Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.451/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_451/2015

Arrêt du 26 février 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Niquille.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
H.X.________, représenté par Me Jacques Micheli,
recourant,

contre

Z.________ SA, représentée par
Me Corinne Monnard Séchaud,
intimée.

Objet
contrat d'assurance,

recours contre l'arrêt rendu le 29 avril 2015 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A.

A.a. Le 15 septembre 1984, H.X.________ (ci-après: l'assuré) et son épouse
F.X.________ ont conclu un contrat d'assurance avec la Z.________ SA (ci-après:
Z.________ ou l'assureur).
Le contrat porte sur le versement d'un montant de 300'000 fr. en cas de décès
de l'un des époux durant la période du 1er octobre 1984 au 1er octobre 2019. Il
prévoit la "libération du service des primes" de l'ensemble du contrat en cas
d'incapacité de gain de l'un ou des deux époux. Il garantit également des
prestations supplémentaires et comprend la clause suivante en faveur de
l'assuré: "Fr. 60'000.-. Rente annuelle en cas d'incapacité de gain. Cette
rente est due après un délai d'attente de 3 mois. En cas d'incapacité de gain
avant le 1.10.2019, la rente est payée au maximum jusqu'au 1.10.2019."
Le contrat d'assurance renvoie expressément à des conditions générales (éd.
6.1983), dont les "Conditions complémentaires de l'assurance rente d'incapacité
de gain" (CGC 4004) et les "Conditions complémentaires relatives à la
libération du paiement des primes futures en cas d'incapacité de gain" (CGC
4005).
Selon le ch. 1.1 CGC 4004, il y a incapacité de gain lorsque, par suite de
maladie ou d'accident, sur la base de signes objectifs médicalement
constatables, l'assuré est incapable d'exercer sa profession ou toute autre
activité conforme à sa position sociale, ses connaissances et ses aptitudes et
qu'il subit de ce fait simultanément une perte de gain ou un autre préjudice
pécuniaire équivalent. En cas d'incapacité partielle, la rente annuelle
convenue est payable intégralement si le degré d'incapacité de gain est de 662
/3% au moins; si le degré d'incapacité se situe entre 25% et 662 /3%, la rente
est versée en proportion du degré d'incapacité; enfin, aucune prestation n'est
versée pour un degré d'incapacité inférieur à 25% (ch. 2.2 CGC 4004). La rente
est payée trimestriellement (ch. 2.3 CGC 4004); les prestations sont ajustées
dès la modification du degré d'incapacité (ch. 2.4 CGC 4004).
Conformément au ch. 2 CGC 4005, l'assuré est libéré, totalement ou
partiellement, de l'obligation de payer les primes futures dès le 61ème jour si
l'incapacité de gain a duré plus de 60 jours consécutifs. La libération est
totale en cas d'incapacité de gain de 662 /3% au moins et partielle en cas
d'incapacité entre 662 /3% et 25% (ch. 3.1 CGC 4005). En cas de libération de
payer les primes futures, la prime déjà payée pour la période subséquente est
restituée proportionnellement au degré d'incapacité (ch. 3.6 CGC 4005).

A.b. A l'époque de la conclusion du contrat, H.X.________, né en 1954 et
cuisinier de formation, était restaurateur indépendant. De 1984 à 2003, il a
dirigé avec son épouse un buffet de gare. En 2003, le couple X.________ a
inscrit au registre du commerce une société à responsabilité limitée (ci-après:
la Sàrl), dont l'assuré était l'associé-gérant et son épouse,
l'associée-directrice. Dès avril 2004, les époux X.________ ont repris, par
l'intermédiaire de la Sàrl dont ils étaient les salariés, la direction d'un
établissement public sis dans un camping, ouvert de mars à octobre.
Depuis lors, l'assuré a connu des problèmes de dos toujours plus importants. A
fin 2004, des lombosciatalgies bilatérales sur sténose canalaire, en partie
dues à une hernie discale L4-L5, ont été diagnostiquées. L'assuré a été en
incapacité de travail à 100% dès le 11 octobre 2004, puis à 50% dès le 5
novembre 2004, de nouveau à 100% dès le 15 novembre 2004 et enfin à 50% du 1er
février au 31 mars 2005. Par lettre du 14 avril 2005, il a informé l'assureur
qu'il avait repris le travail à 100% dès le 1er avril. Z.________ l'a indemnisé
jusqu'à et y compris le mois de mars 2005; à partir du 1er avril 2005, elle n'a
plus versé la rente due en cas d'incapacité de gain.
En raison de l'exacerbation de ses douleurs dorsales, l'assuré a subi une
nouvelle incapacité de travail dès le 19 août 2005. Dans une expertise du 10
janvier 2006 destinée au médecin conseil de l'assurance-maladie, le Dr
A.________ a évalué la capacité de travail de l'assuré à 20%.
A la demande de Z.________, le Dr B.________ a établi un rapport, daté du 27
juin 2006. Il relève à cette occasion que, incapable de porter une charge
quelconque, l'assuré a engagé un employé qui le suit en permanence et qu'il a
lui-même admis une capacité de travail à 80% dans un travail adapté ("si je
peux déléguer"). L'expert émet l'avis que "compte tenu du recyclage réussi et
spontanément effectué dans un travail adapté", l'assuré, "volontaire,
intelligent et bénéficiant d'un bon sens commercial", a une "capacité de
travail complète ou limitée à un maximum de 10%".
A fin 2006, l'assuré et son épouse ont abandonné la direction de
l'établissement public rattaché au camping. Dès le 1er octobre 2007, la Sàrl a
repris l'exploitation d'un autre restaurant, tout en continuant à offrir des
prestations de traiteur. En qualité d'employé de la Sàrl, l'assuré dirigeait
l'établissement et donnait des directives au personnel.
Le 22 juin 2007, l'assureur a mis l'assuré en demeure de payer la prime
d'assurance semestrielle échue au 1er avril 2006, sous la menace d'annulation
du contrat. Par la suite, l'assuré a versé les primes pour les années 2006 et
2007.
Le 16 août 2008, H.X.________ a été victime d'un accident de circulation.
Hospitalisé pendant quatre semaines, il a subi notamment un traitement
chirurgical d'une fracture du pilon tibial et l'ablation de la rate. Dans un
rapport d'expertise orthopédique du 31 août 2009, le Dr C.________ retient une
incapacité de travail totale jusqu'au 25 août 2009, puis, après cette date, une
capacité nulle comme restaurateur s'occupant de la cuisine, une capacité de 80%
comme restaurateur chargé de la supervision du personnel et une capacité
entière dans une activité adaptée.
Le 28 novembre 2011, l'assuré a été victime d'un nouvel accident de la route.
Il s'est alors trouvé en incapacité de travail totale durant plusieurs
semaines.

A.c. H.X.________ a demandé des prestations de l'assurance-invalidité (AI),
pour la première fois en date du 24 avril 2006.
Dans un rapport du 24 janvier 2007, le Dr D.________, du Service médical
régional de l'AI (SMR), a constaté que la capacité de travail de l'assuré était
nulle dans l'activité de restaurateur s'occupant surtout de la cuisine, qu'elle
était de 80% pour une activité de restaurateur chargé essentiellement de la
supervision du personnel et qu'elle avait toujours été complète dans une
activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles. Dans un rapport du
19 février 2007 établi pour le SMR, le Dr E.________ a confirmé les conclusions
de l'expert D.________, ajoutant toutefois qu'au "vu de sa démonstrativité dans
son syndrome douloureux, il sera difficile de motiver l'assuré pour la
réalisation de mesures professionnelles".
Le 15 mai 2008, l'office AI a adressé à l'assuré un projet de décision tendant
au refus de toute rente d'invalidité, en raison d'un taux d'invalidité de 26%
ne donnant pas droit à une rente. Il a confirmé sa décision par la suite.
Le 11 janvier 2009, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations AI.
Il a obtenu des mesures de reclassement du 1er avril 2010 au 30 juin 2013, avec
versement d'indemnités journalières variant entre 277 et 291 fr.
Par décision du 17 septembre 2014, l'office AI a octroyé à l'assuré les rentes
suivantes: du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008, un quart de rente
d'invalidité pour un degré d'invalidité de 40%; du 1er janvier 2009 au 30
novembre 2009, une rente entière pour un degré d'invalidité de 100%; enfin, dès
le 1er décembre 2009 (trois mois après l'amélioration de l'état de santé), une
rente de 75% pour un degré d'invalidité de 61% (suspendue du 1er avril 2010 au
30 juin 2013 en raison du versement ininterrompu d'indemnités journalières).
Le 28 octobre 2014, l'assuré a formé un recours à la Cour des assurances
sociales du Tribunal cantonal vaudois, concluant à l'octroi d'une pleine
indemnité dès le 1er décembre 2009.

B. 
Par demande du 22 janvier 2009, H.X.________ a ouvert action devant la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois, concluant à ce que Z.________ soit
condamnée à lui payer la somme de 338'097 fr., à savoir 300'000 fr. à titre de
rentes pour la période du 1er avril 2005 au 1er avril 2010 (5 ans à 60'000 fr.)
et 38'097 fr. à titre de remboursement des primes pour la même période (prime
semestrielle de 3'809 fr.70 pendant 5 ans), le tout avec intérêts à 5% l'an
depuis le 1er septembre 2007 (date moyenne). Par la suite, le demandeur a
augmenté ses conclusions d'un montant de 120'000 fr, à titre de rentes du 1er
avril 2010 au 1er avril 2012, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2011
(date moyenne). L'assureur a conclu au rejet de la demande.
Dans le cadre de la procédure, une expertise médicale a été confiée au Bureau
V.________; les Dresses F.________ (rhumatologue), G.________ (psychiatrie) et
H.________ (neuropsychologue) ont déposé leur rapport le 14 décembre 2011. Par
ailleurs, une expertise comptable a été ordonnée; le rapport de la fiduciaire
W.________ SA est daté du 16 octobre 2012.
Par jugement du 8 novembre 2013, la Cour civile a condamné l'assureur à payer à
l'assuré, à titre de perte de gain, les sommes suivantes:

-       14'294 fr.05 avec intérêts à 5% l'an dès le 9 avril 2009, pour
la       période du 16 août 2008 au 31 août 2009;
-       5'032 fr.50 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2010, pour
la       période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010;
-       652 fr.10 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre
2010,              pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2010.
La demande a été rejetée pour le surplus.
Se fondant sur l'expertise comptable, la Cour civile a retenu que le recourant
en bonne santé aurait pu, dans sa profession, acquérir un revenu annuel moyen
de 90'350 fr. Par ailleurs, elle a appliqué les divers taux d'incapacité de
travail figurant dans l'expertise du V.________. Sur cette base, la Cour civile
s'est prononcée comme suit sur la rente en incapacité de gain réclamée par
l'assuré:

-       les éventuelles prétentions sont prescrites pour la
période              antérieure au 22 janvier 2007 (deux ans avant l'ouverture
de              l'action);
-       l'incapacité de travail est de 20% du 22 janvier 2007 au 15
août       2008; inférieure à 25%, elle n'ouvre aucun droit à une rente;
-       pour la période du 16 août 2008 au 31 août 2009, le
revenu              sans incapacité de gain est de 94'236 fr. et le revenu
effectif de       75'428 fr.05, d'où il résulte une perte de 18'807 fr.95, dont
il y a       lieu de déduire la partie correspondant aux trois mois du
délai       d'attente; la perte déterminante est ainsi de 14'294 fr.05; le
taux       d'incapacité de travail étant alors de 100%, la prétention
de              l'assuré s'élève à 14'294 fr.05;
-       pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010,
le              revenu sans incapacité de gain est de 90'350 fr. et le
revenu              effectif, comprenant les versements par des assureurs
tiers, est       de 80'285 fr., d'où il résulte une perte de 10'065 fr.; comme
le              taux moyen d'incapacité de travail est de 50%, la prétention
est       de 5'032 fr.50;
-       pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre
2010,              le revenu sans incapacité de gain est de 30'116 fr.65 et
le              revenu effectif, prestations de tiers incluses, est de 27'943
fr.,              d'où il résulte une perte de 2'173 fr.65; comme le
taux                     d'incapacité de travail est de 30%, la prétention est
de                     652 fr.10;
-       pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011,
le              salaire sans incapacité de gain est de 90'350 fr. et
les                     prestations de la part d'assureurs tiers se montent
à                     96'670 fr.10; en l'absence de perte de gain, l'assuré n'a
aucune       prétention;
-       pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012,
le              revenu effectif n'est pas établi et, partant, aucune perte de
gain       n'est démontrée; l'assuré n'a aucune prétention.
En outre, la Cour civile a jugé que la prétention en remboursement des primes
était prescrite. La dernière prime ayant été versée le 1er octobre 2007, tout
droit à la restitution selon les règles de l'enrichissement illégitime était
prescrit une année plus tard, soit avant l'ouverture de l'action.
L'assuré a interjeté appel du jugement de la Cour civile. Par arrêt du 29 avril
2015 dont les considérants ont été communiqués le 5 août 2015, la Cour d'appel
civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel et confirmé la décision
entreprise.
Dans l'intervalle, l'assuré a, le 5 février 2014, engagé une nouvelle action
contre Z.________, tendant au paiement d'une rente dès le 1er avril 2012.

C. 
H.X.________ interjette un recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour
d'appel, concluant à ce que Z.________ soit condamnée à lui payer la somme de
458'097 fr., plus intérêt à 5% l'an dès le 1 ^er septembre 2007 sur 338'097 fr.
et dès le 1 ^er avril 2011 sur 120'000 fr.
L'intimée propose le rejet du recours.
Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de son
arrêt.
Le recourant a présenté une requête d'effet suspensif, limitée à sa
condamnation aux dépens pour l'instance d'appel. Par ordonnance du 18 novembre
2015, la Présidente de la cour de céans a rejeté cette demande.

Considérant en droit :

1. 
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur d'un canton, qui a statué
sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr.
ouvrant le recours en matière civile dans les affaires ne relevant ni du droit
du travail, ni du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. b LTF). Au surplus,
le recours est exercé par la partie qui n'a pas obtenu entièrement gain de
cause et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le
délai (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF)
prévus par la loi, le recours est en principe recevable.

2. 
La cour cantonale a jugé que l'assurance litigieuse, couvrant l'incapacité de
gain, était une assurance contre les dommages. Le recourant conteste cette
qualification et soutient qu'il s'agit d'une assurance de sommes.

2.1. En droit des assurances privées, la LCA (RS 221.229.1) institue une
distinction entre l'assurance contre les dommages - régie par les art. 48 à 72
- et l'assurance de personnes - qui relève des art. 73 à 96 -, sans toutefois
définir ces deux notions. L'assurance de personnes est celle qui a pour objet
une personne physique; la prestation de l'assureur dépend généralement d'un
événement qui atteint la personne de l'assuré, tel que maladie, accident,
lésion corporelle, invalidité, décès. Par rapport à l'assurance contre les
dommages, l'assurance de personnes, conçue comme une assurance de sommes, se
caractérise par sa nature non indemnitaire; elle est une promesse de capital,
indépendante du montant effectif du préjudice subi par le preneur ou l'ayant
droit (cf. ATF 133 III 527 consid. 3.2.4 p. 532; arrêt 4A_38/2015 du 25 juin
2015 consid. 3.2; arrêt 4A_332/2010 du 22 février 2011 consid. 5.2.3 et 5.2.4).
Même dans le cas d'une assurance qui, comme l'assurance contre les accidents, a
pour objet une personne physique, on est en présence d'une assurance de
personnes uniquement lorsque les parties au contrat d'assurance n'ont
subordonné la prestation de l'assureur, dont elles ont fixé le montant lors de
la conclusion du contrat, qu'à la survenance de l'événement assuré, sans égard
à ses conséquences pécuniaires. En revanche, l'assurance sera qualifiée
d'assurance contre les dommages lorsque les parties au contrat ont fait de la
perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations (
ATF 119 II 361 consid. 4 p. 364 s.).

2.2. En présence d'un litige sur l'interprétation d'une clause d'un contrat
d'assurance, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et
réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations
inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la
nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Si la volonté réelle des
parties ne peut pas être établie ou si leurs volontés intimes divergent, le
juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la
théorie de la confiance; il doit donc rechercher comment une déclaration ou une
attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des
circonstances (ATF 140 III 134 consid. 3.2 p. 138 s.; 138 III 29 consid. 2.2.3
p. 35 s.). Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le
sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond
pas à sa volonté intime (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188; 135 III 295
consid. 5.2 p. 302). L'application du principe de la confiance est une question
de droit que le Tribunal peut examiner librement (art. 106 al. 1 LTF);
cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu de la
manifestation de volonté et sur les circonstances, dont la constatation relève
du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413).
Les conditions générales d'assurance qui ont été expressément incorporées au
contrat doivent être interprétées selon les mêmes principes juridiques que les
autres dispositions contractuelles (ATF 135 III 1 consid. 2 p. 6, 410 consid.
3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681). Dans le domaine particulier du
contrat d'assurance, l'art. 33 LCA précise d'ailleurs que l'assureur répond de
tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les
conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclue
certains événements d'une manière précise, non équivoque; il en résulte que le
preneur d'assurance est couvert contre le risque tel qu'il pouvait le
comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des conditions générales
incorporées à celui-ci. Si l'assureur entend apporter des restrictions ou des
exceptions, il lui incombe de l'exprimer clairement (ATF 135 III 410 consid.
3.2 p. 413; 133 III 675 consid. 3.3 p. 682). La validité d'une clause contenue
dans des conditions générales est de surcroît limitée par la règle de la clause
insolite (ATF 135 III 1 consid. 2.1 p. 7).

2.3. Le contrat d'assurance liant les parties prévoit que le recourant a droit
à un montant annuel de 60'000 fr. en cas d'incapacité de gain. Dans son sens
courant, l'incapacité de gain (  Erwerbsunfähigkeit) ne consiste pas en une
perte ou une diminution de la capacité de travail médico-théorique, mais en la
perte ou la diminution concrète de la possibilité d'acquérir un revenu,
synonyme de perte économique. En l'espèce, le ch. 1.1 CGC 4004, qui définit la
notion d'incapacité de gain, va bien dans ce sens en exigeant, en plus de
l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle appropriée pour cause de
maladie ou d'accident, une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire
équivalent. La prestation de l'assureur est ainsi subordonnée à l'existence
d'une perte patrimoniale effective. L'assurance litigieuse doit être qualifiée
d'assurance contre les dommages (cf. arrêt 5C.21/2007 du 20 avril 2007 consid.
3.1 et 3.2, portant sur une clause contractuelle similaire à celle ici en
cause). La conclusion de la cour cantonale sur ce point ne viole pas le droit
fédéral.

3. 
En revanche, la Cour d'appel ne saurait être suivie dans la manière dont elle a
calculé les prétentions du recourant.

3.1. Selon les ch. 2.1 et 2.2 CGC 2004, la rente due par l'intimée doit être
calculée sur la base du taux d'incapacité de gain, et non pas sur la base d'un
taux d'incapacité de travail médico-théorique. Le taux d'une incapacité de gain
intervenant à la suite d'une maladie ou d'un accident résulte de la différence
entre, d'une part, le revenu que l'assuré aurait vraisemblablement pu acquérir
dans sa profession ou dans une autre activité conforme à sa position sociale
s'il avait été en bonne santé, respectivement dans l'état de santé qui était le
sien lors de la conclusion du contrat (cf. ch. 4.1 CGC 4004) et, d'autre part,
le revenu qu'il a effectivement acquis par de telles activités ou qu'il aurait
pu acquérir en déployant les efforts découlant de son incombance à diminuer le
dommage (art. 61 LCA). La différence exprimée en pour-cent du premier de ces
deux revenus indique le degré d'incapacité de gain.

3.1.1. A lire l'arrêt attaqué, les prestations des assureurs sociaux ont
contribué à la diminution de la perte de gain ou de tout autre préjudice
financier équivalent; comme le contrat d'assurance le prévoit, elles doivent
être prises en considération, à l'exception des prestations de l'assurance
invalidité.
Contrairement à ce que la cour cantonale indique sans autre précision, ni le
contrat, ni les CGC 4004 ne contiennent une clause de cette teneur. Le fait
pour le recourant de percevoir des prestations de tiers, en particulier de la
part d'assurances privées ou sociales, n'augmente pas le revenu qu'il a acquis
par son travail ou qu'il aurait été en mesure d'acquérir. Ces versements n'ont
pas à être ajoutés au revenu effectif ou exigible lors de la détermination du
taux d'incapacité de gain (cf. ATF 133 III 527 consid. 3.2 p. 531 ss).

3.1.2. D'après le contrat liant les parties et les CGC 4004, le montant de la
rente n'est pas fixé par rapport à la perte économique effective. En cas
d'incapacité de gain supérieure à 662 /3%, l'assureur verse la prestation
intégrale, à savoir une rente annuelle de 60'000 fr.; cette somme est due quel
que soit le montant de la perte effective. En cas d'incapacité entre 662 /3% et
25%, la prestation assurée, à savoir la rente annuelle de 60'000 fr., est
versée en proportion du degré d'incapacité, indépendamment de la perte
effective. Enfin, en cas d'incapacité inférieure à 25%, aucune prestation n'est
due, quand bien même l'assuré subirait une perte. Le taux d'incapacité de gain
détermine ainsi la part du montant de 60'000 fr. due par année à l'assuré. Une
perte de gain est certes exigée comme condition à l'octroi des prestations,
mais l'intimée ne s'est pas engagée à indemniser le dommage effectif subi par
le recourant; les parties ont convenu par avance d'une rente fixe par an. La
perte économique effective n'a donc qu'une incidence indirecte sur le montant
de la prestation d'assurance due, fixé forfaitairement et susceptible de varier
en fonction du degré d'incapacité de gain (cf. ATF 139 III 263 consid. 1.3.1 p.
266 et consid. 1.3.4 p. 267; arrêt 4A_134/2015 du 14 septembre 2015 consid. 4).
Pour la période du 16 août 2008 au 31 août 2009, la cour cantonale a retenu un
revenu effectif de 75'428 fr.05 et un taux d'incapacité de 100%; elle a alloué
au recourant une indemnité de 14'294 fr.05. Or, de deux choses l'une: soit le
recourant a effectivement gagné, comme rétribution pour son travail, 75'428
fr.05 et son taux d'incapacité de gain était alors - si l'on admet un revenu
sans incapacité de gain de 94'236 fr. - de 20% (75'428 : 94'236 = 0,80), ce qui
ne donne pas droit à des prestations de la part de l'intimée; soit le taux
d'incapacité de gain était de 100% - ce qui implique que le recourant n'a pas
travaillé et n'était pas en mesure de le faire - et l'assuré aurait alors droit
à la prestation entière prévue par le contrat après l'échéance du délai
d'attente de trois mois, à savoir 47'500 fr. (5'000 fr. [60'000 fr. : 12] x 9,5
mois).

3.2. Il apparaît ainsi que la cour cantonale, dans des considérants dont la
lecture n'est pas aisée, s'est fondée sur des concepts et notions erronés, à
tout le moins en partie. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être annulé. Il
appartiendra à la cour cantonale, à laquelle la cause est renvoyée, de
reprendre l'examen des prétentions de l'assuré.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les nombreux griefs du
recourant à l'encontre des éléments que la Cour d'appel a tirés des expertises
et sur la base desquels elle a calculé les prétentions de manière erronée, ni
de se prononcer en l'état sur la nécessité d'une nouvelle expertise et la
possibilité de l'ordonner.

4. 
Le recourant nie également que ses prétentions à une rente pour la période
antérieure au 22 janvier 2007 (date correspondant à deux ans avant l'ouverture
de l'action) soient prescrites. Il soutient que le point de départ de la
prescription correspond au moment où son invalidité était acquise; en raison du
caractère fluctuant de son état de santé et de sa capacité de travail entre
avril 2005 et janvier 2007 ainsi que des avis divergents des médecins qui l'ont
examiné pendant cette période, les conditions auxquelles le versement de la
rente était subordonné n'auraient dès lors pas été réunies à un moment
remontant à plus de deux ans avant l'ouverture de l'action.

4.1. Il convient de relever d'emblée que le recourant argumente comme si le
droit à la rente dépendait d'une invalidité permanente; or tel n'est pas le
cas. Telle que formulée, sa critique tombe à faux.
Les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à
dater du fait d'où naît l'obligation (art. 46 al. 1 LCA). Au terme d'une
évolution, la jurisprudence a précisé que le "fait d'où naît l'obligation" ne
se confond pas nécessairement avec la survenance du sinistre, même s'il s'agit
de la cause première de l'obligation d'indemnisation. Seule une prétention qui
a déjà pris naissance peut être atteinte par la prescription. Le moment
déterminant pour le départ de la prescription est donc celui où sont réunis
tous les éléments constitutifs fondant le devoir de prestation de l'assureur,
sans égard au moment où l'assuré en a eu connaissance. Il s'ensuit que la
notion de "fait d'où naît l'obligation" varie selon les diverses catégories
d'assurances et le type de prétention en cause. En bref, pour connaître le
"fait d'où naît l'obligation" et, partant, le point de départ de la
prescription, il faut analyser le contrat d'assurance et déterminer quel est le
sinistre assuré, respectivement quels éléments constitutifs doivent être réunis
pour que l'assureur ait l'obligation d'indemniser l'assuré, sans égard aux
déclarations et actes que doit faire la partie qui invoque une prétention (ATF
139 III 263 consid. 1.2 p. 265 s. et les références).

4.2. En l'espèce, la prestation d'assurance est une rente périodique due en cas
d'incapacité de gain de 25% au moins, versée dès l'échéance du délai d'attente
convenu de trois mois et susceptible d'être modifiée ultérieurement selon
l'évolution du taux d'incapacité de gain (cf. ch 2.1 et 2.2 CGC 4004).
L'incapacité de gain, qui fonde le droit à la rente, doit être réalisée
constamment; elle est susceptible de varier ou de disparaître, si bien que le
"fait d'où naît l'obligation" de l'assureur se répète constamment (cf. ATF 139
III 263 consid. 2.5 p. 271).
Il n'est pas établi qu'un acte interruptif de la prescription soit intervenu
avant l'ouverture de l'action. Le recourant ne le prétend du reste pas. C'est
dès lors à bon droit que la Cour d'appel a jugé que toute créance en paiement
de la rente née avant le 22 janvier 2007 est prescrite.

5. 
Le recourant conteste enfin que ses prétentions en remboursement des primes
payées à tort soient prescrites, pour les mêmes motifs qu'il nie la
prescription du droit à la rente. En tant qu'elle est développée en relation
avec une invalidité permanente, son argumentation est, comme déjà relevé, mal
fondée.

5.1. Cela étant, la question est de savoir si la libération du paiement des
primes est une obligation contractuelle de l'assureur lorsque l'assuré se
trouve en incapacité de gain - auquel cas la restitution de primes payées à
tort se prescrit par deux ans suivant les règles de l'art. 46 LCA - ou si la
libération découle d'une condition résolutoire, à savoir que les primes sont
dues uniquement si l'assuré n'est pas en incapacité de gain, - auquel cas la
restitution de primes, non dues en raison de la réalisation de la condition,
tombe sous le coup des règles sur l'enrichissement illégitime et du délai de
prescription d'un an de l'art. 67 CO (cf. arrêt 4A_53/2010 du 29 avril 2010
consid. 2.6).

5.2. En l'espèce, le contrat prévoit la "libération du service des primes", et
non pas la suppression, le cas échéant temporaire, de la prime en tant que
telle. Dans le même sens, les CGC 4005 précisent que l'assuré est, le cas
échéant, libéré de l'obligation de payer les primes; en outre, ces conditions
générales font du remboursement une obligation contractuelle en prévoyant qu'en
cas de libération, la prime payée pour la période subséquente est restituée.
Contrairement à ce que la cour cantonale a admis, il faut en déduire que, dans
le cas présent, la libération du service des primes est une obligation
contractuelle de l'assureur, le délai de prescription de deux ans étant
applicable (cf. Stephan Fuhrer, Anmerkungen zu privatversicherungsrechtlichen
Entscheiden des Bundesgerichts, REAS/HAVE 2010 p. 265).
La dernière prime a été versée le 1er octobre 2007; le délai de prescription de
deux ans pour la restitution de cette prime n'était pas écoulé le 22 janvier
2009 lors de l'ouverture de l'action. Il en va en tout cas de même pour les
autres montants versés à titre de primes après le 22 janvier 2007.

6. 
Sur le vu de ce qui précède, il convient d'admettre partiellement le recours,
d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants ci-dessus.
Le recourant n'obtient pas entièrement gain de cause. Il se justifie de
répartir les frais par moitié entre les parties et de compenser les dépens
(art. 66 et 68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à la cour cantonale.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis par moitié à la charge de
chaque partie.

3. 
Les dépens sont compensés.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 26 février 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Godat Zimmermann

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