° 4 du 30 mai 2014, qu'elle n'entendait pas
revenir sur ce point. Dans cette même ordonnance, elle a encore expliqué, en
réponse à une objection de la recourante, pourquoi elle s'estimait en droit de
réclamer la production de pièces détenues par M. B.________. Elle a, en outre,
complété ses explications à l'occasion d'échanges subséquents de courriers
électroniques avec les parties. C'est le lieu de rappeler qu'il n'appartient
pas à l'une des parties au procès de dicter à l'arbitre la manière dont il doit
conduire la procédure (arrêt 4A_42/2016 du 3 mai 2016 consid. 4.2.2.2).
Une dernière remarque s'impose en ce qui concerne le déroulement de la
procédure d'arbitrage. Elle consiste à souligner que l'instruction de la cause
a été menée dans des conditions difficiles en raison du vif antagonisme dont
les parties ont fait montre et des multiples requêtes adressées par l'une et
l'autre à l'arbitre. Ce comportement procédural inadéquat des deux parties, qui
a été stigmatisé sous n. 36 de la sentence attaquée, n'autorise ni l'une ni
l'autre à venir en imputer après coup la responsabilité à l'arbitre.
Pour le surplus, la lecture de ladite sentence ne révèle rien qui puisse faire
douter de l'impartialité de l'arbitre. Que la recourante ne soit pas d'accord
avec la solution à laquelle celle-ci est parvenue, tant sur le fond que sur les
frais de procédure, n'est nullement déterminant à cet égard.

3.3.2. Dans le même contexte, la recourante fait encore valoir un argument
spécifique. Elle soutient, en effet, que l'arbitre et le dénommé D.________,
actuel dirigeant de A.________, "se connaissent et se sont rencontrés en juin
2014 à Buenos Aires lors d'une soirée de dégustation organisée dans le
restaurant de sa soeur" (réplique, p. 2, I./b; voir aussi: recours, n.
144-146).
La recourante avait formulé la même allégation dans sa seconde demande de
récusation. Dans une lettre du 9 novembre 2014 à la Cour d'arbitrage de la CCI,
l'arbitre a indiqué que le nom de cette personne lui était inconnu et qu'aucun
lien n'était ressorti d'une recherche de conflit d'intérêts effectuée à son
cabinet au sujet du prénommé et d'un tiers. Dans sa réponse au recours, puis
dans sa lettre du 15 juin 2016, l'arbitre a maintenu que D.________ lui est
inconnu.
Faute de toute preuve, le motif invoqué n'est pas de nature à mettre en doute
l'impartialité ou l'indépendance de l'arbitre.
D'où il suit que le grief tiré de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP tombe à faux.

4. 
Dans un deuxième moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP,
dénonce une prétendue violation de l'égalité des parties commise par l'arbitre.
Pour tout motif, l'intéressée déclare que l'ensemble des griefs formulés par
elle à l'appui de son premier moyen valent également ici,  mutatis mutandis. De
plus, afin de ne pas alourdir le contenu de son recours, elle prie le Tribunal
fédéral de se référer au passage topique de sa demande de récusation du 31
octobre 2014. Cette façon de motiver un recours en matière d'arbitrage
international n'est pas conforme à l'exigence de motivation telle qu'elle a été
précisée par la jurisprudence susmentionnée (cf. consid. 2).
La recourante déclare y ajouter "le grief de non-respect de la garantie de
confidentialité des documents produits" (recours, n. 166). Le rapport entre ce
grief et moyen pris de la violation de l'égalité des parties n'est pas
perceptible.
Le grief considéré est, dès lors, irrecevable dans sa totalité.

5. 
En troisième lieu, la recourante dénonce une violation de son droit d'être
entendue.

5.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et
190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui
consacré en droit constitutionnel. Ainsi, il a été admis, dans le domaine de
l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les faits
essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de
proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux
séances du tribunal arbitral. En revanche, le droit d'être entendu n'englobe
pas le droit de s'exprimer oralement. De même n'exige-t-il pas qu'une sentence
arbitrale internationale soit motivée. Toutefois, la jurisprudence en a
également déduit un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de
traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance
ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués,
arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et
importants pour la sentence à rendre (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et les
arrêts cités). Encore faut-il préciser que le tribunal arbitral n'a pas
l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte
qu'il ne saurait se voir reprocher, au titre de la violation du droit d'être
entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement,
un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2
p. 249).
Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé
contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se
faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que
le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve
ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions
et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du
litige. Pareille démonstration se fera sur le vu des motifs énoncés dans la
sentence attaquée (ATF 142 III 360 consid. 4.1.3).

5.2. Ici non plus, la recourante ne formule pas un grief qui satisfasse à
l'exigence de motivation telle qu'elle a été posée par la jurisprudence
sus-indiquée.
Dans sa sentence, l'arbitre, en conformité avec cette jurisprudence-là, précise
qu'elle a pris en compte toutes les preuves fournies par les parties, mais
qu'elle n'y mentionnera spécifiquement que celles qu'elle juge pertinentes à la
résolution du litige (n. 57). En outre, lorsqu'il s'est agi pour elle de tirer
une conclusion quant au rôle effectif joué ou non par la recourante dans
l'opération litigieuse, l'arbitre répète qu'elle a dûment considéré l'ensemble
des preuves communiquées par les parties (sentence, n. 172).
Sans doute ces simples affirmations ne suffiraient-elles pas en soi à immuniser
leur auteur contre le reproche fondé que viendrait lui faire ultérieurement la
partie ayant versé en temps utile, au dossier de l'arbitrage, des éléments de
preuve propres à établir des faits juridiquement pertinents, tels que des
pièces ou des témoignages écrits, qui auraient échappé à l'attention de
l'arbitre par inadvertance ou malentendu. Encore faudrait-il pour cela que
cette partie s'en plaignît au moyen d'un grief comportant une motivation digne
de ce nom. Or, cette dernière condition fait manifestement défaut en l'espèce.
A la lecture de la longue argumentation censée étayer le grief examiné
(recours, n. 169 à 222), il saute aux yeux que la recourante confond le
Tribunal fédéral avec une cour d'appel. Cette partie du mémoire de recours ne
consiste, en effet, qu'en la remise en cause pure et simple des arguments de
fait et de droit qui ont conduit l'arbitre à trancher le différend dans un sens
favorable aux intimées. Pour remplir l'exigence de motivation, il ne suffit
pas, comme le fait la recourante, de présenter sa propre version des faits au
soutien de la solution juridique que l'on préconise mais qui a été écartée par
l'arbitre, de citer un nombre considérable de preuves littérales à l'effet
d'établir le bien-fondé de la thèse que l'on défend et de lister pêle-mêle une
série de pièces et de témoignages qui auraient échappé à l'attention de
l'arbitre. Il est d'ailleurs frappant de constater, s'agissant de l'élément de
preuve sur lequel la recourante met principalement l'accent - la déclaration du
témoin E.________ - et que l'arbitre aurait passé sous silence d'après elle
(recours, n. 177/178), que la sentence y fait expressément référence, sous n.
68, et que l'arbitre y expose ensuite quel était à ses yeux le rapport existant
entre le témoin et l'intimée n° 1 (sentence, n. 69). Pour le surplus, la
recourante fournit elle-même le motif d'irrecevabilité de son grief lorsqu'elle
affirme, à maintes reprises, que l'arbitre "a manifestement erré dans
l'appréciation des preuves" (recours, n. 185), qu'elle a commis "une erreur
fondamentale d'appréciation de la preuve" (recours, n. 198 et 201) ou encore
que le fait d'avoir retenu certaines pièces et d'en avoir écarté d'autres
"constitue une erreur grave de la part de l'arbitre dans l'appréciation de la
force probante des preuves fournies par les deux parties valant violation du
droit d'être entendu de la demanderesse" (recours, n. 209). Il n'est pas
inutile de rappeler ici que l'appréciation des preuves par un tribunal arbitral
ou un arbitre unique, qu'elle soit anticipée ou non, échappe à la connaissance
du Tribunal fédéral lorsqu'il statue sur un recours en matière d'arbitrage
international (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 p. 361; arrêt 4A_136/2016 du 3
novembre 2016 consid. 4.2.1). Cette remarque s'applique également aux critiques
formulées par la recourante en ce qui concerne la fixation du montant des frais
et dépens de la procédure arbitrale et la condamnation de l'intéressée au
paiement de ceux-ci (recours, n. 213 à 221). Sous le couvert du grief de
violation de son droit d'être entendue, la recourante s'en prend ici tant à
l'appréciation des preuves qu'à l'application des règles régissant la
répartition des frais et dépens, domaines qui ne relèvent pas du pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral.

6. 
A titre subsidiaire, la recourante fait valoir "un déni de justice matériel
soit la violation de ses droits procéduraux" (recours, n. 224) sur la base de
l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Pour tout motif, elle reproche ici à l'arbitre
d'avoir "procédé à une appréciation anticipée erronée et arbitraire des
preuves" (recours, n. 225). Semblable motif, faut-il le répéter, n'a pas sa
place dans un recours en matière civile au sens de l'art. 77 al. 1 let. a LTF.

7. 
La recourante, qui succombe, devra supporter les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens aux intimées, qui en seront
créancières solidaires (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Se fondant sur l'art. 33 al. 1 LTF, les intimées invitent la Cour de céans à
infliger une amende pour témérité à la recourante. La compétence de prononcer
des sanctions disciplinaires est du ressort exclusif du Tribunal fédéral. La
conclusion des intimées tendant à ce qu'une peine disciplinaire soit prise à
l'encontre de leur adversaire est donc irrecevable (arrêt 4D_71/2013 du 26
février 2014 consid. 2.8.). Du reste, les arguments fournis par les intimées à
l'appui de leur requête concernent exclusivement le comportement adopté par la
recourante tout au long de la procédure arbitrale, alors que la disposition
précitée ne règle la discipline que pour la procédure conduite devant le
Tribunal fédéral. Il n'y a donc pas matière à intervention de la part de
l'autorité de recours.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de
7'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique.

Lausanne, le 16 février 2017

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

Le Greffier: Carruzzo

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