Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.556/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_556/2015

Arrêt du 3 mai 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Reynald P. Bruttin,
recourante,

contre

Z.________,
représentée par Me Pierre-Yves Bosshard,
intimée.

Objet
bail à loyer; sous-location; annulabilité du congé,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2015 par la
Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. Z.________, née en décembre 1943, est locataire depuis 1977 d'un
appartement de 4,5 pièces au premier étage d'un immeuble situé à la route... à
Genève. Depuis juillet 1993, le loyer mensuel est de 831 fr. (696 fr. plus 135
fr. de charges). Le bail est renouvelable tacitement d'année en année, sauf
préavis de résiliation donné trois mois avant l'échéance du 31 octobre.

A.b. Par contrat du 28 avril 2012, la locataire a sous-loué l'appartement à
S.________ pour la période du 1 ^er juillet 2012 au 30 juin 2013, avec
possibilité de renouvellement tacite d'année en année. Le sous-loyer mensuel a
été fixé à 1'000 fr. (865 fr. plus 135 fr. de charges). La convention précisait
que l'appartement était partiellement meublé.
Dans un courrier du 31 mai 2012, la locataire a demandé à la bailleresse
X.________ l'autorisation de sous-louer l'appartement. Elle expliquait qu'après
avoir atteint l'âge de la retraite il y a quelques années, elle allait quitter
la Suisse pour rejoindre son compagnon en Espagne. Toutefois, étant de
nationalité suisse et ayant vécu plus de soixante ans à Genève, elle n'excluait
pas d'y revenir si la vie en Espagne devait ne pas lui convenir. Le contrat de
sous-location et un "inventaire des meubles et objets de l'appartement" étaient
annexés à cette missive.
Le 8 juin 2012, la régie immobilière mandatée par la bailleresse a répondu que
la sous-location était acceptée pour la période du 1 ^er juillet 2012 au 30
juin 2013, étant précisé qu'à cette échéance, la locataire devrait réintégrer
son logement ou le restituer.
La locataire, qui a la double nationalité espagnole et suisse, a quitté la
Suisse pour l'Espagne à la fin du mois de juin 2012. Elle a annoncé son départ
à l'Office cantonal de la population et s'est domiciliée en Catalogne, où elle
habite dans un appartement avec son compagnon de nationalité française, qu'elle
connaît depuis 1968. Elle ne paie plus d'impôts en Suisse et n'a plus
d'assurance-maladie. Elle a donné une procuration sur son compte bancaire à une
amie qui habite dans l'immeuble....

A.c. Par lettre du 31 mai 2013, la locataire a informé la régie qu'elle
souhaitait conserver le bail de l'appartement. Elle expliquait se trouver
provisoirement en Espagne, pays qui lui plaisait. Toutefois, elle constatait
après une année qu'elle n'avait pas l'intention d'y finir ses jours et que la
Suisse, où elle avait vécu toute sa vie, lui manquait. Elle était venue
régulièrement à Genève voir sa fille, sa famille et ses amis et avait
l'intention d'y revenir fréquemment avant de s'y réinstaller. "Actuellement",
la sous-locataire lui versait 750 fr. par mois car elle-même avait gardé la
jouissance exclusive d'une chambre et pouvait utiliser la cuisine et le salon.
Elle avait laissé une partie de son mobilier et ses ustensiles de cuisine dans
l'appartement.
La régie a répondu le 13 juin 2013 que la sous-location avait été autorisée
pour une période d'une année non renouvelable, afin de permettre à la locataire
d'apprécier les conditions de son installation en Espagne. Dans la mesure où la
locataire avait annoncé son départ à l'Office cantonal de la population, elle
avait valablement transféré son domicile à l'étranger et n'avait plus de raison
valable de prolonger la sous-location. Aussi était-elle invitée soit à
réintégrer l'appartement au 30 juin 2013, soit à convenir de la date à laquelle
le bail pourrait être résilié d'un commun accord, étant précisé que la
bailleresse n'était pas opposée à lui accorder quelques mois supplémentaires
pour permettre à la sous-locataire de s'organiser. En l'absence de
réintégration ou d'accord négocié avant le 1 ^er juillet 2013, la bailleresse
prendrait les dispositions prévues par la loi.
Le 27 juin 2013, la locataire a répliqué qu'elle venait régulièrement à Genève,
où elle avait vécu toute sa vie et où se trouvaient sa fille, ses amis et de
"nombreux liens artistiques". Elle n'avait pas à réintégrer un appartement
qu'elle n'avait jamais quitté. Elle allait donc sous-louer une chambre de son
appartement à sa "locataire actuelle".
Par avis du 2 juillet 2013, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 octobre
2013. Dans sa lettre d'accompagnement, elle précisait qu'elle n'entendait pas
laisser la locataire "poursuivre une sous-location quelconque". Le domicile
actuel de la locataire était en Espagne depuis suffisamment longtemps pour
qu'un retour à Genève puisse être raisonnablement exclu. La situation actuelle
constituait en réalité un transfert de bail non autorisé.

B.

B.a. La locataire a saisi l'autorité de conciliation le 2 août 2013, puis
déposé une demande le 20 janvier 2014 devant le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève. Elle concluait principalement à l'annulation du congé,
subsidiairement à une prolongation de bail de quatre ans échéant le 31 octobre
2017, avec possibilité de restituer les locaux en tout temps moyennant un
préavis d'une semaine.
Le Tribunal a procédé à l'interrogatoire des parties et à l'audition de
témoins.
La locataire a déclaré qu'elle n'excluait pas de revenir s'installer à Genève
en fonction notamment des aléas de sa vie privée. A ce stade, elle n'avait
entamé aucune démarche auprès de l'Office cantonal de la population. Elle
revenait régulièrement à Genève, parfois en avion mais le plus souvent en
voiture, pour voir sa fille (qui travaillait à Zurich et disposait d'un
pied-à-terre à Genève), ses amis et ses contacts professionnels, étant précisé
qu'elle était compositeur. Elle prévenait la sous-locataire de ses séjours le
plus souvent par mail, parfois par téléphone ou SMS. Durant huit à neuf mois,
la sous-locataire avait sous-loué tout l'appartement. Elles avaient ensuite
convenu, en raison des fréquents séjours de la locataire à Genève, de laisser à
celle-ci l'usage d'une des deux chambres et de réduire le sous-loyer à 750 fr.
par mois. L'amie de la locataire habitant l'immeuble encaissait le sous-loyer
et payait à la bailleresse le loyer et le supplément de charges.
La sous-locataire a pour sa part expliqué qu'elle travaillait à Genève et
Lausanne, vivant environ trois jours par semaine à Genève et quatre jours en
Valais, où elle avait acquis un logement et déposé ses papiers en 2011. Avant
de conclure la sous-location, elle ne connaissait pas la locataire, qui était
devenue une amie au fil du temps. La sous-location s'était d'abord faite pour
1'000 fr. par mois, puis pour 750 fr. dès juin 2013; la locataire avait proposé
cette baisse du fait que depuis le début, elle dormait dans une des chambres de
l'appartement lorsqu'elle séjournait à Genève, soit environ une semaine tous
les deux ou trois mois. La locataire avait conservé un jeu de clés. Lorsque la
régie avait annoncé qu'il fallait mettre fin à la sous-location, la locataire
avait indiqué à la sous-locataire qu'elle songeait peut-être à rentrer en
Suisse d'ici quelques années.
A l'audience des plaidoiries finales, le collaborateur de l'ASLOCA représentant
la locataire a plaidé que la sous-location n'était que partielle; la locataire
n'avait pas à réintégrer un logement qu'elle n'avait quitté que pendant un an,
soit le temps de la première année pendant laquelle elle avait sous-loué
l'entier de l'appartement.

B.b. Par jugement du 1 ^er décembre 2014, le Tribunal des baux et loyers a
annulé le congé (ch. 1 du dispositif) et rejeté toutes autres conclusions (ch.
2). En substance, il a jugé que le motif invoqué à l'appui du congé - une
sous-location équivalant à un transfert de bail déguisé - n'était qu'un
prétexte, de sérieux doutes planant sur l'intention déclarée de louer
l'appartement à une personne en ayant réellement besoin. Le congé contrevenait
ainsi aux règles de la bonne foi.

B.c. Statuant sur appel de la bailleresse, la Cour de justice a confirmé ce
jugement par substitution de motifs. Après avoir constaté que le motif réel du
congé était la sous-location non autorisée, elle est arrivée à la conclusion
que le congé fondé sur un tel motif contrevenait aux règles de la bonne foi.
Dans un premier temps, la locataire avait sous-loué la totalité de
l'appartement. Toutefois, au moment de la résiliation, la sous-location n'était
que partielle, ce qui avait d'ailleurs entraîné une réduction du sous-loyer.
Même si elle avait déplacé son domicile à l'étranger, la locataire n'avait pas
entièrement perdu l'usage de l'appartement, qu'elle occupait durant une semaine
tous les deux ou trois mois. Elle n'avait pas d'obligation contractuelle
d'utiliser les locaux de manière permanente. Elle avait mis ceux-ci à
disposition d'une personne qui n'y séjournait pas constamment, mais seulement
trois jours par semaine pour des raisons professionnelles. Pour le surplus, la
bailleresse ne prétendait pas que la sous-location partielle serait régie par
des conditions abusives, ni qu'elle présenterait pour elle des inconvénients
majeurs. La bailleresse n'était pas légitimée à interdire par principe toute
sous-location.

C. 
La bailleresse saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile
tendant à faire constater la validité du congé signifié pour le 31 octobre 2013
et à faire rejeter toutes autres ou contraires conclusions de la locataire.
La locataire intimée conclut au rejet du recours. L'autorité précédente se
réfère à son arrêt.

Considérant en droit :

1. 
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites
sur le principe, notamment celles afférentes au délai (art. 100 al. 1 LTF) et à
la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF; cf. ATF
137 III 389 consid. 1.1).

2. 
La recourante ne formule aucun grief de fait. Le Tribunal fédéral statue donc
sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF),
notamment s'agissant du motif réel du congé, qui est la sous-location non
autorisée. Cela ne l'empêche pas pour autant d'apporter quelques précisions,
sur la base des procès-verbaux figurant au dossier, aux résumés des
déclarations de parties et de témoins figurant dans le jugement entrepris (cf.
art. 105 al. 2 LTF).

3.

3.1. La bailleresse dénonce une violation des art. 262 et 271 [recte: 271a] al.
1 let. a CO. Elle plaide avoir autorisé la sous-location pour une année
uniquement, afin de permettre à la locataire d'apprécier sa volonté de
s'installer en Espagne. Son refus de prolonger la sous-location serait
justifié. Sauf à violer l'art. 262 CO, l'on ne saurait contraindre la
bailleresse à poursuivre le contrat de bail dans des conditions qui ne
correspondent nullement à la situation à laquelle doit raisonnablement
s'attendre un bailleur, soit avec une locataire qui n'est plus officiellement
domiciliée en Suisse et qui utilise le logement exclusivement comme
pied-à-terre pendant quatre à six semaines par an, moyennant un loyer modeste
pour ne pas dire dérisoire. Sachant qu'elle ne pourrait jamais obtenir un
transfert de bail en faveur de la sous-locataire, la locataire aurait choisi de
"construire" juridiquement une sous-location permettant à la première de
bénéficier d'un loyer de faveur introuvable en ville de Genève même pour un
simple studio.

3.2. En vertu de l'art. 271 al. 1 CO, le congé est annulable lorsqu'il
contrevient aux règles de la bonne foi. L'art. 271a CO énonce des exemples de
motifs de résiliation contraires à la bonne foi. Tel est notamment le cas du
congé donné parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions
découlant du bail (art. 271a al. 1 let. a CO). Ces prétentions comprennent
entre autres le droit de sous-louer la chose louée, fondé sur l'art. 262 CO (
ATF 138 III 59 consid. 2.2.1).
Selon l'art. 262 CO, le locataire peut sous-louer tout ou partie de la chose
avec le consentement du bailleur (al. 1). Le bailleur ne peut refuser son
consentement que dans trois cas (al. 2) : si le locataire refuse de lui
communiquer les conditions de la sous-location (let. a); si les conditions de
la sous-location, comparées à celle du contrat de bail principal, sont abusives
(let. b); et enfin, si la sous-location présente pour le bailleur des
inconvénients majeurs (let. c).
Un arrêt récent fait une synthèse de la jurisprudence relative au droit de
congédier le locataire en raison d'une sous-location (arrêt 4A_290/2015 du 9
septembre 2015). Lorsque le locataire sous-loue totalement ou partiellement la
chose louée sans autorisation, le bailleur peut valablement donner un congé
ordinaire s'il s'avère qu'il était en droit de refuser son consentement,
c'est-à-dire si l'une ou l'autre des conditions prévues à l'art. 262 al. 2 CO
est réalisée. La résiliation est également valable si le simple fait de ne pas
avoir requis le consentement préalable du bailleur est de nature à anéantir le
lien de confiance entre les deux parties. A ces cas s'ajoute encore
l'interdiction générale de l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC: en
effet, le locataire qui abuse de son droit à la sous-location ne saurait être
protégé. Il faut alors raisonner comme si son droit n'existait pas (arrêt
précité consid. 4.3.1, 4.4.1 in fine et 4.4.2).
Selon la jurisprudence, la sous-location est en soi conçue pour le locataire
qui n'a temporairement plus l'usage de la chose louée - par exemple en raison
d'un stage professionnel ou d'études dans un autre lieu - et qui le cède
provisoirement à un tiers pour se décharger du fardeau économique que constitue
le loyer; est aussi envisageable le cas d'un appartement devenu trop grand à la
suite du décès ou du départ d'un membre de la famille, et qui est sous-loué à
un tiers pour partie seulement. Sous réserve de conventions contraires, le
droit à la sous-location n'existe que si le locataire a l'intention de
réutiliser lui-même la chose louée dans un avenir prévisible. En revanche, s'il
a perdu toute idée de reprendre un jour l'usage de la chose louée et qu'il a
procédé en réalité à une substitution de locataire par la voie détournée de la
sous-location, il y a abus de droit. Le juge doit se montrer relativement
strict dans l'examen de l'intention du locataire de réintégrer les locaux
loués, celle-ci devant résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible.
La vague possibilité de réintégrer un jour l'objet loué ne suffit pas à
justifier une sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 63; 134 III 446
consid. 2.4; arrêt 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.1, in CdB 2011 p.
15).
La cour de céans a été saisie d'un cas où le bailleur avait notifié un congé
anticipé en faisant valoir que le locataire avait procédé dans les faits à un
transfert de bail en faveur de sa fille. Dans ce contexte, la cour de céans a
souligné que la substitution de locataire, dénuée de toute intention de
reprendre un jour l'usage de la chose louée, suppose que le locataire qui
sous-loue ait entièrement perdu cet usage, ce qu'il incombe au bailleur de
prouver. En l'occurrence, une telle preuve n'était pas rapportée. La fille du
locataire occupait à tout le moins partiellement l'appartement; selon ses
dires, elle était hébergée de façon gracieuse. Par ailleurs, le locataire
dormait dans l'appartement une à deux fois par semaine, selon les déclarations
concordantes de l'intéressé et de ses proches (arrêt 4A_209/2014 du 16 décembre
2014 spéc. consid. 4.2).
En revanche, le Tribunal fédéral a retenu un abus du droit à la sous-location
et admis la validité du congé ordinaire dans l'affaire suivante (arrêt 4C.124/
1999 du 6 octobre 1999 consid. 4) : deux colocataires s'apprêtant à déménager
avaient dans un premier temps requis le transfert du bail au profit de proches;
l'un des colocataires précisait qu'il serait heureux de pouvoir loger chez ses
proches une ou deux fois par semaine lorsqu'il viendrait voir sa clientèle.
Après avoir essuyé un refus de la bailleresse, les colocataires l'ont avisée
qu'ils avaient sous-loué partiellement l'appartement à leurs proches tout en
conservant une pièce et demie faisant office de pied-à-terre pour leurs
déplacements hebdomadaires. De fait, les colocataires ont déménagé dans un
autre canton où ils ont déposé leurs papiers. La bailleresse a résilié le bail.
La cour de céans a constaté que l'intention des locataires était de transférer
à des tiers leur droit d'usage sur l'appartement et de se libérer
définitivement des obligations du bail; la sous-location apparaissait comme un
moyen d'aboutir au résultat recherché en contournant le refus de la bailleresse
et permettait à des proches d'occuper un logement avantageux; la possibilité de
disposer d'un pied-à-terre apparaissait tout à fait secondaire. Du reste, les
locataires n'entendaient pas à l'origine donner une quelconque forme juridique
à cette simple possibilité d'hébergement.

3.3. En l'occurrence, la Cour de justice a cité l'arrêt selon lequel la
substitution de locataire, dénuée de l'intention de reprendre un jour l'usage
de la chose louée, suppose que le locataire qui sous-loue ait entièrement perdu
l'usage de la chose louée (arrêt précité 4A_209/2014). Elle a constaté que tel
n'était pas le cas en l'espèce, ajoutant que le locataire n'avait pas
l'obligation contractuelle d'utiliser le logement en permanence.
En réalité, il ne suffit pas d'établir une quelconque utilisation de la chose
louée par le locataire pour en déduire de facto qu'il a le droit de la
sous-louer partiellement. L'hypothèse de l'abus de droit peut être retenue même
lorsqu'il utilise encore partiellement les locaux (cf. arrêts précités 4A_290/
2015 consid. 4.4.1 in fine et 4C.124/1999). Le juge doit donc examiner toutes
les circonstances du cas concret pour déterminer si le locataire commet ou non
un abus de droit en se prévalant du droit à la sous-location.

3.4. Au préalable, il sied de rejeter l'argument de l'intimée selon lequel la
bailleresse aurait consenti à la sous-location et ne pourrait retirer son
autorisation qu'en notifiant à la locataire une formule officielle conformément
à l'art. 269d al. 3 CO (cf. arrêt précité 4A_290/2015 consid. 4.4.1). La
bailleresse a certes consenti à la sous-location, mais pour une période limitée
à un an. Elle s'est dite prête à accorder quelques mois supplémentaires, mais
aucun accord n'a été trouvé au 30 juin 2013 (cf. courrier du 13 juin 2013,
supra let. A.c). Il s'ensuit qu'à compter du 1 ^er juillet 2013, la
sous-location n'était plus autorisée.

3.5. La locataire, qui vit depuis juillet 2012 en Espagne où elle est
officiellement domiciliée, a affirmé respectivement ne pas vouloir finir ses
jours dans ce pays et vouloir se réinstaller en Suisse (courrier à la
bailleresse du 31 mai 2013), ne pas exclure un retour en Suisse selon les aléas
de sa vie privée notamment (déclaration devant le Tribunal des baux), et songer
peut-être à rentrer en Suisse d'ici quelques années (témoignage de la
sous-locataire). Elle n'a à aucun moment affirmé ne pas être encore acclimatée
à l'Espagne et avoir besoin de temps supplémentaire pour prendre sa décision.
Elle occupe l'appartement genevois durant une semaine tous les deux à trois
mois, soit entre quatre et six semaines par an, moyennant une participation de
81 fr. sur un loyer de 831 fr., charges comprises (831 fr. - 750 fr. payés par
la sous-locataire).
Le droit à la sous-location conféré par l'art. 262 CO ne saurait permettre à
une locataire partie s'établir à l'étranger après sa retraite de se réserver
indéfiniment l'usage d'un appartement au loyer avantageux, en simple prévision
de l'hypothèse où les aléas de la vie pourraient la conduire à vouloir se
réinstaller en Suisse. Il ne s'agit-là que d'une vague possibilité insuffisante
au regard de la jurisprudence. Si la locataire a conservé un certain usage de
l'appartement, il se résume à quatre ou six semaines par an, moyennant une
participation insignifiante au coût du loyer. Cet usage de pied-à-terre a
initialement donné lieu à un arrangement informel entre parties, qui se sont
suffisamment bien entendues pour devenir amies. Il résulte en effet du
témoignage de la sous-locataire que "depuis le début", la locataire principale
dormait dans l'une des chambres lorsqu'elle séjournait à Genève et qu'elle lui
a "ensuite" proposé de réduire son sous-loyer. La locataire a elle-même soutenu
dans son courrier du 31 mai 2013 qu'elle était revenue régulièrement à Genève
et qu'elle avait l'intention de continuer. Devant le Tribunal des baux, elle a
confirmé que ses retours fréquents en Suisse avaient conduit les parties à
convenir d'une réduction du sous-loyer. Le représentant de la locataire a
certes affirmé à l'audience de plaidoiries finales que celle-ci avait "quitté"
l'appartement pendant un an, mais il se référait manifestement au contrat de
sous-location totale, et donc pas nécessairement à la situation de fait. Quoi
qu'il en soit, un usage aussi sporadique de l'appartement avec une
participation infime au coût du loyer ne saurait fonder un droit à la
sous-location. La situation est différente de l'affaire précitée (4A_209/2014),
où le locataire dormait une à deux fois par semaine dans l'appartement et
hébergeait sa fille qui l'occupait au moins partiellement, et ce à titre
gratuit. En l'occurrence, avec la construction mise en place, la sous-locataire
se retrouve bel et bien dans la position d'une locataire principale, qui a une
jouissance quasi totale de l'appartement et en assume économiquement la très
grande majorité du coût. A cet égard, il importe peu qu'elle n'occupe
l'appartement que trois jours par semaine pour des raisons professionnelles -
il s'agit d'un droit du locataire principal - et dispose d'un autre logement.
Peu importe aussi qu'elle n'ait pas l'intention de rester à long terme et de
s'établir à Genève, puisque la titulaire du bail principal arguera de son droit
à la sous-location pour mettre en place une autre personne.
En bref, la locataire qui utilise quatre à six semaines par an l'appartement
loué dont le coût est essentiellement supporté par une tierce personne, alors
que sa fille dispose de surcroît d'un pied-à-terre dans la même ville, abuse de
son droit à la sous-location pour conserver la mainmise sur un appartement au
loyer manifestement avantageux, en prévision d'un très aléatoire retour en
Suisse. Dans ces circonstances, la bailleresse était en droit de refuser son
consentement et de signifier un congé ordinaire. Le fait que la bailleresse ait
elle-même été soupçonnée d'utiliser des proches comme prête-noms pour pratiquer
dans l'immeuble des sous-locations à des prix élevés (arrêt 4A_623/2010 du 2
février 2011 consid. 2.5) ne l'empêche pas de se prévaloir d'un abus du droit à
la sous-location dans un cas où une locataire détourne ce droit. A juste titre,
la locataire n'en tire pas argument devant la cour de céans.

3.6. Pour le surplus, la locataire ne prétend pas que les exigences quant aux
délai et terme de congé et quant à la forme auraient été violées.
Les considérations qui précèdent conduisent à la conclusion que le congé
signifié par avis du 2 juillet 2013 pour le 31 octobre 2013 est valable.

4.

4.1. Dans sa demande, la locataire avait pris une conclusion subsidiaire en
prolongation de bail pour une durée de quatre ans. Le Tribunal des baux et
loyers et la Cour de justice n'ont pas eu à traiter cette question du moment
qu'ils annulaient le congé. C'est le lieu de statuer sur cette conclusion, même
si la locataire ne l'a pas reformulée en appel ni devant la cour de céans (cf.
arrêt 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 4; cf. aussi arrêt 4A_386/2014 du
11 novembre 2014 consid. 4.1).

4.2. A teneur de l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la
prolongation d'un bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille
des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifie. Pour
trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en tenant
compte notamment des critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition.
Lorsqu'il s'agit d'un logement, la durée maximale de la prolongation est de
quatre ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations
(art. 272b al. 1 CO).
Selon la jurisprudence, la prolongation du bail n'a de sens que si le report du
congé permet d'espérer une atténuation des conséquences pénibles
qu'entraînerait ce congé et laisse prévoir qu'un déménagement ultérieur
présenterait moins d'inconvénients pour le locataire, lequel ne saurait, en
revanche, invoquer les conséquences nécessairement liées à la résiliation du
bail en tant que telle. Il s'agit d'accorder au locataire plus de temps que lui
en donne le délai de résiliation ordinaire pour chercher de nouveaux locaux, et
non pas de lui donner l'occasion de profiter le plus longtemps possible d'un
appartement au loyer avantageux (ATF 116 II 446 consid. 3b). Le locataire ne
peut en principe pas se prévaloir des conséquences pénibles qu'endure son
sous-locataire (arrêts 4A_314/2014 du 24 novembre 2014 consid. 2.2; 4A_366/2012
du 3 septembre 2012 consid. 2.1 in fine et 3).
Dans le cas présent, la locataire n'a aucunement cherché à justifier sa
conclusion subsidiaire en prolongation de bail. Alors qu'elle était représentée
devant les instances cantonales par un avocat collaborateur de l'ASLOCA, elle
n'a pas exposé quelles conséquences pénibles le congé représenterait pour elle.
L'état de fait de l'arrêt attaqué ne permet pas de discerner de tels
inconvénients. La locataire ne vit plus dans l'appartement et n'y fait que des
passages sporadiques. Elle ne peut se prévaloir de la situation de la
sous-locataire (qui est au demeurant propriétaire d'un appartement à Sion et
copropriétaire d'un autre appartement à Genève, que son fils copropriétaire
occupe). La locataire a certes laissé une partie des meubles dans les locaux,
mais rien n'indique que ceux-ci puissent occasionner un déménagement plus
difficile que la moyenne.
Il n'y a ainsi pas matière à accorder une prolongation.

5. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué, en tant
qu'il confirme le chiffre 1 du dispositif du jugement de première instance,
doit être réformé en ce sens que le congé signifié pour le 31 octobre 2013 est
déclaré valable.
Conformément au droit genevois, les deux instances cantonales n'ont pas prélevé
de frais ni alloué de dépens, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer
la cause à l'autorité précédente (art. 22 al. 1 LaCC [RSG E 1 05] en relation
avec l'art. 116 al. 1 CPC; ATF 139 III 182 consid. 2.1 p. 185 s.).
Dans la mesure où la locataire intimée succombe, elle supportera les frais de
la présente procédure et versera à la bailleresse recourante une indemnité de
dépens (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis.

2. 
L'arrêt attaqué, en tant qu'il confirme le chiffre 1 du dispositif du jugement
rendu le 1 ^er décembre 2014, est réformé en ce sens qu'est déclarée valable la
résiliation adressée à Z.________ le 2 juillet 2013 pour le 31 octobre 2013,
concernant le bail sur l'appartement situé au premier étage de l'immeuble sis
route... à Genève.
L'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus.

3. 
Les frais de la présente procédure, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

4. 
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 3 mai 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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