Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.437/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_437/2015

Arrêt du 4 décembre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Hohl et Abrecht, juge suppléant.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Thierry Sticher, avocat,
demandeur et recourant,

contre

B.________ SA, représentée par Me Michael Rudermann, avocat,
défenderesse et intimée.

Objet
contrat de travail; résiliation abusive,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2015 par la Chambre
des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. B.________ SA est une société anonyme sise à C.________, qui a notamment
pour but le commerce de véhicules automobiles et l'exploitation de garages. Par
sa succursale de D.________ exploitée sous la raison sociale B.________ SA,
Succursale E.________ (ci-après: la succursale ou le garage), elle a engagé
A.________ en qualité d'aide-mécanicien à partir du 1 ^er juillet 2001 pour une
durée indéterminée. Son taux d'occupation était de 100% pour un salaire mensuel
brut de 5'000 fr., versé 13 fois l'an, porté dès le 1 ^er janvier 2012 à 6'015
francs. Selon l'art. 3 du contrat de travail, la résiliation des rapports de
travail pouvait être faite par chaque partie pour la fin d'un mois moyennant un
délai de congé de trois mois à partir de la troisième année de service.

A.________ (ci-après: l'employé ou le demandeur) avait la fonction de
préparateur de véhicules, selon un cahier des charges établi en juillet 2011.

A.b. D'après les rapports d'évaluation annuels, l'employé était investi dans
son travail, serviable et fournissait un travail de qualité.

En février 2011, la direction de la succursale a été confiée à un nouveau
directeur en la personne de F.________. A partir de ce moment, des difficultés
relationnelles sont survenues entre les parties.

En date du 12 juin 2012, l'employé a été convoqué par le directeur et son
adjoint. A la sortie de l'entretien, il a été victime d'un malaise et a dû être
conduit chez son médecin, puis hospitalisé le même jour pour un état d'anxiété
généralisé, accompagné de douleurs thoraciques. A la suite de cet incident, les
employés du garage se sont adressés à la direction de B.________ SA à
C.________ pour signaler une situation intolérable et se plaindre des méthodes
utilisées par la direction, comprenant notamment intimidations, menaces,
humiliations, insultes, exigences excessives, moyens de pression et
comportement agressif. Ils indiquaient encore que la communication avec le
nouveau directeur était impossible et demandaient par conséquent à B.________
SA d'intervenir directement.

L'employé a souffert d'une dépression sévère. Il a été en incapacité de travail
totale du 12 juin au 31 octobre 2012. Il a ensuite repris son activité à 50%
dès le 1 ^er novembre 2012, puis à 60% dès le 1 ^er décembre 2012.

A.c. Par courrier du 13 décembre 2012, soit à l'échéance du délai de protection
contre les congés (art. 336c al. 1 let. b CO), la succursale a résilié le
contrat de travail de l'employé avec effet au 31 mars 2013, en invoquant des
raisons économiques.

Par lettre du 21 janvier 2013 rédigée par son conseil, l'employé a contesté les
motifs de son congé et formé opposition au sens de l'art. 336b CO.

Le 11 février 2013, l'employeuse a confirmé que le licenciement de l'employé
s'appuyait sur des motifs économiques, expliquant que le garage avait perdu
deux marques en janvier 2011, soit.... et...., ce qui avait entraîné une
diminution drastique du volume de travail et de son chiffre d'affaires. Le
garage avait ainsi dû prendre des mesures pour réduire les coûts, en
particulier la suppression de trois postes dont celui de l'employé.

L'employé a contesté les explications fournies par son employeuse, relevant que
son poste avait été repourvu et qu'il ne pouvait dès lors s'agir d'un
licenciement pour des motifs économiques.

A.d. Les résultats d'exploitation de la succursale laissent apparaître une
péjoration importante de sa situation financière depuis 2009. Le chiffre
d'affaires, arrondi, est passé de 18'700'000 fr. en décembre 2009 à 16'600'000
fr. en décembre 2012, puis à 11'900'000 fr. en septembre 2013. Le nombre
d'employés est quant à lui passé de 27 en décembre 2009 à 23 en décembre 2012
et à 18 en septembre 2013. Enfin, le résultat d'exploitation présentait une
perte de 256'542 fr. en décembre 2009, 835'365 fr. en décembre 2011, 1'182'268
fr. en décembre 2012 et 650'365 fr. en septembre 2013.

L'employeuse a expliqué cette péjoration notamment par la chute des ventes de
véhicules de marque.... et par la perte des concessions.... et..... Malgré
l'acquisition, courant 2011, de deux nouvelles marques, la situation n'a pas pu
être redressée.

B.

B.a. Après avoir déposé une requête de conciliation le 23 septembre 2013,
A.________ a introduit le 14 novembre 2013 une demande devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève, assignant B.________ SA en paiement de 20'000
fr. à titre de tort moral pour cause d'atteinte à sa personnalité, 42'354 fr.
30 à titre d'indemnité pour licenciement abusif et 3'705 fr. 05 à titre de
salaire, le tout avec suite d'intérêts.

B.________ SA a conclu au rejet de la demande.

B.b. Les parties ont été entendues lors de l'audience de débats principaux du
14 mars 2014.

G.________, chef des ressources humaines, a été entendu en tant que
représentant de B.________ SA. Il a notamment déclaré que les motifs du
licenciement de l'employé s'expliquaient par le contexte financier du garage.
Comme les chiffres étaient en constante baisse, la centrale avait fait pression
sur la succursale afin qu'elle réduise ses coûts. Cette dernière avait ainsi
été amenée à licencier trois personnes et à ne pas remplacer certains départs.
Il a ajouté que le licenciement était également dû au fait que l'employé se
trouvait en indisponibilité de travail alors que son collègue était présent,
étant précisé que l'idée n'était pas de le licencier parce qu'il était malade,
mais de faire un choix entre les deux préparateurs de véhicules, dont l'un
(H.________) était disponible et l'autre (A.________) pas.

B.c. Plusieurs témoins ont en outre été entendus.

Selon I.________, dépêchée par B.________ SA à de nombreuses reprises pour
discuter sur place avec le personnel de la succursale, la suppression de postes
dans divers départements avait été décidée en automne 2012 et le contrat de
l'employé résilié en décembre 2012. Il relevait du directeur du garage, soit
F.________, de désigner les personnes concernées par les licenciements. Dans le
service auquel l'employé était rattaché, il avait été décidé de supprimer l'un
des deux postes. Le choix de licencier l'employé avait été en partie dicté par
le fait qu'il était à ce moment-là en incapacité de travail. Il n'avait pas été
question de déterminer si l'un des aides-mécaniciens était meilleur que
l'autre: l'un était disponible et l'autre pas, et de surcroît pour une durée
totalement inconnue.

Ce témoin a encore confirmé que les mesures de licenciement, dont celle prise à
l'encontre de l'employé, avaient été initiées pour des raisons économiques,
dues à un manque de rentabilité du garage qui s'aggravait au fil du temps.

F.________, directeur de la succursale, a notamment déclaré que la situation
financière catastrophique du garage avait nécessité la suppression d'un certain
nombre de postes; le licenciement de l'employé était dû au fait qu'il était
indisponible pour une durée indéterminée et que dans l'intervalle, H.________
avait repris son poste.

B.d. Par jugement du 1 ^er décembre 2014, le Tribunal des prud'hommes a
condamné B.________ SA à verser à l'employé la somme nette de 7'000 fr. avec
intérêts moratoires à 5% dès le 1 ^er avril 2012 et a rejeté toutes autres
conclusions.

Le Tribunal a en bref retenu que l'employé avait été gravement atteint dans sa
personnalité par le comportement du directeur ou de ses subordonnés, consistant
en des remarques désobligeantes, une surveillance quasi permanente, des
pressions injustifiées et une attitude particulièrement agressive et
dégradante. L'atteinte subie excédait ce que l'on pouvait raisonnablement
tolérer dans le cadre des relations de travail. Compte tenu de la longue durée
des rapports de travail, du traitement illicite dirigé contre l'employé
personnellement, qui ignorait à qui s'adresser pour y remédier, et des
conséquences sur son état de santé, l'indemnité pour tort moral devait être
arrêtée à 7'000 fr. nets. Quant à la résiliation, le Tribunal a considéré
qu'elle était motivée par des raisons majoritairement économiques, de sorte
qu'elle ne pouvait être qualifiée d'abusive. Il a par conséquent débouté
l'employé de ses conclusions sur ce point.

B.e. Par arrêt du 8 juillet 2015, la Chambre des prud'hommes de la Cour de
justice a rejeté les appels formés par l'une et l'autre partie.

Sur la question du licenciement abusif, la Chambre a constaté que le congé
était motivé par des raisons économiques, mais que l'absence de l'employé pour
cause de maladie avait aussi joué un rôle. Dans la mesure où la maladie avait
été provoquée par le comportement du directeur, qui était imputable à
l'employeuse, elle ne pouvait constituer un motif de congé digne de protection.
Il convenait donc d'examiner si l'employé aurait été licencié même sans son
incapacité de travail. En raison de la situation financière du garage, des
mesures comprenant des suppressions de postes avaient dû être prises. Deux
autres collègues de l'employé, ayant respectivement douze et vingt-huit ans
d'ancienneté, avaient aussi été licenciés sans que leurs postes ne soient
repourvus; les mesures de redressement prises en 2012 avaient porté leurs
fruits. Dans ce contexte, l'incapacité de travail de l'employé ne constituait
pas un motif de congé prépondérant par rapport aux impératifs financiers. Il
était certes avéré que l'employé était appliqué et fournissait un travail de
qualité, mais l'on ne pouvait inférer de ce seul fait que l'employeuse aurait
choisi de le garder s'il n'avait pas été malade, et qu'elle aurait par
conséquent licencié son collègue H.________. Celui-ci travaillait pour la
succursale depuis plus de onze ans et avait donné entière satisfaction,
assumant seul le service de préparation des véhicules pendant la maladie de
A.________. Ces indices corroboraient les allégations de l'employeuse selon
lesquelles son choix quant à la personne à licencier se serait porté sur
A.________ indépendamment de son absence.

C. 
L'employé saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, concluant
principalement à ce que l'employeuse B.________ SA soit condamnée à lui payer
une indemnité de 42'354 fr. 30 pour licenciement abusif, en sus des 7'000 fr.
alloués pour le tort moral subi. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation
de l'arrêt du 8 juillet 2015 en tant qu'il considère que son licenciement
n'était pas abusif, la cause étant renvoyée sur ce point à la Cour de justice
pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'employeuse intimée conclut au rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité. L'autorité précédente se réfère à son arrêt.

Considérant en droit :

1.

1.1. Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé partiellement dans ses
conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur
recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
dépasse largement le seuil de 15'000 fr. requis par l'art. 74 al. 1 let. a LTF
en matière de droit du travail, le recours est par principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.

1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106
al. 1 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331
consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il
s'en tient cependant aux questions juridiques que la partie recourante soulève
dans la motivation du recours et ne traite donc pas celles qui ne sont plus
discutées par les parties, sous réserve d'erreurs manifestes (art. 42 al. 2
LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). Le Tribunal fédéral n'examine la
violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de
façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2).

1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Les allégations
de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99
al. 1 LTF). La juridiction fédérale peut compléter ou rectifier d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire
arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62), ou qui
ont été établies en violation du droit tel que défini à l'art. 95 LTF (art. 105
al. 2 LTF). La partie recourante peut dénoncer de tels vices dans
l'établissement des faits, pour autant que la correction demandée soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant
doit indiquer de façon précise en quoi les constatations critiquées sont
contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable, à défaut de quoi le
grief est irrecevable (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).

2.

2.1. L'employé reproche à la Cour de justice d'avoir établi les faits relatifs
aux motifs de son licenciement de façon arbitraire (art. 9 Cst.) et contraire
aux règles sur le fardeau de la preuve (art. 8 CC). Ces vices affectant l'état
de fait auraient conduit la cour cantonale à nier indûment le caractère abusif
de sa résiliation et à enfreindre l'art. 336 CO.

En substance, le recourant fait observer que si les deux postes de préparateurs
avaient été supprimés, la question du licenciement abusif ne se poserait pas,
puisque le critère économique serait alors décisif. Du moment toutefois que
l'un des deux postes était maintenu, les juges cantonaux devaient déterminer,
en tenant compte du fait que le fardeau de la preuve incombe à l'employeur,
quel critère décisif avait été utilisé pour sélectionner un employé plutôt que
l'autre, puis examiner la licéité de ce critère à l'aune de l'art. 336 CO. La
cour cantonale aurait arbitrairement retenu que l'indisponibilité de l'employé
n'était pas le critère sélectif prépondérant, en contradiction avec les
déclarations des cadres de l'entreprise. Il incombait à l'employeuse de
démontrer que même sans l'incapacité de travail, elle aurait de toute façon
licencié l'employé pour d'autres motifs; or, une telle preuve ferait défaut,
les témoins entendus n'invoquant aucun autre critère que celui de l'incapacité
de travail. Un éventuel doute devrait profiter à l'employé.

2.2.

2.2.1. Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée
indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Celles-ci sont donc en
principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le
droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité par les dispositions
sur le congé abusif au sens des arts. 336 ss CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3).

2.2.2. Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, le congé est abusif lorsqu'il est
donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre
partie, à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne
porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise.
La maladie est une raison inhérente à la personnalité au sens de la disposition
précitée. Toutefois, si elle porte atteinte à la capacité de travail, la
maladie n'est pas considérée comme une cause abusive de résiliation. Ainsi, la
résiliation des rapports de travail en raison d'une incapacité prolongée
perdurant au-delà du délai de protection de l'art. 336c CO n'est pas abusive, à
moins notamment que l'incapacité trouve sa cause dans une violation de ses
obligations par l'employeur (ATF 123 III 246 consid. 5; arrêts 4A_329/2011 du
11 octobre 2011 consid. 5 et 4C.320/2005 du 20 mars 2006 consid. 3.2; WYLER/
HEINZER, Droit du travail, 3 ^e éd. 2014, p. 630).

2.2.3. Pour qu'un congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre
le motif répréhensible et le licenciement. En d'autres termes, il faut que le
motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de l'employeur de
résilier le contrat. Lorsque plusieurs motifs de congé entrent en jeu et que
l'un d'eux n'est pas digne de protection, il convient de déterminer si, sans le
motif illicite, le contrat aurait tout de même été résilié: si tel est le cas,
le congé n'est pas abusif (arrêt 4C.87/1993 du 11 novembre 1993 consid. 2c,
publié in SJ 1995 p. 798; arrêt 4C.91/2000 du 23 novembre 2001 consid. 2b;
arrêt 4A_316/2012 du 1 ^er novembre 2012 consid. 2.1, in SJ 2013 I 193).

2.2.4. Déterminer quels sont les motifs réels d'une résiliation est une
question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 515). De même, l'incidence
respective des divers motifs de résiliation en concours est une question qui
relève de la causalité naturelle, et par conséquent du fait (ATF 130 III 699
consid. 4.1 et les arrêts cités; arrêt précité 4C.87/1993 consid. 2c). Ainsi,
les constatations y relatives de l'autorité précédente lient le Tribunal
fédéral, qui ne peut s'en écarter que si elles ont été établies de façon
manifestement inexacte ou en violation du droit (arrêt 4A_341/2007 du 7 février
2008 consid. 2.1; arrêt précité 4A_316/2012 consid. 2.1).

2.2.5. En vertu de l'art. 8 CC, la partie congédiée doit prouver le caractère
abusif du congé (ATF 123 III 246 consid. 4b). En ce domaine, la jurisprudence a
tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un
élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Selon
le Tribunal fédéral, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé
abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire
apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la
preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le
fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De
son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de
fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du
congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703).

Dans le même ordre d'idées, la jurisprudence a précisé qu'en cas de pluralité
de motifs, dont l'un au moins s'avère abusif, il incombe à l'employeur de
démontrer qu'il aurait licencié le travailleur même en l'absence du motif
abusif (arrêt 4P.205/2000 du 6 mars 2001 consid. 3a, in JAR 2002 p. 238, cité
dans les arrêts 4A_430/2010 du 15 novembre 2010 consid. 2.1.3 et 4A_19/2015
précité consid. 4.6).

2.3.

2.3.1. En l'espèce, il ressort des constatations de fait opérées par la cour
cantonale que le congé donné au demandeur reposait sur une pluralité de motifs,
en ce sens que des difficultés économiques avérées ont conduit l'entreprise à
réduire le personnel dans différents départements, dont celui auquel le
demandeur était rattaché, où il a été décidé de supprimer l'un des deux postes
de préparateurs de véhicules; le choix de licencier le demandeur plutôt que son
collègue a été dicté par le fait que le premier était en incapacité de travail.
Il s'avère ainsi que l'indisponibilité du demandeur due à son incapacité de
travail a joué un rôle déterminant dans la décision de l'employeuse de résilier
son contrat de travail; il s'agit en effet du seul motif établi - par les
déclarations de G.________, chef des ressources humaines de B.________ SA (cf.
lettre B.b supra), de I.________, collaboratrice de B.________ SA, et de
F.________, directeur de la succursale (cf. lettre B.c supra) - qui a conduit
la défenderesse à licencier le demandeur plutôt que son collègue. Or, comme la
cour cantonale l'a retenu à juste titre, l'incapacité de travail de l'employé
provoquée par un comportement imputable à l'employeuse ne constitue pas un
motif de congé digne de protection.

Alors que le demandeur a apporté des éléments suffisants pour que le juge en
déduise qu'un motif abusif était à l'origine de son congé, l'employeuse n'a pas
démontré qu'elle aurait licencié le demandeur même en l'absence du motif
abusif. En effet, elle n'a nullement établi à satisfaction de droit son
allégation selon laquelle son choix quant à la personne à congédier se serait
également porté sur le demandeur, indépendamment de son absence. La seule
circonstance relevée par la cour cantonale est que H.________ travaillait
depuis plus de onze ans au service de la défenderesse, à son entière
satisfaction, et qu'il avait assuré seul le service de préparation des
véhicules lorsque le demandeur était tombé malade. Or, ce fait ne permet
nullement de tenir pour établi que la défenderesse aurait licencié le demandeur
même en l'absence du motif abusif. En effet, le demandeur travaillait lui aussi
depuis plus de onze ans au service de la défenderesse, à l'entière satisfaction
de cette dernière puisqu'il était appliqué et serviable et qu'il fournissait un
travail de qualité; par ailleurs, l'on ne peut rien déduire du fait que
H.________ a assuré seul le service de préparation des véhicules lorsque le
demandeur est tombé malade, puisque cette incapacité de travail était
précisément imputable à la défenderesse. En bref, le demandeur a établi à
satisfaction de droit qu'un motif abusif est à l'origine de son congé.

2.3.2. Il résulte de ce qui précède que le licenciement du demandeur doit être
tenu pour abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. a CO. C'est donc à tort que
les juges cantonaux ont refusé de lui allouer une indemnité pour congé abusif
en application de l'art. 336a al. 1 CO. Le recours se révèle ainsi fondé et
doit être admis.

3. 
Selon l'art. 107 al. 2 LTF, si le Tribunal fédéral admet le recours, il statue
lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle
prenne une nouvelle décision. La jurisprudence préconise un renvoi plutôt
qu'une réforme notamment lorsqu'il faut compléter l'état de fait ou exercer un
pouvoir d'appréciation; en effet, lorsque la loi accorde un tel pouvoir,
celui-ci doit en principe être exercé par le juge du fait, et non par le
Tribunal fédéral (CORBOZ, in Commentaire de la Loi sur le Tribunal fédéral, 2 ^
e éd. 2014, n. 16 et 20 ad art. 107 LTF). Or, le montant de l'indemnité due en
vertu de l'art. 336a al. 1 CO au travailleur licencié abusivement est fixé
librement par le juge (cf. art. 336a al. 2 CO), qui bénéficie à cet égard d'un
large pouvoir d'appréciation (arrêts 4A_279/2008 du 12 septembre 2008 consid.
4.1 et 4C.370/2006 du 27 février 2007 consid. 3.1.2). Il y a donc lieu
d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle détermine le montant de l'indemnité équitable due au demandeur.

Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure seront mis à la
charge de la défenderesse (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre au
demandeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
défenderesse.

3. 
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de
dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de
la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 4 décembre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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