Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.500/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_500/2015

Arrêt du 18 janvier 2017

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges Kiss, présidente, Klett, Hohl,
Niquille et May Canellas.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________ Inc., représentée par Mes Antonio Rigozzi et Sébastien Besson,
recourante,

contre

Z.________ Corporation
représentée par Mes Balz Gross, Stefanie Pfisterer
et Bénédict Thomann,
intimée.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 20 août 2015 par
l'arbitre unique siégeant sous l'égide de la London Court of International
Arbitration (LCIA).

Faits:

A. 
Le 13 novembre 2013, X.________ Inc. (ci-après: X.________), société domiciliée
au Belize, se fondant sur la clause compromissoire insérée à l'art. 18 du 
Share Purchase Agreement (ci-après: le contrat) qu'elle assurait avoir conclu,
le 18 mars 2012, avec A.Z________ Investment Fund (ci-après: A.Z.________),
entité de droit jordanien, a introduit une requête d'arbitrage contre cette
dernière auprès de la London Court of International Arbitration (ci-après:
LCIA) en vue d'obtenir le paiement de la peine conventionnelle de 93'854'376
USD stipulée dans le contrat pour le cas où A.Z.________ ne respecterait pas
son engagement de vendre à X.________ 38'782'800 actions ordinaires de la
banque jordanienne B.________ (ci-après: B.________) au prix de 469'271'880
USD. La LCIA a désigné un arbitre unique (ci-après: l'arbitre) en la personne
d'un avocat zurichois.
Dans sa réponse du 12 décembre 2013 à la requête d'arbitrage, A.Z.________ a
soulevé une exception d'incompétence et conclu, subsidiairement, au rejet
intégral de la demande. Elle a soutenu, à l'appui de cette exception, que la
signature apposée au pied du contrat par le Dr V.________, CEO de A.Z.________,
aux côtés de celle du représentant de X.________, avait été contrefaite ( 
forged) et qu'elle-même n'avait pas eu connaissance du contrat avant de
recevoir la requête d'arbitrage.
Cependant, A.Z.________, dans une écriture du 20 novembre 2014, a prié
l'arbitre de prendre note de ce qu'elle acceptait tacitement sa compétence (" 
1. [...] that Respondent enters an unconditional appearance. "), puis, cela
fait, de rejeter intégralement la demande pour cause de falsification de la
signature du Dr V.________, le prétendu cosignataire du contrat.

B. 
Après avoir instruit l'affaire, l'arbitre a rendu sa sentence finale le 20 août
2015. En substance, il a rejeté la demande et constaté que le contrat n'avait
pas été signé par le Dr V.________, la signature qu'aurait apposée ce dernier
au pied de ce document ayant été contrefaite. L'arbitre a admis sa compétence
du fait que la défenderesse avait procédé au fond sans émettre de réserve,
abandonnant ainsi par cet acte concluant l'exception d'incompétence qu'elle
avait soulevée initialement. Il a, en outre, rectifié la désignation de cette
partie, sans effet sur la qualité pour défendre (  standing to be sued) de
celle-ci, en remplaçant A.Z.________ par Z.________ Corporation (ci-après:
Z.________), la première entité n'étant qu'une unité administrative de la
seconde. L'arbitre a ensuite consacré l'essentiel de ses considérations à la
démonstration de la falsification du contrat.

C. 
Le 21 septembre 2015, X.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours
en matière civile, fondé essentiellement sur la violation de son droit d'être
entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP), en concluant à l'annulation de la
sentence du 20 août 2015.
Le 28 septembre 2015, Z.________, intimée au recours, a déposé une requête de
sûretés en garantie de ses dépens. Par ordonnance du 21 décembre 2015, la
présidente de la Ire Cour de droit civil a admis cette requête et invité la
recourante à verser, jusqu'au 20 janvier 2016, à la Caisse du Tribunal fédéral,
le montant de 150'000 fr. L'intéressée s'est exécutée dans le délai qui avait
été prolongé d'un mois à sa demande.
Entre-temps, l'arbitre avait transmis à la Ire Cour de droit civil le dossier
de la cause sous la forme d'une clé USB. Le 18 février 2016, sans se prononcer
sur le fond, il a exposé pourquoi, selon lui, le présent recours devrait être
déclaré irrecevable.
En tête de sa réponse du 25 avril 2016, l'intimée a conclu principalement à
l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet du recours.
La recourante, dans sa réplique du 17 mai 2016, et l'intimée, dans sa duplique
du 2 juin 2016, ont maintenu leurs conclusions initiales.
Par écriture du 8 novembre 2016, l'intimée a déposé spontanément deux nouvelles
pièces, dépôt auquel la recourante s'est opposée dans un courrier du 25
novembre 2016 auquel elle a joint une nouvelle pièce.

Considérant en droit:

1. 
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans
les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le
français, respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1
Cst. (ATF 142 III 521 consid.1). L'arbitre, quant à lui, a formulé en allemand
ses observations sur la recevabilité du recours. Conformément à sa pratique, le
Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.

2. 

2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la
sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter
d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de
manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2
LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Aussi bien, sa mission,
lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence
arbitrale internationale, ne consiste-t-elle pas à statuer avec une pleine
cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si
les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou
non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été
constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés
par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces
faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant dans le dossier
de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant,
comme c'était déjà le cas sous l'empire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50 consid. 2a et les
arrêts cités), le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait
à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190
al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des
moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le
cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid.
2.2.1 et les arrêts cités).

2.2. Les pièces nos 44 et 47 du bordereau consolidé établi le 17 mai 2016 par
la recourante (Act. 39) portent des dates postérieures à celle de la sentence
attaquée. Il s'agit de preuves nouvelles et, partant, irrecevables comme telles
à ce stade de la procédure (cf. art. 99 al. 1 LTF, disposition ne figurant pas
au nombre de celles que l'art. 77 al. 2 LTF déclare inapplicables). Il en va de
même de la pièce susmentionnée, que cette partie a versée au dossier le 25
novembre 2016 (Act. 51), et de l'écriture explicative qui l'accompagnait (Act.
50).
Par identité de motif, la Cour de céans ne tiendra aucun compte des pièces nos
2, 51, 52, 53 et 54 du bordereau consolidé de l'intimée formant l'Act. 47 joint
à l'écriture explicative précitée du 8 novembre 2016 (Act. 46), non plus que de
cette écriture.
En revanche, bien qu'ils aient été établis eux aussi après que la sentence
déférée eut été rendue, les avis de droit produits par la recourante (Act. 39,
pièce n° 46) et par l'intimée (Act. 47, pièce n° 46) ne seront pas écartés du
dossier (ATF 138 II 217 consid. 2.4; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF,
2e éd. 2014, n° 27 ad art. 99 LTF).

3. 
La recevabilité du présent recours suppose, entre autres conditions, que les
parties n'aient pas exclu la possibilité d'interjeter un recours au sens de
l'art. 190 LDIP.

3.1. L'art. 192 al. 1 LDIP prévoit que, "[s]i les deux parties n'ont ni
domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent,
par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit
ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral;
elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs
énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP". Curieusement, l'article défini "les", inséré
entre les termes "Si" et "deux" qui figurent dans le texte reproduit ci-dessus,
a disparu tant de la version imprimée du recueil systématique du droit fédéral
(RS 291 p. 57) que de la version électronique du même recueil (RS 291 p. 67),
cette dernière faisant désormais foi (art. 15 al. 2 de la loi fédérale du 18
juin 2004 sur les recueils du droit fédéral et la Feuille fédérale [Loi sur les
publications officielles, LPubl; RS 170.512] dans sa nouvelle teneur selon le
ch. I de la LF du 26 septembre 2014, en vigueur depuis le 1 ^er janvier 2016
[RO 2015 3977]). Sans doute ne s'agit-il là que d'un  lapsus calami, mais cette
erreur de plume mériterait d'être corrigée dès lors que la phrase en question,
amputée de cet article défini, pourrait être interprétée en ce sens que, dans
un arbitrage international mettant aux prises plus de deux parties, il
suffirait que deux d'entre elles fassent la déclaration expresse prévue à
l'art. 192 al. 1 LDIP pour que les autres soient considérées comme ayant, elles
aussi, exclu tout recours contre la sentence les concernant. Or, telle n'est
manifestement pas la signification que revêt la disposition citée, dont les
versions allemande ("Hat  keine der Parteien...") et italienne ("...  le
 parti...") font d'ailleurs mieux ressortir que la version française la
condition voulant que la renonciation émane de  toutes les parties à la
procédure arbitrale. Quoi qu'il en soit, le texte reproduit en tête du présent
paragraphe correspond à celui qui a été publié dans le recueil officiel du
droit fédéral (RO 1988 II 1821), lequel fait foi en cas de divergence avec
celui de la version imprimée ou électronique du RS (art. 15 al. 1 LPubl).
La jurisprudence fédérale a dégagé progressivement les principes découlant de
la disposition examinée. Il en ressort, en substance, que la pratique n'admet
que de manière restrictive les conventions d'exclusion et qu'elle juge
insuffisante une renonciation indirecte. Quant à la renonciation directe, elle
ne doit pas forcément comporter la mention de l'art. 190 LDIP et/ou de l'art.
192 LDIP. Il suffit que la déclaration expresse des parties fasse ressortir de
manière claire et nette leur volonté commune de renoncer à tout recours. Savoir
si tel est bien le cas est affaire d'interprétation (ATF 134 III 260 consid.
3.1; voir aussi l'arrêt 4A_633/2014 du 29 mai 2015 consid. 2.2.1 et les
précédents cités). C'est le lieu de rappeler que la renonciation au recours
vise tous les motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP, y compris celui tiré de
l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 134 III 260 consid. 3.2.4 p. 265;
arrêt 4A_631/2011 du 9 décembre 2011 consid. 3), à moins que les parties
n'aient exclu le recours que pour l'un ou l'autre de ces motifs (art. 192 al. 1
in fine LDIP).

3.2. Au troisième paragraphe de la clause compromissoire correspondant à l'art.
18 du contrat, qui a été reproduite aux pages 11 et 12 de l'acte de recours,
figure le passage suivant:

"  The decision of the arbitrator in any such proceeding will be final and
binding and not subject to judicial review. Appeals to the Swiss Federal
Tribunal from the award of the arbitrator shall be excluded... "
Que la clause en question satisfasse aux conditions posées par l'art. 192 al. 1
LDIP et la jurisprudence y relative pour une renonciation valable au recours
n'est pas contestable. La recourante en est du reste consciente, qui expose,
sous n. 94 à 99 de son mémoire, la raison pour laquelle l'application de cette
disposition n'entrerait néanmoins pas en ligne de compte en l'espèce. De
surcroît, l'intéressée, sous n. 15 de sa réplique, a précisé, à l'intention de
l'intimée, laquelle s'était employée à démontrer la validité de ladite clause
au regard de cette disposition légale, qu'elle "n'a[vait] jamais contesté le
texte de la clause arbitrale".
Toutefois, cette conclusion intermédiaire n'épuise pas le sujet. Les parties et
l'arbitre ont, en effet, avancé différents arguments, qui pour contester
l'applicabilité de la clause précitée aux circonstances du cas concret, qui
pour la justifier. Aussi la Cour de céans, tenue qu'elle est d'examiner cette
condition de recevabilité du recours, commencera-t-elle par résumer les points
de vue antagonistes avant de trancher la question litigieuse.

3.3. 

3.3.1. Evoquant spontanément cette question au début de son mémoire de recours,
la recourante met l'accent sur le fait que l'intimée, défenderesse dans la
procédure arbitrale, a soulevé d'emblée une exception d'incompétence, au motif
que le contrat contenant la clause compromissoire n'avait pas été conclu du
tout, étant donné la falsification de la signature du Dr V.________, avant de
finir par admettre la compétence de l'arbitre, le 20 novembre 2014, en entrant
en matière sur le fond (  unconditional appearance). Selon elle, comme la
compétence de l'arbitre résulte de cette acceptation tacite (  Einlassung), et
non pas de la clause arbitrale insérée dans le contrat, la renonciation au
recours formulée dans ladite clause ne s'appliquerait pas en l'espèce.

3.3.2. Tout en admettant être entrée en matière sur le fond à la date
sus-indiquée, l'intimée conteste en revanche, dans sa réponse au recours, la
conclusion que la recourante a tirée de cette circonstance. A l'en croire,
cette entrée en matière sur le fond n'a pas entraîné la conclusion d'une
nouvelle convention d'arbitrage, mais simplement la perte de son droit de
maintenir l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée  in limine litis.
Par conséquent, cette acceptation tacite de la compétence de l'arbitre s'est
accompagnée d'un accord à tout le moins implicite donné par elle, l'intimée, à
la mise en oeuvre de l'arbitrage aux conditions fixées dans la clause
compromissoire (siège de l'arbitrage, choix de l'institution arbitrale, nombre
d'arbitres et langue de la procédure), y compris la renonciation à tout recours
contre la sentence à venir.
L'intimée fait valoir, par ailleurs, que la position adoptée par la recourante
violerait le principe de la bonne foi en ce qu'elle comporte une contradiction
irréductible consistant à soutenir, d'un côté, que le contrat a été valablement
conclu par les représentants autorisés des deux parties et, de l'autre, que
l'une de ses clauses, à savoir la renonciation au recours, ne lui serait pas
opposable.

3.3.3. Pour sa part, l'arbitre émet deux hypothèses, dont chacune conduit à
l'irrecevabilité du recours, sous la réserve - admise par la Cour de céans -
que la clause de renonciation au recours remplisse les exigences fixées par
l'art. 192 al. 1 LDIP.
La première hypothèse, qu'il a écartée, est celle où le contrat, non falsifié,
serait venu à chef en tous ses éléments constitutifs. Dans cette hypothèse,
l'arbitre considère que toutes les clauses du contrat continueraient à
s'appliquer, y compris celle relative à la renonciation à recourir, l'entrée en
matière inconditionnelle de l'intimée sur le fond ne le libérant que du devoir
d'examiner plus avant sa compétence, mais pas de celui de rechercher si le
contrat existait ou non. Et l'arbitre, envisageant encore le scénario dans
lequel, ayant admis sa compétence du fait de l'acceptation tacite de celle-ci
par l'intimée, il aurait accueilli les conclusions au fond de la recourante,
contrairement à ce qu'il a fait, se demande si, dans ce cas de figure, la
recourante, confrontée à un recours exercé par l'intimée contre la sentence,
aurait pu soutenir que la renonciation au recours était inopérante.
La seconde hypothèse - celle de la falsification du contrat, dont résulterait
nécessairement l'inexistence de la renonciation à recourir formant l'une des
clauses de ce même contrat -, qui a été retenue en l'occurrence, amène
l'arbitre à s'interroger sur le point de savoir si la recourante ne devrait pas
se laisser imputer, au titre de l'abus de droit, le fait d'avoir soutenu de
mauvaise foi, tout au long de la procédure arbitrale, qu'elle était liée par le
contrat incluant la renonciation au recours.

3.3.4. Dans sa réplique, la recourante s'emploie à réfuter les arguments
avancés par l'intimée et l'arbitre.
En premier lieu, l'intéressée maintient que la compétence de l'arbitre ne se
fonde pas sur la clause arbitrale insérée dans le contrat, mais découle
uniquement de l'entrée en matière de l'intimée sur le fond. Il serait, en
effet, totalement artificiel, selon elle, de soutenir, en l'absence de toute
manifestation de volonté concluante, que cet acte de l'intimée exprimait
l'accord de cette dernière à ce que l'arbitrage se poursuivît sur la base de la
clause arbitrale contenue dans un contrat qu'elle affirmait ne pas avoir
conclu. Le "timing" de cette entrée en matière sur le fond très tardive - i.e.
cinq jours seulement après le rejet par l'arbitre de la requête de la
recourante visant à pouvoir produire une contre-expertise aux expertises
ordonnées par l'arbitre -serait du reste hautement inusuel, voire suspect.
Toujours selon la recourante, il aurait échappé à l'intimée que la renonciation
au recours est un accord spécifique, soumis à des exigences particulières, et
que, faute de remplir les conditions de validité de l'art. 192 al. 1 LDIP, une 
Einlassung ne saurait inclure une renonciation valable au recours. Au
demeurant, le principe de la séparabilité, ancré à l'art. 178 al. 3 LDIP, ne
s'appliquerait pas à une telle renonciation.
En second lieu, la recourante s'inscrit en faux contre le reproche qui lui est
fait d'avoir violé les règles de la bonne foi. A l'en croire, la double
hypothèse émise par l'arbitre dans sa réponse au recours serait absurde et même
choquante. En effet, si l'arbitre avait retenu sa thèse à elle, il aurait jugé
le contrat valable et admis les prétentions qu'elle en déduisait, si bien
qu'elle n'aurait pas dû s'adresser au Tribunal fédéral pour être rétablie dans
ses droits. Or, c'est la solution inverse qu'il a choisie, jugeant le contrat
frauduleux. Dès lors, la conséquence qu'emporte cette solution devant aussi
s'appliquer à la clause de renonciation à recourir, celle-ci ne saurait lier la
recourante. L'argument que l'intimée et l'arbitre voudraient tirer du principe
de la bonne foi se retournerait d'ailleurs contre eux: ce sont eux, en effet,
qui ont soutenu, respectivement décidé, que le contrat contenant la clause de
renonciation au recours n'avait pas été conclu, s'agissant d'un acte falsifié;
c'est dire que l'on voit mal comment ils pourraient, de bonne foi, se fonder
aujourd'hui sur cette clause-là pour contester la recevabilité du recours. En
définitive, la recourante estime ne commettre aucun abus de droit ni faire
preuve d'une quelconque mauvaise foi en empruntant la voie de recours qui lui
est ouverte, étant donné les circonstances, et dont elle n'aurait pas eu besoin
de se servir si elle avait obtenu gain de cause.

3.3.5. Persistant à soutenir que son entrée en matière sur le fond l'a
simplement privée du droit de maintenir son exception d'incompétence, mais que
les modalités de la compétence arbitrale (nombre d'arbitres, siège de
l'arbitrage, langue de la procédure, etc.) ne pouvaient en aucun cas reposer
sur ce seul acte, l'intimée maintient, dans sa duplique, que son  Einlassung a
eu pour effet de guérir la clause d'arbitrage contenue dans le contrat. Elle
écarte, par ailleurs, l'accusation de la recourante relative au timing de cette
entrée en matière, la jugeant non seulement infondée mais également hors de
propos, le moment où intervient ledit acte n'ayant aucune incidence sur les
effets de celui-ci. L'intimée fait encore valoir que le contrat comprenant la
clause de renonciation au recours devrait être assimilé à une offre et l'entrée
en matière de l'intimée sur le fond à l'acceptation de cette offre, rendant
ainsi valable la clause de renonciation. Pour le surplus, elle affirme qu'il
serait contraire au principe de la bonne foi d'admettre, dans les circonstances
très particulières qui caractérisent la cause en litige, que la recourante, qui
a falsifié la signature du représentant d'une des parties au contrat et a
inséré dans ce dernier une clause compromissoire contenant une renonciation au
recours, ne puisse pas se voir opposer cet engagement-ci.

3.4. Point n'est besoin d'examiner ici le bien-fondé des arguments avancés de
part et d'autre, le plus souvent d'ailleurs sous la forme d'hypothèses, dès
lors que le motif exposé ci-après justifie à lui seul la décision prise par la
Cour de céans de ne pas entrer en matière sur le présent recours.
Le comportement contradictoire adopté par la recourante dans cette affaire
apparaît incompatible avec les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC;  venire
contra factum proprium). En effet, cette partie a invoqué le contrat, lequel
contient une clause compromissoire incluant une renonciation à recourir au
Tribunal fédéral qui satisfait aux réquisits de l'art. 192 al. 1 LDIP, pour en
déduire une prétention pécuniaire à l'encontre de l'intimée et en faire le
fondement de sa requête d'arbitrage. L'intimée, de son côté, a contesté
l'existence même dudit contrat, motif pris de la falsification de l'une des
deux signatures apposées au pied de ce document, et, par voie de conséquence,
la compétence de l'arbitre fondée sur l'art. 18 du contrat. Elle a ensuite
renoncé tacitement à son exception d'incompétence en entrant en matière sur le
fond. L'arbitre a rejeté intégralement la demande parce que le contrat sur
lequel elle est censée reposer n'existe pas selon lui, s'agissant d'un acte
muni d'une signature contrefaite. En saisissant le Tribunal fédéral, la
recourante entend obtenir l'annulation de la sentence attaquée, dans l'espoir
qu'une nouvelle sentence reconnaîtra la validité du contrat et, partant, lui
allouera la prétention qui en découle. Le problème, c'est qu'elle plaide à la
fois l'inexistence du contrat (à l'instar de l'intimée qui a convaincu
l'arbitre), pour échapper à la clause de renonciation à recourir qu'elle y a
valablement souscrite (elle-même ne contestant pas la véracité de la signature
apposée au pied du contrat par son président), et l'existence du contrat, pour
obtenir le paiement des 93 millions de dollars qu'elle réclame à l'intimée. En
d'autres termes, la thèse soutenue par la recourante, afin de justifier la
validité de la saisine du Tribunal fédéral, épouse celle sur laquelle l'intimée
avait elle-même fait fond pour justifier son exception d'incompétence.
Empreinte d'une contradiction irréductible, elle viole les règles de la bonne
foi. On ne peut pas vouloir tout et son contraire. Soit le contrat existait,
soit il n'existait pas. Dans la première hypothèse, toutes ses clauses seraient
opposables aux parties, y compris la clause compromissoire assortie d'une
renonciation à recourir; dans la seconde, la recourante pourrait certes
recourir, mais elle n'aurait plus d'intérêt à le faire puisque la condition
préalable à ce recours, i.e. l'admission de l'inexistence du contrat,
l'empêcherait d'emblée de faire valoir la prétention élevée par elle sur le
fondement de cet acte inexistant. Peu importe que l'intimée ait accepté
tacitement, par la suite, de se laisser assigner devant l'arbitre, à la seule
fin d'ailleurs de faire constater par ce dernier l'inexistence du contrat et
d'obtenir le rejet intégral de la demande de son adverse partie; le "timing" de
pareille acceptation n'est pas non plus déterminant tout comme le fait que
l'arbitre saisi a admis sa compétence sur la base de cette  Einlassung. De
telles circonstances ne sont pas décisives pour juger de la bonne ou de la
mauvaise foi de la recourante, car elles sont indépendantes de la volonté de
cette partie. En revanche, la situation eût vraisemblablement été différente,
du point de vue de l'intimée, si l'arbitre avait jugé le contrat valable et
accueilli la demande de la recourante. L'intimée, interjetant un recours en
matière civile au Tribunal fédéral, n'aurait alors guère pu se voir opposer une
attitude contradictoire, contraire aux règles de la bonne foi, dès lors que,
plaidant l'inexistence du contrat, elle eût adopté un comportement conséquent
revenant à contester à la fois la validité de la renonciation à recourir
incluse dans la clause compromissoire partageant le sort d'un contrat
inexistant, d'une part, et le fondement même de la prétention litigieuse
déduite dudit contrat, d'autre part.
Quoi qu'il en soit, le comportement déterminant, s'agissant de décider de la
recevabilité du présent recours, est celui, non pas de l'intimée, mais de la
recourante. Aussi la question décisive à cet égard peut-elle être formulée en
ces termes: est-il conforme aux règles de la bonne foi qu'une partie affirmant
avoir signé un contrat dans lequel elle s'est engagée, au moyen d'une clause de
renonciation conforme aux exigences de l'art. 192 al. 1 LDIP, à n'attaquer
aucune sentence y relative devant le Tribunal fédéral, quand bien même
l'arbitre appelé à statuer sur le fond conclurait à l'inexistence dudit contrat
pour cause de falsification, puisse néanmoins former un recours en matière
civile devant cette autorité? Posée autrement, de manière plus synthétique, la
même question pourrait être libellée ainsi: une partie qui s'est engagée
vis-à-vis de l'autre à se soumettre à toute sentence future visant à liquider
un différend issu du contrat signé par elles peut-elle se libérer
unilatéralement de son engagement? La réponse est évidemment négative dans l'un
et l'autre cas.
Force est ainsi de constater l'irrecevabilité du présent recours.

4. 
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
L'indemnité allouée à cette dernière sera prélevée sur les sûretés fournies par
la recourante.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est irrecevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 100'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 150'000 fr. à titre de
dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du
Tribunal fédéral.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique.

Lausanne, le 18 janvier 2017

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

Le Greffier: Carruzzo

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