Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.419/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_419/2015

Arrêt du 19 février 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par
Me Christian Lüscher,
recourante,

contre

B.________, représenté par
Me Marc Mathey-Doret,
intimé.

Objet
contrat de travail; résiliation immédiate,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 29 juin 2015 par la Chambre
des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A. 
La société A.________ SA, sise dans le canton de Genève, fournit des services
logistiques. En des lieux différents de la commune de V.________, elle occupe
d'une part un bâtiment, d'autre part un entrepôt situé dans une extension de
l'aéroport et comprenant une zone pour le stockage de produits dangereux (zone
"Z.________"). Celle-ci fait l'objet de consignes de sécurité particulières; il
est notamment interdit d'y prendre des photographies.
A.________ SA (ci-après: l'employeuse ou l'entreprise) a engagé B.________
comme employé administratif à compter du 1 ^er octobre 2012, moyennant un
salaire mensuel brut de 5'800 fr. versé treize fois l'an ainsi qu'une
participation mensuelle de 50 fr. à l'assurance-maladie. Son lieu de travail se
situait dans le bâtiment, par opposition à l'entrepôt.
Le 15 octobre 2013, l'entreprise a licencié le travailleur avec effet immédiat.
Elle lui a remis une lettre de congé dans laquelle elle expliquait avoir appris
qu'il avait demandé à un collègue de prendre des photos de la zone Z.________,
ce qui était formellement interdit.
L'employé a refusé de signer cette missive. Il a touché son salaire jusqu'au 15
octobre 2013. Des certificats établis par son médecin attestent d'une
incapacité de travail entre le 16 octobre et le 15 décembre 2013.

B.

B.a. L'employé a déposé contre l'entreprise une requête de conciliation le 29
novembre 2013, puis une demande le 11 avril 2014 devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève. Il concluait au paiement de 66'224 fr. 95, en
compensation des salaires et autres avantages qu'il aurait normalement touchés
jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat et à titre d'indemnité due en raison du
congé immédiat injustifié.
L'employeuse a allégué que le 9 octobre 2013, le travailleur avait demandé à
son collègue C.________ de prendre des photographies de la zone Z.________.
Entendu comme témoin, le prénommé a fait les déclarations suivantes: à la date
précitée, il avait parlé de travail avec l'employé B.________ dans le train qui
les ramenait à leur domicile. C.________ avait expliqué à son collègue qu'il
empilait en hauteur des fûts contenant des matières dangereuses; son collègue
lui avait alors demandé de prendre des photos de ces fûts au motif qu'il était
interdit d'empiler des palettes de produits dangereux. Le témoin avait répondu
qu'il n'était pas permis de prendre des photographies dans cette zone. Le 16
octobre 2013, l'employé B.________ lui avait encore demandé s'il avait
finalement pris les photos requises.
Devant le tribunal, C.________ a confirmé la déclaration qu'il avait signée le
11 octobre 2013, dans laquelle il indiquait avoir informé son supérieur
hiérarchique de la demande de photos formulée par l'employé B.________.
Interrogé en qualité de partie, ce dernier a pour sa part déclaré qu'il
croisait parfois dans le train C.________, lequel lui avait une fois posé des
questions concernant des étiquettes. L'employé avait demandé à avoir plus de
détails sur les étiquettes que son collègue ne comprenait pas afin de pouvoir
le renseigner. L'employé a également contesté avoir demandé le 16 octobre si
les photos avaient finalement été prises.

B.b. Statuant le 19 décembre 2014, le Tribunal des prud'hommes a jugé que le
congé immédiat était injustifié. Rien ne permettait de privilégier la version
de C.________ au détriment de celle du demandeur. L'employeuse aurait dû
pousser ses investigations plus avant et entendre les deux collaborateurs avant
de licencier l'un d'eux avec effet immédiat. Il n'était pas prouvé que le
demandeur ait exigé des photos, ni même qu'il ait eu connaissance de la zone
sécurisée. Le congé étant injustifié, l'employé avait droit à ce qu'il aurait
touché jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat (art. 337c al. 1 CO), en
l'occurrence repoussée au 28 février 2014 en raison de sa maladie; il pouvait
en outre prétendre à une indemnité pour congé injustifié, fixée à un peu plus
d'un mois de salaire (art. 337c al. 3 CO).
En définitive, le tribunal a condamné l'entreprise à payer à l'employé la somme
brute de 22'360 fr. 90 (dont à déduire les cotisations sociales, légales et
usuelles), plus une indemnité de 6'000 fr. nets.

B.c. L'employeuse a saisi la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice, qui
a rejeté son appel par arrêt du 29 juin 2015. Cette instance a confirmé le
caractère injustifié du congé immédiat (cf. infra consid. 2.2) et n'a pas
traité les autres aspects du jugement entrepris dès lors qu'ils n'étaient pas
remis en cause.

C. 
L'employeuse saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans
lequel elle conclut au rejet de l'action intentée par le travailleur.
Celui-ci conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
L'autorité précédente se réfère à son arrêt.

Considérant en droit :

1.

1.1. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées
sur le principe, en particulier celle afférente à la valeur litigieuse minimale
de 15'000 fr. requise dans les conflits de droit du travail (art. 74 al. 1 let.
a LTF en lien avec l'art. 51 al. 1 let. a LTF).

1.2. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral, notion qui
inclut le droit constitutionnel (art. 95 let. a LTF; ATF 134 III 379 consid.
1.2 p. 382).
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut toutefois rectifier ou compléter ces
constatations lorsqu'elles ont été établies en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ce
qu'il incombe en principe au recourant de dénoncer (art. 97 al. 1 et art. 105
al. 2 LTF; ATF 133 IV 286 consid. 6.2).
Dans la mesure où il entend se plaindre d'un arbitraire au sens de l'art. 9
Cst., le recourant doit satisfaire aux exigences de motivation plus strictes
imposées par l'art. 106 al. 2 LTF; il doit invoquer expressément ce droit
constitutionnel et exposer de manière claire et circonstanciée, si possible
documentée, en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'entre pas en
matière sur des critiques appellatoires dirigées contre l'état de fait ou
l'appréciation des preuves (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 133 II 249
consid. 1.4.2 et 1.4.3). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsque le
juge ignore sans raison sérieuse un élément de preuve propre à modifier sa
décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou
encore lorsqu'il tire des déductions insoutenables des éléments recueillis (ATF
137 III 226 consid. 4.2 p. 234).

2. 
L'employeuse émet divers griefs destinés à faire admettre que le congé immédiat
repose sur de justes motifs.

2.1.

2.1.1. Selon l'art. 337 CO, l'employeur comme le travailleur peuvent résilier
immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1).
Constituent notamment de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les
règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le
congé la continuation des rapports de travail (al. 2).
Déterminer les motifs du congé est une question de fait (ATF 130 III 699
consid. 4.1 p. 702 i.f.). En revanche, savoir si le congé repose sur de justes
motifs au sens de l'art. 337 CO relève du droit (arrêt 4P.63/2006 du 2 mai 2006
consid. 2.2.2; cf. aussi arrêt 4A_507/2010 du 2 décembre 2010 consid. 3, in JAR
2011 p. 377).

2.1.2. Confrontée à des divergences doctrinales, l'autorité de céans n'exclut
pas que le soupçon d'infraction grave ou manquement grave puisse justifier un
licenciement immédiat, quand bien même l'accusation portée contre l'employé se
révèle ensuite infondée ou ne peut pas être prouvée; en effet, selon les
circonstances, de tels soupçons peuvent rendre impossible la continuation des
rapports de travail (arrêts 4C.103/1999 du 9 août 1999 consid. 3, in Praxis
2000 n° 11 p. 56 et JAR 2001 p. 304; 4C.317/2005 du 3 juin 2006 consid. 5.3).
Toutefois, d'autres éléments excluent généralement le bien-fondé d'un
congé-soupçon, soit parce que le manquement reproché, même s'il était avéré, ne
serait pas suffisamment important pour justifier un congé immédiat sans
avertissement (arrêt 4C.112/2002 du 8 octobre 2002 consid. 6 et les arrêts
cités; cf. aussi l'arrêt précité 4C.103/1999 consid. 3c), soit parce que
l'employeur n'a pas fait tout ce qu'on pouvait attendre de lui pour vérifier
les soupçons.

2.2. En l'occurrence, la Cour de justice a considéré que le congé immédiat
était injustifié. Selon cette autorité, l'employeuse n'avait pas établi
l'existence du juste motif de résiliation dont elle se prévalait, à savoir le
fait que le travailleur aurait demandé à un autre collaborateur de la société
de prendre des photographies de la zone "Z.________". La force probante des
déclarations du collaborateur concerné (C.________), contestées par le
demandeur, était affaiblie par le fait que ce témoin était employé par la
défenderesse. Ces déclarations n'étaient en outre corroborées par aucun autre
élément du dossier. En tout état de cause, quand bien même l'employeuse aurait
démontré que le travailleur avait effectivement demandé à son collègue de
prendre des photos, ce fait n'aurait pas justifié à lui seul un congé immédiat.
L'employeuse devait donner l'occasion à l'employé de se prononcer sur les
allégations de son collègue avant qu'elle prenne la décision de le licencier
avec effet immédiat, et non pas après comme elle l'avait fait. Elle pouvait
apprécier la gravité de l'éventuelle faute commise par l'employé uniquement
après avoir vérifié s'il avait connaissance de l'interdiction de prendre des
photos, et après s'être enquise des raisons d'une telle demande. Or, selon les
déclarations faites par sa représentante devant le tribunal, la décision de
licenciement avait été prise sans que la version des faits de l'employé ait été
préalablement recueillie, ce dernier ayant été mis devant le fait accompli le
15 octobre 2013 (consid. 2.3 de l'arrêt attaqué).

2.3.

2.3.1. L'employeuse dénonce une violation de l'art. 8 CC. Elle fait valoir que
pour établir le motif de congé dont elle s'est prévalue, elle a requis et
obtenu l'audition de deux témoins, soit C.________ et D.________ [supérieur
hiérarchique du demandeur, réd.]. Ce faisant, elle aurait prouvé par témoins
les justes motifs du licenciement. De son côté, le demandeur se serait contenté
d'alléguer sans preuve sa propre version des faits, alors qu'il aurait dû
fournir une contre-preuve. La Cour de justice aurait à tort mis sur pied
d'égalité les déclarations de l'employé, partie à la procédure, avec les
déclarations du témoin C.________, qui avait été exhorté à dire la vérité; elle
aurait fait fi des offres de preuve de la défenderesse.

2.3.2. L'art. 8 CC règle, pour tout le domaine du droit civil fédéral, la
répartition du fardeau de la preuve et détermine quelle partie doit assumer les
conséquences de l'échec de la preuve. Il confère en outre le droit à la preuve
et à la contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24). Le juge viole l'art.
8 CC notamment lorsqu'il omet ou refuse d'administrer des preuves sur des faits
pertinents et régulièrement allégués, ou lorsqu'il tient pour exactes les
allégations non prouvées d'une partie nonobstant leur contestation par la
partie adverse (ATF 114 II 289 consid. 2a). En revanche, l'art. 8 CC ne
prescrit pas quelles mesures probatoires doivent être ordonnées (ATF 127 III
519 consid. 2a p. 522), ni ne dicte au juge comment forger sa conviction (ATF
128 III 22 consid. 2d p. 25 in fine). Si celui-ci arrive à la conclusion qu'un
fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, le grief de violation de
l'art. 8 CC devient sans objet: il est alors question d'appréciation des
preuves, que le Tribunal fédéral revoit uniquement sous l'angle de l'arbitraire
(ATF 130 III 591 consid. 5.4).

2.3.3. La recourante semble reprocher à la Cour de justice d'avoir traité
l'interrogatoire d'une partie comme un moyen de preuve. L'argument est infondé.
En effet, l'art. 168 al. 1 CPC énonce les différents moyens de preuve
admissibles, parmi lesquels figurent aussi bien le témoignage (let. a) que
l'interrogatoire et la déposition de partie (let. f). En réalité, l'art. 8 CC
n'est pas en cause; sous couvert de cette disposition, la recourante conteste
l'appréciation des preuves, faisant grief à l'autorité précédente de ne pas
avoir retenu l'existence du motif de congé invoqué. Elle ne dénonce toutefois
aucun arbitraire sur ce point précis et ne critique pas l'argumentation de la
cour cantonale. Elle n'explique pas en quoi le témoignage de D.________ aurait
apporté des éléments propres à modifier la décision de la Cour de justice. Cela
suffit à clore toute discussion. Par surabondance, l'appréciation des preuves
n'a rien d'insoutenable, étant entendu que l'arbitraire ne résulte pas du seul
fait qu'une autre solution serait concevable (ATF 136 III 552 consid. 4.2).

2.4. Le simple soupçon que l'employé ait demandé la prise de photographies
d'une zone sensible ne saurait justifier un congé immédiat. La cour cantonale a
retenu que l'employeuse n'avait pas recueilli la version des faits de l'employé
et l'avait mis devant le fait accompli le 15 octobre 2013. La recourante
conteste ce fait en objectant que l'employé a été convoqué ce jour-là, qu'il a
refusé de s'exprimer et s'est bien gardé de réfuter les faits qui lui étaient
reprochés; elle aurait alors pris la décision de le licencier. Il s'agit-là
d'une critique purement appellatoire, et partant irrecevable. Alors que l'arrêt
attaqué se réfère aux déclarations faites en audience par la représentante de
la recourante, celle-ci ne dénonce aucun arbitraire et ne cherche pas à
démontrer de façon circonstanciée en quoi la cour aurait tiré de ces
déclarations des déductions insoutenables, ou aurait ignoré d'autres éléments
de preuve. La cour de céans est dès lors liée par la constatation selon
laquelle la recourante n'a pas entendu l'employé et l'a mis devant le fait
accompli; or, ce fait suffit déjà à priver de toute légitimité un congé
immédiat fondé sur un simple soupçon.

2.5. Au vu de ce qui précède, les autres griefs soulevés par la recourante sont
privés d'objet.

3. 
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
En conséquence, la recourante supportera les frais de la présente procédure et
versera une indemnité de dépens à l'intimé (art 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 février 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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