Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.540/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_540/2015

Arrêt du 1er avril 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
Banque A.________ SA, représentée par Me Serge Fasel,
défenderesse et recourante,

contre

B.________, représenté par Me Jean-Pierre Gross,
demandeur et intimé.

Objet
gage mobilier en faveur d'une banque,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 28 août 2015 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. B.________ est un ressortissant... ayant exercé de hautes fonctions
politiques dans son pays. Pendant quelques années, il a recherché des
investisseurs pour le compte d'une banque. Il a en outre présidé un fonds
d'investissements étatique.
Le 10 juin 1999, le prénommé (ci-après: le client) a ouvert un compte auprès de
Banque A.________ SA (ci-après: la banque) à Genève. Il a signé des documents
préformulés rédigés en espagnol, en particulier les conditions générales de la
banque et un acte de nantissement. Ceux-ci prévoient l'application du droit
suisse aux relations entre la banque et le client, y compris celles en rapport
avec le gage. Le for est fixé au siège de la banque ou auprès de sa succursale
concernée.
En substance, l'art. 13 des conditions générales énonce que pour toutes les
prétentions résultant des relations d'affaires avec le client, sans égard à
leur échéance, la banque bénéficie d'un droit de gage et, pour ses créances,
d'un droit de compensation sur tous les avoirs et valeurs du client reposant
sous sa garde chez elle ou ailleurs pour le compte du client.
Selon l'art. 1 de l'acte de nantissement, le client déclare conférer à la
banque un droit de gage sur tous ses biens et droits qui se trouvent
actuellement ou qui pourraient être déposés ultérieurement auprès de la banque
ou se trouver en sa possession, y compris sur les valeurs non incorporées dans
un titre, ainsi que sur ses droits et créances à l'égard de la banque. En ce
qui concerne les biens et droits que la banque a confiés, en son nom propre, en
dépôt à des tiers en Suisse ou à l'étranger, le constituant déclare également
nantir en faveur de la banque tous les droits s'y rattachant, notamment le
droit de restitution et tous les droits de copropriété afférents à des dépôts
collectifs en Suisse ou à l'étranger.
L'art. 5 du même acte précise que les gages ainsi que les créances et autres
droits nantis et cédés garantissent toutes les créances actuelles ou futures de
la banque envers le constituant notamment en capital, intérêts, commissions,
frais de poursuite et de procédure d'exécution, ainsi que tous les autres frais
y afférents ou en rapport avec la réalisation des sûretés.

A.b. Le client a effectué divers placements.
Le 19 juin 2001, il a ordonné à la banque d'acquérir des parts dans le fonds
Fairfield Sentry Ltd (ci-après: Fairfield) pour un total de $ 100'000.-. Le
même jour, il a signé un document préimprimé rédigé en anglais dans lequel il
certifiait avoir donné l'instruction à la banque d'entreprendre cette opération
pour son propre compte et à ses propres risques, caractérisés en particulier
par les traits suivants: haut degré de volatilité, valeur influencée par la
situation économique du pays, mauvaise évaluation, instabilité de la valeur,
faible liquidité du marché, etc. Le signataire confirmait avoir entrepris ces
opérations sur son initiative personnelle et non sur celle de la banque. Il
attestait avoir une compréhension adéquate des mécanismes du marché financier
susceptible d'être hautement spéculatif. Il déchargeait la banque de toute
responsabilité pour les opérations couvertes par cette déclaration, sauf en cas
de faute sérieuse.

A.c. En 2006, un collaborateur de la banque a conseillé au client de vendre
complètement deux participations dont celle dans le fonds Fairfield. Le client
n'a accepté de vendre que la moitié des parts de ce fonds qui lui donnait
satisfaction. Il a ainsi ordonné à la banque de vendre 66,08 parts du fonds
Fairfield, ce qui a été fait le 15 mai 2006 pour un montant total de $
75'004,37. Après déduction de la commission de courtage de la banque ($
1'245,10), le compte du client a été crédité de $ 73'759,27.
En 2008, le même collaborateur a conseillé au client de vendre tous ses
investissements en  hedge fund. L'intéressé, dans un courriel du 21 octobre
2008, a suggéré de ne pas vendre les parts dans Fairfield qui était "très bien
même pendant la crise".
En décembre 2008, la découverte de la fraude de Bernard Madoff a révélé que les
parts du fonds Fairfield n'avaient plus de valeur. La banque a informé le
client que ledit fonds avait investi dans une société de Madoff et que son
évaluation était suspendue.

A.d. Le 14 mai 2010, les liquidateurs du fonds Fairfield ont ouvert action aux
Etats-Unis contre la banque et "les ayants droit économiques des comptes
ouverts au nom de la banque 1-1000". Ils réclamaient la restitution des
montants versés en contrepartie des ventes de parts; la valeur des parts aurait
été surestimée, eu égard à la fraude sur laquelle le fonds reposait. Des
actions similaires ont été introduites contre de nombreuses autres banques.
Le 26 juillet 2010, la banque a informé le client de cette action et a déclaré
bloquer ses avoirs. Dans un courrier ultérieur, elle a fait valoir son droit de
gage sur les avoirs du client en garantie de la créance qui pourrait naître de
la procédure aux Etats-Unis, laquelle tendait au remboursement du prix qu'elle
avait encaissé pour son compte en mai 2006 lors de la vente des parts
Fairfield; la banque invoquait l'art. 402 CO, les conditions générales et
l'acte de nantissement.
Le client a pris un avocat étranger qui a émis entre octobre 2010 et juillet
2011 des notes d'honoraires d'un montant total de $ 6'238.-.
En date du 14 octobre 2011, les avoirs du client avaient la composition
suivante:

-       EUR 991,80 sur un compte en euros;
-       $ 24'744,39 sur un compte en dollars américains;
-       433 parts du fonds F1.________,
       d'une valeur de $ 48'379.-;
-       85,9484 parts du fonds F2.________,
       d'une valeur de $ 90'231.-;
- 133,92 parts du fonds Fairfield,
       d'une valeur de $ 0.-.

B.

B.a. Le client a saisi l'autorité de conciliation le 21 décembre 2011, puis
déposé une demande le 2 mai 2012 devant le Tribunal de première instance du
canton de Genève. Il requérait que la banque soit condamnée à lui verser EUR
991,80 et $ 30'983,21, et à lui restituer les titres énoncés ci-dessus sous la
menace de peine prévue à l'art. 292 CP. Subsidiairement à sa conclusion
relative aux titres, il concluait au paiement de $ 57'610.-.
La banque a conclu au rejet.
Par jugement du 27 juin 2014, le Tribunal de première instance a condamné la
banque à restituer au client les participations précitées et à lui payer les
montants de EUR 991,80 et $ 24'744,39.

B.b. Statuant sur appel de la banque et appel joint du client, la Cour de
justice genevoise a complété cette décision en ce sens que la banque doit de
surcroît payer au client $ 6'238.- pour ses frais d'avocat avant procès. En
substance, la cour a jugé que la banque ne pouvait pas se prévaloir du droit de
libération conféré au mandataire par l'art. 402 al. 1 CO. Quant au droit de
gage découlant de l'acte de nantissement et des conditions générales, il ne
pouvait garantir que des créances auxquelles les parties pouvaient
raisonnablement penser lors de la constitution du gage; or, celles-ci ne
pouvaient imaginer que l'investissement dans le fonds Fairfield serait l'objet
d'une escroquerie qui amènerait les liquidateurs du fonds à actionner la banque
et les investisseurs. Une telle imprévisibilité excluait que la créance
invoquée soit couverte par le droit de gage (cf. au surplus infra consid. 2.3.2
et 3.3.1).

C. 
La banque a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans
lequel elle requiert que les conclusions du client soient entièrement rejetées.
Elle a en outre déposé une requête d'effet suspensif qui a été admise par
ordonnance du 10 novembre 2015.
Le client a conclu au rejet du recours. L'autorité précédente n'a pas déposé de
déterminations.

Considérant en droit :

1. 
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur
le principe, en particulier l'exigence d'une valeur litigieuse minimale de
30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).

2.

2.1. Le client prétend au paiement du solde de ses deux comptes bancaires, à la
remise des parts acquises dans trois fonds et à l'indemnisation de ses frais
d'avocat avant procès. La banque objecte que l'acte de nantissement signé par
le client lui confère un droit de gage en garantie de la créance qu'elle
détient ou pourrait détenir contre le client du fait de l'action intentée
contre elle par les liquidateurs du fonds Fairfield.

2.2. L'applicabilité du droit suisse n'est pas contestée.
Le gage mobilier est régi par les art. 884 ss CC. Sa constitution nécessite un
contrat par lequel le débiteur manifeste la volonté de créer un droit de gage.
La créance garantie doit être déterminable, tout comme l'objet du gage (cf.
entre autres PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, t. III, 4 ^e éd. 2012, n ^
os 3133, 3135, 3145 ss et 3208g).
Dans le cas présent, l'"acte de nantissement" signé par le client exprime la
volonté de constituer un droit de gage. Il définit de manière large mais
déterminable l'objet du gage. Servent en particulier de garantie les créances
du client à l'égard de la banque, ce qui inclut la créance en remboursement du
solde d'un compte courant; le débiteur peut effectivement constituer un gage
sur une créance qu'il détient lui-même contre le créancier gagiste (cf. ATF 116
III 82 consid. 3 trad. in JT 1992 II 114; 105 III 117 consid. 2a p. 120; cf.
par ex. BÉNÉDICT FOËX, Sûretés bancaires et droits réels, in Sûretés et
garanties bancaires, 1997, p. 137 i.f.-138; DIETER ZOBL, Berner Kommentar, 2 ^
e éd. 1996, n° 44 ad art. 899 CC). Au moment où cette créance devient exigible,
le créancier gagiste peut retenir le montant dû, respectivement procéder à une
compensation si sa propre créance garantie par le gage est aussi exigible
(OFTINGER/BÄR, Zürcher Kommentar, 3 ^e éd. 1981, n° 32 ad art. 891 et n° 49 ad
art. 906 CC).
Quand bien même aucune précision n'est donnée quant à la nature des
participations visées par la demande en restitution, il faut sans autre
admettre qu'elles entrent dans la définition large de l'objet du gage, qui
porte aussi sur les biens et droits que la banque a déposés en son nom propre
auprès de tiers. Le client ne soutient du reste pas le contraire.
L'"acte de nantissement" ayant été signé par le client, il satisfait à
l'exigence de forme écrite valant pour la constitution de gage sur des créances
ou autres droits non incorporés dans un papier-valeur (art. 899-901 CC; cf. par
ex. STEINAUER, op. cit., n° 3208a).

2.3.

2.3.1. Comme l'objet du gage, la créance garantie doit être suffisamment
déterminée. L'art. 27 al. 2 CC s'oppose à ce qu'un débiteur constitue un droit
de gage pour garantir toutes les créances futures que son créancier pourrait
avoir contre lui, sans que celles-ci soient définies par une limite dans le
temps, par le genre d'affaires dont elles résultent ou par la manière dont le
créancier les a acquises; un tel engagement est une atteinte inadmissible à la
liberté personnelle (ATF 106 II 257 consid. 5 p. 263; STEINAUER, op. cit., n°
3134). Le gage est admissible s'il garantit des créances auxquelles le
constituant pouvait raisonnablement penser lors de la constitution du droit
(ATF 51 II 273 consid. 4 p. 282). Est par exemple licite la clause prévoyant
que la garantie s'étend à toutes les créances résultant des relations
d'affaires entre une banque et son client (cf. arrêt 4A_435/2009 du 11 novembre
2009 consid. 3.3.1; STEINAUER, op. cit., n° 3134a.; ZOBL/THURNHERR, Berner
Kommentar, 3 ^e éd. 2010, n° 457 ss ad art. 884 CC; FOËX, op. cit., p. 143). En
revanche, ne sont pas couvertes les prétentions résultant d'un acte illicite
sans aucun rapport avec la relation d'affaires (ATF 108 II 47 consid. 2 p. 49
s.; ZOBL/THURNHERR, op. cit., n° 472 ad art. 884 CC).
Lorsque le contrat de gage contient un engagement excessif, la couverture
offerte par le droit de gage doit être ramenée à ce qui est admissible, que ce
soit par une interprétation restrictive ou en vertu de l'art. 20 al. 2 CO (ATF
120 II 35 consid. 4a; 108 II 47 consid. 2 p. 49; THOMAS BAUER, in Basler
Kommentar, 5 ^e éd. 2015, n° 89 ad art. 884 CC).

2.3.2. En l'occurrence, la Cour de justice a jugé que les parties, à la
conclusion du contrat de gage, ne pouvaient pas imaginer que l'investissement
opéré par le client sur les conseils de la banque, au moyen du compte ouvert
chez elle, serait l'objet d'une escroquerie amenant les liquidateurs du fonds à
ouvrir action contre la banque; une telle imprévisibilité excluait d'étendre le
droit de gage à la créance invoquée, qui n'était par ailleurs ni exigible, "ni
même née dans le cas d'un échec de l'action ouverte contre la banque".
L'on trouve la même analyse dans un ouvrage doctrinal (DANIEL A. ET ANATH
GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 5 ^e éd. 2014, p. 204
n. 590 s.).
Ce point de vue ne saurait être suivi.

2.3.3. Le contrat de gage précise que sont garanties "toutes les créances
actuelles ou futures de la banque envers le constituant". Que ce soit par
l'interprétation ou par l'application de l'art. 20 al. 2 CO, il faut admettre
qu'en réalité, cette formule ne peut englober que les créances résultant des
relations d'affaires en cours ou envisageables entre la banque et le client.
Tel est du reste ce que prévoit l'art. 13 des conditions générales signées par
le client, qui institue également un droit de gage.
Le client a expliqué qu'il voulait déposer son argent dans une banque sérieuse
et en même temps obtenir un rendement, ce que ne procure pas de façon
significative un simple compte courant ou de dépôt. A cela s'ajoute que l'acte
de nantissement utilise des termes tels que titres, papiers-valeurs, dépôts
collectifs. Dans ce contexte, l'acquisition d'actions, d'obligations, de parts
dans des fonds de placement ou autre investissement de ce type est une
opération que pouvait et devait envisager le client à l'ouverture de son compte
bancaire.
Le client a acquis des parts dans un fonds d'investissement, puis les a
revendues et touché le produit de vente, que la banque a encaissé pour lui et
reversé sur son compte; les liquidateurs du fonds réclament à la banque la
restitution du produit de vente au motif que les parts ont été surévaluées. La
créance dont se prévaut la banque est étroitement liée à une opération
d'investissement s'inscrivant dans des relations d'affaires prévisibles.
Contrairement à l'analyse de l'autorité précédente, il faut admettre qu'une
telle créance est couverte par le droit de gage.

3.

3.1. Il faut encore examiner si la banque peut à ce stade exercer une
prérogative de son droit de gage en refusant de restituer au client le solde de
ses comptes et ses parts dans différents fonds. La Cour de justice a souligné
que la créance n'était pas exigible et même hypothétique puisque l'action des
liquidateurs était susceptible d'être rejetée.

3.2.

3.2.1. Tout d'abord, le client reproche à la banque de ne pas avoir allégué ni
prouvé que la procédure ouverte aux Etats-Unis vise en particulier le produit
de la vente de ses parts qu'il a touché en mai 2006. La banque a produit une
pièce procédurale datée du 16 juillet 2012 prétendument accessible sur
Internet, destinée à prouver que la procédure américaine porte notamment sur le
montant de $ 75'000 versé le 15 mai 2006.

3.2.2. Dans sa réponse du 15 février 2013, la banque a allégué en substance que
les liquidateurs du fonds Fairfield avaient ouvert action contre elle et les
ayants droit économiques des remboursements de parts de fonds intervenus
postérieurement au 17 mai 2004 (all. 21). A l'appui de cet allégué, elle a
notamment produit l'acte du 14 mai 2010 ouvrant la procédure américaine, dont
il ressort effectivement que celle-ci vise les remboursements accordés par le
fonds depuis et après le 17 mai 2004. Le client a de toute façon admis cet
allégué.
Il est par ailleurs constant que sur instruction du client, 66,08 parts du
fonds Fairfield ont été vendues le 15 mai 2006 et le produit de vente ($
75'004,37) crédité sur son compte après déduction d'une commission de courtage.
Ce remboursement s'inscrit clairement dans la période visée par la procédure
américaine. Il est ainsi établi que cette procédure vise notamment le
remboursement dont le client a bénéficié en 2006. Cas échéant, il incombait au
client de rapporter la contre-preuve que la somme totale exigée par les
liquidateurs du fonds n'incluait pas le remboursement de ses propres parts, ce
qu'il n'a pas tenté de faire. Il s'ensuit le rejet du grief sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur la recevabilité de la pièce produite, qui est
fortement sujette à caution au regard de l'art. 99 al. 1 LTF.

3.3.

3.3.1. Se pose ensuite la question du fondement de la créance invoquée par la
banque. En appel, celle-ci s'est prévalue de l'art. 402 al. 1 CO.
Selon cette disposition, le mandant doit rembourser au mandataire les avances
et frais que celui-ci a faits pour l'exécution régulière du mandat, et le
libérer des obligations par lui contractées (al. 1). Le mandant doit aussi
l'indemniser du dommage causé par l'exécution du mandat, s'il ne prouve que ce
dommage est survenu sans sa faute (al. 2).
La Cour de justice a exclu l'application du premier alinéa au motif déjà que
l'issue de l'action intentée contre la banque était inconnue, et pour le moins
incertaine; d'autres éléments faisaient en outre douter de son applicabilité.
La cour n'a pas discuté de l'art. 402 al. 2 CO comme la banque elle-même ne
l'invoquait pas.
A l'encontre de cette analyse, la banque plaide que sa créance découle de la
relation fiduciaire entretenue avec le client, en vertu de laquelle elle a été
amenée à acheter les parts Fairfield en son propre nom mais pour le compte du
client; les parties auraient convenu que le client assumait seul les risques de
cette opération financière, et donc notamment le risque d'une baisse de valeur
ou d'une action en répétition portant sur le produit de la vente des parts. La
situation serait la même que dans l'arrêt 4A_429/2014, où le Tribunal fédéral a
admis un devoir de libérer la banque. La Cour de justice aurait méconnu cette
jurisprudence et arbitrairement omis d'indiquer dans l'état de fait divers
éléments permettant de conclure à l'existence d'une relation fiduciaire.

3.3.2. Le Tribunal fédéral a déjà été saisi d'une affaire très semblable dans
laquelle une banque avait bloqué les comptes d'une cliente après l'ouverture
d'une action en remboursement intentée par les liquidateurs du fonds Fairfield
(arrêt 4A_429/2014 du 20 juillet 2015). La cliente avait fait revendre ses
parts dans ledit fonds en septembre 2008 et avait touché un bénéfice
substantiel, peu avant que l'escroquerie de Madoff soit découverte en décembre
2008.
Par jugement du 27 mai 2014, le Tribunal de commerce du canton de Zurich avait
en substance jugé que l'art. 402 al. 1 CO conférait à la banque le droit d'être
libérée par la cliente, que ce soit de façon externe vis-à-vis du fonds
Fairfield ou de façon interne sous la forme d'une couverture suffisante. En
conséquence, cette autorité avait rejeté l'action de la cliente tendant à ce
que la banque lui restitue une partie du montant figurant sur ses comptes.
La cour de céans a rappelé que la portée des alinéas 1 et 2 de l'art. 402 CO
est discutée en doctrine et a évoqué la jurisprudence y relative. Elle a
renoncé à se prononcer plus avant en soulignant que l'art. 402 CO est de nature
dispositive, ce qui permet aux cocontractants de lui donner une portée plus
large ou plus étroite. Examinant la relation entre la banque et la cliente,
elle a constaté que la banque avait agi en tant que fiduciaire, en son propre
nom mais pour le compte de la cliente. L'accord conclu l'obligeait uniquement à
exécuter les ordres de la cliente, qui retirait seule les profits et les
risques des opérations demandées. De même que la cliente assumait les profits
et les risques d'une hausse ou baisse de cours tant qu'elle conservait ses
parts, de même retirait-elle les profits et les risques découlant de la vente
de parts exécutée régulièrement par la banque sur la base de ses instructions.
La cliente répondait ainsi du risque que la valeur des parts soit quasi nulle
au moment de son ordre de vente. En bref, le devoir de libérer la banque pour
la créance invoquée dans la procédure américaine découlait directement de
l'accord convenu entre parties (consid. 6.2.5 et 6.3). Le Tribunal fédéral a
donc confirmé le rejet de l'action, sans examiner la question des droits de
gage et de rétention qui n'était plus discutée, ni le point de savoir si le
devoir de libération existait nonobstant le fait que la dette de la mandataire
était contestée et faisait l'objet d'une procédure pendante.

3.3.3. Comme dans l'affaire zurichoise, les liquidateurs ont agi contre la
banque et contre les ayants droit économiques des remboursements de parts, mais
sans désigner ceux-ci nommément; il n'apparaît pas que les demandeurs aient été
en mesure d'identifier les clients pour le compte desquels la banque a agi. Il
y a là un indice d'une relation fiduciaire.
Quoi qu'il en soit, l'élément déterminant dans l'arrêt 4A_429/2014 est que
l'accord convenu faisait assumer entièrement par la cliente les profits et les
risques de son investissement dans le fonds Fairfield, en particulier le risque
de perte de valeur tant qu'elle conservait ses parts, et partant le risque
d'une demande de remboursement en cas de surévaluation des parts revendues. Or,
la lecture des décisions cantonales conduit à la conclusion que ces
caractéristiques sont aussi réunies dans le cas présent.
Le jugement de première instance et l'arrêt sur appel mettent en exergue les
éléments suivants: les parties étaient liées par une relation de compte courant
/dépôt et conseil en placement ponctuel. La banque a touché une "commission de
courtage" sur le prix de vente des parts du fonds Fairfield. Si elle a
contribué à ce que le client prenne la décision d'acquérir ces parts, aucune
violation contractuelle ne peut lui être reprochée. Elle n'était pas tenue de
suivre l'évolution du fonds ni de conseiller au client de modifier
l'affectation de ses capitaux en cas de changement de situation.
Au moment d'acquérir des parts du fonds litigieux, le client - qui avait exercé
diverses fonctions politiques de haut niveau et dans le domaine financier - a
signé une déclaration certifiant qu'il avait ordonné à la banque d'entreprendre
cette opération pour son propre compte et à ses propres risques. Il a agi à sa
guise lorsque le collaborateur de la banque lui a conseillé de revendre ses
participations.
Tous ces éléments démontrent que les parties se sont accordées sur le fait que
le client assumait entièrement les profits et les risques de l'investissement
dans le fonds Fairfield. De même que le client doit supporter la perte de
valeur des parts encore détenues, de même doit-il supporter le risque d'une
répétition du produit touché pour la revente de certaines parts.
En bref, la banque peut déduire de sa relation contractuelle avec le client un
droit d'être libérée de la prétention en remboursement formulée contre elle
dans la procédure américaine.

3.4.

3.4.1. Le client objecte que la créance de la banque est incertaine. La Cour de
justice a aussi relevé cet élément, en soulignant que le sort de la procédure
américaine était plus incertain que dans l'affaire zurichoise précitée: en
effet, la vente des parts litigieuse avait eu lieu plus de deux ans avant la
découverte des fraudes, et rien n'indiquait qu'à ce moment-là, les parts du
fonds n'avaient pas la valeur qui leur avait été attribuée. La cour ajoutait
que l'on ne pouvait exclure la prescription d'éventuelles prétentions en
enrichissement illégitime.

3.4.2. A l'instar de l'hypothèque (art. 824 al. 1 CC), le gage mobilier peut
garantir une créance actuelle, future, conditionnelle ou simplement éventuelle
(ATF 71 II 262 consid. 1 p. 264; BAUER, op. cit., n° 55 ad art. 884 CC; ZOBL/
THURNHERR, op. cit., n° 234 s. ad art. 884 CC et les réf. citées). S'agissant
du nantissement (art. 884 CC), jurisprudence et doctrine majoritaire admettent
que le gage est constitué et prend rang dès que la possession de l'objet grevé
est transférée au créancier, et non pas quand la créance future prend naissance
(ATF 51 II 273 consid. 2 p. 278 s.; STEINAUER, op. cit., n° 3132; ZOBL/
THURNHERR, op. cit., n° 239 ad art. 884 CC; OFTINGER/BÄR, op. cit., n° 123 ad
art. 884 et n° 13 ad art. 893 CC, qui réservent un accord spécial des parties;
apparemment  contra  TUOR ET ALII, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 14 ^
e éd. 2015, p. 1333 n. 9; critique, FOËX, op. cit., p. 141 s.). Dans la
pratique bancaire, certaines conditions générales prévoient que le droit de
gage ne naît qu'avec la créance. Un auteur est d'avis que cette solution
s'impose déjà par interprétation du contrat de gage préformulé; en effet, la
banque n'entend pas d'emblée mettre la main sur les valeurs patrimoniales du
client alors qu'aucune affaire de crédit n'est encore en vue (CHRISTIAN
THALMANN, Das Pfand- und Verrechnungsrecht nach den Allgemeinen
Geschäftsbedingungen der Banken, in SAS 1989 p. 141 s.). Un autre auteur opère
une distinction entre le moment où le gage prend naissance du fait de la
possession et le moment, ultérieur, où il peut être invoqué, soit lorsque la
créance de la banque est née (BAUER, op. cit., n ^os 56 et 85 ad art. 884 CC).

3.4.3. Les documents préformulés ne comprennent pas de clause selon laquelle le
droit de gage ne naît qu'avec la créance. Sans doute la banque ne peut-elle pas
d'emblée exercer les prérogatives de son droit de gage sur les avoirs du client
en prévision d'hypothétiques créances futures. En l'occurrence toutefois, la
banque est l'objet d'une procédure visant à obtenir la répétition du montant
touché par le client pour la vente de ses parts, répétition que le client devra
supporter économiquement si l'action aboutit (supra consid. 3.3.3). Il faut
admettre que cet élément est suffisant pour que la banque puisse exercer ses
prérogatives en retenant les participations du client dans divers fonds et en
refusant de restituer le solde de ses comptes bancaires.

3.5. Le client ne plaide pas que les éléments retenus par la banque excèdent de
façon injustifiée la valeur de la créance à garantir. Il ne fait pas non plus
valoir que les parts dans le fonds Fairfield sont totalement dépourvues de
valeur patrimoniale. Il n'y a dès lors pas à examiner ces questions (art. 42
al. 2 LTF).

3.6. Pour les motifs qui précèdent, la banque était en droit de s'opposer à la
demande du client en tant qu'elle visait à obtenir le solde de ses comptes
bancaires et la restitution des parts dans différents fonds. La demande de
dédommagement pour les frais d'avocat avant procès s'en trouve par-là même
privée d'objet.

4. 
En définitive, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué doit être annulé.
L'action intentée par le client est rejetée. La cause est renvoyée à l'autorité
précédente pour qu'elle statue sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

5. 
La banque recourante obtient gain de cause. Par conséquent, le client intimé
supportera les frais de la présente procédure et versera à la banque une
indemnité de dépens pour ses frais d'avocat (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et
2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. L'action intentée par le
demandeur est rejetée.

2. 
Les frais judiciaires, fixés à 4'500 fr., sont mis à la charge du demandeur.

3. 
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 5'500 fr. à titre de
dépens.

4. 
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle
décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 1er avril 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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