Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.69/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_69/2015

Arrêt du 26 octobre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Kiss, présidente, Klett et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
A.________ mbH, représentée
par Me Mohamed Mardam Bey,
recourante,

contre

B.________ Ltd, représentée par Me Dragan Zeljic,
intimée.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 19 décembre 2014
par l'arbitre unique CCI.

Faits:

A. 
Par contrat du 17 septembre 2008, la société de droit autrichien A.________ mbH
(ci-après: A.________) a désigné la société de droit singapourien B.________
Ltd (ci-après: B.________) comme représentant exclusif pour la distribution de
produits horlogers et d'articles de joaillerie de la marque X.________ à
Singapour et dans d'autres pays d'Asie. Une clause dudit contrat soumet
celui-ci au droit suisse et prévoit que les différends susceptibles d'en
découler seront liquidés par un arbitre unique désigné selon les règles de la
Chambre de Commerce Internationale (CCI), le siège de l'arbitrage étant fixé à
Genève et la procédure arbitrale à conduire en anglais.
Au cours de l'été 2012, A.________ a vendu directement à C.________ Ltd
(ci-après: C.________), à Singapour, un lot de 100 montres X.________ d'une
édition spéciale. Le propriétaire et directeur général de cette société est le
dénommé D.________, distributeur des voitures de marque Z.________ à Singapour.
Ces montres (ci-après: les montres Z.________), qui ont été expédiées en
septembre 2012 à C.________, devaient être vendues principalement à des
détenteurs de véhicules de la marque en question lors d'une course automobile à
caractère promotionnel.
En novembre 2012, A.________ a résilié le contrat de distribution exclusive
avec effet immédiat. Le 30 du même mois, elle a conclu un contrat du même type
avec X.________ Ltd, une société représentée par D.________.

B. 
Le 11 juin 2013, B.________, se fondant sur la clause arbitrale incluse dans le
contrat de distribution exclusive, a déposé une requête d'arbitrage, dirigée
contre A.________, en vue d'obtenir le paiement de dommages-intérêts au titre
de diverses violations du contrat de distribution exclusive. Un arbitre unique
(ci-après: l'arbitre) a été désigné par la CCI en la personne d'un avocat
zurichois.
A.________ a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au
paiement de montants correspondant à divers chèques non honorés que B.________
lui avait remis pour régler une série de factures.
Par sentence du 19 décembre 2014, l'arbitre a condamné A.________ à payer à
B.________ 925'580,05 dollars singapouriens (SGD) avec intérêts à 5% l'an dès
le 20 juin 2013 sur la somme de 860'905,10 SGD. S'agissant de la vente des 100
montres Z.________ à C.________, il y a vu une violation de la clause
d'exclusivité. S'il n'a pas alloué à B.________ les dommages-intérêts qu'elle
réclamait de ce chef sur la base de l'art. 97 CO, faute de preuve suffisante du
préjudice allégué, il a néanmoins condamné A.________ à payer à la demanderesse
la somme de 191'490 fr. en application de l'art. 423 CO (restitution au maître
[B.________] des profits réalisés par le gérant [A.________] dans son propre
intérêt). L'arbitre a considéré, par ailleurs, que A.________ n'avait pas de
justes motifs l'autorisant à résilier avec effet immédiat le contrat de
distribution exclusive en novembre 2012. Il a estimé à 1'366'941,45 SGD le
dommage subi par B.________ du fait de la résiliation injustifiée de ce
contrat. L'arbitre a encore condamné A.________ à verser à B.________ 64'674,95
SGD au titre du dommage que la première avait causé à la seconde pour avoir
ouvert action devant un tribunal de Singapour en violation de la clause
arbitrale. Quant à la demande reconventionnelle formée par A.________ en
rapport avec des factures impayées, couvertes par les chèques précités, il l'a
admise à concurrence de 570'333 fr. 45. Compensant ce montant avec les 191'490
fr. susmentionnés, il a arrêté la créance de la défenderesse à 378'843 fr. 45,
soit l'équivalent de 506'036,35 SGD à la date où la compensation avait été
effectuée (21 décembre 2012; taux de conversion CHF/SGD: 1.33574). Après
compensation de cette somme avec l'indemnité de 1'366'941,45 SGD pour
résiliation injustifiée du contrat de distribution exclusive, il en est résulté
un montant de 860'905,10 SGD auquel l'arbitre a ajouté la créance de 64'674,95
SGD sus-indiquée pour aboutir aux 925'580,05 SGD dus par A.________ à
B.________. Des intérêts moratoires au taux de 5% l'an, courant dès la
notification de la requête d'arbitrage à A.________, ont encore été portés en
compte par l'arbitre pour la créance de 860'905,10 SGD.

C. 
Le 2 février 2015, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en
matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la sentence
du 19 décembre 2014.
L'arbitre, qui a produit le dossier de la cause sous la forme d'une clé USB, a
renoncé à se déterminer sur le recours.
Dans sa réponse du 10 avril 2015, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au
rejet du recours.
Les 28 avril et 15 mai 2015, la recourante et l'intimée ont déposé,
respectivement, une réplique et une duplique dans lesquelles elles ont maintenu
leurs précédentes conclusions.

Considérant en droit:

1. 
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
lui, celles-ci se sont servies toutes deux du français. Dès lors, le présent
arrêt sera rendu dans cette langue.

2. 
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par
les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du
recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions
prises par la recourante ou encore du motif de recours invoqué, aucune de ces
conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc
à l'entrée en matière.

3. 
Dans un unique moyen, divisé en deux branches, la recourante se plaint de la
violation de son droit d'être entendue. A l'en croire, l'arbitre n'aurait pas
pris en considération un certain nombre d'arguments, importants pour la
solution du litige, qu'elle lui avait régulièrement présentés.

3.1. Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190
al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale internationale
soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose,
toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les
problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités).
Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal
arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et
offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision
à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment
importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie
intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations
sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux
affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour
résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés
implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas
l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte
qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être
entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement,
un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2
et les arrêts cités).
Au demeurant, le Tribunal fédéral a jugé qu'il ne lui appartient pas de décider
si les arbitres auraient dû admettre ou non le moyen qui leur a échappé, à
supposer qu'ils l'eussent traité. Cela reviendrait, en effet, à méconnaître la
nature formelle du droit d'être entendu et la nécessité d'annuler la décision
attaquée en cas de violation de ce droit, indépendamment des chances de la
partie recourante d'obtenir un résultat différent (arrêt 4A_150/2012 du 12
juillet 2012 consid. 3.1 et le précédent cité).

3.2. 

3.2.1. Dans une première branche de son moyen, la recourante soutient qu'une
violation de son droit d'être entendue a conduit l'arbitre à lui imputer une
atteinte à la clause d'exclusivité relativement à la vente des 100 montres
Z.________ (recours, p. 6 à 11, n. 3). A la suivre, l'arbitre aurait omis, par
inadvertance, de traiter l'argument tiré de l'abus de droit, dûment soulevé par
elle, que commettait l'intimée en se plaignant d'une violation de la clause
d'exclusivité en rapport avec cette vente.
Pour illustrer l'abus de droit de l'intimée, la recourante avance une série de
circonstances, prétendument établies par les pièces du dossier, qui auraient
échappé à l'arbitre (recours, p. 7 à 10, n. 3.4 let. b à f). En premier lieu,
l'intimée aurait gardé le silence à réception du courrier électronique que la
recourante lui avait envoyé le 1er août 2012 pour lui expliquer le détail de la
transaction en cours de négociations avec C.________ (let. a). En deuxième
lieu, les messages électroniques échangés le 6 août 2012 par les parties
établiraient que l'intimée avait tenté en vain de commander un exemplaire de la
série limitée des montres Z.________ et qu'elle n'avait pas protesté devant la
fin de non-recevoir qui lui avait été opposée par la recourante (let. b). En
troisième lieu, l'intimée n'aurait élevé aucune contestation quant à la
transaction litigieuse dans un courriel commercial adressé à la recourante le
22 août 2012, ce qui aurait conforté celle-ci dans l'idée qu'elle pouvait
poursuivre l'exécution de cette transaction (let. c). En quatrième lieu, les
parties auraient fait preuve de souplesse pendant la durée de leurs relations
commerciales par rapport à la lettre du contrat, notamment au sujet des délais
de paiement, attitude que contredirait la thèse de l'intimée d'après laquelle
la clause d'exclusivité aurait été contraignante (let. d). En cinquième lieu,
il conviendrait d'admettre, sur le vu des dépositions faites par ses organes,
que l'intimée, non seulement n'avait pas marqué le moindre intérêt pour le
projet de vente des montres Z.________, mais encore n'avait pas la capacité
financière nécessaire pour y participer (let. e). En sixième et dernier lieu,
l'intimée, du reste fortement endettée vis-à-vis de la recourante, n'aurait pas
disposé de clients susceptibles d'acquérir des montres Z.________, si bien
qu'elle ne pouvait pas élever de bonne foi une prétention pécuniaire de ce chef
(let. f).

3.2.2. Dans son mémoire, la recourante concède expressément que les faits
allégués par elle ont pour la plupart été retenus dans la sentence attaquée (p.
10, n. 3.5 1er §). Cela ressort, d'ailleurs, du passage de celle-ci consacré à
la question litigieuse, où l'arbitre se réfère, en particulier, aux messages
électroniques échangés par les parties, que l'intimée lui avait soumis sous
pièces C-7 et C-74 (sentence, n. 76 à 97, spéc. n. 90, 91 et 94).
Sur la base de ces faits dûment constatés, l'arbitre s'est ensuite demandé si
l'on pouvait en inférer un consentement de l'intimée quant à la vente des
montres Z.________ à C.________, voire si cette partie avait renoncé à son
droit de s'opposer à cette vente en commandant une montre semblable (sentence,
n. 89). Dans ce contexte, il a mentionné l'allégation de la recourante selon
laquelle l'intimée n'était jamais revenue à la charge pour réclamer de plus
amples détails, mettre en doute la régularité de l'opération, élever une
objection ou encore déposer une plainte à ce sujet (sentence, n. 95). Admettant
que le dossier de l'arbitrage ne contenait pas de preuve qui permît de
constater si l'intimée s'était ou non plainte derechef de la livraison des
montres après le 1er août 2012, il a néanmoins jugé que les preuves en sa
possession démontraient que l'intéressée avait dénoncé la coopération de la
recourante avec D.________/C.________ concernant la vente des montres
Z.________. L'arbitre a ajouté que le fait, pour l'intimée, de n'avoir déposé
sa requête d'arbitrage qu'en juin 2013 ne pouvait pas être considéré comme une
renonciation de cette partie à se prévaloir de la violation du contrat commise
par la recourante, dès lors que l'art. 127 CO accordait à la lésée un délai de
dix ans pour faire valoir ses droits à ce titre (sentence, n. 96). Par
ailleurs, il a tenu pour évident, lors de l'examen des conditions d'application
de l'art. 423 CO, que la recourante savait qu'elle interférait avec le droit
exclusif accordé par contrat à l'intimée lorsqu'elle avait vendu les 100
montres Z.________ à D.________/C.________, si bien que la condition de la
mauvaise foi, au sens de la disposition citée, était réalisée (sentence, n.
108).
Il ressort de ce résumé de son argumentation que l'arbitre a bel et bien pris
en considération les explications fournies par la recourante en vue démontrer
que l'intimée commettait un abus de droit en élevant des prétentions contre
elle relativement à l'opération de vente litigieuse, mais qu'il ne les a pas
retenues, écartant par là même, à tout le moins implicitement, l'exception
d'abus de droit soulevée par la recourante. A vrai dire, on voit mal, étant
donné les circonstances du cas concret, comment il eût pu admettre la mauvaise
foi tant de l'intimée que de la recourante quant à cette opération. La lecture
du passage topique de sa sentence, singulièrement du paragraphe n. 96 de
celle-ci, démontre, au contraire, d'une part, que l'arbitre n'a pas été
convaincu par l'argument selon lequel l'intimée avait prétendument consenti,
par son silence ou par des actes concluants, à ladite opération et, d'autre
part, qu'il n'a pas vu d'autre obstacle que la prescription, non encore
acquise, à l'action en paiement introduite par l'intimée. Qu'il n'ait pas
écarté expressément l'ensemble des arguments avancés par la recourante au
soutien de son exception d'abus de droit n'est pas déterminant puisqu'aussi
bien leur rejet implicite résulte déjà des motifs exposés dans sa sentence pour
écarter cette exception. C'est d'ailleurs le lieu de rappeler que, selon la
jurisprudence susmentionnée, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter
tous les arguments invoqués par les parties.
Il appert des critiques formulées par elle, sur un mode nettement appellatoire
au demeurant, que la recourante, sous le couvert du grief de violation de son
droit d'être entendue, cherche, en réalité, à remettre en cause l'appréciation
juridique effectuée par l'arbitre sur la base des constatations posées par lui
dans la sentence déférée. Or, elle n'est pas recevable à le faire dans un
recours en matière d'arbitrage international. Dès lors, le moyen fondé sur
l'art. 190 al. 2 let. d LDIP se révèle infondé dans sa première branche, si
tant est qu'il soit recevable.

3.3. 

3.3.1. La seconde branche du même moyen a trait aux conséquences financières de
la résiliation immédiate injustifiée, à la mi-novembre 2012, du contrat de
distribution exclusive, lequel aurait normalement dû prendre fin le 17
septembre 2013, soit quelque 10,5 mois plus tard, sauf reconduction tacite pour
une nouvelle période de cinq ans. En vertu de l'art. 17.4 dudit contrat, le
dommage à indemniser de ce chef consisterait dans le bénéfice moyen que la
partie victime de la résiliation immédiate injustifiée aurait réalisé au cas où
le contrat aurait été exécuté jusqu'à son terme, bénéfice moyen à calculer sur
la base du chiffre d'affaires annuel précédant la résiliation. Cependant, la
partie lésée aurait la faculté d'établir que le préjudice réel subi par elle
était supérieur à ce bénéfice moyen, tandis que l'autre partie pourrait tenter
de prouver qu'il lui était inférieur.
La recourante s'en prend, tout d'abord, à la manière dont a été calculé le
dommage subi par l'intimée (recours, p. 11 à 15, n. 4). A l'en croire,
l'arbitre se serait uniquement basé, à cette fin, sur le chiffre d'affaires que
l'intimée alléguait avoir réalisé entre novembre 2011 et octobre 2012. Ce
faisant, il n'aurait tenu aucun compte, fût-ce implicitement, de trois facteurs
de réduction du montant du dommage dont elle se serait prévalue devant lui
(recours, p. 12 à 14, n. 4.3 let. a à c). Le premier consistait dans
l'évolution négative du résultat opérationnel de l'intimée lors de l'exercice
déterminant, i.e. du 15 novembre 2012 au 17 septembre 2013 (let. a). Le
deuxième tenait au fait que la recourante aurait allégué et prouvé avoir livré
huit montres supplémentaires à l'intimée en décembre 2012, nonobstant la
résiliation du contrat de distribution exclusive, si bien que le bénéfice issu
de la commercialisation de ces montres aurait dû être porté en déduction du
gain manqué à indemniser (let. b). De même, le profit dégagé par l'intimée lors
de la vente de six autres montres X.________ qu'elle avait acquises par
l'intermédiaire du distributeur de la marque à Dubaï aurait-il dû être imputé,
en tant que troisième facteur de réduction, sur l'indemnité réclamée par cette
partie (let. c).
Enfin, pour ce qui est de l'étendue de la réparation, l'arbitre, aux dires de
la recourante, aurait dû réduire l'indemnité allouée à l'intimée, voire la
supprimer, conformément à l'art. 44 CO, s'il avait pris en considération, comme
il aurait dû le faire, les circonstances énoncées ci-après, qu'elle avait
dûment alléguées et prouvées (recours, p. 16 à 19, n. 4.3 let. a à c).
Premièrement, les pièces du dossier établissaient la possibilité pour l'intimée
d'obtenir la marchandise directement auprès de la recourante ou du distributeur
de la marque à Dubaï, malgré la résiliation du contrat de distribution
exclusive (let. a). Deuxièmement, la fermeture du point de vente de l'intimée à
Singapour durant quelques mois en 2013 aurait justifié une réduction
proportionnelle du montant du préjudice. En effet, contrairement à l'avis de
l'arbitre, qui avait passé sous silence des éléments de preuve pertinents à cet
égard, cette fermeture temporaire n'avait pas été provoquée par la résiliation
du contrat de distribution exclusive en novembre 2012, mais avait été planifiée
par l'intimée dès mars 2011 (let. b). Troisièmement, du propre aveu des organes
de l'intimée, celle-ci aurait également interrompu ses ventes en Malaisie en
2013, ce qui avait entraîné une réduction sensible de son chiffre d'affaires
durant cet exercice (let. c).

3.3.2. Dans la partie juridique de son mémoire après audience (  Post-Hearing
Brief ou PHB) du 20 juin 2014, la recourante - outre l'argument tiré de
l'absence de preuve du dommage (n. 144), qui n'est plus d'actualité devant le
Tribunal fédéral - a exposé comme il suit les raisons pour lesquelles l'intimée
n'était, à son avis, pas en droit de réclamer le paiement d'une quelconque
indemnité au titre de la perte de gain pour la période allant de novembre 2012
à septembre 2013:

"145. In any event, B.________ is not entitled to any damages for the period
starting November 2012 through September 2013 for the following reasons:
i) B.________ ordered and collected several pieces of watches in December 2012
and April 2013.
ii) B.________ closed most of year 2013 its main point of sale at ..., ...
Street, Singapore, which was the main source of its proceeds of X.________
brand. Claimant acknowledged that revenues dropped significantly in 2013 (...).
iii) By refusing for no valid reasons to place new orders with the new
distributor, B.________ was in breach of art. 44 SCO which provides: [  suit la
traduction anglaise d'une partie du texte du premier alinéa de cette
disposition ]."
Si l'on met en parallèle ce passage du PHB avec les arguments développés par la
recourante sous n. 4 et 5 de son mémoire de recours, tels qu'ils ont été
résumés aux deux derniers paragraphes du consid. 3.3.1 du présent arrêt, il en
appert de manière claire et nette que la thèse soutenue par l'intéressée devant
le Tribunal fédéral n'a plus grand-chose à voir avec ces arguments-là, qu'il
s'agisse des facteurs de réduction invoqués ou de l'ampleur des développements
qui leur sont consacrés. A cela s'ajoute que la recourante est encore venue
compléter cette thèse dans sa réplique, en y chiffrant la réduction préconisée
par elle, ce qu'elle n'était plus en droit de faire à ce stade de la procédure
(arrêt 4A_709/2014 du 21 mai 2015 consid. 2.1). Sur la question du dommage
aussi, la recourante se lance, d'ailleurs, dans une démonstration de nature
essentiellement appellatoire, ne reposant pas sur les seuls faits constatés
dans la sentence attaquée, ceci dans le but d'établir que l'arbitre aurait
violé les dispositions du code suisse des obligations régissant le calcul du
dommage et la fixation des dommages-intérêts. Semblable démonstration n'a pas
sa place dans un recours en matière d'arbitrage international. Dès lors, pour
mettre au jour une éventuelle violation du droit d'être entendu de la
recourante, la Cour de céans recherchera uniquement si l'arbitre a omis de
traiter, même de manière implicite, l'un des arguments que cette partie lui
avait soumis sous n. 145 de son PHB.
Dans le chapitre 7.4.2 de sa sentence (p. 39 s., n. 154 à 161), intitulé 
Damages, l'arbitre commence par résumer l'argumentation des parties. S'agissant
des moyens soulevés par la recourante, il les énonce tels qu'ils figurent sous
les n. 144 et 145 du PHB, en suivant l'ordre de leur présentation mais sans les
rapporter mot pour mot (n. 155). Ensuite, l'arbitre cite le texte de l'art.
17.4 du contrat de distribution exclusive (n. 156) et s'emploie à déterminer le
montant du préjudice subi par l'intimée en appliquant la règle générale prévue
par cette clause. Il aboutit à la conclusion que cette partie aurait vendu 105
montres entre novembre 2012 et septembre 2013 (10,5 mois), elle qui avait
écoulé 120 pièces du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012, et que son profit
total eût été de 1'366'941,45 SGD, à savoir 13'018,49 SGD par montre (n. 157
s.). Examinant, enfin, l'applicabilité, en l'espèce, du correctif à la hausse
ou à la baisse réservé par la même clause, il la nie à l'égard des deux parties
(n. 159 s.). En ce qui concerne les facteurs de réduction invoqués par la
recourante, il expose ainsi les raisons qui justifient, selon lui, de ne point
en tenir compte (n. 160) :

"Likewise, the Respondent's arguments that B.________ suffered a lower loss or
did not mitigate its damages are unconvincing. In particular, there was no
obligation for B.________ to purchase watches through Mr D.________/C.________
after the unjustified termination of the Agreement until the end of the agreed
term. Understandably, it would have been unbearable for Mr E.________ to work
with Mr D.________ after the unjustified termination (...). Further, the
evidence on record shows that B.________ had to close its ... store in 2013
because of the termination of the Agreement in November 2012 to avoid
termination of the lease agreement (...). "
N'ayant ainsi découvert ni facteur d'augmentation ni facteur de réduction des
dommages-intérêts consécutifs à la résiliation immédiate injustifiée du contrat
de distribution exclusive, l'arbitre confirme que l'indemnité de ce chef doit
être fixée à 1'366'941,45 SGD en application de la règle générale posée à
l'art. 17.4 de ce contrat.
Quoi qu'en dise la recourante, il est indéniable que l'arbitre a pris en compte
les moyens qu'elle lui a présentés, mais qu'il les a rejetés, soit
explicitement, pour deux d'entre eux, soit implicitement, pour le troisième,
comme cela ressort de l'expression  In particular utilisée par lui.
Pour le reste, on se trouve, une fois de plus, face à une tentative de remettre
en cause la subsomption faite par l'arbitre, sous le couvert du moyen pris de
la violation du droit d'être entendu. Il n'importe, au demeurant, que la
motivation de la sentence apparaisse quelque peu étique sur la question du
dommage dès lors que la motivation n'est pas une condition de validité de la
sentence dans le domaine de l'arbitrage international. Ce qui est décisif en
l'occurrence, c'est de constater que l'arbitre n'a pas omis, par inadvertance
ou malentendu, de prendre en considération les moyens soulevés par chacune des
parties. A cet égard, la présente cause est sans commune mesure avec celles
dans lesquelles le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion inverse (cf.,
par ex., les arrêts 4A_246/2014 du 15 juillet 2015 consid. 6.3.2, 4A_460/2013
du 4 février 2014 consid. 3.2 et 3.3, 4A_360/2011 du 31 janvier 2012 consid.
5.2.1 et 5.2.3 et 4A_46/2011 du 16 mai 2011consid. 4.3).

4. 
Au terme de cet examen, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure où il
est recevable. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la
procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art.
68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique.

Lausanne, le 26 octobre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

Le Greffier: Carruzzo

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