Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.559/2015
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2015
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2015


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_559/2015

Arrêt du 22 août 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Christophe A. Gal,
recourant,

contre

Z.________,
intimée.

Objet
demande de diminution du loyer,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2015 par la
Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. Le 25 juillet 2005, Z.________ a conclu en qualité de locataire deux
contrats de bail à loyer portant respectivement sur un appartement de cinq
pièces d'une surface de 83 mètres carrés dans un immeuble à... (GE) et sur une
place de parc à l'intérieur de l'immeuble situé au numéro précédent de la même
rue. Construit au début des années 1990, l'édifice abritant les locaux
d'habitation était classé en catégorie HLM (habitation à loyers modérés) au
sens de la loi générale genevoise sur le logement et la protection des
locataires (LGL; rs/GE I 4 05); il bénéficiait d'une aide de l'État. Par arrêté
du 9 février 1994, le Conseil d'État genevois avait approuvé l'état locatif et
alloué une subvention annuelle dégressive d'une durée de vingt ans dès le 1 ^
er juillet 1992; cette décision retenait un prix de revient de l'immeuble de 6
millions de francs et des fonds propres de 1,2 millions de francs. Le loyer de
la place de parc était également soumis au contrôle étatique pour une durée de
vingt ans dès l'année 1996, d'après le contrat de bail y relatif.
Le 29 août 2012, X.________ est devenu propriétaire des immeubles ensuite d'une
donation; il a repris les baux à son nom. L'immeuble abritant l'appartement est
sorti du régime HLM le 31 décembre 2012.

A.b. Le loyer mensuel net pour l'appartement était à l'origine de 1'381 fr. Il
a passé à 1'491 fr. dès le 1 ^er juillet 2006 ensuite d'un «avis de
modification de loyer autorisé par la Direction du logement», que la locataire
n'a pas contesté.
Par décision du 19 octobre 2012, l'Office cantonal du logement a porté l'état
locatif maximal autorisé à 301'464 fr. dès le 1 ^er décembre 2012. Il a
approuvé les hausses de loyer demandées, dont un nouveau loyer de 1'508 fr. 40
pour l'appartement de la locataire et un nouveau loyer de 139 fr. (au lieu de
137 fr.) pour la place de parc.
Le même jour, la gérance en charge des immeubles a notifié à la locataire deux
avis de modification de loyer selon lesquels les loyers de l'appartement et de
la place de parc seraient respectivement augmentés à 1'508 fr. 40 et à 139 fr.
en raison de la variation du taux d'intérêt hypothécaire.
La locataire, assistée de l'ASLOCA, a formé une réclamation auprès de l'Office
du logement. Celui-ci, par décision du 26 août 2013, a constaté que les avis de
hausse étaient nuls, le bailleur ayant omis d'y annexer la décision autorisant
la modification de l'état locatif. L'Office a précisé que seule la forme des
avis était remise en cause « à l'exclusion de leur bien-fondé conforme à la
décision [...] du 19 octobre 2012»; quant au taux hypothécaire de référence
indiqué dans les avis, il n'était pas pertinent puisque seul le taux indiqué
dans les contrats hypothécaires était pris en compte.

A.c. Parallèlement, la locataire, représentée par l'ASLOCA, a sollicité dans un
courrier du 9 novembre 2012 une baisse des loyers de l'appartement et de la
place de parc pour le 1 ^er mars 2013 ou toute autre échéance contractuelle;
elle demandait à ce qu'il soit procédé à un calcul de rendement et à ce que les
pièces nécessaires à ce calcul lui soient remises. Elle motivait sa requête par
la fin du contrôle étatique des loyers.

B.

B.a. Le 13 décembre 2012, la locataire a saisi l'autorité de conciliation de
deux requêtes en diminution de loyer. La conciliation ayant échoué, elle a
déposé deux demandes le 10 avril 2013 devant le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève, concluant à ce que les loyers de l'appartement (1'491 fr.) et
de la place de parc (137 fr.) soient baissés chacun de 30%. Le tribunal a joint
les deux causes. Invité à présenter les pièces nécessaires au calcul de
rendement, le bailleur, non assisté d'un avocat, a allégué ne pas être en
mesure de le faire.
Par jugement du 10 novembre 2014, le Tribunal a débouté la locataire.
Considérant que la non-remise des pièces nécessaires au calcul de rendement ne
suffisait pas à conclure d'office à un loyer abusif, il a pris en compte
diverses statistiques sur les loyers genevois pour un appartement de cinq
pièces. Il en a extrait les données suivantes:

- s'agissant de baux récemment conclus, le loyer libre d'un appartement non
neuf en dehors de la ville de Genève était en moyenne de 2'054 fr. par mois en
2013;
- s'agissant de baux en cours, le loyer moyen et le loyer le plus bas d'un
appartement situé dans un immeuble construit entre 1991 et 1995 en dehors de la
ville de Genève étaient respectivement de 2'227 fr. et de 1'475 fr. en mai
2013;
- dans la commune de..., le loyer mensuel moyen était de 1'533 fr. en mai 2013;
- enfin, le prix moyen par mètre carré pour un logement à loyer libre construit
entre 1991 et 2000 était de 20 fr. 55, respectivement de 16 fr. 65 à.... Eu
égard à la surface de l'appartement loué par la locataire, il en découlait un
loyer de 1'706 fr., respectivement de 1'382 fr.
De ces divers chiffres, le Tribunal des baux a tiré une moyenne de 1'780 fr. Il
a conclu que le loyer de 1'491 fr. pour l'appartement de la locataire n'était
pas abusif. Il a également refusé de baisser le loyer de la place de parc parce
qu'il n'était pas démontré que le contrôle étatique sur l'immeuble concerné ait
pris fin au 31 décembre 2012.

B.b. La locataire, toujours assistée de l'ASLOCA, a interjeté appel, concluant
à ce que les loyers de l'appartement et de la place de parc soient réduits de
50,53%. Le bailleur, nouvellement assisté d'un avocat, a conclu au rejet.
Par arrêt du 7 septembre 2015, la Chambre des baux et loyers de la Cour de
justice genevoise a partiellement admis l'appel, jugeant qu'il fallait réduire
de 25% le loyer de l'appartement et fixant ledit loyer à 13'488 fr. par an
(montant arrondi), soit 1'124 fr. par mois, charges non comprises, dès le 1 ^
er mars 2013. Elle a relevé que l'augmentation des conclusions en appel ne
répondait pas aux conditions de l'art. 317 al. 2 CPC et que la conclusion en
baisse du loyer de la place de parc était irrecevable, faute de motivation.
Selon l'analyse de la Chambre, le bailleur n'avait pas justifié de manière
convaincante qu'il était dans l'impossibilité objective de produire les
documents requis pour le calcul de rendement; on pouvait dès lors en déduire
qu'il tentait de cacher un rendement abusif. Il était inutile de l'inviter une
nouvelle fois à fournir les pièces, d'autant moins qu'il était désormais
assisté d'un avocat. Pour fixer le loyer approprié, la Chambre devait donc s'en
remettre à son expérience et aux éléments du dossier. Les statistiques
cantonales devaient être écartées pour le double motif que l'immeuble sortait
d'un contrôle étatique des loyers et que le bailleur avait refusé la production
des pièces pertinentes, permettant ainsi de conclure à un rendement abusif. Une
telle approche «d[eva]it d'autant plus être privilégiée lorsque la référence
aux données statistiques impliquerait, comme en l'espèce, un statu quo sur le
montant du loyer, malgré son caractère vraisemblablement abusif ».
La Chambre a ainsi procédé à une estimation sur la base des observations
suivantes: le taux hypothécaire de référence avait baissé de 5,75% en 1994 à
2,25% en fin d'année 2012; quant à l'indice suisse des prix à la consommation,
il avait passé de 100,9 à 115 points durant la même période, variation qu'il
fallait toutefois pondérer à hauteur de 40%; la créance hypothécaire en premier
rang (3,9 millions de fr.) avait été « vraisemblablement» renégociée à des
conditions préférentielles, tandis que la créance hypothécaire de deuxième rang
(0,9 million de fr.) avait été «vraisemblablement» entièrement amortie, ou
fortement réduite; si l'arrêté du Conseil d'État de 1994 se fondait sur des
charges forfaitaires de 75'000 fr., les charges réelles étaient «selon toute
vraisemblance» inférieures puisque le bailleur n'avait produit aucune pièce
justificative. Il n'avait pas prétendu avoir effectué des travaux coûteux ou à
plus-values. Ces éléments et supputations ainsi que l'expérience ont conduit la
Chambre à octroyer une baisse de 25% sur le loyer de l'appartement.
A titre subsidiaire, la Chambre a estimé l'état locatif admissible sur la base
d'un prix d'acquisition de 6'167'640 fr. (réévaluation du prix de 6 millions
ressortant de l'arrêté de 1994), en appliquant un taux d'intérêt de 2,75% sur
40% de ce montant et de 2,25% sur le solde. Elle a ainsi obtenu un montant de
quelque 26% inférieur à l'état locatif produit par le bailleur (301'255 fr.).

C. 
Le bailleur (ci-après: le recourant) a interjeté un recours en matière civile
auprès du Tribunal fédéral, concluant à ce que le jugement de première instance
soit confirmé et à ce qu'il soit dit que le loyer net de l'appartement est de
17'892 fr. par an, soit 1'491 fr. par mois, charges non comprises. Il a en
outre requis l'effet suspensif.
La locataire (ci-après: l'intimée), qui a procédé sans avocat, a conclu au
rejet du recours. L'autorité précédente s'est référée à son arrêt.
Par ordonnance du 26 novembre 2015, la présidente de la cour de céans a
constaté que la décision admettant une réduction de loyer était un jugement
formateur ou constitutif et que le recours interjeté à son encontre avait donc
de plein droit effet suspensif.
Les deux parties ont encore déposé une seconde écriture.

Considérant en droit :

1. 
Le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction constitutionnelle de
l'arbitraire, au motif que l'autorité précédente n'aurait pas tenu compte de la
décision rendue le 19 octobre 2012 par l'Office cantonal du logement. En
réalité, il ne reproche pas à l'autorité précédente d'avoir ignoré cette
décision, qui est évoquée dans l'arrêt attaqué, mais de ne pas en avoir tiré
certaines conclusions. Il s'agit là d'une question de droit, singulièrement de
l'application des art. 270 ss CO sur la contestation du loyer. La cour de céans
l'examine librement, sans être liée par l'argumentation du recourant (art. 106
al. 1 LTF).

1.1. L'immeuble abritant l'appartement occupé par l'intimée était soumis
jusqu'au 31 décembre 2012 à la LGL, dont le but est d'encourager la
construction de logements d'utilité publique, notamment par des prestations
d'ordre financier (art. 1 LGL). Cette loi prévoit que l'État instaure un
contrôle des loyers sur tous les logements construits par ou avec l'aide de
l'État de Genève; les logements ou locaux situés dans des immeubles construits
avec l'aide de l'État sont soumis à ce contrôle aussi longtemps qu'ils
bénéficient de l'aide (art. 1 al. 3 LGL). Pendant toute la durée du contrôle
des loyers, l'état locatif agréé de l'immeuble ne peut être modifié qu'en
raison de la diminution légale des prestations de l'État et de l'évolution des
conditions d'exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des
intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d'entretien et de
réparation (art. 42 al. 1 LGL). Aussi longtemps que les logements sont au
bénéfice de cette loi, le propriétaire ne peut les louer à un loyer supérieur
au loyer autorisé (art. 42 al. 2 LGL). La modification de l'état locatif agréé
relève du service étatique compétent, qui agit soit d'office, soit sur demande
du propriétaire ou d'un locataire (art. 42 al. 6 LGL). Le locataire, qui peut
consulter les pièces sur la base desquelles le loyer a été fixé (art. 42 al. 8
LGL), dispose d'un droit de réclamation contre les décisions en modification de
l'état locatif (art. 44 al. 1 LGL), puis d'un recours auprès de la juridiction
administrative (cf. art. 132 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire
du 26 septembre 2010 [LOJ; rs/GE E 2 05]; art. 56A de l'ancienne LOJ du 22
novembre 1941; sur la nécessité d'une telle possibilité, cf.  mutatis mutandis 
FELIX SCHÖBI, Verfahrensrechtliche Fragen rund um den Schutz des Mieters bei
subventionierten Wohnungen, mp 1997 p. 83).
De par le droit fédéral, l'autorité administrative ne peut pas autoriser des
loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis
dans l'immeuble ou provenant d'un prix d'achat manifestement exagéré. En effet,
l'art. 269 CO définissant le loyer abusif vaut aussi pour les appartements en
faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs
publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité, à tout le moins
pour ceux qui le sont en vertu du droit cantonal (art. 2 al. 2 OBLF [RS
221.213.11]; précédemment art. 4 al. 2 let. b de l'ordonnance du 10 juillet
1972 concernant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, dans sa
teneur du 14 mars 1983, entré en vigueur le 1 ^er avril 1983, RO 1983 256; cf.
arrêt 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 consid. 2.3, in SJ 2015 I 205). Le loyer
est apprécié exclusivement en fonction des coûts (MONTINI/WAHLEN, in Droit du
bail à loyer, Bohnet/Montini éd., 2010, n° 27 ad art. 253b CO; DAVID LACHAT, Le
bail à loyer, 2008, pp. 376 et 378; cf. aussi ROGER WEBER, in Basler Kommentar,
Obligationenrecht, vol. I, 6 ^e éd. 2015, n° 10 ad art. 253a/253b CO; PETER
HIGI, Zürcher Kommentar, 4 ^e éd. 1998, n. 30 des remarques préliminaires aux
art. 269 ss CO; SCHÖBI, op. cit., p. 86).

1.2. Le recourant n'a pas augmenté le loyer après le 1 ^er janvier 2013, si
bien qu'il ne saurait être question d'une contestation de l'augmentation du
loyer (art. 270b CO). Les parties n'ont pas conclu de nouveau contrat au 1 ^
er janvier 2013; le contrat d'origine, conclu le 25 juillet 2005, s'est
automatiquement renouvelé d'année en année faute d'avoir été résilié par l'une
des parties (cf. ATF 137 III 580 consid. 2 p. 584; 114 II 165 consid. 2b). Est
donc exclue l'hypothèse d'une contestation du loyer initial, procédure qui doit
être initiée dans les trente jours qui suivent la réception de l'objet loué
(art. 270 al. 1 CO). L'intimée se réfère à tort à la jurisprudence en la
matière, alors qu'elle a bel et bien déposé une demande en diminution du loyer
(art. 270a CO).
Deux méthodes de calcul sont applicables pour déterminer si le loyer est
admissible. Une première méthode, dite absolue, vise à examiner, sur la base
des prix du marché et des coûts supportés par le bailleur, mais sans égard aux
stipulations antérieures des parties, si le loyer est en soi abusif,
respectivement s'il procure un rendement excessif. La deuxième méthode, dite
relative, consiste à contrôler si une adaptation du loyer en cours de bail est
admissible en fonction des rapports contractuels entre les parties et de la
confiance éveillée auprès de la partie adverse; pour ce faire, le juge examine
en particulier l'évolution des critères de fixation du loyer entre le moment de
la fixation du précédent loyer et celui de la fixation du loyer contesté (ATF
120 II 240 consid. 2). Le principe de la confiance implique que la partie qui
ne conteste pas une adaptation de loyer ne peut pas ensuite se prévaloir du
fait qu'elle était abusive ou insuffisante (ATF 124 III 67 consid. 3 p. 68);
une modification de loyer n'est donc en principe admissible que si les
circonstances ont changé depuis la dernière adaptation.
Aux termes de l'art. 270a al. 1 CO, le locataire peut contester le montant du
loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation s'il a
une raison d'admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement
excessif au sens des articles 269 et 269a CO, à cause d'une notable
modification des bases de calcul, résultant en particulier d'une baisse des
frais. Selon une jurisprudence bien établie, une demande de diminution du loyer
en cours de bail s'apprécie à l'aide de la méthode relative, en ce sens que le
locataire ne peut invoquer que les facteurs de baisse qui se sont réalisés
depuis la dernière fixation du loyer (ATF 133 III 61 consid. 3.2.2.2).
Le bailleur peut toutefois exciper de la méthode absolue pour contrer une
demande de baisse de loyer fondée sur la méthode relative (ATF 141 III 569
consid. 2.1.2 et les arrêts cités).

1.3. La jurisprudence a admis qu'exceptionnellement la partie qui demande une
modification de loyer puisse invoquer la méthode absolue. Tel est notamment le
cas lorsque le précédent loyer résulte d'un bail à loyers échelonnés ou
indexés. Dans ce type de contrat, le loyer ne peut varier qu'en fonction d'un
seul facteur, soit le renchérissement ou l'échelonnement; l'on ne saurait donc
de bonne foi inférer que la modification de loyer fondée sur la clause
d'échelonnement ou d'indexation épuise tous les facteurs de modification (ATF
123 III 76 consid. 4c, 121 III 397 consid. 2b/bb).
La sortie d'un immeuble du contrôle cantonal des loyers constitue une autre
exception, que la jurisprudence a justifiée d'une part par le fait que les
dispositions relatives à la contestation du loyer abusif ne s'appliquent pas à
l'immeuble tant que les loyers sont soumis au contrôle de l'autorité (art. 253b
al. 3 CO), et d'autre part par le fait que les modalités spécifiques de
fixation du loyer par l'autorité administrative ne sont pas de nature à
éveiller chez le locataire la confiance, propre à la méthode relative, qu'il
s'acquitte d'un loyer suffisant (ATF 129 III 272 consid. 2.1, 123 III 171
consid. 6a). A l'origine de cette jurisprudence se trouve une cause dans
laquelle le loyer contrôlé par l'autorité administrative avait été fixé en
vertu de règles cantonales différentes du droit fédéral applicable au nouveau
loyer, soit à l'époque l'AMSL (arrêté fédéral du 30 juin 1972 instituant des
mesures contre les abus dans le secteur locatif, RO 1972 1531; ATF 117 II 77
consid. 2).
Dans un arrêt non publié du 9 juillet 2002, la cour de céans s'est demandée
dans quelle mesure l'égalité de traitement postule que le locataire puisse, à
l'instar du bailleur, invoquer des facteurs absolus à l'appui d'une demande de
baisse de loyer en cours de bail. Elle a conclu que seuls des cas exceptionnels
peuvent l'autoriser, en particulier lorsque le précédent loyer résulte d'un
bail échelonné ou indexé. Dans un obiter dictum, elle a relevé qu'en principe,
seul le bailleur peut se prévaloir de la méthode absolue en cas de sortie de
l'immeuble du contrôle cantonal des loyers, car il est vraisemblable qu'un
calcul de rendement aboutira généralement à la fixation d'un loyer supérieur à
celui soumis au contrôle administratif. Elle a néanmoins ajouté, sans plus
amples explications, que si tel ne devait pas être le cas, rien ne saurait
alors interdire au locataire d'invoquer la méthode absolue pour justifier une
demande de baisse de loyer (arrêt 4C.291/2001 consid. 2b/gg et 2c, in MRA 2002
p. 176; cf. LACHAT, op. cit., p. 542 ch. 5.4.3). Cette opinion n'a pas été
répétée dans des arrêts ultérieurs; la jurisprudence récente a par contre
précisé que lorsque les baux ne contiennent ni clause d'indexation ni clause
d'échelonnement, la méthode relative s'applique d'ordinaire pour juger de la
modification du loyer (ATF 137 III 580 consid. 2 p. 585).

1.4. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de droit privé sur le
loyer abusif s'appliquent aux baux d'habitations bénéficiant de mesures
d'encouragement prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au
contrôle d'une autorité; en outre, les loyers fixés par l'autorité
administrative sont susceptibles de recours auprès d'une autorité judiciaire
par les deux parties au contrat de bail. Ce régime ne se distingue pas
notablement de celui des art. 270 ss CO. On peut donc se demander si la méthode
absolue s'impose réellement après le passage d'un régime à l'autre ou si
l'habituelle méthode relative n'est pas suffisamment appropriée, puisqu'elle
permet au juge civil de tenir compte de toutes les évolutions intervenues
depuis la dernière fixation du loyer par l'autorité administrative, y compris
l'éventuelle perte de certaines prestations publiques par le bailleur. La
question de la méthode applicable peut toutefois rester indécise en l'espèce.

2. 
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 269a let. a CO, selon lequel
le loyer n'est en règle générale pas abusif lorsqu'il se trouve dans les
limites des loyers usuels dans le quartier. En substance, il reproche à la cour
cantonale d'avoir «imposé un calcul de rendement» et de l'avoir sanctionné pour
son manque de collaboration alors qu'elle aurait dû appliquer le critère des
loyers du quartier, s'agissant d'un immeuble dont la dernière acquisition
onéreuse remontait à plusieurs décennies.

2.1. En vertu de l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au
bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée. Est ici visé le
rendement net des fonds propres investis. Ce rendement correspond au rapport
entre les revenus nets que procure la chose louée au bailleur, après déduction
de toutes les charges, et les fonds propres investis. Le loyer doit d'une part
offrir un rendement raisonnable par rapport aux fonds propres investis et
d'autre part couvrir les charges immobilières. Le calcul du rendement net
relève de la méthode absolue, où le loyer est contrôlé sur la base de la
situation financière de l'immeuble à un moment donné, sans égard aux accords
antérieurs. Globalement, il implique de déterminer les coûts d'investissement
financés par les fonds propres (principalement le prix d'acquisition de
l'immeuble) et d'appliquer à ces investissements un taux de rendement
admissible, qui se définit par le taux d'intérêt hypothécaire de référence
augmenté de 0,5%. Il convient d'y ajouter les charges immobilières annuelles,
soit les charges financières (en particulier les intérêts hypothécaires dus sur
les emprunts), les charges courantes (impôt, prime d'assurance, etc.) et les
charges d'entretien (ATF 141 III 245 consid. 6.3). Il n'est pas possible de
substituer aux coûts d'investissement d'autres valeurs, plus ou moins
abstraites, telles que la valeur vénale de l'immeuble, sa valeur fiscale ou sa
valeur d'assurance-incendie, celles-ci se référant à des valeurs objectives
liées au marché et non aux coûts concrets liés à l'acquisition de l'immeuble (
ATF 122 III 257 consid. 3b/bb).
Il appartient au locataire de prouver que le loyer convenu procure au bailleur
un rendement excessif. Toutefois, selon les principes généraux tirés des règles
de la bonne foi, la partie qui n'a pas la charge de la preuve, à savoir le
bailleur, doit collaborer loyalement à l'administration des preuves et fournir
les éléments qu'elle est seule à détenir (arrêt 4A_250/2012 du 28 août 2012
consid. 2.3, in SJ 2013 I 49). Une violation de cette obligation ne doit pas
être admise à la légère; elle suppose que le locataire se trouve dans
l'impossibilité d'apporter lui-même la preuve et que la bonne foi impose au
bailleur de collaborer (HANS PETER Walter, in Berner Kommentar, Schweizerisches
Zivilgesetzbuch [...], vol. I/1, 2012, n° 318 s. ad art. 8 CC).
Si, sur la base des documents remis par les parties, le rendement net peut être
établi, c'est en fonction de ce critère qu'il convient de déterminer si le
loyer litigieux est abusif au sens de l'art. 269 CO. Lorsqu'aucun document
n'est remis au juge ou que les pièces fournies sont insuffisantes pour établir
le rendement net, il faut distinguer selon que cette carence est ou non
imputable au bailleur.
Le bailleur qui, sans aucune justification, refuse ou néglige de produire les
pièces comptables en sa possession (ou se défait de ces pièces afin de ne pas
pouvoir les produire) viole son obligation de collaboration. De nature
procédurale, celle-ci ne touche pas au fardeau de la preuve et n'implique pas
un renversement de celui-ci. C'est dans le cadre de l'appréciation des preuves
que le juge tirera les conséquences d'un refus de collaborer à l'administration
de la preuve. En l'absence de tout autre élément de preuve, le refus du
bailleur peut convaincre le juge de la fausseté complète ou partielle de ses
allégations et l'amener à croire les indications de l'autre partie. Toutefois,
s'il dispose de données statistiques cantonales ou communales, le juge ne peut
se contenter de tirer les conséquences du refus du bailleur, mais doit faire
intervenir ces données dans le cadre de l'appréciation globale des preuves. Ces
statistiques, même si elles ne sont pas suffisamment différenciées au sens de
l'art. 11 al. 4 OBLF, constituent, faute de mieux, un repère objectif pouvant
être pris en compte pour fixer le loyer admissible. Le cas échéant, il s'agira
de pondérer les chiffres figurant dans ces statistiques en fonction des
caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du loyer payé par le
précédent locataire ou encore de l'expérience du juge.
En revanche, si le bailleur justifie le défaut de production, ce défaut est
dénué de toute portée. Dans le cadre de l'appréciation des preuves, il s'agit
alors de tenir compte des statistiques qui, faute de mieux, permettront
d'établir le loyer admissible, le cas échéant en pondérant les chiffres en
fonction des caractéristiques concrètes de l'appartement litigieux, du loyer
payé par le précédent locataire ou de l'expérience du juge.
Ces principes, retenus dans un arrêt récent concernant une contestation du
loyer initial (arrêt 4A_461/2015 du 15 février 2016 consid. 3.2 et 3.3),
s'appliquent dans la présente cause portant sur la diminution, en cours de
bail, d'un loyer précédemment soumis au contrôle de l'autorité administrative,
qui l'avait récemment accepté.

2.2. En l'espèce, le recourant a acquis l'immeuble par donation en août 2012.
Dans le cadre de la présente procédure, il a toujours allégué ne pas être en
possession des pièces permettant d'établir le calcul de rendement, qui doit
être effectué en se plaçant à la fin du mois de novembre 2012 (cf. ATF 141 III
245 consid. 3; 122 III 20 consid. 4b). L'autorité précédente lui a reproché de
ne pas avoir justifié de manière objective et convaincante son impossibilité de
les produire. Selon elle, rien n'indiquait que le précédent propriétaire fût
incapable de fournir les documents nécessaires au calcul de rendement
(s'agissant des charges d'exploitation), de même que les précédentes régies,
l'immeuble ayant toujours été géré par des professionnels de l'immobilier; de
surcroît, on pouvait attendre du bailleur qu'il conserve les documents
justificatifs pendant toute la période de contrôle des loyers; le cas échéant,
il appartenait au recourant de consulter le dossier auprès de l'Office du
logement afin de reconstituer les pièces en lien avec la situation financière
de l'immeuble.
Cette analyse ne peut être suivie. Le bailleur est tenu de produire les pièces
qu'il est seul à détenir. En l'espèce, le recourant a soutenu ne jamais avoir
été en possession des pièces requises au motif qu'il a acquis l'immeuble à
titre gratuit. Ces pièces n'ont certainement pas joué de rôle lors de la
conclusion et de l'exécution du contrat de donation; il est dès lors
parfaitement concevable que le donateur ne les ait pas remises au recourant et
que celui-ci ne les ait pas demandées. Rien ne permet de contredire la
déclaration du recourant. L'autorité précédente elle-même ne le fait pas
clairement et semble au contraire admettre l'idée que le recourant pourrait ne
pas être ni avoir été en possession de ces pièces.
Le bailleur doit remettre les pièces pertinentes qu'il est le seul à posséder,
car son refus pourrait empêcher le locataire d'apporter la preuve du caractère
abusif du loyer. Cette obligation de collaborer loyalement ne va pas au-delà de
la production des pièces que lui seul détient. Le bailleur n'est aucunement
tenu de se procurer des pièces auprès de tiers afin de les verser à la
procédure. Il appartient le cas échéant au locataire de requérir en procédure
que le juge ordonne à ces tiers de produire les pièces dont il a besoin afin
d'être en mesure de prouver les faits pour lesquels il supporte le fardeau de
la preuve. En l'espèce, en faisant reproche au recourant d'avoir violé son
devoir de collaboration pour ne pas s'être procuré les pièces nécessaires à
l'établissement du rendement admissible, l'autorité précédente a violé le droit
fédéral; cette exigence revient de fait à renverser le fardeau de la preuve au
détriment du recourant.
Qui plus est, les conséquences que l'autorité précédente a tirées de la
prétendue violation du devoir de collaboration ne sont pas non plus compatibles
avec le droit fédéral. Il n'est pas admissible de déduire de cette seule
violation, sans tenir compte des autres éléments figurant au dossier, qu'un
loyer précédemment contrôlé par l'autorité administrative est abusif, puis
ensuite d'écarter sans autre discussion les données statistiques établies par
la première instance au seul motif qu'elles démontrent que le loyer n'est
précisément pas abusif.

2.3. Le rendement admissible de l'immeuble, pour lequel le locataire supporte
le fardeau de la preuve, n'a pas pu être déterminé en l'espèce. L'autorité de
première instance s'est dès lors fondée sur diverses données statistiques dont
la justesse n'est pas contestée; elle l'a fait à bon escient, faute de
statistiques genevoises satisfaisant aux exigences de l'art. 11 al. 4 OBLF.
Comme le reconnaît elle-même l'autorité précédente, ces statistiques ne
permettent pas d'admettre que le loyer de l'intimée serait abusif. En outre, ce
loyer a été contrôlé et considéré comme non abusif par l'autorité
administrative; à l'époque, l'intimée n'avait pas contesté l'avis de
modification du loyer. Dans ces circonstances, l'action en réduction du loyer
de l'appartement doit être rejetée.

3. 
L'intimée succombe et supporte partant les frais et dépens de la présente
procédure (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). La procédure devant les
autorités genevoises n'a donné lieu à aucun émolument et aucuns dépens n'ont
été alloués (art. 116 CPC; ATF 139 III 182 consid. 2).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis et l'arrêt du 7 septembre 2015 est annulé.

2. 
Les demandes en diminution de loyer formées par l'intimée sont rejetées. Les
parties sont déboutées de toutes autres conclusions.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4. 
L'intimée versera au recourant une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers
de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 22 août 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben