Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.534/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_534/2015

Arrêt du 2 février 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous deux représentés par
Me Christian D'Orlando,
recourants,

contre

X.________ Sàrl,
représentée par Me Alain Tripod,
intimée.

Objet
contrat de mandat; résiliation en temps inopportun; preuve du dommage,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 28 août 2015 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A. 
Les frères A.________ et B.________ sont respectivement propriétaires de deux
parcelles et d'une parcelle voisine sises dans la commune de... (GE). En juin
2009, ils ont donné mandat à la société X.________ Sàrl (ci-après: la
promotrice) de déposer une demande d'autorisation de construire sur leurs
parcelles. Les mêmes parties ont en outre signé un accord en vertu duquel les
frères devaient mettre leurs parcelles à disposition de la promotrice pour la
construction d'immeubles; en contrepartie, celle-ci s'engageait à leur livrer
un immeuble, à leur verser 3,6 millions de fr. et à leur vendre trois attiques
au prix de revient.
Le 3 septembre 2009, la promotrice et le bureau d'architectes Z.________ SA ont
signé un contrat d'architecte soumis aux normes SIA concernant le projet de
construction d'immeubles sur les parcelles des frères et sur celle, adjacente,
d'un tiers. Les honoraires étaient fixés forfaitairement à 650'000 fr. plus
7,6% de TVA pour des prestations s'étendant de l'avant-projet à l'achèvement de
l'ouvrage, correspondant à 58,5% de la prestation ordinaire totale; en
particulier, 100'100 fr. devaient rémunérer la phase d'avant-projet, 166'900
fr. la phase de projet et 27'800 fr. la procédure d'autorisation de construire.
L'art. 6 du contrat prévoyait que les honoraires seraient facturés au fur et à
mesure de l'avancement des prestations, le premier acompte devant être versé
dès réception de l'autorisation de construire.
Le 16 novembre 2009, le bureau d'architectes a établi des plans qui dérogeaient
au projet de base; des discussions s'en sont suivies. De nouveaux plans ont été
élaborés en février 2010. Sans avoir vu ces documents, les deux propriétaires
ont fait savoir le 17 mars 2010 qu'ils envisageaient de réaliser une grande
partie du projet pour leur propre compte. La promotrice a répondu le 22 mars
2010 que si ses partenaires entendaient résilier même partiellement le mandat,
ils devraient la dédommager à concurrence de 1'824'000 fr., dont 732'000 fr.
pour les honoraires et le manque à gagner du bureau d'architectes. Le 19 mai
2010, les frères ont indiqué à la promotrice qu'une collaboration semblait
impossible.
Le 29 juin 2010, la promotrice a fait notifier à chaque frère un commandement
de payer dans lequel elle invoquait une créance de 1'824'000 fr., qu'elle a
ensuite réduite à 1'464'000 francs. Les deux poursuivis ont fait opposition.

B.

B.a. Par citation en conciliation du 25 août 2010, la promotrice a actionné les
deux propriétaires devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.
Dans ses conclusions après enquêtes, elle requérait d'une part le paiement de
1'021'932 fr. à titre d'indemnisation pour le dommage causé par la résiliation
du mandat, d'autre part la mainlevée définitive des oppositions dans les
poursuites en cours.
Le 23 mai 2011, le tribunal a procédé à l'audition de C.________, architecte et
administrateur-président (avec signature individuelle) du bureau Z.________ SA.
Ce témoin a déclaré que le bureau n'avait accompli que 24% du travail sur les
58,5% prévus, qui auraient donné droit au montant de 650'000 fr.; les
honoraires s'élevaient donc à 266'666 fr. plus 7,6% de TVA, soit au total
324'932 fr. (sic!), exigibles depuis fin 2009. Le bureau avait renoncé à
facturer la pénalité pour résiliation du mandat en temps inopportun. Il n'avait
pas encore formellement établi de facture pour ces 266'666 fr., mais la
promotrice lui avait confirmé qu'ils étaient dus.
Statuant le 2 février 2012, le Tribunal de première instance a entièrement
rejeté la demande.
Le 30 novembre 2012, la Cour de justice a réformé cette décision, admettant la
demande à concurrence de 286'932 fr. 60 plus intérêts et prononçant la
mainlevée définitive des oppositions dans cette mesure. Le raisonnement de la
Cour est succinctement présenté ci-dessous.
Les deux propriétaires étaient liés à la promotrice par un contrat de mandat
notamment, qu'ils avaient résilié en temps inopportun. En effet, après avoir
refusé les plans présentés par la promotrice, ils l'avaient empêchée de les
adapter à leurs souhaits et de déposer en temps utile une demande
d'autorisation de construire, ce qui lui eût permis de recouvrer ses frais. En
vertu de l'art. 404 al. 2 CO, les propriétaires répondaient du dommage causé
par cette résiliation. Concrètement, ils devaient supporter le coût des
honoraires du bureau d'architectes. Celui-ci, d'après le témoignage de
C.________, avait effectué 24% du travail, ce que les propriétaires ne
contestaient pas. L'art. 6 du contrat d'architecte n'impliquait pas une
renonciation à toute rémunération jusqu'à la délivrance du permis de
construire; tout au plus précisait-il que le premier acompte devait être versé
dès réception de l'autorisation de construire. En bref, les propriétaires
devaient répondre du dommage à hauteur de 266'666 fr. plus 7,6% de TVA, soit au
total 286'932 fr. 60, et non pas 324'932 fr. comme indiqué par le témoin.
En revanche, les propriétaires n'avaient pas à supporter le coût d'une étude de
terrain facturée 5'000 fr. par un bureau d'ingénieurs civils. L'associé gérant
de ce bureau avait en effet précisé qu'il n'entendait pas réclamer le montant
dû si la promotrice n'obtenait pas gain de cause. Celle-ci ne démontrait donc
pas qu'elle avait subi ou subirait un dommage en relation avec cette facture.
De même, aucun dommage ne pouvait être retenu du fait de la facturation d'une
commission de courtage. La promotrice avait conclu en février 2009 une
convention par laquelle elle octroyait 226'000 fr. à un tiers pour avoir agi
comme intermédiaire entre elle et les deux propriétaires. L'intéressé avait
établi une facture  pro forma de même montant, dont il avait précisé qu'elle ne
devait être payée qu'à l'issue de la procédure. La prétention n'avait pas de
lien avec l'exécution du mandat confié à la promotrice.

B.b. Les propriétaires ont saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière
civile dans lequel ils concluaient au rejet de l'action en paiement. Entre
autres, ils reprochaient à la Cour de justice d'avoir retenu à tort l'existence
d'un dommage alors que la promotrice n'avait pas démontré encourir des frais
découlant du contrat d'architecte; la Cour aurait dû retenir que la promotrice
avait tout au plus promis une indemnité au bureau d'architectes si elle gagnait
son procès contre les propriétaires, à l'instar des accords passés avec
d'autres mandataires tels que le bureau d'ingénieurs civils.
Par arrêt du 31 juillet 2013 (4A_46/2013), la cour de céans a partiellement
admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité
précédente pour nouvelle décision. Les considérants topiques sont succinctement
rappelés ci-dessous.
L'arrêt cantonal du 30 novembre 2012 ne dit pas pour quel motif le bureau
d'architectes n'a émis aucune facture, ni exigé à aucun moment que la
promotrice paie ses honoraires. Les recourants posent à juste titre la question
de savoir si, à l'instar du bureau d'ingénieurs, le bureau d'architectes entend
en fait percevoir des honoraires uniquement dans l'hypothèse où ceux-ci seront
économiquement assumés par les recourants. Dans cette perspective, l'on peut
aussi s'interroger sur la raison d'être de l'art. 6 du contrat SIA selon lequel
le premier acompte ne doit être perçu qu'après l'obtention du permis de
construire. Ces éléments importent, l'enjeu étant de savoir si le patrimoine de
la promotrice est grevé avec certitude d'une obligation de rémunération
contraignante en faveur du bureau d'architectes.
A supposer qu'elle retienne une obligation contraignante, la Cour de justice
devra encore déterminer si le montant de 266'666 fr. articulé par le témoin
C.________ inclut les nouveaux plans établis en février 2010, ainsi que les
plans pour l'aménagement de la parcelle adjacente appartenant à un tiers; les
propriétaires n'ont en effet pas à supporter de tels frais.

B.c. Par décision du 24 janvier 2014, la Cour de justice a renvoyé la cause au
Tribunal de première instance pour instruction et nouvelle décision.
L'administrateur-président du bureau d'architectes, soit C.________, a été
réentendu le 23 mai 2014. Il a confirmé que la promotrice lui devait 266'666
francs. Il n'avait pas encore établi de facture car l'associé gérant de la
promotrice lui avait dit être en désaccord avec les propriétaires. Ils avaient
alors convenu d'attendre l'issue de la procédure pour facturer les prestations
effectuées. Le témoin avait accepté au vu de leurs bonnes relations; son bureau
avait notamment un autre mandat qui lui avait été donné par un groupe de
promoteurs dont faisait partie X.________ Sàrl. Il n'était pas question de
faire cadeau d'un montant aussi important. Le témoin entendait être payé, peu
importe par qui; il avait accepté de reculer la date de paiement, mais pas de
renoncer purement et simplement aux honoraires. Un rabais assez conséquent
avait déjà été accordé; en fonction de la rapidité de paiement, un rabais
supplémentaire pourrait encore être accordé. Le témoin ignorait si une
provision ou autre créance ouverte contre la promotrice avait été inscrite dans
les comptes 2012 ou 2013 du bureau d'architectes. Le témoin a proposé d'établir
une facture si le tribunal le jugeait utile. Il a alors été convenu que le
témoin ferait parvenir un tel document au bureau d'architectes.
Le témoin a encore précisé que les honoraires de 266'666 fr. ne couvraient pas
les plans concernant la parcelle voisine propriété d'un tiers, ni les nouveaux
plans établis en février 2010, l'usage étant d'offrir quelques modifications
relevant plutôt de l'évolution ou de l'optimisation du projet. Enfin, les
conditions de paiement prévues à l'art. 6 du contrat étaient dues au fait qu'il
faut généralement une autorisation de construire pour obtenir un crédit de
construction, raison pour laquelle le paiement de la première facture est
repoussé jusqu'à l'obtention du crédit; cela ne signifiait pas que l'ayant
droit renonçait au paiement des premiers honoraires. Lorsque la demande
d'autorisation de construire n'était pas déposée, des honoraires étaient
néanmoins réclamés pour les prestations déjà effectuées.
Le 30 mai 2014, le témoin, au nom du bureau d'architectes, a adressé à la
promotrice une note d'honoraires de 267'000 fr. plus 8% de TVA, soit au total
288'360 francs.
Dans ses conclusions après enquêtes du 28 octobre 2014, la promotrice a conclu
au paiement de 286'932 fr. 60 plus intérêts à 5% dès le 29 juin 2010,
respectivement à la mainlevée définitive des oppositions. Les propriétaires ont
conclu au rejet de l'action.

B.d. Statuant le 12 janvier 2015, le Tribunal de première instance a admis les
dernières conclusions de la promotrice, ordonnant la mainlevée définitive des
oppositions à concurrence du montant précité. Constatant l'inexistence d'un
accord identique à celui conclu avec le bureau d'ingénieurs, le tribunal a
conclu que le patrimoine de la demanderesse "sembl[ait] bien grevé d'une
obligation de rémunération contraignante" en faveur du bureau d'architectes; en
conséquence, les propriétaires devaient la dédommager pour les honoraires dudit
bureau.

B.e. Le 28 août 2015, la Cour de justice a partiellement réformé cette décision
en ce sens que les propriétaires sont condamnés au paiement de 286'932 fr. 60
sans intérêts. La promotrice n'ayant pas établi devoir des intérêts au bureau
d'architectes, elle ne pouvait réclamer une indemnité correspondante aux
propriétaires. Pour le surplus, le grief de violation de l'art. 8 CC était
infondé; le tribunal avait certes utilisé une expression peu heureuse en
constatant que le patrimoine de la promotrice "semblait" grevé d'une obligation
de rémunération contraignante, mais le jugement montrait que le tribunal avait
clairement exprimé sa conviction.

C. 
Les propriétaires (ci-après: les recourants) ont saisi le Tribunal fédéral d'un
recours en matière civile, dans lequel ils requièrent que la promotrice soit
déboutée de toutes ses conclusions. Ils ont par ailleurs demandé l'effet
suspensif.
La promotrice (l'intimée) a conclu à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. Elle a renoncé à se déterminer sur la demande
d'effet suspensif, tout en relevant qu'elle se fondait sur des éléments de
preuve nouveaux et contestés.
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt.

Considérant en droit :

1. 
Les recourants dénoncent une violation de l'art. 8 CC et une appréciation
arbitraire (art. 9 Cst.) des preuves.

1.1. L'argumentation des recourants montre qu'ils contestent exclusivement
l'appréciation des preuves. L'on ne discerne aucun grief relevant typiquement
de l'art. 8 CC, tel que le reproche d'avoir renversé le fardeau de la preuve,
d'avoir méconnu le degré de preuve requis par le droit fédéral ou encore
d'avoir violé le droit à la preuve en refusant d'ordonner une mesure probatoire
(cf. ATF 129 III 18 consid. 2.6; 130 III 591 consid. 5.4).

1.2. Selon la jurisprudence, l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque
le juge, sans raison sérieuse, omet de tenir compte d'un élément de preuve
propre à modifier sa décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur son sens
et sa portée, ou lorsqu'il en déduit des constatations insoutenables.
L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait
envisageable, voire préférable. Le Tribunal fédéral annule la décision attaquée
uniquement lorsqu'elle est insoutenable, se trouve en contradiction claire avec
la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité (cf. par ex. ATF 136 III 552 consid. 4.2).
Le grief d'arbitraire est soumis aux exigences de motivation plus strictes
concernant les droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant doit
invoquer le droit ou principe constitutionnel dont il entend se prévaloir et
expliquer de manière circonstanciée en quoi il a selon lui été enfreint (ATF
134 II 244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 255).

1.3. Les recourants reprochent à la Cour de justice d'avoir nié que la dette de
la promotrice envers le bureau d'architectes soit conditionnée au gain du
présent procès. La Cour n'aurait pas accordé suffisamment d'importance à
certains éléments. Ainsi, la promotrice a obtenu d'autres mandataires qu'ils
renoncent à leurs honoraires en cas de perte du procès. Comme
administrateur-président du bureau d'architectes, le témoin C.________ a un
intérêt direct à l'issue du litige; il a reconnu que son bureau est en
relations d'affaires avec la promotrice sur d'autres projets. Malgré son statut
dans la société et l'importance de la créance (266'666 fr.), le témoin s'est
révélé incapable de dire si elle figure ou non dans la comptabilité de la
société; il s'est contenté d'un accord oral quant au paiement des honoraires à
la fin du procès. Les juges genevois auraient de surcroît ignoré que la
promotrice avait varié dans le montant de sa prétendue dette, sans jamais
articuler les bons chiffres. Enfin, la Cour n'expliquerait pas pour quelle
raison le témoignage de l'administrateur C.________ aurait plus de poids que
l'art. 6 du contrat conditionnant le paiement du premier acompte à l'obtention
du permis de construire. La thèse des recourants (encaissement des honoraires
d'architecte conditionné au gain du procès) serait tout aussi plausible que
celle de la partie adverse. Les juges auraient dû éprouver des doutes quant au
caractère inconditionnel de la créance des architectes, et ne pas retenir de
dommage.

1.4. Contrairement à ce que plaide l'intimée, la motivation des recourants
satisfait aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Dénonçant expressément
l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, ils expliquent par le détail que
la cour n'a pas correctement soupesé les éléments recueillis, respectivement
qu'elle a ignoré un aspect. Il importe peu que l'argumentation soit développée
essentiellement sous la rubrique consacrée à l'art. 8 CC - à laquelle les
recourants renvoient - en raison d'une analyse juridique erronée. Il convient
dès lors d'entrer en matière sur ce grief.

1.5. En évoquant l'art. 6 du contrat d'architecte, les recourants insinuent que
le bureau d'architectes a renoncé à des honoraires pour le cas où
l'autorisation de construire ne serait pas obtenue. Il n'apparaît pas que la
volonté réelle des parties puisse être établie, de sorte qu'il faut recourir au
principe de la confiance. Le témoin a donné les raisons d'exiger un premier
acompte seulement après l'octroi du permis de construire (obtention du crédit
de construction). Quand bien même elle aurait ignoré ce motif, la promotrice ne
pouvait pas de bonne foi inférer de l'art. 6 que le bureau d'architectes
travaillerait à perte et renoncerait dans tous les cas à des honoraires
conséquents si, pour une raison ou pour une autre, le permis de construire
n'était pas délivré. Quant au montant même de la créance (266'666 fr.), les
recourants ne formulent aucun grief. Ils ne critiquent pas l'appréciation des
preuves selon laquelle le travail accompli pour la parcelle voisine et pour les
plans déposés en février 2010 n'est pas inclus dans ce montant. Il faut dès
lors admettre que le bureau d'architectes a contre la promotrice une créance de
266'666 francs.
Est litigieuse la question de savoir si la cour cantonale a arbitrairement
exclu que cette créance soit conditionnée au gain du procès. L'on peut
présupposer qu'en règle générale, les mandataires ne fournissent pas
gratuitement leurs services et que les créanciers vont chercher à encaisser
leurs créances. En l'occurrence, le montant en jeu est important (266'666 fr.),
de sorte qu'une libéralité sera d'autant moins facilement admise. L'on sait
tout au plus que le bureau d'architectes et la promotrice ont de bonnes
relations et que le premier a obtenu un autre mandat par un groupement de
promoteurs dont la seconde faisait partie; sans plus autre précision, ces
éléments ne justifient pas en soi l'octroi d'une libéralité supérieure à
250'000 francs. Ce montant n'est en rien comparable aux honoraires du bureau
d'ingénieurs (5'000 fr.) ayant renoncé à sa créance en cas de rejet de l'action
intentée par la promotrice. Quant à la commission de courtage de 226'000 fr.,
les éléments mis en évidence par la Cour de justice font douter du montant,
voire de l'existence même de cette créance.
La promotrice a effectivement articulé un montant nettement exagéré (732'000
fr.) dans son courrier du 22 mars 2010 et dans sa demande, avant de réduire sa
prétention au montant articulé par le témoin C.________ (324'932 fr.). Les
recourants ne dénoncent pas pour autant une contradiction avec les déclarations
du témoin selon lesquelles il s'est fait confirmer par la promotrice que les
266'666 fr. étaient dus. Cette déposition a été faite en mai 2011, alors que la
requête de conciliation reprise comme demande a été déposée en août 2010. Au
demeurant, il n'est pas inhabituel d'exagérer ses prétentions dans la
procédure. De surcroît, l'on peut en soi convenir d'un sursis au paiement sans
encore connaître le montant exact de la dette, étant entendu que la promotrice
pouvait facilement l'estimer en se fondant sur le contrat d'architecte.
La Cour de justice n'a pas ignoré la position du témoin dans le bureau
d'architectes; elle a souligné qu'il avait été averti des conséquences d'un
faux témoignage.
L'intérêt à attendre l'issue du procès doit certes être relativisé si l'on
admet que le bureau d'architectes fera valoir sa créance dans tous les cas,
mais les recourants eux-mêmes ne plaident pas qu'il serait inexistant.
Finalement, en tenant compte de tous les éléments recueillis, notamment de ceux
mis en exergue par les recourants, il n'est pas insoutenable de conclure que le
bureau d'architectes a la volonté ferme d'encaisser sa créance contre la
promotrice à l'issue du procès, et que cette créance n'est donc pas
conditionnée au gain du procès par la promotrice.

1.6. Les recourants ne soulèvent pas d'autres griefs, ce qui clôt toute
discussion (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116).

2. 
En définitive, le recours doit être rejeté. La demande d'effet suspensif est
privée d'objet. L'émolument judiciaire est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux, lesquels verseront à l'intimée une indemnité de dépens
(art. 66 al. 1 et 5 LTF; art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3. 
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une indemnité
de 7'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 2 février 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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