Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.447/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_447/2015

Arrêt du 31 mars 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.

Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Me Philippe Ciocca,
recourante,

contre

Z.________ SA, représentée par Me Carole Wahlen,
intimée.

Objet
résiliation anticipée du bail; besoin propre et urgent du nouveau propriétaire
(art. 261 al. 2 let. a CO);

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel
civile, du 29 mai 2015.

Faits :

A.

A.a. Z.________ SA (ci-après: la locataire ou la demanderesse) est locataire de
locaux commerciaux, à l'usage de garage automobile, ainsi que de places de parc
intérieures, au 1 ^er étage, rez-de-chaussée et sous-sol dans un immeuble, à
B.________, depuis le 1 ^er juin 2004. Le contrat de bail, conclu le 8 juin
2004 avec le propriétaire d'alors pour une durée initiale de 10 ans, du 1 ^
er juin 2004 au 30 juin 2014, se renouvelle ensuite tacitement de cinq ans en
cinq ans, sauf avis de résiliation donné et reçu au moins une année avant
l'échéance. Le loyer s'élève actuellement à 15'927 fr. par mois, plus 500 fr.
d'acompte de chauffage, eau chaude et frais accessoires. La locataire
exploitait déjà le garage avant la signature de ce bail.
Z.________ SA est également locataire dans le même immeuble de sept places de
parc intérieures simples et d'une double situées au rez-de-chaussée inférieur,
depuis le 1 ^er novembre 2007. Par huit contrats du 12 novembre 2007 conclus
avec A.________ SA, devenue propriétaire de l'immeuble, les places étaient
mises à disposition jusqu'à ce que les futurs locataires des locaux vacants et
à construire se portassent candidats pour ces places, avec un préavis de 30
jours pour la fin d'un mois.

A.b. Le 7 août 2008, A.________ SA a résilié ces baux pour le 30 juin 2014,
invoquant un projet de reconstruction complète de l'immeuble en vue d'y créer
un nouvel espace commercial et des logements. La locataire a contesté ce congé
ordinaire. La procédure y relative est toujours pendante devant le Tribunal des
baux.

B. 

B.a. Le 21 juin 2013, A.________ SA a vendu l'immeuble à X.________ SA
(ci-après: la nouvelle propriétaire ou la défenderesse), société active dans
l'achat, la vente, le courtage et la gérance en matière immobilière, dans le
respect de la LFAIE, et dans l'exploitation hôtelière, la prise de
participation dans toute entreprise et leur administration et gestion, dans le
respect de la LFAIE.
Le paragraphe 6 du contrat de vente relatif à la " reprise " des baux en cours
est litigieux (sur le contenu du paragraphe, cf. infra consid. 4.2.3).

B.b. Le 20 septembre 2013, par notification sur formules officielles, la
nouvelle propriétaire a résilié les baux de la locataire de manière anticipée
avec effet au 1 ^er avril 2014, conformément à l'art. 261 al. 2 let. a CO. Elle
a invoqué dans sa lettre d'accompagnement la nécessité pour elle d'entreprendre
d'importants travaux de démolition et de construction afin de rendre l'immeuble
apte à ses besoins d'exploitation.
Précédemment, le 25 juin 2013, la Municipalité de la Commune de B.________
avait adopté un plan partiel d'affectation concernant les terrains comprenant
l'immeuble litigieux (entré en vigueur le 7 octobre 2013), lequel permettait la
transformation, l'extension ou la démolition et la reconstruction de
l'immeuble, selon le projet élaboré par le précédent propriétaire. Ce plan
autorise notamment la création d'un immeuble avec affectation mixte à
l'habitation, aux bureaux et au commerce. Il y est mentionné que le projet
prévoit la disparition du garage automobile, ce que la municipalité voit comme
une manière de tranquilliser l'impasse.
Précédemment toujours, le 12 septembre 2013, l'architecte mandaté par la
nouvelle propriétaire avait déposé deux demandes de permis portant sur la
démolition de l'immeuble et la construction à sa place d'un bâtiment comprenant
dix-sept logements et un hôtel, avec parking enterré de trente places.

C. 
La locataire a contesté les résiliations du 20 septembre 2013 devant la
Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Lausanne.
La conciliation ayant échoué, une autorisation de procéder lui a été délivrée
le 10 décembre 2013. Elle a déposé sa demande devant le Tribunal des baux le 27
janvier 2014, concluant principalement à l'annulation de ces résiliations et,
subsidiairement, à une prolongation des baux de six ans, soit jusqu'au 1er
avril 2020. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
L'existence d'un besoin propre et urgent de la nouvelle propriétaire au sens de
l'art. 261 al. 2 let. a CO est litigieuse.
Lors de l'audience du Tribunal des baux le 23 septembre 2014, les demandes de
permis de démolition/construction en étaient encore au stade de l'examen par
les autorités administratives compétentes et n'avaient pas encore fait l'objet
d'une mise à l'enquête. Selon un rapport du 14 août 2013, des travaux
d'assainissement liés à l'amiante devaient être entrepris dans un délai d'une
année.
Par jugement du 23 septembre 2014, admettant la demande de la locataire, le
Tribunal des baux a déclaré les résiliations du 20 septembre 2013 inefficaces.
En bref, il a considéré que l'acquéresse ne pouvait se prévaloir d'un besoin
urgent d'utiliser les locaux.
Statuant le 29 mai 2015, sans avoir sollicité de réponse de la locataire (art.
312 al. 1 CPC), la Cour d'appel civile a rejeté l'appel de la nouvelle
propriétaire et a confirmé le jugement attaqué.

D. 
Contre cet arrêt du 29 mai 2015, la nouvelle propriétaire a interjeté un
recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation et
à ce que les résiliations de bail soient déclarées valables et la demande
déposée par la locataire, tendant à l'annulation de celles-ci, subsidiairement
à l'octroi d'une prolongation des baux, rejetée. Elle se plaint d'appréciation
arbitraire des faits et des preuves, de violation de l'art. 261 al. 2 let. a CO
(besoin propre et urgent) et de violation de l'interdiction de l'abus de droit
(art. 2 al. 2 CC).
L'intimée conclut au rejet du recours. De son côté, elle se prévaut du
paragraphe 6 du contrat de vente, par lequel les parties auraient, selon elle,
convenu d'une reprise complète par l'acquéresse des droits et obligations à
l'égard de la locataire.
La recourante a encore déposé des observations, sur lesquelles l'intimée s'est
très brièvement déterminée.

Considérant en droit :

1. 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) par la
nouvelle propriétaire de l'immeuble qui a succombé dans ses conclusions (art.
76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art.
75 LTF) dans une affaire de résiliation de bail dont la valeur litigieuse
excède 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est
recevable.
L'état de fait a été complété s'agissant du déroulement de la procédure
cantonale (art. 105 al. 2 LTF).

2.

2.1. Le recours en matière civile est recevable notamment pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral
applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que
les questions soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du
droit ne soit manifeste (arrêts 4A_357/2015 consid. 1.4; 4A_285/2015 consid.
1.3; 4A_653/2014 consid. 1.4 non publié in ATF 141 III 407; 4A_399/2008 du 12
novembre 2011 consid. 2.1 non publié in ATF 135 III 112). Les parties peuvent
toujours soulever de nouveaux moyens de droit matériel, pour autant que
l'argumentation juridique nouvelle repose sur les constatations de fait de
l'arrêt attaqué, et non sur des faits nouveaux (arrêts 4A_28/2007 du 30 mai
2007 consid. 1.3 non publié in ATF 133 III 421; 4A_188/2007 du 13 septembre
2007 consid. 4.3.5; 4A_223/2007 du 30 août 2007 consid. 3.2). Elles ne peuvent
par contre s'en prendre qu'à elles-mêmes si elles abandonnent un grief ou y
renoncent (ATF 140 III 86 consid. 2; arrêts 5A_621/1013 du 20 novembre 2014
consid. 2, non publié aux ATF 141 III 53; 5F_1/2014 du 18 février 2014 consid.
3.3 et 4A_132/2014 du 2 juin 2014 consid. 1). Le Tribunal fédéral n'est pas lié
par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité
précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant
à une substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2).

2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353
consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al.
2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).
En matière de constatation des faits et d'appréciation des preuves, l'autorité
verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle tire des
conclusions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 140 III 264
consid. 2.3 p. 265; 137 III 226 consid. 4.2 p. 234).
Relèvent des constatations de fait les faits relatifs au déroulement de la
procédure, notamment le contenu d'un acte de procédure accompli, les
conclusions qui ont été prises, les déclarations du témoin ou de l'expert,
ainsi que leur appréciation (cf. ATF 140 III 16 consid. 1.3.1; BERNARD CORBOZ,
Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, no 31 ad art. 105 LTF).

3. 
Le litige a trait principalement à l'interprétation de l'art. 261 al. 2 let. a
CO. La cour cantonale a considéré que, bien qu'elle invoquait vouloir démolir
le bâtiment pour en reconstruire un autre dans lequel elle entendait en partie
exploiter un hôtel à ses propres risques, la nouvelle propriétaire n'avait
établi ni l'existence d'un besoin propre ni celle d'un besoin urgent au sens de
cette disposition. La nouvelle propriétaire recourante soutient qu'au
contraire, ces deux conditions sont remplies. De son côté, la locataire intimée
remet en cause l'interprétation donnée au paragraphe 6 du contrat de vente
relatif aux baux en cours, soutenant que la nouvelle propriétaire les a repris.
Il s'impose donc d'examiner tout d'abord si, par contrat de vente, l'acquéresse
s'est engagée à reprendre les baux de la locataire, puis, dans la négative, si
les conditions de l'art. 261 al. 2 let. a CO sont remplies.

4. 
En vertu de l'art. 261 al. 1 CO, si le bailleur aliène la chose louée, le bail
passe à l'acquéreur avec la propriété de la chose. Toutefois, le nouveau
propriétaire (notamment) des locaux commerciaux peut résilier le bail de
manière anticipée, à certaines conditions, conformément à l'art. 261 al. 2 CO;
s'il résilie ainsi le contrat plus tôt que ne le permettrait le bail, le
bailleur précédent répond de tous les dommages ainsi causés au locataire (art.
261 al. 3 CO).

4.1. L'art. 261 al. 2 CO est de droit dispositif en ce sens que, dans le
contrat de vente, l'acquéreur peut s'engager vis-à-vis du vendeur à respecter
les baux des locataires jusqu'à leur terme contractuel. Une telle reprise de
contrat est en principe une stipulation pour autrui parfaite (art. 112 al. 2
CO; PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 4e éd. 2005, no 16 ad art. 261-261a CO;
ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 6e éd. 2015, no 8 ad
art. 261 CO); les locataires peuvent s'en prévaloir pour faire échec à la
résiliation anticipée (DAVID LACHAT, Commentaire romand, Code des obligations
I, 2e éd. 2012, no 5 ad art. 261 CO).

4.2. Savoir ce que les parties au contrat de vente ont voulu est affaire
d'interprétation de leurs manifestations de volonté.

4.2.1. Selon l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier le contenu d'un contrat, il y a
lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter
aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit
par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.
Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention
des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la
base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de
fait (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2), qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al.
1 LTF), à moins qu'elle ne soit manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
Si le juge ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle des parties -
parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate
qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la
conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1 p. 286) - ce qui ne ressort
pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de
l'administration des preuves (arrêts 5C.252/2004 du 30 mai 2005 consid. 4.3 non
publié in ATF 131 III 528; 4A_210/2015 du 2 octobre 2015 consid. 6.2.1; 4A_290/
2015 du 9 septembre 2015 consid. 3.3; 5A_878/2012 du 26 août 2013 consid.
5.1.1) -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à
savoir rechercher la volonté objective des parties, en déterminant le sens que,
d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait
raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, autrement dit
conformément au principe de la confiance (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2 p. 274/
275, 626 consid. 3.1 p. 632). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens
objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne
correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les
arrêts cités). La détermination de la volonté objective des parties, selon le
principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral
examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu
de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du
fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont celles qui ont précédé
ou accompagné la manifestation de volonté, mais non pas les événements
postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67 et les arrêts cités).

4.2.2. Le tribunal des baux a procédé à une interprétation objective du
paragraphe 6 du contrat de vente. La cour cantonale ayant statué sans
solliciter de réponse de la locataire, on ne saurait considérer que celle-ci
aurait renoncé à invoquer ce moyen de droit. Il y a donc lieu de l'examiner
librement (art. 106 al. 1 LTF).

4.2.3. Le paragraphe 6 du contrat de vente stipule ce qui suit:

" L'acheteuse reprend dès l'entrée en jouissance le bail à loyer en cours pour
locaux commerciaux passé avec Z.________ SA, à B.________, dont elle déclare
avoir parfaite connaissance et reçu une copie, à l'entière libération de la
venderesse, étant précisé que ledit bail a déjà été résilié par la venderesse
avec effet de résiliation au 30 juin 2014.
Dès lors, si l'acheteuse résilie le contrat plus tôt que ne le permettrait le
bail, elle répondra de tous les dommages éventuels causés à la locataire.
En revanche la venderesse demeure seule responsable de la procédure en cours
entre elle-même et la société précitée et assumera seule toutes les
conséquences juridiques et financières de ladite procédure et s'engage dans
tous les cas à ne pas transiger en fraude des droits de l'acheteuse ou dans des
conditions portant préjudice à cette dernière, notamment en prévoyant une
libération des lieux postérieure au 30 juin 2014.
En tout état de cause toute transaction éventuelle entre la venderesse et la
locataire actuelle ne pourrait pas intervenir sans l'accord express (sic) écrit
de l'acheteuse ".
Même si l'alinéa 1 de cette clause prévoit que l'acheteuse " reprend " le bail,
l'alinéa 2 dispose que, si l'acheteuse résilie le contrat plus tôt que ne le
permet le bail, c'est elle qui répondra des dommages causés à la locataire, et
ce en dérogation à l'art. 261 al. 3 CO. Il découle de l'interprétation de ce
texte, selon le principe de la confiance, que l'al. 1 est une simple
reformulation du principe posé à l'art. 261 al. 1 CO et que, à l'al. 2, les
parties ont laissé subsister la règle de l'art. 261 al. 2 CO: elles n'ont pas
exclu la résiliation anticipée du bail par l'acquéreur, mais ont prévu que seul
l'acquéreur en répondrait.
Il s'ensuit que le grief de la locataire intimée est infondé.

5. 
Il y a lieu d'examiner désormais si la nouvelle propriétaire a valablement
résilié les baux de manière anticipée en conformité avec l'art. 261 al. 2 let.
a CO et, dans l'affirmative, s'il y a lieu d'accorder à la locataire une
prolongation de ceux-ci (art. 272 al. 2 let. d CO).

5.1. S'il a introduit le principe du transfert du bail à l'acquéreur (art. 261
al. 1 CO), le législateur n'a toutefois pas voulu d'un tel transfert dans tous
les cas. Il a prévu des possibilités de résilier le bail de manière anticipée à
l'art. 261 al. 2 CO. Il s'agit de cas de résiliation analogues à celui de la
résiliation pour justes motifs de l'art. 266 g CO (HIGI, op. cit., no 34 ad
art. 261-261a CO).

5.2. Aux termes de l'art. 261 al. 2 let. a CO, le nouveau propriétaire peut
résilier le bail portant sur des habitations ou des locaux commerciaux en
observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s'il fait valoir
un besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés.

5.2.1. La notion du besoin propre et urgent se retrouve en des termes analogues
aux art. 271a al. 3 let. a et 272 al. 2 let. d CO (ATF 118 II 50 consid. 3a p.
53). Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu'elle se présente différemment
dans les trois contextes.
En matière d'aliénation de la chose louée, la résiliation (extraordinaire)
anticipée au sens de l'art. 261 al. 2 let. a CO est justifiée en cas de besoin
propre et urgent du nouveau propriétaire ou de ses proches parents ou alliés
(ci-après, en raccourci: le besoin propre et urgent du nouveau propriétaire).
L'intérêt du locataire n'a pas à être pris en considération dans l'examen de la
validité de la résiliation; le juge ne doit procéder à aucune pesée des
intérêts respectifs des parties, si ce n'est, en cas de validité de la
résiliation, dans l'examen de la prolongation du bail du locataire, pour
laquelle une pesée des intérêts est exigée par l'art. 272 al. 2 in initio CO.
Dans le cadre d'une résiliation ordinaire (art. 266a et 266d CO), qui fait
l'objet d'une action en annulation du congé (art. 273 CO) pour violation des
règles de la bonne foi (art. 271-271a CO), la présomption d'abus de droit
découlant du fait que le congé a été donné pendant une procédure pendante ou
dans les trois ans après celle-ci (art. 271a al. 1 let. d et e CO) est
renversée lorsque le bailleur a un besoin propre et urgent (art. 271a al. 3
let. a CO), conditions que celui-ci doit prouver (arrêts 4C.17/2006 du 27 mars
2006 consid. 3.1; 4A_52/2015 du 9 juin 2015 consid. 2.2).
Enfin, dans le contexte de la prolongation du bail - normalement ensuite d'une
résiliation ordinaire, mais aussi en cas de résiliation anticipée (ATF 132 III
737 consid. 3.4.3) -, l'autorité compétente doit procéder à une pesée des
intérêts respectifs du bailleur et du locataire, le besoin propre et urgent du
bailleur n'étant qu'une des circonstances à prendre en considération (cf. art.
272 al. 2 let. c CO). L'urgence est également déterminante pour fixer la durée
de la prolongation. Cette exigence devrait empêcher le bailleur de prétexter un
besoin propre et urgent et de rendre ainsi illusoire la protection du locataire
(ATF 118 II 50 consid. 3b  in fine p. 54; cf. infra consid. 5.2.3).
Le besoin propre et urgent a donc un sens similaire aux art. 261 al. 2 let. a
et 271a al. 3 let. a CO, dans lesquels il influe sur la validité de la
résiliation, alors qu'il n'est qu'un intérêt parmi d'autres - du bailleur - que
le juge doit mettre en balance (pesée des intérêts) avec celui du locataire
pour statuer sur la prolongation du bail selon l'art. 272 al. 2 let. d CO.

5.2.2. Le besoin du nouveau propriétaire doit être propre, c'est-à-dire que
l'utilisation des locaux doit lui être nécessaire pour lui-même ou pour l'un de
ses proches parents ou alliés (ATF 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745). Un motif
simulé, invoqué abusivement, n'est évidemment pas suffisant (ATF 118 II 50
consid. 3c p. 54).

5.2.2.1. S'agissant d'habitations, il s'agit du besoin propre pour la personne
physique de pouvoir utiliser le logement, qu'il s'agisse de l'acquéreur
lui-même ou de l'un de ses proches parents ou alliés.
Lorsqu'une personne morale acquiert l'habitation, le besoin propre est celui
qui la concerne elle-même et ne se confond pas avec celui de l'un de ses
actionnaires, puisque la personne morale est une personne juridique distincte (
ATF 115 II 181 consid. 2a p. 185). La jurisprudence a toutefois admis que,
lorsqu'un actionnaire domine économiquement la société acquéresse, le besoin de
celui-ci puisse avoir une incidence sur l'admissibilité de la résiliation (et
de la durée de la prolongation) (ATF 132 III 737 consid. 3 p. 743 ss).

5.2.2.2. S'agissant de locaux commerciaux, la personne physique qui en acquiert
la propriété ne peut justifier d'un besoin propre que si elle a la volonté de
reprendre elle-même l'exploitation d'un commerce dans les locaux, à ses risques
et profits, les modalités selon lesquelles elle entend le faire étant sans
importance; à propos de l'exploitation d'un bar-discothèque par l'acquéreur, il
a été jugé qu'il importait peu que celui-ci doive engager du personnel à cet
effet, y compris un gérant (avec patente) pour exploiter l'établissement,
pourvu qu'il le fasse à ses propres risques et profits (arrêt 4A_23/2009 du 24
mars 2009 consid. 3.3.1 et 3.3.3). Il a aussi été admis - dans le cadre d'un
litige portant sur la prolongation du bail - que la personne physique puisse
faire valoir son intérêt à exercer son activité professionnelle dans les locaux
(en l'occurrence en tant qu'opticien) sous la forme d'une société (en
l'occurrence à responsabilité limitée) (arrêt 4C.139/2000 du 10 juillet 2000
consid. 2b).
Lorsque l'acquéreur de locaux commerciaux est une personne morale, son intérêt
se concentre dans la réalisation de son but social, à l'exclusion de celui de
ses actionnaires (arrêt 4C.139/2000 précité consid. 2b). Celle-ci justifie en
tout cas d'un besoin propre si elle entend utiliser elle-même les locaux pour
son activité économique à ses risques et profits, conformément à son but social
(cf. ATF 115 II 181 consid. 2a  in fine p. 185; cf. CLAIRE HUGUENIN,
Obligationenrecht, 2e éd. 2014, n. 2977). Il importe peu que cette utilisation
personnelle par la personne morale nécessite préalablement la transformation du
bâtiment, voire la démolition de celui-ci et la construction d'un nouveau
bâtiment (cf. ATF 135 III 121, dans lequel un besoin propre a été admis alors
que le propriétaire entendait démolir le bâtiment - abritant un atelier de
carrosserie et de réparation d'automobiles - pour réaliser un projet de
nouvelles infrastructures - en l'occurrence ferroviaires). Il importe peu
également que son besoin propre s'étende à l'ensemble du (nouveau) bâtiment ou
seulement à une partie de celui-ci.

5.2.2.3. Le juge décide si le nouveau propriétaire a un besoin propre en tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes du cas particulier (ATF 118 II
50 consid. 3c p. 54; 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745), au moment de la
résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1  in fine p. 62; 4A_52/2015 précité
consid. 2.3).

5.2.3. Le besoin du nouveau propriétaire est urgent lorsqu'on ne peut pas, pour
des raisons économiques ou pour d'autres raisons (par exemple personnelles),
exiger de lui qu'il renonce à utiliser l'habitation ou le local commercial loué
(ATF 118 II 50 consid. 3d p. 54; 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745), autrement
dit lorsqu'on ne peut exiger de lui qu'il attende l'échéance contractuelle pour
résilier le bail, tout en respectant le délai de congé contractuel. Cette
condition de l'urgence a été introduite par la révision du droit du bail du 15
décembre 1989, entrée en vigueur le 1er juillet 1990.
Lors des débats parlementaires, le besoin urgent a aussi été qualifié
d'immédiat (  unmittelbar), réel (  tatsächlich) et actuel (  aktuell) (ATF 118
II 50 consid. 3c p. 54). La jurisprudence en a déduit que la notion d'urgence
est non seulement temporelle, mais aussi matérielle en ce sens que les motifs
invoqués doivent revêtir objectivement une certaine importance (  gewisse
Bedeutung; ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55; 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745;
arrêt 4A_641/2014 précité consid. 2.2.1). Ainsi, le besoin est immédiat
lorsqu'il est susceptible de se concrétiser immédiatement ou à plus ou moins
brève échéance selon que l'échéance contractuelle du bail est proche ou
lointaine. Le besoin doit être réel: il ne présuppose pas une situation de
contrainte, voire un état de nécessité dû au besoin de disposer d'un logement
(ATF 118 II consid. 3d p. 55), mais il n'est pas réel lorsque le motif invoqué
est simulé ou invoqué abusivement, ou encore lorsque le nouveau propriétaire ou
un de ses proches entend utiliser le logement exclusivement pour jouir d'une
vue plus étendue et d'un meilleur ensoleillement (ATF 118 II 50 consid. 3d p.
55). Enfin, le besoin doit être actuel, en ce sens qu'un besoin futur,
simplement possible, ne suffit pas (ATF 118 II 50 consid. 3c p. 54).
La jurisprudence a également admis que la notion d'urgence est relative: elle a
pour corollaire que, même si le besoin urgent du nouveau propriétaire fait
obstacle à l'annulation du congé, elle n'exclut pas la prolongation du bail (
ATF 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745). La validité du congé n'est pas
déterminée par la pesée des intérêts respectifs du bailleur (intérêt à disposer
des locaux pour lui-même ou pour ses proches) et du locataire (intérêt à
demeurer dans les locaux). La comparaison entre les conséquences pénibles de la
résiliation anticipée pour le locataire et le besoin propre et urgent du
bailleur d'utiliser les locaux, parmi d'autres éléments (cf. art. 272 al. 2
let. c CO), n'intervient que dans le cadre de l'examen (d'office; art. 273 al.
5 CO) de la prolongation du bail (art. 272 al. 2 in initio CO; cf. infra
consid. 5.3).
Pour décider si le besoin du nouveau propriétaire est urgent (immédiat), il
faut déterminer s'il est susceptible de se concrétiser à plus ou moins brève
échéance en comparaison avec l'échéance contractuelle et le délai de
résiliation contractuel. Si l'utilisation des locaux ne nécessite pas de
grandes transformations, l'urgence du besoin doit être admise dès que la
personne morale a un intérêt à pouvoir exercer son activité économique dans les
locaux. Ainsi, il a été admis que lorsque le nouveau propriétaire doit payer
des intérêts pour le capital emprunté pour l'achat de l'immeuble et qu'il doit
aussi payer un loyer pour occuper d'autres locaux, son besoin à pouvoir
emménager dans les locaux achetés doit être qualifié d'urgent (ATF 118 II 50
consid. 4 p. 55 ss). En revanche, lorsque son utilisation des locaux présuppose
de grandes transformations, voire même la démolition et la reconstruction du
bâtiment, l'urgence dépend de l'état d'avancement de son projet de
transformation: il n'est pas nécessaire que ce projet ait déjà été autorisé par
les autorités administratives, mais il suffit qu'il soit susceptible d'obtenir
leur autorisation. L'ATF 99 II 164, qui exige que le bailleur ait déjà obtenu
les autorisations administratives, a été rendu dans le cadre d'une prolongation
du bail (art. 272 al. 2 let. a CO), pour laquelle le juge doit peser les
intérêts respectifs du bailleur et du locataire (cf. infra consid. 5.3); il
n'est donc pas pertinent pour juger de la validité de la résiliation elle-même.
S'agissant de l'urgence du besoin, le juge cantonal jouit d'un large pouvoir
d'appréciation (art. 4 CC; ATF 118 II 50 consid. 4 p. 55), que le Tribunal
fédéral ne revoie qu'avec retenue (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 125 III 269
consid. 2a; 123 III 306 consid. 9b; 123 III 10 consid. 4c/aa; 118 II 404
consid. 3b/bb).

5.2.4. Le nouveau propriétaire supporte le fardeau de la preuve de son besoin
propre et urgent (art. 8 CC; arrêt 4A_85/2008 précité consid. 3.1; 4C.17/2006
précité et les références à la doctrine).
La résiliation anticipée qui ne remplit pas ces conditions est annulable
conformément aux art. 271 s. CO (ATF 118 II 51; cf. HIGI, op. cit., n° 44 ad
art. 261 CO; WEBER, op. cit., no 11 ad art. 261 CO; SYLVAIN MARCHAND, in Droit
du bail à loyer, Bohnet/Montini (éd.), no 38 ad art. 261 CO; HONSELL,
Schweizerisches Obligationenrecht, Besonderer Teil, 9e éd. 2010, p. 226; 
contra : pour la nullité, LACHAT, op. cit., no 8 ad art. 261 CO; le même, Le
bail à loyer, nouvelle éd. 2008, p. 692). Elle ne peut pas être convertie en
une résiliation ordinaire (ATF 135 III 441 consid. 3.3).
En revanche, lorsque la résiliation anticipée remplit ces conditions, le
locataire ne peut pas objecter que le congé est annulable en raison d'un litige
pendant ou ayant opposé le vendeur au locataire dans les trois années qui ont
précédé (art. 271a al. 3 let. d CO).
L'action en annulation de la résiliation anticipée de l'art. 261 al. 2 CO est
soumise à la procédure de l'art. 273 CO (MARCHAND, op. cit., no 38 ad art. 261
CO). La procédure simplifiée des art. 243 ss CPC est applicable, sans égard à
la valeur litigieuse (art. 243 al. 2 let. c CPC). En vertu de l'art. 247 al. 2
let. a CPC, le juge établit d'office les faits; il s'agit-là de la maxime
inquisitoire simple (arrêt 4A_179/2015 du 16 décembre 2015 consid. 2.3, destiné
à la publication). Les moyens de preuve admissibles sont le témoignage, les
titres, l'inspection, l'expertise, les renseignements écrits et
l'interrogatoire et la déposition des parties (art. 168 CPC). Comme le
témoignage et l'inspection, l'interrogatoire et la déposition des parties
doivent faire l'objet de verbalisations au procès-verbal (art. 176, 182 et 193
CPC).

5.3. Même lorsqu'un besoin propre et urgent du nouveau propriétaire est établi
et que la résiliation anticipée du bail est donc justifiée, l'autorité
compétente doit encore statuer d'office sur la prolongation du bail (art. 273
al. 5 CO; ATF 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745). La notion d'urgence est en
effet relative et n'exclut pas toute prolongation de celui-ci (cf. consid.
5.2.3 ci-dessus).

5.3.1. La prolongation du bail a normalement pour but de donner au locataire du
temps pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b p.
230) ou à tout le moins d'adoucir les conséquences pénibles résultant d'une
extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b p. 448 s.; arrêt 4C.139/2000
précité consid. 2a). La pesée des intérêts en présence imposée par l'art. 272
al. 2 in initio CO implique que l'on ait égard aux intérêts des deux
cocontractants. Pour ce qui est du bailleur, il ne faut pas tenir compte
uniquement de son besoin propre et urgent des locaux (art. 272 al. 2 let. d
CO), mais aussi de sa situation personnelle, familiale et financière (art. 272
al. 2 let. c CO). Le besoin urgent du bailleur n'est en effet qu'une
circonstance dont le juge doit tenir compte dans la balance des intérêts.
L'énumération de l'art. 272 al. 2 CO n'étant pas exhaustive, il est possible de
prendre en considération tous les intérêts financiers du bailleur (arrêt 4C.139
/2000 précité consid. 2b et les références à la doctrine).
L'urgence du besoin de l'acquéreur doit être prise en considération pour
statuer tant sur le principe que sur la durée de la prolongation. Le besoin du
bailleur ne prime celui du locataire que lorsque celui-là est autorisé, par
décision administrative, à commencer les travaux, mais pas avant. Le juge ne
saurait toutefois accorder une prolongation du bail jusqu'à une échéance
indéterminée, qui serait liée à l'entrée en force exécutoire de l'autorisation
de construire. Il ne peut pas non plus accorder sans autres une prolongation du
bail de locaux commerciaux pour une durée de six ans (durée maximale; cf. art.
272b al. 1 CO). Dès lors qu'il est difficile de prévoir le moment où le
locataire devra évacuer les locaux, il s'impose de lui accorder une première
prolongation d'une durée inférieure à six ans. Si le locataire ne parvient pas
à trouver d'autres locaux avant l'échéance de cette prolongation, il demandera
une seconde prolongation (art. 272 al. 3 CO), et le juge statuera alors selon
la situation des parties et l'état du projet de démolition/reconstruction au
moment de sa nouvelle décision (ATF 135 III 121 consid. 5 p. 126).

5.3.2. Lorsqu'il doit se prononcer sur une prolongation de bail, le juge
apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il
y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il
doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la
prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux
de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments
du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et
financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le
marché locatif local (ATF 125 III 226 consid. 4b p. 230). Le Tribunal fédéral
ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance
cantonale. Il n'intervient que lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles
établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation,
ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient
absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral
redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation
lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité
choquante (ATF 135 III 121 consid. 2; 125 III 226 consid. 4b; voir aussi ATF
133 III 201 consid. 5.4 p. 211; 132 III 109 consid. 2 p. 111 s.).

5.4. En l'espèce, la nouvelle propriétaire fait valoir qu'elle a acheté
l'immeuble pour le transformer, pour une partie, en un hôtel, qu'elle entend
exploiter elle-même en en assumant le risque financier, et, pour une autre
partie, en dix-sept logements.

5.4.1. Contrairement aux premiers juges, qui avaient considéré que la nouvelle
propriétaire n'avait pas établi son champ d'activité, en particulier qu'elle
offrirait régulièrement des prestations hôtelières, la cour cantonale a retenu
que celle-ci avait fourni une preuve suffisante du fait qu'elle était
effectivement active dans l'hôtellerie. Si elle a nié que la défenderesse
exploiterait elle-même l'hôtel en question et, partant, qu'elle aurait établi
son besoin propre, la cour cantonale l'a fait en se basant exclusivement sur
les propres déclarations de celle-ci dans ses écritures, en retenant: "
l'appelante indique elle-même qu'elle n'exploitera pas elle-même l'hôtel, mais
qu'elle sélectionnera une enseigne qui le fera ".
Comme le soutient la défenderesse recourante, c'est arbitrairement que la cour
cantonale a retenu que celle-ci aurait avoué ne pas vouloir exploiter elle-même
l'hôtel à ses risques et profits. En effet, la cour cantonale a mal compris les
déclarations de la défenderesse: " la société... est détenue par une société
holding,... dont le but est la détention d'établissements actifs dans la
gestion et l'exploitation d'hôtels sous diverses enseignes ". Elle méconnaît
que, dans la restauration et l'hôtellerie, la conclusion d'un contrat de
franchise permet au franchisé (en l'occurrence la défenderesse) d'utiliser
l'enseigne/la marque d'un groupe existant, en bénéficiant notamment de l'image
de celui-ci, tout en conservant son indépendance juridique (TERCIER/FAVRE, Les
contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n. 8010 ss, en particulier n. 8013). C'est à
l'évidence ce qu'il faut comprendre ici: la défenderesse entend exploiter
l'hôtel à ses risques et profits, en utilisant une enseigne préalablement
sélectionnée auprès d'un groupe de sociétés mettant à disposition de telles
enseignes.
Lorsque la cour cantonale évoque ensuite la possibilité d'une forme de location
dans laquelle l'enseigne hôtelière assumerait seule le risque de
l'exploitation, ce n'est qu'une hypothèse, qui est en contradiction avec les
déclarations de la nouvelle propriétaire et qu'aucun élément du dossier
n'accrédite.
En tant qu'elle se borne à soutenir le contraire, l'intimée n'apporte aucun
élément propre à l'appui de sa thèse. Dans la mesure où elle se fonde sur des
faits nouveaux irrecevables (art. 99 al. 1 LTF), pour affirmer que la
défenderesse est une société d'investissement et qu'elle aurait fait un pur
placement financier, son grief est irrecevable.
Il s'ensuit que le besoin propre de la défenderesse doit être admis.

5.4.2. Il faut encore examiner si le besoin de la nouvelle propriétaire est
urgent. La cour cantonale l'a nié. Celle-ci le conteste.
L'urgence dépend en l'espèce de l'évolution du projet de démolition/
reconstruction de la défenderesse et de l'échéance contractuelle du bail qui
s'est tacitement renouvelé pour 5 ans, soit jusqu'au 30 juin 2019, le sort de
la résiliation donnée par l'ancien propriétaire n'étant pas réglé.
En retenant pour toute motivation que le besoin urgent n'est réalisé qu'une
fois que les autorisations administratives - de démolir/reconstruire - ont été
accordées, avec référence à l'ATF 99 II 164 consid. 3 et à LACHAT (Le bail à
loyer, 2008, p. 778 et Commentaire romand, no 48 ad art. 272 CO), la cour
cantonale a perdu de vue que cette exigence joue un rôle en matière de
prolongation du bail, mais non en matière de validité de la résiliation. Il est
dès lors sans pertinence que cet ATF 99 II 164 ait pu être cité dans les arrêts
4A_332/2011 du 21 novembre 2011 c. 3.3 (  obiter dictum) et 4A_23/2009 du
précité consid. 3.3.3 (jugé non pertinent).
Quant à l'arrêt 4A_726/2012 du 30 avril 2013 consid. 1.2, qui envisage la
situation où le projet ne pourra de façon certaine obtenir une autorisation
administrative, il est également sans pertinence en l'espèce. Dès lors que la
défenderesse a déposé deux demandes de permis portant sur la démolition de
l'immeuble et la construction à sa place d'un bâtiment comprenant un hôtel et
dix-sept logements le 12 septembre 2013, soit avant les résiliations anticipées
du 20 septembre 2013, qu'il n'est ni objecté, ni établi que le projet ne serait
pas susceptible d'autorisation, il y a lieu d'admettre que la condition du
besoin urgent de la nouvelle propriétaire est réalisée. On ne saurait en effet
exiger du nouvel acquéreur, qui a investi dans l'achat d'un immeuble pour
réaliser un important projet comprenant un hôtel et dix-sept logements qu'il
doive attendre cinq ans avant de pouvoir disposer de sa propriété alors que sa
demande de permis de démolir/reconstruire a déjà été déposée au moment où il a
résilié les baux. La question des inconvénients de la résiliation anticipée
pour la locataire doit être examinée dans le cadre de la prolongation du bail.

5.4.3. Il s'ensuit que les résiliations de bail notifiées le 20 septembre 2013
à la locataire sont valables. La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour
qu'elle examine et statue sur le droit de la locataire à une prolongation des
baux (art. 273 al. 5 CO).

6. 
Le recours doit donc être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
la cour cantonale pour examen et décision sur la prolongation des baux.
Les frais de la procédure sont mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art.
66 al. 1 LTF). Celle-ci versera une indemnité de dépens à la recourante (art.
68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
cour cantonale pour instruction et décision sur la prolongation des baux.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3. 
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour d'appel civile.

Lausanne, le 31 mars 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Piaget

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