Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.475/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_475/2015

Arrêt du 19 mai 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.

Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________,
recourants,

contre

Z.________ SA, c/o V.________ SA,
intimée.

Objet
résiliation ordinaire du bail pour vendre l'immeuble à de meilleures conditions
(art. 271 al. 1 CO);

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des
baux et loyers, du 5 août 2015.

Faits :

A.

A.a. Par contrat du 22 mai 2000, X.________ et Y.________ (ci-après: les
locataires ou les demandeurs) ont pris à bail un logement de quatre pièces, au
5 ^e étage d'un immeuble aux Acacias, appartenant à la SI A.________, société à
laquelle ont succédé d'abord B.________ SA, puis Z.________ SA. Le bail a été
conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er juin 2000 au 31 mai 2001, et se
renouvelle depuis d'année en année, sauf préavis de résiliation donné trois
mois à l'avance pour une échéance trimestrielle. Le loyer initial a été fixé à
1'300 fr. par mois, frais de chauffage et d'eau chaude de 100 fr. en sus.

A.b. X.________ occupe seule l'appartement. Elle est au bénéfice d'une rente
simple de l'AVS (selon courrier de la caisse de compensation AVS du 25
septembre 2014, pièce admise en appel, mais ne figurant pas dans le dossier
cantonal). Pour le reste, la situation financière de celle-ci n'a pas été
établie (en violation de la maxime inquisitoire).

A.c. Z.________ SA (ci-après: la bailleresse) est devenue propriétaire de cet
appartement le 17 mars 2010. Celui-ci est compris dans une part de copropriété
de l'immeuble donnant droit à quatre appartements, qu'elle a acquise pour un
montant de 1'050'000 fr.

B. 

B.a. Le 2 décembre 2010, la bailleresse a notifié aux deux locataires de cet
appartement une résiliation ordinaire du bail pour le 31 mai 2011, sans
indication de motif. Elle n'a pas résilié le bail des trois autres
appartements.
Les locataires ont contesté le congé devant la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers du canton de Genève par requête du 22 décembre 2010.
Lors de l'audience du 20 février 2012, les représentants de la bailleresse ont
invoqué qu'au moment du congé, " le but était de vendre afin que l'acquéreur
potentiel n'ait pas à reprendre les baux et vendre le bien au mieux (sic) ".
Ce motif de congé est litigieux entre les parties.

B.b. Dans l'intervalle, le 8 février 2011, la bailleresse a sollicité du
Département des constructions et des technologies de l'information (DCTI)
l'autorisation de vendre sa part de copropriété comprenant les quatre
appartements. Par décision du 28 février 2011, le DCTI a autorisé la vente en
bloc en faveur de la société C.________ SA pour le prix de 1'130'000 fr., étant
précisé que l'acquéreur s'était engagé à reprendre les droits et obligations
des contrats de bail et qu'il ne pourrait y avoir de vente individualisée sur
la base de cette autorisation.

B.c. La Commission de conciliation a annulé le congé litigieux par décision du
20 février 2012, notifiée le 27 avril 2012.

B.d. Par demande adressée au Tribunal des baux et loyers du canton de Genève le
9 mai 2012, la bailleresse a contesté la décision d'annulation du congé prise
par la Commission de conciliation. Elle a conclu à l'annulation de cette
décision et à la constatation de la validité du congé.
De leur côté, les locataires ont conclu à l'annulation du congé et,
subsidiairement, à la prolongation du bail pour une durée de quatre ans. Ils
ont produit des pièces attestant de recherches effectuées pour trouver un
nouveau logement et établissant la situation financière modeste de la
locataire.
Lors de la seconde audience de comparution personnelle des parties devant le
Tribunal des baux le 11 mars 2014, l'administrateur de la bailleresse a indiqué
que l'intention de celle-ci était de vendre à un acquéreur qui préférait avoir
un appartement vacant sur les quatre, mais il a ajouté: " néanmoins, un
arrangement pourrait être trouvé en cas d'augmentation du montant du loyer ";
quant au régisseur, il a précisé que " l'appartement visé avait été choisi dès
lors que son rendement était moins intéressant du point de vue du bailleur et
qu'il s'agissait d'un logement habité par une personne seule ".
Le Tribunal des baux et loyers a annulé le congé par jugement du 16 septembre
2014. Il a considéré qu'il n'y avait pas de lien entre le congé et son motif,
ce qui rendait la résiliation dépourvue de tout intérêt digne de protection.
Statuant sur appel de la bailleresse le 5 août 2015, la Cour de justice du
canton de Genève a réformé ce jugement, constaté la validité du congé et
accordé aux locataires une unique prolongation du bail jusqu'au 31 mai 2015.

C. 
Contre cet arrêt, les locataires ont interjeté un recours en matière civile au
Tribunal fédéral le 14 septembre 2015. Ils concluent à sa réforme en ce sens
que leur action en annulation du congé est admise.
Le bailleur conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet. La cour cantonale se réfère aux considérants de
son arrêt.
La requête d'effet suspensif des locataires a été rejetée, parce qu'aucune
procédure d'évacuation n'était actuellement pendante.

Considérant en droit :

1. 
La bailleresse intimée conclut à l'irrecevabilité du recours pour deux motifs.

1.1. Tout d'abord, elle fait valoir que les recourants ne l'ont pas désignée
correctement en tant que partie intimée, parce que, devant le Tribunal fédéral,
elle ne peut être représentée que par un avocat (art. 40 al. 1 LTF). Elle
estime qu'en indiquant diriger leur recours contre " Z.________ SA, p.a.
V.________ SA, rue..., à Genève, représentée par la W.________ SA, rue..., à
Genève, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile ", les
recourants ont indiqué une représentation et une adresse d'un mandataire non
autorisé; selon elle, ils auraient dû indiquer son adresse privée, à son siège
(selon le rubrum, rue..., à Genève c/o V.________ SA).
Ce grief est manifestement infondé. Il résulte clairement des indications
sus-rappelées que les recourants ont bien indiqué quel est le siège et donc
l'adresse privée de la bailleresse intimée, de sorte qu'il n'y a aucune
incertitude, ni aucune ambiguïté s'agissant de l'identité de la personne contre
laquelle est dirigé leur recours (ATF 114 II 335 consid. 3a). Le fait que la
régie ne puisse pas représenter une partie devant le Tribunal fédéral (art. 40
al. 1 LTF) a pour unique conséquence d'exclure cette représentation. Dès lors
que le recours a été signé par la locataire (cf. infra consid. 1.2), il est
formellement valable (art. 42 al. 1 LTF).

1.2. Ensuite, la bailleresse intimée soutient que le recours qui a été signé
deux fois par la locataire, une fois pour elle et une fois en tant que
représentante de son colocataire (sur procuration) serait irrecevable, faute
d'avoir été signé également par le colocataire lui-même. Elle estime que
puisque la locataire n'est pas un avocat autorisé à représenter une partie
devant le Tribunal fédéral (art. 40 LTF), elle ne peut signer pour son
colocataire; le recours ayant à l'évidence été rédigé par un avocat, ce vice ne
serait pas réparable.
La cour cantonale a constaté que X.________ occupe seule l'appartement. Il
s'ensuit que Y.________, qui ne serait qu'un garant, n'a pas qualité pour agir
en tant que colocataire à l'action en annulation du congé, action qui concerne
exclusivement l'usage des locaux loués (FRANÇOIS BOHNET, Actions civiles, 2014,
§ 75 n. 14). En effet, seul celui qui utilise effectivement les locaux a
intérêt à l'annulation du congé.
Par conséquent, le recours est irrecevable en tant qu'il est interjeté par
Y.________. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant la question de
l'absence de signature de ce dernier soulevée par la bailleresse intimée.

2. 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) par la
locataire qui a succombé dans ses conclusions en contestation de la résiliation
du bail (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur
recours (art. 75 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse excède 15'000
fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable.

3. 

3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353
consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al.
2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui soutient que les faits ont
été constatés d'une manière arbitraire doit satisfaire au principe d'allégation
(art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire soulever expressément ce grief et exposer
celui-ci de façon claire et détaillée (ATF 135 III 232 consid. 1.2; 133 II 249
consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral se montre réservé en matière de constatations de fait et
d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine
aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le
juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de
preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes
ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions
insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 265; 137 III 226 consid. 4.2; 136
III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8
consid. 2.1).

3.2. Le recours en matière civile est recevable notamment pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral
applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que
les questions soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du
droit ne soit manifeste (arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2011 consid. 2.1 non
publié in ATF 135 III 112). Les parties ne peuvent s'en prendre qu'à
elles-mêmes si elles abandonnent un grief ou y renoncent (ATF 140 III 86
consid. 2; arrêts 5A_621/1013 du 20 novembre 2014 consid. 2, non publié aux ATF
141 III 53; 5F_1/2014 du 18 février 2014 consid. 3.3 et 4A_132/2014 du 2 juin
2014 consid. 1). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation
juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut
admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution
de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2).

4. 

4.1. Lorsque le bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient
une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de
résilier le contrat pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai
de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59
consid. 2.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que
jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté
contractuelle renaît et chacun a la faculté de conclure ou non un nouveau
contrat et de choisir son cocontractant (arrêts 4A_484/2012 du 28 février 2013
consid. 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16
janvier 2012 consid. 2.2). La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas
l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce
même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 138 III
59 consid. 2.1 p. 62; 141 III 496 consid. 4.1). En principe, le bailleur est
donc libre de résilier le bail du locataire pour des motifs économiques,
l'ordre juridique lui permettant d'optimiser son rendement dans les limites
fixées par la loi, comme le locataire peut le résilier pour occuper un logement
meilleur marché (ATF 120 II 105 consid. 3b/bb; 136 III 190 consid. 2). Le fait
que le nouveau propriétaire ait la faculté de résilier le bail de manière
anticipée s'il fait valoir un besoin urgent pour lui-même ou ses proches
parents ou alliés (résiliation extraordinaire) en vertu de l'art. 261 al. 2
let. a CO ne prive pas le propriétaire actuel de son droit de résilier le bail
de manière ordinaire (l'opinion contraire professée par un auteur de doctrine a
été écartée par l'ATF 120 II 105 consid. 3b/aa  in fine).

4.2. La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles
de la bonne foi: lorsque le bail porte sur une habitation ou un local
commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne
foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO; ATF 140 III 496 consid.
4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêt 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid.
4.1). Dans ce cadre, le motif de la résiliation revêt une importance décisive:
le congé doit être motivé si l'autre partie le demande (art. 271 al. 2 CO) et
une motivation lacunaire ou fausse est un indice d'une absence d'intérêt digne
de protection à la résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1 p. 59 et les arrêts
cités).
La protection conférée par les art. 271-271a CO procède à la fois du principe
de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art.
2 al. 2 CC).
Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence
d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique
contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence,
l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent
de dire si le congé contrevient ou non aux règles de la bonne foi au sens de
l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; sur les cas typiques
d'abus de droit: ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169). Il n'est toutefois pas
nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un
abus de droit " manifeste " au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190
consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a, 105 consid. 3 p.
108). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à
aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid.
4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il
est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque
sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190
consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1).
Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de
confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir
l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible
avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).
Le but de la règlementation des art. 271-271a CO est uniquement de protéger le
locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux
règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des
conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que
l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du
bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid.
2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité
d'un congé, il ne faut pas procéder à la pesée entre l'intérêt du bailleur à
récupérer son bien et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée
des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêt
4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

4.3. Le congé donné par le bailleur pour des motifs économiques n'est donc
annulable que s'il se révèle incompatible avec les règles de la bonne foi au
sens des art. 271-271a CO (arrêt 4A_300/2010 du 2 septembre 2010 consid. 5).
La jurisprudence et la doctrine envisagent notamment le cas de la résiliation
donnée par le bailleur pour optimiser le rendement de son bien ( 
Ertragsoptimierungskündigung) et celui de la résiliation donnée en vue d'en
tirer un meilleur profit lors de la vente (  Leerverkaufskündigung).

4.3.1. En ce qui concerne le premier cas, selon un arrêt publié de 1994 (ATF
120 II 105 consid. 3b), le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un
nouveau locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne constitue pas, en
règle générale un abus de droit. Une restriction au libre exercice du droit de
résiliation ne peut être déduite abstraitement de la loi, mais doit découler
des rapports spécifiques qui unissent les parties au contrat de bail et elle
trouvera, le cas échéant, sa justification dans la confiance que l'un des
partenaires contractuels aura pu éveiller chez l'autre. La résiliation ne doit
pas servir de prétexte à la poursuite d'un but illicite: il faut que le
bailleur soit en mesure d'exiger d'un nouveau locataire un loyer supérieur à
celui payé jusque-là par le preneur congédié. En d'autres termes, le congé est
annulable si l'application de la méthode de calcul absolue du loyer permet
d'exclure l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, parce
que celui-ci est déjà conforme au prix du marché et lui procure un rendement
suffisant. Une telle situation tombe sous le coup de l'interdiction de l'abus
de droit. Exceptionnellement, selon les circonstances, même la résiliation
donnée pour obtenir un rendement plus élevé, mais non abusif, pourra être
constitutive d'abus de droit lorsque, par exemple, le bailleur ne dispose que
d'une réserve de hausse insignifiante et n'en fait pas moins usage afin de se
débarrasser commodément, par ce biais, d'un locataire qui ne lui convient plus.
Il s'agit uniquement pour le juge de déterminer si une augmentation est
possible en application de la méthode absolue, non pas de se prononcer sur le
caractère abusif ou non d'une augmentation déterminée, ni de fixer le loyer
maximal non abusif (précision apportée par l'arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008
consid. 2.1 et les arrêts cités). Ces principes ont encore été confirmés dans
les ATF 136 III 74 consid. 2.1 et 136 III 190 consid. 2, ainsi que dans
plusieurs arrêts non publiés (arrêts 4C.61/2005 du 27 mai 2005 consid. 4.1;
4C.85/2006 du 24 juillet 2006 consid. 2.2.1; 4A_575/2008 du 19 février 2009
consid. 4.2; 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_472/2007 précité
consid. 2.1).
Il découle de cette jurisprudence que le bailleur a notamment la possibilité de
résilier de manière ordinaire un contrat de bail qu'il aurait conclu pour une
courte durée à des conditions très favorables pour le locataire ou pour un
loyer modique à un membre de sa famille avec lequel les relations sont devenues
houleuses (arrêt 4C.85/2006 du 24 juillet 2006 consid. 2.2; cf. TERCIER/FAVRE,
Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n. 2710). En effet, dans ces cas, le loyer
actuel très avantageux ne procure pas au bailleur un revenu correspondant au
rendement net admissible (art. 269 CO; ATF 122 III 257 consid. 3a; 141 III 245
consid. 6.3 p. 252) ou aux loyers usuels dans la localité ou le quartier (art.
269a let. a CO; ATF 141 III 569 consid. 2).
Cette jurisprudence, qui repose sur l'application de la méthode de calcul
absolue, a fait l'objet de critiques en doctrine: dès lors que le locataire
actuel bénéficie de la protection de son loyer selon la méthode relative, la
résiliation ordinaire du bail pour obtenir, selon la méthode de calcul absolue,
un loyer plus élevé d'un nouveau locataire, reviendrait à détourner les règles
sur l'augmentation de loyer (cf. notamment ROGER WEBER, Basler Kommentar, no 16
ad art. 271/271a CO; LACHAT ET AL., Dans Mietrecht für die Praxis, 8e éd. 2009,
n. 29/4.7 p. 609 et les références de la note 88; SOLUNA GIRON, Die
missbräuchliche Kündigung von Wohn- und Geschäftsraummiete, in Jusletter du 25
août 2014, ch. II.4). Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner ces critiques,
puisque le présent litige a trait à une résiliation donnée en vue de tirer un
meilleur profit du bien immobilier lors de la vente (  Leerverkaufskündigung)
(pour ce cas de figure, cf. infra consid. 4.4; pour le constat, cf. infra
consid. 5).

4.4. Dans plusieurs arrêts non publiés, le Tribunal fédéral a jugé que la
résiliation ordinaire donnée par le bailleur propriétaire en vue de vendre son
bien à de meilleures conditions sans occupant (  Leerverkaufskündigung) ne
constituait pas un abus de droit dans le cas concret.
Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que le propriétaire d'un domaine,
comprenant une maison de maître, des dépendances, garages, écuries, appartement
pour le personnel et jardin à la française, n'avait pas commis d'abus de droit
en résiliant le bail pour vendre son domaine libre de locataires à de
meilleures conditions. Il a considéré qu'il n'avait pas été constaté en fait
que ce motif de résiliation ne serait pas réel et constituerait un pur
prétexte. Un propriétaire peut en principe vendre son bien et la poursuite d'un
but économique n'a en règle générale rien d'illégitime ou d'abusif. S'agissant
d'un objet d'exception (un domaine de luxe), on peut imaginer que l'acquéreur
pourrait souhaiter y vivre personnellement. Que le domaine soit libre de tout
occupant paraît effectivement de nature à favoriser la vente. Il n'a pas été
constaté que le propriétaire aurait adopté une attitude contradictoire. Il n'y
avait en l'espèce pas d'élément concret permettant de penser que la résiliation
aurait été un moyen de pression pour amener les locataires à acheter le domaine
(art. 271a al. 1 let. c CO) (arrêt 4C.267/2002 du 18 novembre 2002 consid.
2.3).
S'agissant de la résiliation du bail portant sur un manège de chevaux, après
environ 20 ans, lors du décès du locataire, et signifié par la propriétaire qui
occupait un logement dans le bâtiment et ne pouvait plus continuer à y habiter
pour des raisons de santé, le Tribunal fédéral a considéré qu'elle n'était pas
constitutive d'abus de droit dès lors qu'il avait été constaté que la
propriétaire avait l'intention de vendre sa propriété en raison de problèmes de
santé et que la présence d'un locataire constituait un obstacle à la
réalisation de la vente (arrêt 4C.176/2004 du 8 septembre 2004, Faits et
consid. 2).
S'agissant d'une société active dans le domaine de l'achat et de la vente de
biens immobiliers, le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation signifiée
par celle-ci à la locataire d'un appartement de cinq pièces pour vendre
celui-ci libre de tout occupant à des acquéreurs, qui généralement souhaitent y
habiter, n'était pas abusive dès lors qu'il avait été constaté que la locataire
disposait d'un revenu confortable et était prête à déménager, que la
bailleresse devait vendre un ou deux objets par année pour fonctionner
normalement et qu'il était évident que la vente d'un appartement isolé à une
personne qui souhaite l'habiter elle-même est plus facile si l'appartement est
libre de tout occupant (arrêt 4A_484/2012 du 28 février 2013, Faits et consid.
2.3).
En ce qui concerne la résiliation ordinaire signifiée par un propriétaire qui
est en proie à des difficultés financières importantes et veut obtenir des
liquidités pour faire face à ses engagements envers des banques, et qui
souhaite vendre l'appartement litigieux libre de tout occupant afin d'en
obtenir un meilleur prix, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'avait pas été
constaté par la cour cantonale que le prix de vente de cet appartement de trois
pièces et demie, au loyer modéré et situé au centre ville, dépendait de ce
qu'il soit occupé ou non et qu'il ne s'agissait pas non plus d'un fait notoire.
Le Tribunal fédéral a donc estimé que seul le cas d'abus de la disproportion
des intérêts en jeu due au défaut d'intérêt digne de protection du bailleur
aurait pu rendre la résiliation abusive (arrêt 4A_322/2007 du 12 novembre 2007
consid. 5-6).
Force est ainsi de constater que le Tribunal fédéral n'a pas établi de règle
abstraite pour le cas où la résiliation est donnée en vue d'en tirer un
meilleur profit lors de la vente. Il n'a pas retenu que tout appartement sans
occupant se vendrait plus cher, mais a recherché dans chaque cas particulier
si, au vu des faits constatés par l'instance cantonale, un abus de droit était
réalisé ou non; il est précisé que, dans le cadre de cet examen, il n'y a en
principe pas lieu de procéder à la pesée des intérêts du bailleur et du
locataire (cf. supra consid. 4.2). Le juge peut toutefois examiner s'il existe
une disproportion évidente entre les intérêts en présence, soit ceux purement
financiers du bailleur et le problème particulièrement pénible sur le plan
humain causé au locataire par la résiliation, puisqu'il s'agit là d'un cas
d'abus de droit pouvant entrer en ligne de compte (arrêts 4A_300/2010 du 2
septembre 2010 consid. 4.3; 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid. 2.3.3).

4.5. Pour décider de la validité d'un congé ordinaire, il est donc déterminant
de connaître le motif réel de ce congé. Cette détermination est une
constatation de fait (ATF 131 III 535 consid. 4.3. p. 540; 130 III 699 consid.
4.1. p. 702; arrêt 4A_476/2015 précité consid. 5.1), que le Tribunal fédéral ne
corrige que si elle est arbitraire (art. 97 al. 1 LTF en relation avec l'art. 9
Cst.; cf. supra consid. 3.1). Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de
la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut
en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur
aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (ATF 125 III
231 consid. 4b p. 240; 4A_241/2010 consid. 2.3; 4A_64/2010 consid. 2.2).
Pour en juger, le juge doit se placer au moment où la résiliation a été
notifiée (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1 p. 61 s. et les
arrêts cités). Il appartient au destinataire du congé de démontrer que celui-ci
contrevient aux règles de la bonne foi; la partie qui résilie et qui doit
motiver le congé a seulement le devoir de collaborer loyalement à la
manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession
nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle (ATF 135 III 112
consid. 4.1. p. 119; 120 II 105 consid. 3c p. 111).

5.

5.1. En l'espèce, il faut donc examiner tout d'abord pour quel motif réel le
bailleur a donné le congé le 2 décembre 2010.

5.1.1. La cour cantonale a considéré que le motif du congé, qui ne figurait ni
dans l'avis de résiliation, ni dans le courrier d'accompagnement, a été indiqué
lors de l'audience de conciliation du 20 février 2012. Elle a retenu que la
bailleresse a indiqué vouloir reprendre possession de son bien pour le vendre
aux meilleures conditions et que cette intention a été confirmée par la demande
ultérieure d'autorisation que la bailleresse a sollicitée du Département des
constructions, ainsi que par les déclarations de celle-ci et celles de la
société acheteuse en audience.
La recourante considère que cette appréciation est arbitraire (art. 9 Cst.),
qu'elle n'est pas motivée (art. 29 al. 2 Cst.) et qu'elle viole en sus l'art.
271 al. 1 CO. Selon elle, l'intention de la bailleresse n'était pas de vendre
l'appartement libre de tout locataire à un tiers à de meilleures conditions. Ce
ne serait qu'un prétexte: soit elle n'avait pas l'intention de vendre et
voulait simplement le louer plus cher sans avoir à démontrer qu'elle pouvait le
faire, soit elle avait l'intention de vendre et le nouvel acquéreur avait
l'intention de le louer plus cher. Le fait que la vente n'ait pas encore eu
lieu - ce fait permettant de reconstruire la volonté hypothétique du bailleur
au moment de la résiliation - en serait la preuve.

5.1.2. Il faut concéder à la recourante que la société acheteuse n'a pas été
entendue en audience, ce que reconnaît aussi l'intimée. Il ne résulte toutefois
pas de cette seule inexactitude que l'appréciation de la cour serait
arbitraire.
Il ressort des constatations de fait que la propriétaire bailleresse a requis
une autorisation de vendre ses quatre appartements en bloc à la société
C.________ SA au prix de 1'130'000 fr. et que, selon les déclarations de son
administrateur en audience, la vente n'avait toujours pas été passée, car la
préférence de l'acquéreur était d'avoir un appartement vacant sur les quatre.
Le fait que cet administrateur ait ajouté que " néanmoins, un arrangement
pourrait être trouvé en cas d'augmentation du montant du loyer ", et que, de
son côté, le régisseur ait précisé que " l'appartement visé avait été choisi
dès lors que son rendement était moins intéressant du point de vue du bailleur
et qu'il s'agissait d'un logement habité par une personne seule " ne saurait
entraîner que la constatation de la volonté du bailleur de vendre sans occupant
à un meilleur prix serait arbitraire. On ne peut déduire de ces déclarations
que la vente serait un motif déguisé, destiné à cacher le motif réel, qui
serait de demeurer propriétaire et d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer
plus élevé. D'ailleurs, la recourante ne l'affirme pas non plus puisqu'elle
invoque que le but était soit pour la propriétaire, soit pour l'acquéreur de
relouer plus cher. Elle méconnaît que le critère déterminant est de savoir si
le propriétaire peut vendre à de meilleures conditions sans occupant. Le fait
que le nouvel acquéreur en fasse une condition de l'achat pour ensuite relouer
plus cher importe peu s'agissant de l'examen de l'intérêt du bailleur.
Contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale ne s'est pas
basée sur la seule déclaration de l'administrateur de la propriétaire, mais
également sur le fait qu'une autorisation de vendre a été requise et obtenue
des autorités administratives et sur les déclarations du régisseur.
Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, la possibilité
théorique que le bailleur résilie le bail en indiquant son intention de vendre
pour finalement relouer l'appartement à un complice pour un loyer supérieur ne
suffit pas à faire obstacle à la résiliation ordinaire. Pour qu'il y ait abus,
il faut qu'une telle manoeuvre soit constatée par l'instance cantonale (arrêt
4A_322/2007 précité consid. 6). Or, en l'espèce, la cour cantonale a admis
l'intention de la propriétaire de vendre à de meilleures conditions, sans
constater de manoeuvre abusive de la part de celle-ci. L'éventualité que
l'acquéreur veuille ensuite relouer plus cher n'est pas décisive à cet égard
dès lors qu'il s'agit uniquement de savoir si le bailleur peut vendre son bien
à un meilleur prix sans occupant.
Il s'ensuit que les griefs d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et de
violation du droit d'être entendu pour défaut de motivation soulevés par la
recourante sont infondés. Dans la mesure où le grief de violation de l'art. 271
al. 1 CO ne repose pas sur les faits qui ont été constatés, et dont la
recourante n'a pas démontré l'arbitraire, mais qu'il part de la présupposition
que le motif de résiliation serait déguisé, il est irrecevable. Quant aux
autres griefs de fait - relatifs à la société propriétaire, à l'âge de la
locataire et à la pénurie de logements de 4 pièces -, ils sont donc sans
pertinence.

5.2. Il faut examiner maintenant si le motif réel de la vente à de meilleures
conditions sans occupant est ou non conforme aux règles de la bonne foi.

5.2.1. Pour le cas où, par hypothèse, l'intention de la propriétaire de vendre
à de meilleures conditions serait retenue, la recourante soutient que les cas
dans lesquels la jurisprudence a admis que la vente se ferait à de meilleures
conditions étaient tous des cas dans lesquels l'acquéreur entendait occuper
lui-même l'appartement et qu'ils ne seraient donc pas applicables en l'espèce,
dès lors que l'acquéreur a souhaité que le bail litigieux soit résilié parce
que le loyer était bas, et ce pour pouvoir relouer plus cher à un nouveau
locataire.
Or, la recourante ne conteste pas que la propriétaire puisse vendre le bloc de
quatre appartements plus cher si l'appartement litigieux qu'elle occupe est
vacant; elle reconnaît en effet que son appartement a été ciblé car le loyer
est moins intéressant du point de vue du bailleur. La question de savoir si
l'acquéreur veut occuper lui-même ou non l'appartement n'est pas pertinente à
cet égard. Le grief de la recourante est donc sans objet.
Il sied toutefois de préciser que, contrairement à ce que croit la cour
cantonale, le Tribunal fédéral n'a jamais admis de manière abstraite que la
vente d'un appartement libre d'occupant se fait toujours à de meilleures
conditions, mais qu'il a, dans tous les cas, examiné cette question
concrètement sur la base des constatations de fait de l'instance cantonale.

5.2.2. La recourante soutient aussi que la vente en bloc de quatre appartements
ne peut être assimilée à la vente d'un seul appartement.

5.2.2.1. La cour cantonale a considéré que, même si les arrêts rendus par le
Tribunal fédéral concernent des appartements vendus séparément, il n'y a pas
lieu de s'écarter de sa jurisprudence lorsque, comme en l'espèce, la
résiliation porte sur un seul des quatre appartements vendus en bloc.

5.2.2.2. En tant qu'elle fait valoir que l'autorisation administrative
n'autorise que la vente en bloc et que ce fait serait décisif, la recourante
méconnaît que le but de la législation de droit public cantonal ne peut pas
limiter le droit du bailleur de résilier le bail, ni ne vise au contrôle des
loyers (arrêt 4A_641/2014 du 23 février 2015 consid. 1). Elle n'ignore pourtant
pas que cette législation vise à la conservation du parc locatif puisqu'elle
affirme elle-même qu'elle a pour but d'"éviter une vente à la découpe à des
particuliers, qui souhaiteront habiter des logements, privant ainsi le parc
immobilier de biens destinés à la location" (cf. EMMANUELLE GAIDE/VALÉRIE
DÉFAGO GAUDIN, La LDTR, 2014, p. 107 ss).
Lorsqu'elle estime qu'il faudrait traiter différemment la vente en bloc à un
investisseur, elle méconnaît que l'intérêt à prendre en considération pour
juger de la validité de la résiliation ordinaire est celui du propriétaire
vendeur, et non celui de l'acquéreur.
De même, lorsqu'elle craint le " danger que les immeubles à loyers modestes
fassent l'objet d'une vague de résiliation de bail, uniquement pour se
débarrasser des locataires en place en vue de relouer plus cher ", elle
méconnaît que l'intérêt à prendre en considération est celui du prix plus élevé
que peut obtenir le propriétaire vendeur, et non celui du locataire qui n'est
pris en compte qu'en cas de disproportion évidente (autre cas d'abus de droit
au sens de l'art. 271 al. 1 CO) ou dans l'examen de la prolongation du bail
(art. 272 al. 1 CO). La possibilité que le bailleur ait motivé le congé " par
le souhait de vendre à meilleur prix, pour finalement ne pas vendre le bien " a
été niée, sans arbitraire, par la cour cantonale.

5.2.3. La recourante fait encore valoir, en se référant à Christian Calamo
qu'il faudrait appliquer la jurisprudence relative à la résiliation pour
relouer plus cher, lorsque le nouvel acquéreur - qui est un investisseur et a
acheté en bloc - souhaite relouer l'appartement à un nouveau locataire à un
prix plus élevé. Elle invoque ce grief à titre subsidiaire, pour le cas où la
vente à des meilleures conditions sans occupant serait retenue: elle souhaite
une modification de la jurisprudence découlant de l'arrêt 4C.267/2002,
invoquant le but social visé par les règles du droit du bail sur la protection
des locataires et la nécessité de combattre les effets négatifs de la
spéculation.

5.2.3.1. Dans la mesure où, comme exposé ci-dessus, l'arrêt 4C.267/2002 examine
s'il y a abus de droit dans un cas particulier, en fonction des circonstances
concrètes, on ne voit pas en quoi il devrait être modifié.

5.2.3.2. La recourante veut en réalité, en se référant à Calamo, que l'abus de
droit soit admis de manière abstraite chaque fois que le propriétaire résilie
pour vendre son immeuble à de meilleures conditions et que l'acquéreur n'entend
pas l'occuper lui-même, mais veut seulement le relouer. Elle semble même
vouloir que soit interdite toute résiliation ordinaire pour vendre plus cher en
se référant à Zihlmann, Thanei, Giron et Weber, et ce pour tenir compte de
l'importance du logement pour l'individu, pour promouvoir la paix sociale et
pour combattre les effets négatifs de la spéculation.
Toutefois, les références doctrinales qu'elle invoque à l'appui de sa thèse ne
justifient pas une modification de la jurisprudence. La référence faite à
Calamo (Die missbräuchliche Kündigung, 1994, p. 302-303, p. 303 in medio) est
erronée. Zihlmann, comme la recourante le précise, relève que l'interdiction de
toute résiliation en relation avec la vente d'un appartement loué a été écartée
par le législateur (Das Mietrecht, 2e éd. 1995, p. 213 et note 39). Comme cela
résulte clairement de la jurisprudence, le législateur n'a pas entendu apporter
d'autres limites à la liberté contractuelle - et donc au droit de résilier le
bail pour l'échéance contractuelle ou légale, notamment pour des motifs
économiques - que la violation des règles de la bonne foi (art. 271-271a CO;
ATF 120 II 105 consid. 3b/bb; cf. supra consid. 4.2). Il n'appartient pas au
Tribunal fédéral de faire évoluer la jurisprudence dans un sens contraire à ce
qu'a voulu le législateur, même si cette évolution est souhaitée par certains
auteurs (cf. les références in Lachat, Mietrecht für die Praxis, 8e éd. 2009,
note 90 p. 610). Savoir s'il y a violation des règles de la bonne foi
présuppose un examen concret et non abstrait des circonstances du cas
particulier, ces dernières relevant des constatations de fait.
En l'espèce, dès lors qu'il résulte des constatations, jugées non arbitraires,
de l'arrêt attaqué que la propriétaire a la possibilité de vendre ses quatre
appartements plus chers sans occupant, que ce fait n'est même pas contesté par
la locataire, la résiliation ordinaire ne saurait être qualifiée d'abusive.

6. 
Il y a lieu d'examiner encore si un autre cas d'abus de droit serait réalisé, à
savoir s'il existe une disproportion évidente des intérêts en présence.

6.1. Selon la jurisprudence, une annulation du congé selon l'art. 271 al. 1 CO
est justifiée en cas de disproportion évidente entre les intérêts réciproques
du bailleur et du locataire; il s'agit d'un autre cas typique d'abus de droit
(arrêt 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2 et 2.3).

6.2. Selon la cour cantonale, la locataire qui occupe l'appartement ne fait pas
valoir, quand bien même ses ressources financières sont modestes, qu'elle se
trouve dans une situation particulièrement pénible et, bien qu'ayant atteint
l'âge de la retraite, elle n'a pas une santé précaire ni ne souffre d'une
difficulté majeure. La cour cantonale a donc jugé qu'il ne se justifie pas de
retenir une disproportion manifeste (sic!) des intérêts en présence susceptible
d'entraîner une annulation du congé.

6.3. Dès lors qu'il a été constaté que la bailleresse a l'intention de vendre à
de meilleures conditions sans occupant, que l'acquéreur n'est disposé à acheter
au prix convenu que si l'appartement est vacant, il était superflu d'examiner
si la bailleresse jouit ou non d'une situation florissante, si le bénéfice
qu'elle va en tirer est important ou non et si les trois autres appartements
lui procurent un rendement intéressant. Le principe de la liberté contractuelle
doit l'emporter lorsque le propriétaire veut réaliser son bien. C'est ainsi à
tort que la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir procédé à une
appréciation schématique, qui " viole l'art. 4 CC et confine à l'arbitraire
(art. 9 Cst) ".
La cour cantonale n'a pas ignoré que la situation de la locataire est modeste,
voire très modeste, ni qu'il y a pénurie de logements à Genève, ce fait étant
notoire. Les intérêts que fait valoir la locataire ne sont pas tels qu'il y
aurait disproportion évidente en sa défaveur. Il est superflu d'examiner ici la
critique de la recourante selon laquelle l'abus de droit n'a pas à être
manifeste dans le cadre de l'art. 271 CO et donc que la disproportion n'aurait
pas à être " manifeste ", comme l'a retenu la cour cantonale.

7. 
En l'absence de grief de la recourante, il n'y a pas lieu de contrôler la
motivation de l'unique prolongation du bail de quatre ans accordée à la
locataire par la cour cantonale.

8. 
Les frais de la procédure doivent être mis à la charge de la locataire qui
succombe (art. 66 al. 1 LTF). La bailleresse ayant procédé sans l'aide d'un
avocat, elle n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours de Y.________ est irrecevable.

2. 
Le recours de X.________ est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de X.________.

4. 
Il n'est pas alloué de dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des baux et loyers.

Lausanne, le 19 mai 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Piaget

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