Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.573/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_573/2015

Arrêt du 3 mai 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Hohl.
Greffier : M. Piaget.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Alexander Blarer,
recourant,

contre

Z.________, représenté par Me Alexandre Troller,
intimé.

Objet
compétence en matière internationale, théorie de la double pertinence, lieu
d'exécution (art. 113 LDIP);

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 11 septembre 2015.

Faits :

A.

A.a. Z.________, courtier indépendant en valeurs mobilières, domicilié à...
(Malte), exerce son activité de vente et d'achat en utilisant l'accès à la
plateforme V.________ qui appartient à W.________ (société étrangère active
dans le négoce de valeurs mobilières, dont le siège est à...), laquelle a une
représentation à Genève. Il est au bénéfice d'un accord avec cette société pour
l'utilisation de l'accès à cette plateforme dont dispose celle-ci.
X.________, gérant de fortune, domicilié à... (Schwyz), qui cherchait du
travail dans le domaine de la gestion de fortune, a été engagé, par
l'intermédiaire de Z.________, au sein de la société A.________ SA, société de
gestion, sise à... (dont Z.________ allait devenir actionnaire), en tant que
directeur dès le 1er avril 2013 et pour une durée indéterminée. Le contrat est
daté du 3 mai 2013.

A.b. Z.________ allègue que X.________ lui a demandé, à la fin de l'année 2012,
soit avant son engagement par la société A.________ SA, de lui octroyer à bien
plaire l'utilisation de son interface chez W.________ pour des opérations
ponctuelles sur valeurs mobilières, ce qu'il avait accepté à la condition que
celui-ci sollicite son accord exprès et préalable pour chaque opération;
plusieurs opérations ont ainsi été effectuées sans incident par X.________,
toujours en sa présence et avec son accord préalable.
Il allègue que, le 23 juillet 2013, en son absence et sans l'en informer,
X.________ a accédé, alors qu'il se trouvait dans les bureaux de W.________ à
Genève, à l'interface de Z.________ chez W.________, et a pris une position
auprès de la banque B.________ (ci-après: la banque) pour un montant de
10'000'000 Euros, qu'il n'a pas confirmée par la suite. Cette renonciation
constituait une violation de l'art. 9.1 du " customer agreement " passé entre
W.________ et la banque.
La banque, qui a dû procéder elle-même à la transaction, a subi une perte et a
réclamé des dommages-intérêts de ce fait à W.________, qui s'est exécutée et
s'est retournée ensuite contre Z.________. Ne voulant pas perdre son accès à
V.________, Z.________ s'est exécuté; W.________ lui a cédé ses droits.

A.c. Après divers échanges de correspondance, le 31 octobre 2013, Z.________ a
fait notifier à X.________ un commandement de payer pour la somme de 124'081
fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 12 septembre 2013. Celui-ci y a fait
opposition.

B. 

B.a. Par requête de conciliation du 17 décembre 2013, Z.________ a ouvert une
action en paiement contre X.________. La conciliation ayant échoué, le
défendeur ne s'étant pas présenté, une autorisation de procéder a été délivrée
au requérant le 24 février 2014 (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).

B.b. Le 24 mars 2014, Z.________ a déposé sa demande en paiement contre
X.________ devant le Tribunal de première instance de Genève. Il a conclu à ce
que celui-ci soit condamné à lui payer la somme de 100'459.60 Euros avec
intérêts à 5% l'an dès le 12 septembre 2013 et que la mainlevée définitive de
l'opposition au commandement de payer soit ordonnée.
Selon lui, les parties étaient liées par un contrat de prêt à usage, puisqu'il
avait cédé à X.________ l'usage et la jouissance de son droit d'accès (à la
plateforme V.________) chez W.________, à la condition que celui-ci lui demande
son autorisation avant chaque transaction. X.________ avait ainsi violé cet
accord en procédant à la transaction litigieuse du 23 juillet 2013 sans lui
demander son autorisation, de sorte qu'il était responsable de son dommage.
Comme la mise à disposition de l'accès avait eu lieu à Genève, dans les bureaux
de W.________, le for se trouvait à Genève.
Le défendeur a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son
rejet. Selon lui, les parties étaient liées par un contrat de société simple,
lequel portait sur l'utilisation de la plateforme et sur le partage des gains
résultant des opérations de négoce effectuées. Vu cette qualification, le for
se trouverait à son domicile, à... (canton de Schwyz).

B.c. Après avoir limité, dans un premier temps, la procédure à la question de
la compétence ratione loci, le Tribunal de première instance s'est déclaré
compétent à raison du lieu, par jugement du 9 janvier 2015.
Statuant par arrêt du 11 septembre 2015, la Cour de justice du canton de Genève
a rejeté l'appel du défendeur et confirmé le jugement attaqué.

C. 
Contre cet arrêt, le défendeur a interjeté un recours en matière civile au
Tribunal fédéral le 16 octobre 2015. Il conclut principalement à ce que le
Tribunal de première instance soit déclaré incompétent, en d'autres termes à
l'irrecevabilité de la demande, pour défaut de compétence locale;
subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance inférieure pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. Il ne se prévaut plus de la
qualification de société simple, mais soutient qu'il travaillait souvent chez
lui, que l'on ne peut pas déterminer où se trouve le lieu de la prestation
caractéristique, qu'il a effectué la transaction litigieuse pour la société
A.________ SA à... et donc que l'art. 113 LDIP ne pourrait pas s'appliquer; le
for se trouverait à son domicile en vertu de l'art. 112 LDIP. Il reproche à la
cour cantonale d'avoir violé la théorie de la double pertinence des faits, les
art. 112 et 113 LDIP et d'avoir établi les faits de manière manifestement
inexacte (art. 97 LTF).
L'intimé conclut au rejet du recours.

Considérant en droit :

1. 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision incidente en
matière de compétence à raison du lieu (art. 92 LTF), par le défendeur qui a
succombé sur son exception de déclinatoire (art. 76 LTF), dans une affaire
civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000
fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au
regard de ces dispositions. La décision a, par ailleurs, été rendue sur appel
par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF).
L'état de fait a été complété d'office à l'aide du jugement de première
instance (art. 105 al. 2 LTF).

2. 
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique en principe
d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt
cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié ou complété). Cela ne
signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de
première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser.
Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne
traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins
que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2; 133 III
545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2011 consid. 2.1 non publié
in ATF 135 III 112). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique
développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le
recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (
ATF 133 III 545 consid. 2.2; 135 III 397 consid. 1.4).
Contrairement à ce que soutient l'intimé, ni l'application de la théorie de la
double pertinence, ni celle de l'art. 113 LDIP ne relèvent du pouvoir
d'appréciation en équité du juge (art. 4 CC). Le Tribunal fédéral dispose d'un
plein pouvoir d'examen.

3. 
La cause est de nature internationale, puisque le demandeur est domicilié à
Malte et que le défendeur est domicilié en Suisse (art. 1 al. 1 LDIP et art. 2
CPC). En effet, selon la jurisprudence, une cause est de nature internationale
lorsqu'elle a une connexité suffisante avec l'étranger, ce qui est toujours le
cas lorsque l'une des parties possède son domicile ou son siège à l'étranger,
peu importe que ce soit le demandeur ou le défendeur, et indépendamment de la
nature de la cause (ATF 141 III 294 consid. 4; arrêt 4A_443/2014 du 2 février
2015 consid. 3.1; à propos de l'ancienne LFors, cf. ATF 131 III 76 consid. 2.3;
en matière d'arbitrage international, cf. l'art. 176 al. 1 LDIP).

4. 
La Suisse et Malte étant tous deux des États parties à la Convention de Lugano,
il y a lieu d'examiner tout d'abord si cette convention est applicable en
l'espèce (art. 1 al. 2 LDIP).

4.1. L'art. 2 de la Convention de Lugano (ci-après: CL) règle la compétence
internationale, c'est-à-dire la compétence générale des tribunaux de l'État du
domicile du défendeur, mais non la compétence locale (le for interne) dans
l'État du domicile. Lorsque le défendeur est domicilié dans un État contractant
(art. 3 par. 1 CL), les fors spéciaux des art. 5 ss CL ne s'appliquent donc que
lorsque l'action est intentée dans un État autre que celui du domicile du
défendeur (ATF 131 III 76 consid. 3.4 et les références; ALEXANDER R. MARKUS,
Internationales Zivilprozessrecht, 2014, n. 745). Lorsque tel n'est pas le cas,
le for interne en Suisse (dans les affaires de nature internationale au sens de
l'art. 1 al. 1 LDIP) est déterminé par la LDIP, cette loi régissant aussi bien
la compétence internationale que la compétence locale (MARKUS, op. cit., n.
532).

4.2. En l'espèce, dès lors que le défendeur est domicilié à... (Schwyz) en
Suisse et que l'action a été introduite à Genève, au lieu allégué de
l'exécution de la prestation caractéristique, la CL ne s'applique pas. La
détermination de la compétence locale est régie par la LDIP et, s'agissant d'un
contrat, plus particulièrement par les art. 112-113 LDIP.

5. 
Aussi bien en matière internationale (ATF 141 III 294 consid. 5) qu'en droit
interne (arrêt 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4), le tribunal saisi doit,
pour déterminer sa compétence, appliquer les principes jurisprudentiels
développés sous le nom de théorie de la double pertinence.

5.1. Lorsqu'il doit statuer d'entrée de cause sur sa compétence, le tribunal
doit tout d'abord déterminer si le ou les faits pertinents de la disposition
légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents,
les exigences de preuve, à ce stade de la procédure (décision d'entrée en
matière), étant différentes pour les uns et pour les autres.

5.1.1. Les faits sont simples ( einfachrelevante Tatsachen) lorsqu'ils ne sont
déterminants que pour la compétence. Ils doivent être prouvés d'entrée de
cause, lorsque la partie défenderesse soulève l'exception de déclinatoire en
contestant les allégués du demandeur (ATF 141 III 294 consid. 5.1; arrêts 4A_28
/2014 du 10 décembre 2014 consid. 4.2.1, rectifié in ATF 141 III 294 consid.
5.1; 4A_113/2014 du 15 juillet 2014 consid. 2.3, non publié in ATF 140 III 418;
ATF 137 III 32 consid. 2.3 p. 34 s.; 134 III 27 consid. 6.2.1 p. 34 s.; 133 III
295 consid. 6.2 p. 298 s.).
Sont des faits simples le domicile ou le siège du défendeur ou encore le lieu
de l'activité professionnelle habituelle du travailleur (ATF 137 III 32 consid.
2.3 in fine). Est également un fait simple la localisation de l'acte illicite
allégué, soit la question de savoir s'il a eu lieu à l'endroit allégué: en
effet la constatation portant sur le lieu où l'acte illicite a été commis est
sans pertinence pour le bien-fondé de la prétention au fond (ATF 141 III 294
consid. 5.1; arrêt 4C.329/2005 du 5 mai 2006 consid. 2.2, non publié in ATF 132
III 579).

5.1.2. Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence ( 
doppelrelevante Tatsachen) lorsqu'ils sont déterminants non seulement pour la
compétence du tribunal, mais aussi pour le bien-fondé de l'action.
Ainsi, la commission d'un acte illicite (ATF 141 III 294 consid. 5.1) ou
l'existence d'un contrat de travail (ATF 137 III 32 consid. 2.3 in fine et
2.4.1) sont des faits doublement pertinents puisqu'ils sont déterminants à la
fois pour la compétence et pour le bien-fondé de l'action au fond.

5.2. 

5.2.1. La théorie dite de la double pertinence ne concerne que les faits
doublement pertinents. Selon cette théorie, le juge saisi examine sa compétence
sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande (  der
eingeklagte Anspruch und dessen Begründung), sans tenir compte des objections
de la partie défenderesse (ATF 141 III 294 consid. 5.2; 136 III 486 consid. 4
p. 487; arrêts 4A_630/2011 du 7 mars 2012 consid. 2.2, non publié in ATF 138
III 166). L'administration des preuves sur les faits doublement pertinents est
renvoyée à la phase du procès au cours de laquelle est examiné le bien-fondé de
la prétention au fond (arrêts 4A_28/2014 déjà cité, consid. 4.2.2; 4A_113/2014
déjà cité, consid. 2.3; ATF 137 III 32 consid. 2.3 p. 34; 133 III 295 consid.
6.2 p. 298 s.; 122 III 249 consid. 3b/bb p. 252). En d'autres termes, au stade
de l'examen et de la décision sur la compétence, qui ont lieu d'entrée de
cause, les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés, mais ils sont
censés établis sur la base des allégués, moyens et conclusions du demandeur.
Ainsi, le tribunal doit admettre l'existence d'un acte illicite ou l'existence
d'un contrat de travail en se basant sur les seules écritures du demandeur, les
moyens de preuve à cet égard ne devant être administrés qu'ultérieurement, dans
la phase du procès au fond.
Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, les faits de
double pertinence n'ont pas non plus à être rendus vraisemblables au stade de
l'examen et de la décision sur la compétence (arrêt 4A_28/2014 précité consid.
4.3). Si certains arrêts semblent avoir exigé que les faits doublement
pertinents soient allégués " avec une certaine vraisemblance ", cette condition
est étrangère à la théorie de la double pertinence; en réalité, les arrêts dans
lesquels il est fait référence à cette notion concernaient des cas
exceptionnels d'abus de droit (arrêt précité consid. 5.3).
Certes, après l'administration des preuves sur les faits doublement pertinents,
le tribunal peut se rendre compte que, contrairement à ce qu'il avait décidé
d'entrée de cause dans sa décision admettant sa compétence, celle-ci n'est en
réalité pas donnée. Toutefois, il ne peut et ne doit pas alors rendre un
nouveau jugement sur sa compétence, puisqu'il ne saurait revenir sur la
décision qu'il a prise d'entrée de cause à ce sujet; lorsque, par exemple,
l'existence d'un acte illicite n'est pas établie, il doit rejeter la demande
par un jugement au fond, lequel est revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Comme le relève BUCHER (Vers l'implosion de la théorie des faits doublement
pertinents, in SJ 2015 II 67 ss, p. 72), " le défaut de la théorie......
consiste en effet à autoriser le juge à constater sa compétence sans en
vérifier toutes les conditions, et à renvoyer l'examen des faits doublement
pertinents à la procédure au fond, sans tenir compte de l'incidence des mêmes
faits sur l'application des règles de compétence ". Cette théorie est néanmoins
justifiée dans son résultat, dès lors que le demandeur qui choisit d'introduire
son action à un for spécial n'a pas un intérêt à pouvoir, en cas d'échec, la
porter ensuite au for ordinaire ou à un autre for spécial (ATF 141 III 294
consid. 5.1; cf. en particulier MARKUS, op. cit., ch. 597 p. 157).

5.2.2. Le renvoi de l'administration des preuves à la phase du procès sur le
fond ne dispense toutefois pas le tribunal d'examiner si les faits doublement
pertinents allégués par le demandeur - censés établis - sont concluants ( 
schlüssig) : le tribunal doit en effet examiner s'ils permettent juridiquement
de déduire la qualification du contrat ou de l'objet du litige - et, partant,
le for - invoqués par le demandeur. Il s'agit-là d'une question de droit (arrêt
4A_703/2014 du 25 juin 2015 consid. 6.1 in fine, destiné à la publication).
Ainsi, le tribunal doit par exemple décider, sur la base des allégués et moyens
du demandeur, si l'action introduite relève bien du contrat de travail (ATF 137
III 32 consid. 2.2) : il doit examiner si les éléments de fait allégués
permettent de conclure à l'existence d'un rapport de subordination typique du
contrat de travail (ATF 141 III 294 consid. 6.1; arrêt 4A_73/2015 déjà cité
consid. 4.2). S'il se pose une question délicate de délimitation (c'est-à-dire
s'il est possible, sur la base des éléments allégués, de désigner aussi bien un
contrat de travail qu'un autre contrat), elle devra être tranchée lors de
l'examen du bien-fondé de la prétention au fond, en même temps que celle de
savoir si un contrat a réellement été passé (ATF 137 III 32 consid. 2.4.2;
arrêt 4A_73/2015 déjà cité consid. 4.2). Pour permettre au tribunal d'effectuer
cette appréciation (juridique), il faut et il suffit que le demandeur allègue
le fait doublement pertinent de façon suffisante, c'est-à-dire de telle façon
que son contenu permette cette appréciation juridique (ATF 141 III 294 consid.
6.1; arrêt 4A_73/2015 consid. 4.2).
Si, sur la base des seuls allégués du demandeur, le tribunal saisi estime qu'il
ne s'agit pas d'un contrat de travail, les conditions permettant de fonder sa
compétence ne sont pas remplies et il doit déclarer la demande irrecevable.
S'il estime qu'il y a contrat de travail, le tribunal admet sa compétence.

5.2.3. Il n'est fait exception à l'application de la théorie de la double
pertinence qu'en cas d'abus de droit de la part du demandeur, par exemple
lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la
nature véritable ou lorsque les allégués sont manifestement faux (ATF 141 III
294 consid. 5.3). Dans ces situations d'abus, la partie adverse doit être
protégée contre la tentative du demandeur de l'attraire au for de son choix (
ATF 137 III 32 consid. 2.3; 136 III 486 consid. 4 p. 488 et les références;
arrêts 4A_28/2014 déjà cité, consid. 4.2.2; 4A_31/2011 du 11 mars 2011 consid.
2; 4A_630/2011 déjà cité, consid. 2.2; 4A_113/2014 déjà cité, consid. 2.3).

5.3. 

5.3.1. En l'espèce, dans la mesure où ils s'appuient sur une doctrine qui
s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de faits doublement
pertinents, les griefs du recourant doivent être d'emblée écartés.
Ainsi, c'est à tort que le recourant soutient que la simple allégation des
faits doublement pertinents ne suffit pas, mais qu'ils doivent être allégués
avec une certaine vraisemblance et que le juge doit d'emblée, après un examen 
prima facie, se déclarer incompétent s'il constate que la prétention est mal
fondée. Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser (cf.
supra consid. 5.2.1), les faits doublement pertinents n'ont pas à être rendus
vraisemblables; ils sont censés établis sur la seule base de la demande.
C'est également à tort que le recourant soutient que le tribunal devait se
déclarer incompétent parce que la thèse de la demande était réfutée par la
réponse et les documents l'accompagnant. La position du défendeur ne joue aucun
rôle pour les faits doublement pertinents.
Le recourant confond par ailleurs la question de la qualification du contrat,
qui relève du droit et que le tribunal doit vérifier en lien avec les seuls
allégués de la demande (cf. supra consid. 5.2.2) et les cas d'abus de droit
(cf. supra consid. 5.2.3), qui excluent l'application de la théorie de la
double pertinence.

5.3.2. Le recourant soutient encore que la demande est spécieuse et
incohérente.
En tant qu'il fait valoir que la demande est spécieuse parce que le demandeur
n'a pas déposé un seul moyen de preuve à l'appui de son allégation de la
conclusion d'un contrat de prêt au sens de l'art. 305 CO, le recourant
méconnaît à nouveau les principes jurisprudentiels de la théorie de la double
pertinence.
Selon le recourant, la demande serait incohérente parce que le demandeur a
exposé d'abord que W.________ se réservait le droit de demander la réparation
de son préjudice, puis qu'il a dû rembourser à W.________ le dommage causé par
son opération non autorisée et, enfin, que W.________ lui a cédé ses droits.
Puisque le recourant ne conteste pas avoir passé l'ordre litigieux du 23
juillet et ne pas l'avoir confirmé par la suite, on ne voit pas en quoi la
chaîne des prétentions récursoires résultant du dommage causé à la banque
serait incohérente. On ne voit pas non plus en quoi le fait que W.________, qui
a désintéressé la banque, a cédé ses droits au demandeur - cession qui serait
soumise au droit hollandais - entraînerait une modification du fondement de la
créance pour violation du contrat de prêt invoquée par le demandeur à
l'encontre du défendeur. Dès lors que le recourant ne soutient pas avoir eu de
lien direct avec W.________ et avoir une dette à l'égard de cette société, son
argumentation est sans aucune consistance.
Enfin, contrairement à ce que le recourant soutient, on ne voit pas comment le
demandeur aurait " cherché à créer un for en Suisse en invoquant finalement un
contrat de prêt qui n'a jamais existé " (recours p. 7 n. 37) alors que le
recourant est précisément domicilié en Suisse.
Dans la mesure où le recourant soutient qu'il a d'emblée contesté avoir utilisé
l'accès du demandeur pour l'opération litigieuse puisqu'il aurait utilisé le
login de A.________ SA, société sise à... pour laquelle il travaillait à 100%
(ce qu'il a prouvé par pièce), il méconnaît que cette question est un fait
doublement pertinent, pour lequel, au stade de l'examen et de la décision sur
la compétence, les objections du défendeur ne sont pas prises en considération.
Au vu des faits allégués, on ne voit pas en quoi la demande en
dommages-intérêts pour violation du contrat d'utilisation de l'accès à la
plateforme V.________ viserait à déguiser la véritable nature du contrat conclu
ou qu'elle reposerait sur des allégués manifestement faux.

6. 
Il y a donc lieu d'examiner si la prétention en dommages-intérêts pour
violation du contrat de prêt à usage (art. 305 CO), lequel porte sur
l'utilisation par le défendeur de l'accès (à la plateforme V.________)
appartenant au demandeur, peut être portée devant les tribunaux genevois, étant
rappelé que le domicile du défendeur se trouve à... (canton de Schwyz).

6.1. Aux termes de l'art. 113 LDIP, lorsque la prestation caractéristique du
contrat doit être exécutée en Suisse, l'action peut aussi être portée (en sus
du tribunal suisse du domicile du défendeur selon l'art. 112 LDIP) devant le
tribunal suisse du lieu où elle doit être exécutée.
Le for du lieu de l'exécution suisse est applicable non seulement pour la
prestation principale du contrat, mais aussi pour toutes les prestations en
rapport avec l'exécution ou la mauvaise exécution de celui-ci (retard,
non-exécution, responsabilité in contrahendo ou validité même du contrat) (ATF
135 III 556 consid. 3.3-3.4.; MARKUS, op. cit. n. 535). C'est de la prestation
caractéristique du contrat que découle le lieu de l'exécution; lorsque le
contrat comprend plusieurs obligations, il faut déterminer laquelle est
déterminante en tant que prestation caractéristique pour fixer le lieu
d'exécution (MARKUS, op. cit., n. 539).
Selon la théorie de la double pertinence, sont des faits doublement pertinents
en matière contractuelle les faits qui sont déterminants à la fois pour la
compétence et le bien-fondé de la prétention au fond, à savoir l'existence du
contrat. Le tribunal doit toutefois examiner si le contrat allégué remplit les
conditions légales d'un contrat de prêt. En revanche, si le contrat pose une
question délicate de délimitation, celle-ci sera tranchée lors de l'examen du
bien-fondé de la prétention au fond, en même temps que celle de savoir si un
contrat a réellement été passé (cf. supra consid. 5.2.2).
Le lieu d'exécution de la prestation caractéristique est en principe un fait
simple, comme le domicile. Lorsque la prétention porte sur le paiement du prix
ou de dommages-intérêts pour violation du contrat, le lieu de l'exécution est
un fait simple car le bien-fondé de cette prétention n'en dépend pas; le
tribunal doit donc examiner pleinement si les parties ont passé une convention
sur le lieu d'exécution ou si, en vertu de la disposition légale applicable, le
lieu d'exécution de la prestation caractéristique se trouve au lieu du tribunal
saisi. Ce n'est que si la prétention litigieuse porte sur la livraison d'une
marchandise que le lieu de l'exécution est un fait doublement pertinent, car
dans ce cas la question de savoir si la marchandise doit vraiment être livrée à
cet endroit plutôt qu'à un autre dépend du bien-fondé de la prétention au fond
(cf. EKKEHARD SCHUMANN, Internationale Zuständigkeit: Besonderheiten,
Wahlfeststellung, doppelrelevante Tatsachen, in Beiträge zum Internationalen
Verfahrensrecht und zur Schiedsgerichtsbarkeit, Festschrift für Heinrich Nagel,
1987, p. 402 ss, p. 417-419).

6.2. En l'espèce, la prétention invoquée par le demandeur est une prétention en
dommages-intérêts pour violation du contrat de prêt à usage (allégué par le
demandeur).

6.2.1. Le recourant ne remet plus vraiment en question la qualification de ce
contrat de prêt (alors qu'il invoquait précédemment un contrat de société
simple), mais il soutient qu'il n'aurait pas utilisé l'accès du demandeur pour
effectuer la transaction litigieuse. Il méconnaît qu'il s'agit-là d'un fait
doublement pertinent, qui ne sera examiné que dans la phase du procès sur le
fond. Son grief d'établissement inexact de faits, parce qu'il n'aurait pas été
démontré qu'il était vraisemblable qu'il aurait utilisé l'accès du demandeur,
est donc irrecevable.

6.2.2. La cour cantonale a retenu que la prestation caractéristique était la
remise par le demandeur de l'usage de son droit d'accès (à la plateforme) au
défendeur. Le recourant ne critique pas spécialement ce point.

6.2.3. En ce qui concerne le lieu d'exécution, il s'agit d'un fait simple dès
lors qu'il ne dépend pas du bien-fondé de la prétention en dommages-intérêts
pour violation du contrat.
La cour cantonale a retenu que la remise de l'usage de l'accès a eu lieu à
Genève, comme l'avait indiqué le demandeur dans sa demande. Elle a constaté
que, lors des débats, celui-ci a précisé que la remise de l'accès s'était faite
dans les locaux de W.________ à Genève et que le défendeur n'a pas contesté ce
point, en indiquant par exemple avoir reçu les codes d'accès en un autre lieu;
au contraire, il a même reconnu que le demandeur l'avait autorisé à se servir
du répertoire des codes d'accès, lequel se trouvait dans les locaux de
W.________ à Genève. Elle en a donc conclu que le lieu d'exécution effective de
la prestation caractéristique était Genève.
Le recourant ne remet pas en cause la détermination du lieu d'exécution de la
prestation caractéristique selon la méthode effective (  faktische Bestimmung)
choisie par la cour cantonale, de sorte que, pour ce motif, il n'y a pas lieu
d'examiner cette question.
Le recourant soutient tout d'abord que le lieu d'exécution de la prestation
caractéristique n'est pas Genève car la prestation caractéristique étant
l'accès au site web, le lieu d'exécution se trouverait là où se trouve le
serveur sur lequel sont stockées les données et que, faute de pouvoir
déterminer ce lieu, il conviendrait d'admettre qu'il n'y a pas de lieu
d'exécution déterminable et que l'art. 113 LDIP ne peut trouver à s'appliquer.
Ce faisant, il confond le lieu d'exécution du contrat de prêt qu'il a passé
avec le demandeur et celui du contrat passé entre W.________ et la société
fournissant l'accès à la plateforme V.________. Il s'ensuit que son grief est
manifestement infondé.
Le recourant fait ensuite valoir qu'il pouvait accéder à la plateforme depuis
n'importe quel endroit et, en particulier, depuis son domicile à..., et qu'il
n'est pas prouvé qu'il aurait passé la transaction depuis Genève, de sorte que
l'action devait être introduite devant les tribunaux du canton de Schwyz. Or,
le recourant confond la remise de l'accès et des codes d'accès qui a eu lieu à
Genève dans les locaux de W.________ en décembre 2012 et le lieu à partir
duquel il aurait utilisé l'accès et le code pour donner l'ordre litigieux du 23
juillet 2013. La prestation caractéristique étant la remise de l'accès et des
codes, son grief est manifestement infondé. La cour cantonale n'ayant pas
retenu dans son argumentation la remise au défendeur de clés pour accéder aux
locaux de W.________, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs du recourant à
cet égard.

7. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les frais de la procédure doivent être mis à la charge du recourant (art. 66
al. 1 LTF), qui devra également verser une indemnité de dépens à l'intimé (art.
68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 3 mai 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Piaget

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