Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.509/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_509/2015

Arrêt du 11 février 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
X.________ Sàrl en liquidation,
représentée par Me Christian Favre,
recourante,

contre

1. A.________, représenté par Me Roberto Izzo,
2. Caisse cantonale de chômage,
intimés.

Objet
contrat de travail; recevabilité de la demande,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 5 août 2015 par la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A. 
Par contrat de travail du 3 mars 2008, la société X.________ Sàrl, désormais en
liquidation, a engagé A.________ comme directeur financier. Celui-ci devait
toucher un salaire annuel brut de 250'000 francs. Selon les objectifs atteints,
il pouvait en outre obtenir une gratification correspondant à un pourcentage de
son salaire annuel.
Le 11 janvier 2013, la société a licencié le travailleur pour le 31 juillet
2013 du fait qu'elle cessait ses activités en Suisse.
Le médecin de l'employé a attesté de son incapacité de travail à compter du 1 ^
er juillet 2013. L'employeuse a contesté le certificat médical et suspendu le
paiement du salaire dès le 15 juillet.
L'employé a sollicité l'assurance-chômage.

B.

B.a. Le 6 novembre 2013, le travailleur a déposé une requête de conciliation
devant le Tribunal d'arrondissement de Lausanne. La caisse de chômage a formé
une requête d'intervention le 12 novembre.
L'audience de conciliation s'est tenue le 15 janvier 2014 en l'absence de
l'employeuse. Le même jour, le Président du Tribunal d'arrondissement a délivré
une autorisation de procéder énonçant les conclusions du demandeur et de
l'intervenante. En substance, il était indiqué que le travailleur concluait au
paiement de 90'530 fr. 50 et à la délivrance d'un certificat de travail; quant
à la caisse de chômage, elle faisait valoir une prétention de 6'658 fr. 75.

B.b. Le 25 février 2014, l'employé a porté l'action devant le Tribunal
d'arrondissement de Lausanne, concluant au paiement de la même somme d'argent
(90'530 fr. 50) et à la délivrance d'un certificat de travail sous la menace de
la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP.
Le 11 mars 2014, la Présidente du Tribunal d'arrondissement s'est adressée en
ces termes au conseil du demandeur:

" (...) j'attire votre attention sur le fait que, selon la jurisprudence
fédérale, la conclusion tendant à la délivrance d'un certificat de travail est
de nature patrimoniale (...). La pratique du tribunal de céans suit l'avis de
Patricia Dietschy selon lequel la valeur d'un certificat de travail correspond
à un mois de salaire, soit en l'espèce quelque Fr. 22'000.-.
Dans la mesure où les conclusions de votre mandant sont proches de la limite de
la compétence du tribunal d'arrondissement (96b LOJV), si la valeur attribuée
au certificat de travail correspondait au montant susmentionné, votre acte ne
relèverait plus du tribunal de céans mais de la Chambre patrimoniale cantonale.
En application de l'article 56 CPC, je vous invite à vous déterminer sur ce qui
précède et chiffrer la valeur litigieuse (...).
A défaut, celle-ci sera arrêtée d'office."
Le 14 mars 2014, la caisse de chômage a déposé une demande.
Par courrier du 24 mars 2014, l'employé a déclaré retirer sa conclusion en
remise d'un certificat de travail.
L'employeuse a déposé une réponse le 30 juin 2014, concluant principalement à
l'irrecevabilité des demandes formées par le travailleur et l'intervenante,
subsidiairement à leur rejet.
Le 6 août 2014, la Présidente du Tribunal d'arrondissement a écrit aux parties
qu'elle envisageait de limiter la procédure à la question de la compétence et a
proposé un échange d'écritures à ce sujet. Les parties ont déposé des
déterminations.

B.c. Par jugement du 18 novembre 2014, le Tribunal d'arrondissement a déclaré
les deux demandes recevables. Après avoir relevé l'absence de méthode précise
pour fixer la valeur litigieuse d'une conclusion en délivrance d'un certificat
de travail ainsi que la diversité des pratiques cantonales et avis doctrinaux,
le tribunal a conclu que l'autorité de conciliation saisie n'était pas
manifestement incompétente pour délivrer une autorisation de procéder, qui
était dès lors valable.
Statuant le 5 août 2015 sur appel de l'employeuse, le Tribunal cantonal vaudois
a confirmé ce jugement par substitution de motifs. En substance, cette autorité
a jugé que la valeur litigieuse du certificat de travail équivalait en tout cas
à un mois de salaire. En retirant sa conclusion en remise d'un certificat de
travail, le travailleur avait réparé le vice relatif à la compétence ratione
valoris du Tribunal d'arrondissement, les prétentions étant désormais
inférieures à 100'000 francs. L'employeuse n'avait plus d'intérêt à faire
constater l'incompétence du tribunal, respectivement commettait un abus de
droit en s'en prévalant. La question de savoir si l'autorisation de procéder
avait été délivrée par l'autorité compétente ne se posait pas, puisque le
Tribunal d'arrondissement était précisément compétent pour les conclusions
encore en cause (90'530 fr. 50).

C. 
L'employeuse saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile assorti
d'une requête d'effet suspensif. Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes
déposées par l'employé et par la caisse de chômage.
L'employé conclut au rejet du recours, tout comme la caisse de chômage.
L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
Le recours bénéficie de l'effet suspensif en vertu d'une ordonnance
présidentielle du 21 octobre 2015.

Considérant en droit :

1. 
L'arrêt attaqué est une décision incidente qui reconnaît la validité de la
procédure de conciliation et la compétence du tribunal saisi pour statuer sur
les demandes. En vertu de l'art. 92 LTF, une telle décision est susceptible
d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (arrêt 4A_28/2013 du 3 juin 2013
consid. 1.1 [non publié à l'ATF 139 III 273]; ATF 138 III 558 consid. 1.3). Sur
le fond, les parties sont divisées par un litige de droit du travail
ressortissant à la matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF; la valeur
litigieuse minimale de 15'000 fr. requise pour ce type de cause est atteinte
(art. 51 al. 1 let. c et art. 74 al. 1 let. a LTF). La voie du recours en
matière civile est dès lors ouverte.

2. 
La recourante plaide que l'autorisation de procéder a été délivrée par une
autorité de conciliation manifestement incompétente, puisque la valeur
litigieuse des conclusions prises devant elle, incluant la remise d'un
certificat de travail estimé à 22'000 fr., excédait 100'000 francs.
L'incompétence était manifeste pour l'autorité saisie dès lors qu'elle avait
pour pratique d'estimer la valeur d'un certificat de travail à un mois de
salaire. Au demeurant, il serait choquant que l'incompétence non manifeste
n'ait aucune incidence sur la validité de l'autorisation de procéder. Le vice
affectant celle-ci ne saurait être réparé par une réduction de conclusions
postérieure au dépôt de la demande. Enfin, il n'y aurait aucun abus de droit ni
formalisme excessif à se prévaloir de l'invalidité de l'autorisation de
procéder.

3.

3.1. La compétence matérielle et fonctionnelle des tribunaux est en principe
déterminée par le droit cantonal (art. 4 al. 1 CPC).
En droit vaudois, les contestations de droit civil relatives au contrat de
travail relèvent des tribunaux suivants (art. 1 let. a et art. 2 al. 1 de la
loi sur la juridiction du travail [LJT; RSV 173.61]) :

-       du tribunal des prud'hommes,
lorsque la valeur litigieuse n'excède pas 30'000 fr.;
-       du tribunal d'arrondissement,
lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. et n'excède pas
100'000 fr.;
-       de la Chambre patrimoniale cantonale,
lorsque la valeur litigieuse est supérieure à ce montant.
Le juge de la tentative de conciliation est le juge matériellement compétent
pour l'instance au fond. Lorsque le juge compétent au fond est un tribunal, la
conciliation appartient au juge délégué par ce tribunal (art. 41 al. 1 et 2 du
Code de droit privé judiciaire vaudois [CDPJ; RSV 211.02]).
La compétence ratione valoris du tribunal d'arrondissement est de nature
dispositive - au contraire de la compétence ratione valoris du juge de paix
(art. 113 al. 1bis LOJV [RSV 173.01]; Tribunal cantonal, Cour d'appel civile,
arrêt n° 267 du 23 mai 2013 consid. 3b, accessible sur le site Internet
www.vd.ch/justice).

3.2. Il n'est pas contesté que la procédure au fond devait être précédée d'une
tentative de conciliation devant l'autorité de conciliation (cf. art. 197 CPC).
Lorsque la tentative de conciliation n'aboutit pas, l'autorité de conciliation
délivre une autorisation de procéder qui permet au demandeur de porter l'action
devant le tribunal dans le délai général de trois mois (art. 209 al. 1 et 3
CPC).
Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que si la demande satisfait
aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1); le tribunal saisi doit
notamment être compétent à raison de la matière et du lieu (al. 2 let. b). Le
tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art.
60 CPC).
Celles-ci doivent en principe être réalisées au moment du jugement. Des
exceptions existent pour les règles de compétence (cf. par ex. LEUENBERGER/
UFFER-TOBLER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, n. 5.19 ss). Ainsi, les
conditions prévalant lors de la litispendance fixent définitivement la
compétence ratione loci du tribunal (perpetuatio fori; art. 64 al. 1 let. b
CPC). La situation est plus nuancée s'agissant de la compétence ratione
valoris. Le tribunal saisi d'une action en paiement non chiffrée reste
compétent même si le demandeur chiffre ensuite sa demande au-delà de sa
compétence (art. 85 al. 2 CPC). De même, lorsque la demande initiale est
ensuite restreinte, le tribunal saisi reste compétent (art. 227 al. 3 CPC). En
revanche, si la demande est modifiée de façon à ce que la valeur litigieuse
excède désormais la compétence matérielle du tribunal, celui-ci doit la
transmettre au tribunal compétent (art. 227 al. 2 CPC). Enfin, quand la valeur
litigieuse de la demande reconventionnelle dépasse la compétence matérielle du
tribunal, celui-ci transmet les deux demandes au juge compétent (art. 224 al. 2
CPC).
Le demandeur doit disposer d'une autorisation de procéder valable. Le Tribunal
fédéral a été amené à faire cette précision dans l'affaire vaudoise suivante:
un justiciable avait saisi le Tribunal d'arrondissement d'une requête de
conciliation en faisant valoir une prétention supérieure à 100'000 francs.
L'autorisation de procéder délivrée par le président du tribunal saisi
chiffrait à 190'141 fr. le montant des prétentions avancées par le demandeur.
Celui-ci avait alors porté l'action devant la Chambre patrimoniale du canton de
Vaud, en concluant au paiement de 127'652 fr. 50 et à la remise d'un certificat
de travail. Dans sa réponse, la défenderesse avait contesté la validité de
l'autorisation de procéder.
La cour de céans a jugé qu'elle n'avait pas à revoir l'analyse du Tribunal
cantonal concluant à l'incompétence manifeste de l'autorité de conciliation; il
s'agissait en effet d'une question de droit cantonal. Dès lors que
l'autorisation de procéder avait été délivrée par une autorité manifestement
incompétente, il manquait une condition de recevabilité à l'action intentée par
le justiciable. Partant, la demande était irrecevable (ATF 139 III 273 consid.
2).

4. 
En l'occurrence, le travailleur a saisi le Tribunal d'arrondissement d'une
demande concluant au paiement de 90'530 fr. 50 et à la remise d'un certificat
de travail (dont la valeur a été fixée à 22'000 fr.), conformément aux
conclusions reproduites dans l'autorisation de procéder (sous réserve de
l'adjonction relative à l'art. 292 CP). Il a ensuite limité sa demande au
paiement de 90'530 fr. 50. La recourante, défenderesse au fond, a alors déposé
sa réponse. Le Tribunal a statué sur sa compétence. A ce moment-là, les
conclusions des parties étaient connues et sa compétence matérielle fixée, sous
réserve d'une modification entraînant l'application de l'art. 227 al. 2 CPC. La
recourante ne conteste pas que le Tribunal d'arrondissement est compétent
ratione valoris pour connaître de cette demande modifiée. Quand bien même il
aurait été incompétent pour statuer sur la demande initiale, l'art. 227 al. 3
CPC ne saurait imposer le transfert du procès devant le tribunal qui aurait été
initialement compétent. Cette disposition adopte manifestement la prémisse que
le tribunal saisi de la demande initiale est compétent; elle admet, pour des
raisons d'économie de procédure, que ce tribunal reste compétent pour statuer
sur les conclusions réduites (LAURENT KILLIAS, in Berner Kommentar, 2012, n° 45
ad art. 227 CPC).
En droit vaudois, l'autorité de conciliation est le juge matériellement
compétent pour connaître de la demande au fond. Le tribunal d'arrondissement
étant compétent pour statuer sur la demande modifiée tendant au paiement de
90'530 fr. 50, il l'était aussi pour mener la procédure de conciliation
préalable. L'autorisation de procéder a en l'occurrence été délivrée par ledit
tribunal. Dans ces circonstances, il ne saurait être question d'incompétence
propre à entacher la validité de l'autorisation de procéder.
Le rejet du grief prive d'objet les autres questions posées par le recours.

5. 
En définitive, le recours doit être rejeté. En conséquence, la recourante
supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera à
l'employé intimé une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Aucune
indemnité n'est due à la caisse de chômage intimée dès lors qu'elle n'a pas
engagé de frais d'avocat (ATF 135 III 127 consid. 4 p. 136).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 février 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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