Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.453/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_453/2015

Arrêt du 18 mai 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
toutes deux représentées par Me Claire Bolsterli,
recourantes,

contre

H.C.________ et F.C.________, représentés par Me Pierre-Yves Bosshard,
intimés.

Objet
bail à loyer; contestation du loyer initial,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 5 août 2015 par la Chambre
des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A. 
Les époux H.C.________ et F.C.________, jusqu'alors locataires d'un appartement
de trois pièces à la rue... à Genève, ont signé le 2 septembre 2013 un contrat
de bail par lequel A.________ (ci-après: la bailleresse) leur cédait l'usage
d'un appartement de trois pièces au Grand-Saconnex (GE). Le bail était conclu
pour cinq ans et quinze jours, soit du 15 septembre 2013 au 30 septembre 2018.
Le loyer initial s'élevait à 18'600 fr. par an, alors que le locataire
précédent payait un loyer de 17'760 fr. Le même jour, les parties ont conclu un
second contrat de bail portant sur une place de parc extérieure, pour un loyer
annuel de 1'200 fr.

B.

B.a. Par requêtes du 14 octobre 2013 déclarées non conciliées et portées devant
le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, les locataires, assistés
par l'ASLOCA, ont contesté le loyer initial des deux choses louées. Dans leurs
conclusions du 6 février 2014, ils demandaient à ce que les loyers annuels
soient fixés respectivement à 12'000 fr. pour le logement et à 600 fr. pour la
place de parc; ils requéraient en outre que les loyers payés en trop soient
restitués et que le montant de la garantie bancaire soit adapté au loyer
réduit. Ils ont dirigé les deux actions contre la bailleresse et contre
B.________ en faisant valoir que celle-ci figurait comme propriétaire de
l'immeuble au Registre foncier. Les deux défenderesses ont conclu
principalement à l'irrecevabilité des actions au motif que les locataires
n'étaient pas contraints, au sens de l'art. 270 al. 1 let. a CO, de conclure
les baux.
Le Tribunal des baux et loyers a joint les deux actions et limité la procédure
à la question de la recevabilité. Par jugement du 25 septembre 2014, il a
déclaré recevables les requêtes en contestation du loyer initial et a réservé
la suite de la procédure.

B.b. La bailleresse et la codéfenderesse ont interjeté appel. Statuant par
arrêt du 5 août 2015, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice
genevoise a confirmé le jugement attaqué.

C. 
La bailleresse et la codéfenderesse (ci-après: les recourantes) ont saisi le
Tribunal fédéral d'un recours en matière civile. Elles concluent à ce que les
requêtes en contestation du loyer initial soient déclarées irrecevables. Les
locataires (ci-après: les intimés), désormais assistés d'un avocat, concluent
principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.
Recourantes et intimés ont, de leur propre chef, déposé une seconde écriture.
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt.
La requête d'effet suspensif formée à l'appui du recours a été acceptée par
ordonnance du 15 octobre 2015.

Considérant en droit :

1.

1.1. L'arrêt attaqué est une décision incidente, susceptible de recours si
l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale
permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1
let. b LTF).
Les recourantes concluent à l'irrecevabilité de l'action intentée par les
intimés; l'admission d'une telle conclusion mettrait clairement fin à la
procédure en contestation du loyer. Les intimés objectent cependant qu'en cas
d'admission du grief, la cour de céans ne serait pas en mesure de statuer sur
cette conclusion et devrait renvoyer la cause à l'autorité précédente pour
qu'elle complète l'état de fait. En réalité, on ne saurait affirmer à ce stade
que le renvoi de la cause s'impose comme la seule issue possible en cas
d'admission du grief. Il s'ensuit que la première condition posée par l'art. 93
al. 1 let. b LTF est réalisée.
Les recourantes allèguent que la procédure probatoire pour fixer le loyer
admissible sera longue et coûteuse parce que l'immeuble concerné a été
construit il y a cinquante ans, qu'elles ne disposent pas des pièces comptables
permettant de déterminer les fonds propres investis et qu'une comparaison avec
les loyers usuels du quartier est irréalisable dès lors que tous les autres
immeubles du quartier appartiennent à l'une d'elles. Les intimés rétorquent que
les recourantes ont de toute façon fait savoir qu'elles ne produiraient pas les
pièces nécessaires au calcul de rendement et ne fourniraient pas d'exemples
comparatifs.
En l'état, l'on ne peut inférer de l'arrêt attaqué que les recourantes auraient
opposé un refus clair et définitif de produire les pièces nécessaires à la
fixation du loyer initial. Or, si l'on se fonde sur les précisions données, non
contredites par les intimés, le calcul de rendement admissible, qu'on ne
saurait à ce stade exclure, est susceptible de poser des difficultés et
nécessiter des développements entraînant une procédure probatoire longue et
coûteuse. En bref, il se justifie d'admettre la possibilité d'un recours
immédiat.

1.2. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont
remplies. En particulier, la valeur litigieuse est supérieure au seuil de
15'000 fr. requis par l'art. 74 al. 1 let. a LTF (diminution des loyers de
respectivement 6'600 fr. et 600 fr. par an, durant cinq ans et quinze jours).

2.

2.1. Les recourantes plaident que les intimés ne remplissent pas les conditions
légales pour contester le loyer initial.
L'art. 270 al. 1 CO autorise le locataire à contester le loyer initial aux
conditions suivantes:

"a.       s'il a été contraint de conclure le bail par nécessité personnelle ou
familiale ou en raison de la situation sur le marché local du logement et des
locaux commerciaux; ou
b.       si le bailleur a sensiblement augmenté le loyer initial pour la même
chose par rapport au précédent loyer."
Cette disposition a succédé à l'art. 17 de l'arrêté fédéral du 30 juin 1972
instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (AMSL). Dans sa
dernière teneur, l'art. 17 AMSL autorisait le locataire à contester le loyer
initial jugé abusif "si la situation difficile dans laquelle il se trouv[ait]
l'a[vait] contraint à conclure le bail" (RO 1977 1270). La version allemande
utilisait le terme "Notlage" (AS 1977 1270). La jurisprudence avait alors
précisé qu'il fallait prendre en compte toutes les circonstances du cas
particulier pour juger si les conditions d'une situation difficile étaient
réalisées. Il suffisait que le locataire ait de bonnes raisons de changer de
logement et que l'on ne puisse attendre de lui qu'il renonce à une occasion se
présentant à lui, et cela parce que la situation du marché, ou encore ses
difficultés personnelles étaient telles qu'une renonciation de sa part serait
déraisonnable (ATF 114 II 74 consid. 3c p. 77 s.).

2.2. En l'occurrence, l'hypothèse de l'art. 270 al. 1 let. b (augmentation
sensible) peut d'emblée être écartée dès lors que le loyer n'a pas été augmenté
de plus de 10% par rapport au loyer précédent (cf. ATF 136 III 82 consid. 3.4).
Les intimés ne soutiennent en outre pas qu'ils auraient été contraints de
conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale. Seul le motif lié à la
situation du marché local est en cause.

2.3.        Une situation de pénurie sur le marché local est établie lorsque,
comme dans le canton de Genève, la pénurie est constatée par le gouvernement
cantonal sur la base d'une étude statistique sérieuse, dans un arrêté qui
indique pour tout le canton les catégories de logements par nombre de pièces et
dont la validité est limitée à une année pour tenir compte de l'évolution de la
situation économique et des changements pouvant intervenir dans la constatation
de la pénurie. A défaut d'un tel arrêté, le locataire doit prouver lui-même la
pénurie (ATF 136 III 82 consid. 2 p. 85 s.); en l'absence d'une réglementation
cantonale, un taux de vacance inférieur à 1,5% peut être considéré comme une
situation de pénurie (arrêt 4C.367/2001 du 12 mars 2002 consid. 3b/bb, in SJ
2002 I 589; Message du 30 juin 1971, FF 1971 1677, 1688;  DAVID LACHAT, Le bail
à loyer, 2008, p. 390 ch. 17.2.2.4).

2.4.        En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il y avait pénurie pour le
type d'appartement concerné dans la commune en question et que les intimés
peuvent s'en prévaloir. Le litige porte sur la question de savoir si
l'existence d'une pénurie suffit à réaliser une situation de contrainte ouvrant
la voie à la contestation du loyer initial, comme l'ont admis les autorités
cantonales. Les recourantes soutiennent que les locataires, dans la mesure où
ils disposaient déjà d'un logement, devraient en outre établir qu'ils avaient
de bonnes raisons de changer de logement.

2.5. La cour de céans vient de trancher cette question dans une cause
zurichoise. Il est donc renvoyé à l'arrêt topique, dont les considérants sont
très succinctement résumés ci-dessous (arrêt 4A_691/2015 du 18 mai 2016,
destiné à la publication).
Selon la lettre claire de l'art. 270 al. 1 CO, trois motifs distincts
permettent de contester le loyer initial: une contrainte due à une nécessité
personnelle ou familiale (let. a première hypothèse); une contrainte due à la
situation sur le marché local du logement ou des locaux commerciaux (let. a
deuxième hypothèse); et enfin, une différence de loyer sensible par rapport au
précédent loyer (let. b).
Les deux premiers motifs sont regroupés dans la lettre a parce qu'ils
concernent tous deux les circonstances de la conclusion du contrat; par
opposition, la lettre b traite l'hypothèse d'une modification par rapport au
précédent bail. La lettre de la loi et la systématique n'établissent donc pas
de lien entre les deux premiers motifs, en ce sens que le locataire devrait
établir qu'une certaine contrainte personnelle, en plus de la pénurie de
logement, l'aurait obligé à conclure le bail. Les interprétations historique et
téléologique ne conduisent pas à une autre conclusion. L'ancien art. 17 AMSL
exigeait dans tous les cas une situation difficile (Notlage), ce qui impliquait
d'apprécier toutes les circonstances du cas concret, personnelles et
objectives. Sous le nouveau droit, la situation personnelle difficile est une
alternative indépendante de l'hypothèse où l'état du marché a contraint le
locataire à conclure un bail. La jurisprudence a certes entretenu une certaine
ambiguïté en reprenant parfois, dans la présentation générale de l'art. 270 al.
1 let. a CO, des formulations développées sous l'ancien droit. Toutefois, cela
n'implique pas qu'il faille assimiler l'exigence d'une "situation difficile" au
sens de l'art. 17 AMSL à l'exigence d'une situation de contrainte découlant de
l'art. 270 al. 1 let. a CO. Dans le jugement des cas concrets, la pratique a du
reste clairement distingué trois motifs de contestation indépendants, annulant
ainsi un jugement cantonal qui ne différenciait pas suffisamment les deux
hypothèses de l'art. 270 al. 1 let. a CO (arrêt précité 4C.367/2001).

2.6. Au vu de ce qui précède, les locataires sont fondés à contester le loyer
initial du moment qu'une situation de pénurie des logements est avérée. La Cour
de justice n'a pas enfreint le droit fédéral en jugeant que la demande en
contestation des loyers initiaux formée par les deux locataires est recevable
sous l'angle de l'art. 270 al. 1 let. a CO.
En bref, le recours doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé.

3. 
Les recourantes, qui succombent, supporteront solidairement les frais de la
présente procédure et verseront aux intimés, créanciers solidaires, une
indemnité de dépens (art. 66 al. 1 et 5 LTF; art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles.

3. 
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser aux intimés, créanciers
solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 mai 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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