Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.386/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_386/2015

Arrêt du 7 septembre 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Kiss, présidente,
Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________ S.p.A., représentée par
Me Julien Perrin, avocat,
requérante,

contre

Y.________ B.V., représentée par Mes Michael Kramer et Matthias Wiget, avocats,
intimée.

Objet
arbitrage international; révision,

demande de révision de la sentence finale rendue le 23 avril 2015 par l'arbitre
unique statuant sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale.

Faits:

A. 
Vers le milieu des années 2000, la société de droit italien X.________ S.p.A.
(ci-après: X.________ ou la requérante) et la société de droit néerlandais
Y.________ B.V. (ci-après: Y.________ ou l'intimée), une filiale du Groupe
Y.________, multinationale allemande, se sont liées par contrat pour
soumissionner, puis réaliser, les travaux de construction et d'installation
d'un ascenseur à bateaux dans le port de Livourne, en Italie.

Lors du test final effectué le 20 décembre 2007, des câbles de l'ascenseur se
sont rompus, entraînant la chute de la plateforme. Un différend en est résulté
entre la société italienne et la société néerlandaise quant aux conséquences
financières de cet accident dont elles se rejetaient mutuellement la
responsabilité.

B. 
En décembre 2011, Y.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans
le susdit contrat, a déposé une requête d'arbitrage, dirigée contre X.________,
auprès du Secrétariat de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) aux fins d'obtenir des dommages-intérêts.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande.

Le 26 avril 2012, la Cour d'arbitrage de la CCI, sur proposition du Comité
National Suisse, a désigné..., avocat à Zurich, comme arbitre unique (ci-après:
l'arbitre).

Après avoir instruit la cause, l'arbitre a rendu sa sentence finale le 23 avril
2015. Ecartant toute responsabilité de la société néerlandaise demanderesse
envers la société italienne défenderesse relativement à l'accident du 20
décembre 2007, il a ordonné à celle-ci de payer à celle-là la somme de
2'272'500 euros, intérêts en sus.

C. 
Le 4 août 2015, X.________ a formé une demande de révision dans laquelle elle
invite le Tribunal fédéral à annuler la sentence précitée, à prononcer la
récusation de l'arbitre et à renvoyer la cause à un nouveau tribunal arbitral à
constituer conformément à la convention d'arbitrage et au Règlement d'arbitrage
de la CCI, voire à transmettre le dossier à la Cour d'arbitrage de cette
institution, une fois la sentence annulée, afin qu'elle prenne ces deux
mesures. Au soutien de cette demande, la requérante allègue que l'arbitre...,
avocat au sein de "l'étude A.________" - i.e. la société anonyme A.________-CH,
à Zurich, issue de la fusion, en 2014, de deux cabinets d'avocats, l'un
zurichois, l'autre genevois -, a signé, le 18 avril 2012, la déclaration
d'indépendance usuelle. Elle ajoute n'avoir eu aucune raison, à l'époque et au
cours de la procédure arbitrale, de douter de l'impartialité ou de
l'indépendance de l'arbitre. Cependant, poursuit-elle, le 8 juillet 2015, l'un
des trois conseils qui l'avaient assistée durant la procédure arbitrale a
découvert un communiqué de presse, datant du 5 décembre 2014, par lequel le
cabinet juridique et fiscal allemand A.________-A portait à la connaissance du
public, sous le titre "  Z.________ advised on e-mobility by A.________ ",
qu'il avait conseillé la société de droit allemand Z.________ GmbH (ci-après:
Z.________), à Berlin, autre société du Groupe Y.________, dans la mise en
oeuvre d'un projet relatif à une application pour téléphones portables destinée
aux conducteurs de voitures électriques. Selon la requérante, ce lien entre
l'étude A.________ et une société appartenant au même groupe que celle qui
avait déposé la requête d'arbitrage eût constitué un motif de récusation,
respectivement de recours contre la sentence, si elle en avait appris
l'existence  pendente lite ou, du moins, avant l'expiration du délai de
recours. Aussi justifie-t-il, à ses yeux, la mise en oeuvre d'une procédure de
révision.

Dans sa réponse du 14 octobre 2015, Y.________ conclut à l'irrecevabilité de la
demande de révision ou, sinon, à son rejet dans la mesure de sa recevabilité.
En substance, l'intimée conteste que la circonstance alléguée à l'appui de
cette demande ait été invoquée en temps utile et nie, au surplus, qu'elle ait
pu rendre irrégulière la désignation de l'arbitre. Le prétendu manque
d'impartialité ou d'indépendance d'un arbitre ne saurait, quoi qu'il en soit,
constituer un motif de révision d'une sentence arbitrale, à l'en croire, mais
uniquement un motif de recours au sens de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP.

L'arbitre conclut, lui aussi, à l'irrecevabilité, voire au rejet, de la demande
de révision dans sa réponse du 23 octobre 2015. A son avis, en plus d'avoir été
déposée tardivement, ladite demande ne saurait prospérer. A.________, en effet,
ne serait pas un cabinet d'avocats intégré, dont les membres partageraient les
honoraires, mais un simple réseau de cabinets indépendants les uns des autres.
Dès lors, la circonstance invoquée par la requérante, dont il assure avoir
complètement ignoré l'existence, n'eût pas été propre, selon lui, à fonder une
requête de récusation et n'est donc pas de nature à justifier l'admission de la
demande de révision.
Le 16 novembre 2015, la requérante a déposé une réplique dans laquelle elle a
confirmé les conclusions de sa demande de révision.

En date du 3 décembre 2015, l'intimée et l'arbitre ont produit chacun une
duplique dans laquelle ils ont repris leurs conclusions initiales. 

Considérant en droit:

1. 
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2007, le Tribunal fédéral rédige
son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la
décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue
(ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par
les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de
l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal
fédéral, elles ont employé, qui le français (la requérante), qui l'allemand
(l'intimée), respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al.
1 Cst. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent,
son arrêt en français.

2. 

2.1. Toute loi de procédure prévoit un moment à partir duquel les décisions de
justice sont définitives, qu'elles émanent de tribunaux étatiques ou de
tribunaux privés. Effectivement, il arrive toujours un moment où la vérité
matérielle, si tant est qu'elle puisse être établie, doit s'effacer devant la
vérité judiciaire, quelque imparfaite qu'elle soit, sous peine de mettre en
péril la sécurité du droit. Il est cependant des situations extrêmes où le
sentiment de la justice et de l'équité requiert impérativement qu'une décision
en force ne puisse pas prévaloir, parce qu'elle est fondée sur des prémisses
viciées. C'est précisément le rôle de la révision que de permettre d'y remédier
(ATF 127 III 496 consid. 3b/bb p. 501; voir aussi, parmi d'autres: RIGOZZI/
SCHÖLL, Die Revision von Schiedssprüchen nach dem 12. Kapitel des IPRG, 2002,
p. 4 s.; WALTHER J. HABSCHEID, Rechtsstaatliche Aspekte des internationalen
Schiedsverfahrens mit Rechtsmittelverzicht nach dem IPR-Gesetz, 1988, p. 16).
La loi sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291) ne
contient aucune disposition relative à la révision des sentences arbitrales au
sens des art. 176 ss LDIP. Le Tribunal fédéral, se fondant sur des principes
analogues à ceux qui ont été rappelés ci-dessus, a comblé cette lacune par voie
jurisprudentielle (ATF 118 II 199 consid. 2). Les motifs de révision de ces
sentences étaient ceux que prévoyait l'art. 137 de la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ), abrogée par l'art. 131 al.
1 LTF. Ils sont désormais visés par l'art. 123 LTF. Le Tribunal fédéral est
l'autorité judiciaire compétente pour connaître de la demande de révision de
toute sentence arbitrale internationale, qu'elle soit finale, partielle ou
préjudicielle. S'il admet une demande de révision, il ne se prononce pas
lui-même sur le fond mais renvoie la cause au tribunal arbitral qui a statué ou
à un nouveau tribunal arbitral à constituer (ATF 134 III 286 consid. 2 et les
références).

2.2. La demande de révision soumise à l'examen de la Cour de céans ne s'inscrit
pas tout à fait dans ce cadre-là. Son auteur, en effet, allègue la découverte
d'une circonstance de nature, selon lui, à mettre sérieusement en doute
l'indépendance de l'arbitre qui a rendu la sentence formant l'objet de cette
demande. Aussi s'estime-t-il en droit d'invoquer, relativement à ladite
circonstance, et le motif de révision spécifique prévu par la loi (art. 121
let. a LTF; anc. art. 136 let. a OJ) et celui, plus général, découlant de
l'art. 123 al. 2 let. a LTF (anc. art. 137 let. b OJ). De ce fait, la
recevabilité de la demande de révision, contestée par l'intimée, est sujette à
caution. Certes, ce n'est pas le respect du délai dans lequel une telle demande
doit être déposée qui est ici en cause, puisque la requérante a agi à la fois
dans les 30 jours suivant la découverte, le 8 juillet 2015, du motif de
récusation (art. 124 al. 1 let. a LTF) et dans les 90 jours suivant la
découverte, à la même date, du motif de révision au sens de l'art. 123 al. 2
let. a LTF (art. 124 al. 1 let. d LTF), compte tenu en outre de la suspension
de ces délais pendant les féries d'été (art. 46 al. 1 let. b LTF; cf. arrêt
4A_222/2011 du 22 août 2011 consid. 2.2. i.f.). Ce qui fait problème, en
revanche, c'est l'admissibilité même du motif de révision invoqué par elle.

Dans deux arrêts rendus en 2008, le Tribunal fédéral, après avoir constaté
qu'un motif comparable à celui dont il est ici question entrait à la fois dans
les prévisions de l'art. 121 let. a LTF (découverte d'un motif de récusation)
et dans celles de l'art. 123 al. 2 let. a LTF (découverte d'un fait nouveau
pertinent), s'est demandé s'il fallait en rester à la jurisprudence, instaurée
sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, selon laquelle il
est exclu de fonder une demande de révision sur des circonstances pouvant être
invoquées dans le cadre d'un recours basé sur l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 129
III 727 consid. 1 p. 729 et les références), ou s'il ne conviendrait pas plutôt
d'ouvrir la voie de la révision lorsque le motif de révision n'est découvert
qu'après l'expiration du délai de recours (arrêt 4A_528/2007 du 4 avril 2008
consid. 2.5; arrêt 4A_234/2008 du 14 août 2008 consid. 2.1). Il a cependant
laissé la question ouverte.

2.3. 

2.3.1. La jurisprudence rendue sous l'empire de l'OJ considérait que la
découverte, a posteriori, d'une violation des prescriptions concernant la
composition du tribunal arbitral (art. 136 let. a OJ par analogie), telle la
participation à la procédure d'un arbitre qui aurait dû se récuser, ne
constituait pas un motif de révision d'une sentence rendue en matière
d'arbitrage international, sous réserve de la mise au jour d'un cas de
corruption touchant l'arbitre incriminé. A l'époque, en effet, la révision pour
"vices de procédure", prévue à l'art. 136 OJ, avait été instituée en guise de
recours en nullité, autrement dit à titre de pseudo-révision (sur cette notion,
cf. ATF 113 IA 62 consid. 3c), faute d'une voie de droit permettant de
sanctionner un vice procédural affectant un arrêt du Tribunal fédéral
(abstraction faite du recours à la CourEDH pour violation de la CEDH; RS
0.101). Cependant, comme le droit d'invoquer ce motif de révision dépendait
alors du respect d'un délai de 30 jours dès la réception de la communication
écrite de l'arrêt (art. 141 al. 1 let. a OJ) et qu'il ne pouvait plus être
exercé si le vice de procédure était découvert postérieurement à l'expiration
de ce délai, les sentences arbitrales étaient traitées de la même manière que
les arrêts fédéraux à cet égard dès lors qu'elles pouvaient être attaquées dans
le même délai (art. 89 al. 1 OJ par renvoi de l'art. 191 al. 1 LDIP [RO 1988
1821]) par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral (art. 85 let.
c OJ). C'est la raison pour laquelle le Tribunal fédéral avait jugé qu'il n'y
avait pas matière à comblement d'une lacune sur ce point (ATF 118 II 199
consid. 4; arrêt 4P.104/1993 du 25 novembre 1993 consid. 2 et les références).

La situation n'est plus la même  de lege lata car l'art. 124 al. 1 LTF, relatif
au délai dans lequel la demande de révision doit être déposée, fait une
distinction en fonction de l'objet de la violation dénoncée: s'il s'agit des
dispositions sur la récusation, le délai est de 30 jours dès la découverte du
motif de récusation (let. a), tandis que, pour les autres règles de procédure,
il est de 30 jours dès la notification de l'expédition complète de l'arrêt
(let. b). En droit actuel, il n'est donc plus possible de tirer argument du
fait que la partie qui s'estimait lésée par un arrêt du Tribunal fédéral ou une
sentence arbitrale internationale méconnaissant les dispositions sur la
récusation devait déposer une demande de révision, respectivement former un
recours de droit public, contre ces décisions-là dans un délai qui était
identique pour les deux voies de droit. Telle est la constatation qui a conduit
la Ire Cour de droit civil à se demander, dans l'arrêt 4A_528/2007 précité
(consid. 2.4), si la jurisprudence rendue sous l'empire de l'OJ demeurait
applicable sous celui de la LTF, tout en laissant la question ouverte.

2.3.2. La doctrine est partagée quant à la réponse à donner à cette question,
l'hypothèse d'un crime ou d'un délit commis par l'arbitre - il n'en sera pas
question ci-après - demeurant réservée.

Certains auteurs refusent à une partie à une procédure arbitrale le droit de
faire valoir, par la voie de la révision, un motif de récusation qu'elle n'a
découvert qu'une fois échu le délai de recours contre la sentence. Pour
BERNHARD BERGER et FRANZ KELLERHALS en particulier, comme le législateur
fédéral a délibérément renoncé à introduire, à l'art. 396 du Code de procédure
civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), relatif à la révision des sentences
en matière d'arbitrage interne, une disposition aussi singulière que l'art. 121
let. a LTF et qu'au surplus la faculté réservée par cette dernière disposition
n'existait pas sous l'empire du Concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969 (CA),
rien ne justifie de se montrer plus généreux dans le domaine de l'arbitrage
international. L'art. 77 LTF, d'ailleurs, n'a fait que reprendre la solution de
l'OJ selon ces deux auteurs; or, cette loi ne prévoyait pas semblable faculté.
Au demeurant, les "faits pertinents", visés par l'art. 123 al. 2 let. a LTF, ne
concerneraient que l'état de fait sur lequel repose la sentence dont la
révision est requise, à l'exclusion d'une circonstance factuelle susceptible de
constituer un motif de récusation (BERGER/KELLERHALS, International and
Domestic Arbitration in Switzerland, 3e éd. 2015, n. 1932, 1953-1956 et p. 682,
note infrapaginale 13; dans le même sens, cf. STEFANIE PFISTERER, in
Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, n° 95 ad art. 190
LDIP; TARKAN GÖKSU, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, n. 1001 i.f. et 2254;
CHRISTOPH MÜLLER, Das Schweizerische Bundesgericht revidiert zum ersten Mal
einen internationalen Schiedsspruch: eine Analyse im Lichte des neuen
Bundesgerichtsgesetzes, in SchiedsVZ 2007 p. 64 ss, 67).
Peu de temps après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1989, de la LDIP et
avant même que le Tribunal fédéral eût rendu l'arrêt publié aux ATF 118 II 199,
trois auteurs proposaient déjà que la révision des sentences arbitrales
internationales fût admise par application analogique des art. 136 et 137 OJ,
s'agissant selon eux de combler une véritable lacune (LALIVE/POUDRET/REYMOND,
Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 5 ad art.
191 LDIP, p. 444). L'un d'entre eux et un autre auteur ont critiqué, par la
suite, l'arrêt 4P.104/1993, précité, estimant qu'il serait injuste, même en
l'absence de délit de corruption, de priver une partie de toute possibilité de
se prévaloir de liens occultes entre un arbitre et sa partie adverse révélés
subséquemment; selon eux, l'application par analogie de l'art. 121 let. a LTF
ne devrait pas être exclue absolument en pareille hypothèse, notamment
lorsqu'il y a eu dénégation ou silence trompeurs (POUDRET/BESSON, Comparative
Law of International Arbitration, 2e éd., 2007, n. 845, p. 789 [= n. 845, p.
837, de la première éd. de 2002 en français]). Une majorité de la doctrine leur
a emboîté le pas, avec des motivations diverses il est vrai, notamment sur le
point de savoir si le motif de révision résultant de la découverte subséquente
d'un cas de récusation doit être rattaché  per analogiam à l'art. 121 let. a
LTF (MARCO STACHER, Einführung in die internationale Schiedsgerichtsbarkeit der
Schweiz, 2015, n. 478 et note infrapaginale 1202; CHRISTIAN LUCZAK, Beschwerde
gegen Schiedsentscheide, in Prozessieren vor Bundesgericht, 4e éd. 2014, n.
6.100, p. 351; GEISINGER/MAZURANIC, Challenge and Revision of the Award, in
International Arbitration in Switzerland, Geisinger/Voser [éd.], 2e éd. 2013,
p. 223 ss, 262 i.f.; VOSER/GEORGE, Revision of Arbitral Awards, in Post Award
Issues, Tercier [éd.], 2011, p. 43 ss, 61/62; MATTHIAS LEEMANN, Challenging
international awards in Switzerland on the ground of a lack of independence and
impartiality of an arbitrator, in Bulletin de l'Association Suisse de
l'Arbitrage [ASA] 2011 p. 10 ss, 31) ou à l'art. 123 al. 2 let. a LTF
(KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, International Arbitration, 2015, n. 8.214 et note
infrapaginale 562; GIRSBERGER/VOSER, International Arbitration, 3e éd. 2016, n.
1663, p. 427; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit
international privé - Convention de Lugano, 2011, n° 69 ad art. 191 LDIP).

Dans l'arbitrage interne, la doctrine ne répond pas non plus de manière
uniforme à la question controversée. Pour certains auteurs, la découverte,
après l'échéance du délai de recours, d'un cas de récusation devrait pouvoir
être invoquée par la voie d'une demande de révision fondée sur l'art. 396 al. 1
let. a CPC (découverte après coup de faits pertinents), faute d'une disposition
comparable à l'art. 121 let. a LTF dans ladite loi (cf., parmi d'autres:
MICHAEL MRÁZ, in Commentaire bâlois, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd.
2013, n° 21 ad art. 396 CPC). D'autres auteurs écartent, en revanche, l'idée
qu'une telle découverte puisse justifier la remise en cause d'une sentence
arbitrale entrée en force (BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 1956, p. 690) ou, du
moins, que l'art. 396 al. 1 let. a CPC puisse servir de fondement à une demande
de révision basée sur cette découverte (MARKUS SCHOTT, in Kommentar zur
Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger
[éd.], 3e éd. 2016, n° 11 ad art. 396 CPC; KRAMER/WIGET, in ZPO Schweizerische
Zivilprozessordnung, Kommentar, Brunner/Gasser/ Schwander [éd.], 2e éd. 2016,
n° 5 ad art. 396 CPC et p. 2890, note infrapaginale 16; FELIX DASSER, in KUKO
ZPO, Oberhammer/ Domej/Haas [éd.], 2e éd. 2014, n° 10 ad art. 396 CPC).

2.3.3. Le droit comparé n'est pas d'un grand secours pour résoudre la question
litigieuse. Il en appert, tout au plus, que certains pays, tels que
l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie, ne prévoient pas le moyen de la révision
à l'encontre des sentences rendues dans un arbitrage international, tandis que
les pays qui ont opté pour la solution inverse, comme la France, la Belgique et
les Pays-Bas, n'admettent pas tous aux mêmes conditions la révision de ces
sentences-là (cf. POUDRET/BESSON, op. cit., n. 843-847; LAURENT HIRSCH,
Révision d'une sentence arbitrale 12 ans après, in Jusletter du 4 janvier 2010,
n. 51-61).

2.3.4. Les parties à un litige sont libres de soustraire aux juridictions
ordinaires certains différends pouvant naître de l'exécution d'un contrat. En
souscrivant à une clause d'arbitrage, elles renoncent volontairement à des
droits garantis par la CEDH. Pareille renonciation ne se heurte pas à cette
convention pour autant qu'elle soit libre, licite et sans équivoque. Au
demeurant, la renonciation à certains droits prévus par la CEDH doit s'entourer
d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt de la CourEDH 
Tabbane contre Suisse du 1er mars 2016 § 27 et les références). Celui qui
renonce par anticipation, en concluant une convention d'arbitrage, au droit, de
rang constitutionnel (art. 30 al. 1 Cst. pour la Suisse) et conventionnel (art.
6 par. 1 CEDH), à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi par la
loi (cf. ATF 128 III 50 consid. 2c/aa p. 58 et les auteurs cités) peut ainsi
raisonnablement s'attendre à ce que les membres du tribunal arbitral ou
l'arbitre unique offrent des garanties suffisantes d'indépendance et
d'impartialité. Il faut donc lui donner les moyens d'agir au cas où ses
attentes à cet égard auraient été déçues, s'il n'a pas eu la possibilité de
rectifier la situation  pendente lite. Ce n'est qu'à cette condition que l'on
pourra lui opposer une sentence qu'il ne sera pas véritablement en mesure
d'entreprendre sur le fond, sinon sous l'angle très restrictif de son
incompatibilité avec l'ordre public matériel au sens de l'art. 190 al. 2 let. e
LDIP (ATF 139 III 511 consid. 4 p. 514). Le recours en matière civile institué
par l'art. 77 al. 1 let. a LTF en liaison avec l'art. 191 LDIP est l'un de ces
moyens, puisqu'il permet à la partie lésée d'attaquer la sentence lorsque
l'arbitre unique a été irrégulièrement désigné ou le tribunal arbitral
irrégulièrement composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP). Cependant, comme sa
recevabilité dépend du respect d'un délai péremptoire de 30 jours suivant la
notification de l'expédition complète de la sentence (cf. art. 100 al. 1 LTF en
liaison avec l'art. 77 al. 2 LTF a contrario), il n'est d'aucune utilité à la
partie qui n'aura découvert le motif de récusation entrant dans les prévisions
de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP qu'après l'expiration de ce délai. Sans doute
la partie qui a succombé devant un arbitre unique ou un tribunal arbitral ne
satisfaisant pas aux exigences d'indépendance et d'impartialité, tout en ne
s'en avisant qu'une fois le délai en question échu, pourra-t-elle encore
dénoncer ce vice de procédure au stade de l' exequatur de la sentence
arbitrale, en invoquant l'un des motifs de refus de reconnaissance et
d'exécution énumérés à l'art. V de la Convention de New York du 10 juin 1958
pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (RS
0.277.12; ci-après: CNY). Aussi bien, le vice considéré tomberait assurément
sous le coup de l'art. V ch. 2 let. b CNY (BORRIS/HENNECKE, in New York
Convention, Wolff [éd.], 2012, n° 293 ad art. V CNY; REINMAR WOLFF, in dernier
op. cit., n° 530 ad art. V CNY), en tout cas du point de vue de l'ordre public
suisse (arrêt 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 4.2.2; arrêt 4A_233/2010
du 28 juillet 2010 consid. 3.2.1). Encore faudrait-il que cette partie
découvrît le vice affectant la sentence avant la clôture de la procédure d'
exequaturet que le pays dans lequel l'exécution de la sentence serait requise
jugeât semblable vice contraire à son ordre public, sans compter que le refus
d'exécuter la sentence laisserait subsister celle-ci et empêcherait
l'introduction d'une nouvelle procédure d'arbitrage (MÜLLER, op. cit., p. 70).
Ne seraient pas non plus réglés, de la sorte, les cas, telle une sanction
disciplinaire infligée à un sportif, ne nécessitant pas la mise en oeuvre d'une
procédure d' exequatur (ATF 133 III 235 consid. 4.3.2.2 p. 244). Qui plus est,
comme le siège du tribunal arbitral ayant rendu la sentence viciée se
trouverait forcément en Suisse (art. 176 al. 1 LTF), la Convention de New York,
qui vise uniquement les "sentences arbitrales étrangères", ne serait pas
applicable - sous réserve de l'exception prévue à l'art. 192 al. 2 LDIP - au
cas où cette sentence viendrait à être exécutée dans ce pays (art. 194 LDIP et
art. 81 al. 3 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du
11 avril 1889 [LP; RS 281.1]) et l'exécution, qui s'effectuerait alors
conformément aux art. 335 ss CPC, resp. aux dispositions de la LP (art. 335 al.
2 CPC), ne permettrait pas à la partie succombante de s'y opposer en faisant
valoir un motif de récusation qui lui aurait échappé (cf. art. 341 al. 3 CPC et
art. 81 al. 1 LP; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 2006 ss). La solution
consistant à renvoyer la partie lésée à agir au stade de l'exécution de la
sentence ne constitue donc pas une panacée. Dès lors, la révision de la
sentence semble constituer le seul remède efficace dans une telle situation.

Sur un plan plus général, il sied de rappeler que le législateur fédéral
attache de l'importance au respect de la garantie d'un tribunal indépendant et
impartial, telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, car
cette garantie constitue l'un des piliers de tout Etat fondé sur le droit.
Preuve en est le fait qu'il n'a pas voulu tolérer qu'un motif de récusation
découvert après la clôture de la procédure fédérale demeurât sans conséquence,
mais a, au contraire, rendu applicables, dans un tel cas, les dispositions sur
la révision des arrêts du Tribunal fédéral (art. 38 al. 3 LTF qui rend
applicable l'art. 121 let. a, seconde hypothèse, LTF; voir déjà, avant la
conclusion de la CEDH, l'art. 28 al. 1 OJ qui renvoyait à l'art. 136 let. a OJ
i.f.). Bien plus, le législateur a généralisé cette réglementation, réservée
jusque-là au Tribunal fédéral statuant comme autorité de recours ou comme
juridiction unique (cf. le renvoi, opéré à l'art. 1er al. 2 de la loi fédérale
de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], au chapitre 2 de
la LTF), en l'étendant à tout le domaine de la procédure civile lorsque l'art.
122 al. 1 Cst., entré en vigueur le 1er janvier 2007, lui a confié le soin de
légiférer en cette matière. C'est ainsi que l'art. 51 al. 3 CPC, reprenant mot
pour mot l'art. 38 al. 3 LTF, prévoit que, si un motif de récusation n'est
découvert qu'après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision
sont applicables. Vrai est-il que, contrairement à l'art. 121 let. a, seconde
hypothèse, LTF, les dispositions du CPC touchant la révision (art. 328 ss)
n'ont pas pris en compte spécifiquement le motif particulier prévu par l'art.
51 al. 3 CPC (DENIS TAPPY, in CPC Code de procédure civile commenté, 2011, n°
18 ad art. 51 CPC, qui y voit probablement un cas de révision selon l'art. 328
al. 1 let. a CPC relatif à la découverte de faits nouveaux). La même remarque
peut être faite, d'ailleurs, en ce qui concerne les dispositions régissant
l'arbitrage interne (art. 353 ss CPC), lesquelles ne contiennent pas de règle
explicite comparable à l'art. 51 al. 3 CPC dans le titre relatif à la
récusation (art. 367 à 369 CPC), pas plus qu'elles ne font référence expresse,
dans les motifs de révision énoncés à l'art. 396 CPC, à la circonstance
appréhendée par la règle générale sus-indiquée. Cependant, il est
raisonnablement permis de se demander si cet état de choses ne résulte pas d'un
simple oubli. En effet, dans son Message du 28 juin 2006 relatif au code de
procédure civile suisse (FF 2006 6841 ss), le Conseil fédéral souligne, à
propos de l'art. 49 al. 3 du projet de loi, devenu l'art. 51 al. 3 CPC, que le
motif de récusation qui est découvert après l'entrée en force de la décision
est un motif de révision (ch. 5.2.3, p. 6888). Toutefois, lorsqu'il traite,
plus loin (ch. 5.23.3, p. 6986), des motifs de révision, il expose que le
projet se limite essentiellement aux motifs de révision usuels (infraction
ayant influencé la décision, découverte subséquente de faits ou de moyens de
preuve nouveaux), attendu que les vices de procédure doivent être attaqués par
les voies de droit principales (appel et recours). L'auteur du Message paraît
ainsi avoir oublié l'existence du motif de révision, expressément visé par
l'art. 49 al. 3 du projet, tiré de la découverte d'un motif de récusation après
l'expiration du délai de recours, voire, dans le cas contraire, être parti de
l'idée, sans le dire expressément, que ce motif de révision particulier est
visé par la lettre a du premier alinéa de l'art. 326 du projet, devenu l'art.
328 CPC. Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de constater que, pour le
législateur fédéral, qui a repris telles quelles les dispositions précitées du
projet, la découverte après coup d'un cas de récusation était d'une importance
telle qu'elle justifiait d'ériger semblable découverte en motif de révision
spécifique.

S'agissant des sentences rendues dans le cadre d'un arbitrage interne, le
Message relève que les motifs susceptibles de justifier la révision de telles
sentences correspondent à ceux qui peuvent être invoqués devant un tribunal
étatique (ch. 5.25.8, p. 7012). Les motifs de révision de l'art. 394 du projet,
devenu l'art. 396 CPC, sont d'ailleurs calqués sur ceux de l'art. 326, i.e.
l'actuel art. 328 CPC; ils incluent même la révision pour violation de la CEDH,
ce qui est pour le moins contestable, dans la mesure où une sentence arbitrale
n'est pas justiciable en tant que telle de la Cour européenne des droits de
l'homme (PHILIPPE SCHWEIZER, in CPC Code de procédure civile commenté, 2011, n°
21 ad art. 396 CPC; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n° 1934), mais qui démontre
néanmoins l'importance que le législateur fédéral attache, même dans le domaine
de l'arbitrage, au respect des garanties prévues par cette convention. La
similitude entre les décisions étatiques et les sentences arbitrales internes,
sous l'angle des motifs de révision, constitue a priori une raison valable
justifiant l'application de l'art. 51 al. 3 CPC aux deux types de décision. On
ne voit pas non plus pourquoi il conviendrait d'adopter la solution inverse à
l'égard d'une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Aussi
bien, dès lors qu'est en cause le respect de la garantie essentielle que
constituent l'indépendance et l'impartialité de tous les membres d'une
formation arbitrale, il ne serait guère défendable d'éconduire la partie qui
entendrait dénoncer une violation de cette garantie du seul fait que son
adverse partie n'avait ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse au
moment de la conclusion de la convention d'arbitrage (cf. art. 176 al. 1 LDIP).
D'ailleurs, même s'il est vrai que les solutions adoptées pour l'arbitrage
interne ne valent pas nécessairement pour l'arbitrage international, et vice
versa (ATF 141 III 444 consid. 2.2.4.2 p. 456; 138 III 270 consid. 2.2.2 p.
275), il n'est guère envisageable d'adopter des solutions différentes pour les
deux types d'arbitrage relativement à une garantie aussi essentielle que celle
dont il est ici question.

Au soutien de sa conclusion visant à la non-entrée en matière sur la demande de
révision, l'intimée invoque principalement les travaux préparatoires concernant
la LTF et, plus précisément, la déduction qu'en ont tirée BERGER/KELLERHALS
(op. cit., n. 1956, 1er tiret, et p. 689, note infrapaginale 38). En résumé,
selon ces auteurs, le législateur fédéral, en adoptant l'art. 77 LTF, aurait
exprimé le souhait de laisser intactes les dispositions de l'OJ relatives à la
mise en cause des sentences arbitrales; il n'aurait même pas examiné, à cette
occasion, la question de la révision de celles-ci. Aussi n'appartiendrait-il
pas aux autorités judiciaires de substituer leur volonté à celle du pouvoir
législatif. La prémisse servant de base à la déduction de ces deux auteurs
n'est pourtant pas des plus solides. En fait, elle repose uniquement sur deux
brefs passages du Message du Conseil fédéral du 28 février 2001 concernant la
révision totale de l'organisation judiciaire fédérale où il est rappelé, grosso
modo, que le recours direct au Tribunal fédéral prévu à l'art. 191 LDIP est une
voie de droit qui demeure inchangée, seul étant remplacé le renvoi au recours
de droit public (FF 2001 4202 ss, 4312 et 4337 [version allemande], resp. FF
2001 4000 ss, 4110 et 4135 [version française]). Il paraît difficile, faut-il
l'avouer, d'imputer au législateur fédéral la ferme volonté d'exclure la
révision des sentences arbitrales internationales pour violation des
dispositions en matière de récusation sur la base de cette simple remarque
figurant dans un message émanant du pouvoir exécutif et, partant, d'assimiler à
un silence qualifié l'absence de mention, dans la LTF et/ou à l'art. 191 LDIP
dans sa nouvelle teneur, de ce motif de révision. A pousser le raisonnement
dans ses extrémités, on pourrait tout aussi bien admettre que le législateur,
par son mutisme, a entendu supprimer purement et simplement toute possibilité
de révision des sentences arbitrales internationales, étant donné que pareille
faculté n'était pas prévue par l'OJ mais avait été créée  praeter legem par
voie prétorienne. Tout porte à croire, en réalité, comme les deux auteurs
précités semblent le reconnaître, que le législateur ne s'est pas préoccupé de
la question présentement traitée, voire, plus généralement, de la révision des
sentences arbitrales internationales, lorsqu'il a examiné les dispositions de
la LTF. Rien ne s'opposerait, partant, à ce que le Tribunal fédéral comblât
derechef une lacune de cette loi ou de la LDIP.

2.3.5. L'examen qui précède tendrait à démontrer la nécessité d'admettre que la
découverte, postérieurement à l'expiration du délai de recours contre une
sentence arbitrale internationale, d'un motif qui eût commandé la récusation de
l'arbitre unique ou de l'un des membres du tribunal arbitral peut donner lieu
au dépôt, devant le Tribunal fédéral, d'une demande de révision de ladite
sentence, à la condition que la partie requérante n'ait pas pu découvrir le
motif de récusation durant la procédure arbitrale en faisant preuve de
l'attention commandée par les circonstances.

Cependant, étant donné que la demande de révision soumise à la Cour de céans
devra de toute façon être rejetée pour les motifs énoncés ci-après (cf. consid.
3), il ne paraît pas opportun de trancher définitivement la question litigieuse
dans le présent arrêt. En effet, un toilettage, sinon une révision, du chapitre
12 de la loi sur le droit international privé (LDIP) est en cours d'exécution à
la suite du dépôt, le 3 février 2012, par la Commission des affaires juridiques
du Conseil national, d'une motion n° 12.3012 intitulée: "Loi fédérale sur le
droit international privé. Maintenir l'attrait de la Suisse comme place
arbitrale au niveau international", motion que le Conseil national et le
Conseil des Etats ont approuvée, respectivement, le 1er juin et le 27 septembre
2012, sur proposition du Conseil fédéral. Le texte de cette motion souligne, en
particulier, la nécessité d'intégrer dans la loi certains éléments essentiels
de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral depuis l'entrée en vigueur
de la LDIP, tout en corrigeant ceux qui doivent l'être. Aussi, plutôt que de
combler une lacune alors qu'il n'y a pas urgence à le faire, paraît-il
préférable de laisser aux Chambres fédérales elles-mêmes, puisque telle est
leur mission, le soin de régler la question des motifs de révision d'une
sentence arbitrale internationale, comme d'autres problèmes récurrents
d'ailleurs, telle l'exigence ou non d'une valeur litigieuse minimale pour
saisir le Tribunal fédéral. Cette manière de procéder permettra, de surcroît,
au législateur fédéral de modifier d'autres règles de droit en vigueur, voire
d'en édicter de nouvelles, par exemple dans le CPC et/ou la LTF, de manière à
établir un régime, sinon similaire, du moins cohérent en matière de révision
des sentences arbitrales, qu'elles relèvent de l'arbitrage international ou de
l'arbitrage interne, et à renforcer la sécurité du droit en ce domaine en
établissant une situation juridique claire pour les autorités judiciaires
appelées à statuer sur les demandes de révision, à savoir le Tribunal fédéral
dans l'arbitrage international (ATF 118 II 199 consid. 3) et le tribunal
supérieur du canton concerné dans l'arbitrage interne (art. 356 al. 1 let. a
CPC).

3. 

3.1.

3.1.1. Un arbitre doit, à l'instar d'un juge étatique, présenter des garanties
suffisantes d'indépendance et d'impartialité. Le non-respect de cette règle
conduit à une désignation irrégulière relevant de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP
en matière d'arbitrage international et de l'art. 393 let. a CPC en matière
d'arbitrage interne. Pour dire si un arbitre présente de telles garanties, il
faut se référer aux principes constitutionnels développés au sujet des
tribunaux étatiques, en ayant égard, toutefois, aux spécificités de l'arbitrage
- surtout dans le domaine de l'arbitrage international - lors de l'examen des
circonstances du cas concret (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608 et les
précédents cités; arrêt 4A_598/2014 du 14 janvier 2015 consid. 2.2.1).
La garantie d'un tribunal indépendant et impartial découlant de l'art. 30 al. 1
Cst. permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le
comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle
vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer
le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la
récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car
une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit
que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter
une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances
constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions
purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF
140 III 221 consid. 4.1 et les arrêts cités).

L'impartialité subjective - qui est présumée jusqu'à preuve du contraire -
assure à chacun que sa cause sera jugée sans acception de personne.
L'impartialité objective, quant à elle, tend notamment à empêcher la
participation du même magistrat à des titres divers dans une même cause et à
garantir l'indépendance du juge à l'égard de chacun des plaideurs (ATF 136 III
605 consid. 3.2.1 p. 609 et les arrêts cités).

3.1.2. Pour vérifier l'indépendance de l'arbitre unique ou des membres d'une
formation arbitrale, les parties peuvent également se référer aux lignes
directrices sur les conflits d'intérêts dans l'arbitrage international,
édictées par l'  International Bar Association (  IBA Guidelines on Conflicts
of Interest in International Arbitration, approuvées le 22 mai 2004 et révisées
le 23 octobre 2014 [ci-après: les lignes directrices, référence étant faite,
sauf indication contraire, à la dernière version, consultable à l'adresse
internet suivante:  www.ibanet.org/Publications/
publications_IBA_guides_and_free_
materials.aspx]; à leur sujet, cf., parmi d'autres: KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI,
op. cit., n. 4.129 s.; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 786 s.; PETER/BRUNNER,
in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, n° 16c ad art.
180 LDIP; TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé
- Convention de Lugano, 2011, n° 9 ad art. 180 LDIP; GÖKSU, op. cit., n. 978
ss; GIRSBERGER/VOSER, op. cit., n. 658 ss; URS WEBER-STECHER, in Commentaire
bâlois, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2013, nos 40 ss ad art. 367
CPC; GABRIEL/BUHR, in Commentaire bernois, Schweizerische Zivilprozessordnung,
vol. III 2014, nos 31-35 ad art. 367 CPC; VOSER/PETTI, The Revised Guidelines
on Conflicts of Interest in International Arbitration, in Bulletin ASA 2015, p.
6 ss; DAVID A. LAWSON, Impartiality and Independence of International
Arbitrators, Commentary on the 2004 IBA Guidelines on Conflicts of Interest in
International Arbitration, in Bulletin ASA 2005 p. 22 ss; DANIEL COHEN,
Indépendance des arbitres et conflits d'intérêts, in Revue de l'arbitrage 2011
p. 611 ss, n. 56/57). Ces lignes directrices, que l'on pourrait comparer aux
règles déontologiques servant à interpréter et à préciser les règles
professionnelles (ATF 140 III 6 consid. 3.1 p. 9; 136 III 296 consid. 2.1 p.
300), n'ont bien sûr pas valeur de loi; elles n'en constituent pas moins un
instrument de travail utile, susceptible de contribuer à l'harmonisation et à
l'unification des standards appliqués dans le domaine de l'arbitrage
international pour le règlement des conflits d'intérêts, lequel instrument ne
devrait pas manquer d'avoir une influence sur la pratique des institutions
d'arbitrage et des tribunaux. Les lignes directrices énoncent des principes
généraux. Elles contiennent aussi une énumération, sous forme de listes non
exhaustives, de circonstances particulières: une liste rouge, divisée en deux
parties (situations dans lesquelles il existe un doute légitime quant à
l'indépendance et l'impartialité, les parties ne pouvant pas renoncer aux plus
graves d'entre elles); une liste orange (situations intermédiaires qui doivent
être révélées, mais ne justifient pas nécessairement une récusation); une liste
verte (situations spécifiques n'engendrant objectivement pas de conflit
d'intérêts et que les arbitres ne sont pas tenus de révéler). Il va sans dire
que, nonobstant l'existence de semblables listes, les circonstances du cas
concret resteront toujours décisives pour trancher la question du conflit
d'intérêts (arrêt 4A_506/2007 du 20 mars 2008 consid. 3.3.2.2; voir aussi l'ATF
136 III 605 consid. 3.4.4 p. 621 et les arrêts 4A_110/2012 du 9 octobre 2012
consid. 2.2.1, 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 3.3.1 et 4A_258/2009 du 11
janvier 2010 consid. 3.1.2).

3.2. 

3.2.1. A l'appui de sa demande de révision, la requérante invoque une série de
situations visées par les lignes directrices, qui auraient dû entraîner, à ses
yeux, la récusation de l'arbitre: premièrement, l'hypothèse, formant l'objet du
chiffre 1.4 (liste rouge non susceptible de renonciation), dans laquelle un
arbitre ou son cabinet conseille régulièrement une partie ou l'une de ses
sociétés affiliées, l'arbitre ou son cabinet en tirant des revenus financiers
importants; deuxièmement - circonstance figurant sous chiffre 2.3.6 (liste
rouge susceptible de renonciation) -, le fait que le cabinet de l'arbitre
entretient actuellement une relation commerciale importante avec l'une des
parties ou une société affiliée à l'une des parties; troisièmement, la
circonstance, mentionnée au chiffre 3.1.4 (liste orange), qu'au cours des trois
dernières années, le cabinet de l'arbitre a agi pour ou contre l'une des
parties, ou une société affiliée à l'une des parties, dans une affaire non liée
à la cause en litige et sans que l'arbitre y ait participé; quatrièmement, le
cas, appréhendé par le chiffre 3.2.1 (liste orange), où le cabinet de l'arbitre
rend actuellement des services à l'une des parties ou à une société affiliée à
l'une des parties, sans qu'il en résulte une relation commerciale importante
pour le cabinet et sans que l'arbitre y prenne part; cinquièmement, la
circonstance, prévue par le chiffre 3.2.3 (liste orange), voulant que l'arbitre
ou son cabinet représente régulièrement une partie ou une société affiliée à
l'une des parties, mais sans que cette représentation concerne la cause en
litige.
Examinant les circonstances du cas concret au regard de ces différentes
hypothèses, la requérante expose que "l'étude de l'arbitre" a indiqué, dans son
communiqué de presse du 5 décembre 2014, avoir conseillé Z.________, soit une
société contrôlée à 100% par le Groupe Y.________, à l'instar de l'intimée.
Selon elle, le mandat en question, qui a été exécuté alors que la procédure
d'arbitrage en cause était pendante, a sans doute permis au cabinet de
l'arbitre d'en tirer des revenus substantiels dès lors qu'il a mis à
contribution une équipe composée à tout le moins de neuf avocats. Il s'agirait
ainsi d'une circonstance qui aurait dû conduire l'arbitre à se récuser
d'office, en application du chiffre 1.4 des lignes directrices, ou, du moins, à
en informer les parties de manière à leur permettre d'exercer leur droit de
requérir sa mise à l'écart, conformément au chiffre 2.3.6 et, plus
subsidiairement, aux chiffres 3.1.4, 3.2.1 et 3.2.3 de ces mêmes lignes
directrices. Et la requérante d'en conclure que l'arbitre, dont l'étude a
conseillé, pendant la procédure d'arbitrage, une société appartenant au même
groupe que l'intimée, ne remplissait pas les exigences minimales d'indépendance
et d'impartialité que l'on était en droit d'attendre de sa part, ce qui
justifierait l'admission de la demande de révision, l'annulation de la
sentence, la révocation de l'arbitre et la désignation d'un autre arbitre pour
reprise de l'instruction  ab ovoet nouvelle décision.

3.2.2. L'intimée et l'arbitre s'en prennent à l'affirmation de la requérante,
constituant la clef de voûte de son argumentation, d'après laquelle A.________
serait un cabinet intégré, dont tous les membres partageraient les honoraires,
alors que, selon eux, il ne s'agirait que d'un simple réseau de cabinets
indépendants. Partant de là, ils s'emploient à démontrer pourquoi, à leur avis,
aucune des dispositions des lignes directrices invoquées par la requérante ne
trouve à s'appliquer en l'espèce. A leurs yeux, seule entrerait dès lors en
considération,  in casu, l'hypothèse, visée par le chiffre 4.2.1 des lignes
directrices, dans laquelle un cabinet, associé ou membre d'une alliance avec le
cabinet de l'arbitre, sans partager des honoraires importants ou d'autres
revenus avec ce cabinet-ci, rend des services à l'une des parties ou à une
société affiliée à l'une des parties dans une affaire non liée à l'arbitrage
pendant. Or, cette disposition figure dans la liste verte qui énumère des cas
de figure où il n'existe objectivement aucun conflit d'intérêts, ni en
apparence ni en fait, situations que l'arbitre n'est pas tenu de révéler.

Ainsi en irait-il en l'espèce de sorte que la demande de révision, supposée
recevable, devrait être rejetée sur le fond.

3.3. 

3.3.1.

3.3.1.1. La croissance de la taille des cabinets d'avocats est une réalité de
l'arbitrage international qui ne saurait être ignorée. En effet, les gros
cabinets d'avocats, lorsqu'ils sont implantés dans plusieurs pays, ont de très
nombreux associés ayant chacun la responsabilité d'un certain nombre de clients
et/ou de dossiers du cabinet (FRANÇOIS-XAVIER TRAIN, Mode d'exercice de
l'activité d'arbitre et conflits d'intérêts, in Revue de l'arbitrage 2012 p.
725 ss, 729). Cette réalité, l'  International Bar Association l'a prise en
considération en édictant la règle générale n° 6 (a) qui commande à l'arbitre,
lorsqu'il examine si certains faits ou circonstances constituent un potentiel
conflit d'intérêts, de tenir compte des activités du cabinet au sein duquel il
exerce son activité. Cependant, la même règle générale précise que cette
assimilation entre l'arbitre et son cabinet n'implique pas nécessairement
l'existence d'un conflit d'intérêts pour l'arbitre, les circonstances de chaque
cas concret (l'importance des activités, leur nature, le moment auquel elles
ont été accomplies, ainsi que le domaine de compétences du cabinet) demeurant
décisives pour en juger selon la note explicative à ladite règle.

Il convient d'examiner, sur le vu des éléments de preuve versés au dossier de
la procédure de recours fédérale, si les divers cabinets d'avocats membres du
réseau A.________ constituent ou non une seule entité, autrement dit s'il est
correct de les englober dans l'expression "l'étude A.________", utilisée par la
requérante, et d'admettre, avec cette dernière, que les bureaux A.________-CH
et A.________-A ne forment que deux éléments constitutifs, parmi d'autres, d'un
seul et même cabinet.

3.3.1.2. Il est indéniable que, sur ses différents sites internet, A.________
met l'accent, à des fins publicitaires de toute évidence, sur les liens qui
unissent les cabinets membres de son réseau international et sur les avantages
que ses clients potentiels devraient en tirer, comme l'a fait du reste
A.________-A dans son communiqué de presse du 5 décembre 2014. Ainsi, sous le
titre "Le cabinet", peut-on lire notamment ce qui suit:

" A.________ fournit à ses clients des conseils juridiques et fiscaux
spécialisés et adaptés aux entreprises. Nos 3000 juristes formés en gestion de
projets travaillent dans le monde entier au sein d'équipes spécialisées dans un
secteur de l'économie afin de réaliser les objectifs de nos clients. Nos
avocats exercent au sein de 60 bureaux dans le monde entier et fournissent des
conseils axés sur la pratique de nos clients, qui se trouvent confrontés à un
contexte économique difficile et un environnement réglementaire en pleine
mutation."

C'est aussi le propre des cabinets formant un réseau que de collaborer entre
eux de diverses manières, si bien que les indications fournies à ce propos par
la requérante, dans sa réplique (p. 7 à 9), n'ont rien d'extraordinaire.
L'arbitre lui-même relève, d'ailleurs, que les études membres du réseau
A.________ collaborent à des programmes de formation, tout comme à
l'exploitation d'un site internet, qu'elles réunissent au sein de  practice
groups des avocats intéressés à tel ou tel secteur particulier de leur activité
professionnelle et que les avocats associés dans les études membres du réseau
A.________ se réunissent une fois par année lors d'un congrès qui dure trois
jours (réponse, n. 12).

Cela étant, il ressort également de ces sites internet que "A.________ est le
regroupement de dix cabinets juridiques et fiscaux indépendants". Cette
indépendance juridique se manifeste aussi sur le plan patrimonial, en ce sens
qu'il n'existe pas d'intégration financière entre les différents cabinets
membres du réseau. De fait, il ressort des attestations établies par les
associés gérants des deux cabinets concernés, soit A.________-CH et
A.________-A, qu'il n'y a pas de partage d'honoraires entre les études membres
du réseau, sauf collaborations ponctuelles dans tel ou tel dossier particulier.

Dans ces conditions, il n'est pas possible de soutenir, contrairement aux
affirmations de la requérante, que "les différents avocats exerçant leur
activité au sein de A.________ doivent être considérés comme les membres d'une
seule et même étude" (réplique, p. 8 i.f.), thèse qui pourrait s'appliquer, en
revanche, aux avocats regroupés dans les bureaux zurichois et genevois de
A.________-CH, s'agissant dans ce dernier cas d'actionnaires et/ou d'employés
de la même société anonyme. Certes, on ne saurait exclure d'emblée et une fois
pour toutes la possibilité, suivant les circonstances, de faire abstraction de
cette indépendance juridique et financière entre les différents cabinets
membres d'un même réseau afin de vérifier si un avocat exerçant sa profession
dans un tel cabinet offre des garanties suffisantes d'indépendance et
d'impartialité pour conduire une procédure arbitrale en tant qu'arbitre unique
ou comme membre d'une formation arbitrale. Cependant, la cause en litige ne
présente aucun élément singulier qui justifierait de s'écarter de la règle
générale.

3.3.2. Dès lors que l'étude A.________-CH, dans laquelle oeuvre l'arbitre...,
doit être considérée comme un cabinet à part entière aux fins de l'application
des lignes directrices, et non pas comme un simple membre d'un "cabinet
A.________" qui constituerait une entité juridique autonome regroupant un
certain nombre de cabinets nationaux ou locaux dépourvus d'autonomie, aucun des
chiffres de ces mêmes lignes invoqués par la requérante (cf. consid. 4.2.1
ci-dessus) n'apparaît pertinent en l'espèce. En effet, ni l'arbitre ni son
cabinet, i.e. A.________-CH, n'ont jamais conseillé l'intimée, non plus que sa
société soeur, Z.________; encore moins ne l'ont-ils fait sur une base
régulière, pas plus qu'ils n'en ont tiré des revenus financiers, sans parler de
revenus qui pourraient être qualifiés d'importants (cf. chiffre 1.4 des lignes
directrices). C'est A.________-A qui a donné des conseils à Z.________. De
même, le cabinet de l'arbitre n'a-t-il entretenu de relations commerciales
importantes ni avec l'intimée ni avec Z.________ (cf. chiffre 2.3.6 des lignes
directrices). Ce même cabinet n'a pas davantage agi pour ou contre l'intimée ou
Z.________ au cours des trois dernières années dans une affaire étrangère à la
cause en litige et sans la participation de l'arbitre (chiffre 3.1.4 des lignes
directrices). Il n'a pas non plus conseillé l'intimée ou Z.________ dans les
circonstances indiquées au chiffre 3.2.1 des lignes directrices. Enfin,
l'arbitre, pas plus que son cabinet, n'a représenté régulièrement une partie ou
une société affiliée à l'une des parties dans la situation décrite au chiffre
3.2.3 de ces mêmes lignes.

Si l'on voulait à tout prix trouver un élément de ces lignes directrices qui
permît d'appréhender l'intervention de A.________-A en faveur de Z.________
ainsi que le rapport entre cette intervention et le cabinet de l'arbitre, ce
serait vers le chiffre 4.2.1 desdites lignes qu'il faudrait se tourner. Cet
élément constitutif de la liste verte vise, en effet, la situation dans
laquelle un cabinet, associé ou membre d'une alliance avec le cabinet de
l'arbitre, tel le cabinet allemand précité, rend des services, entre autres
bénéficiaires, à une société affiliée à l'une des parties - telle Z.________,
société soeur de l'intimée - dans une affaire non liée à l'arbitrage, comme le
furent les conseils donnés à cette société par A.________-A dans le domaine de
l'e-mobilité. Mais il n'y aurait pas eu là de quoi justifier, à l'époque, une
récusation de l'arbitre, voire, plus tard, l'admission d'un recours en matière
civile fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, ni, partant, matière à réviser
aujourd'hui la sentence arbitrale en force.

3.3.3. Abstraction faite des lignes directrices, force est d'admettre que,
considérées du point de vue d'un tiers raisonnable en ayant connaissance, les
circonstances du cas concret, seules décisives, ne sont de toute façon pas
d'une gravité telle que le maintien de la sentence formant l'objet de la
demande de révision apparaîtrait incompatible avec le sentiment de la justice
et de l'équité.

D'abord, l'impartialité subjective de l'arbitre n'est apparemment pas
contestée, ni contestable au demeurant. Rien n'indique, en effet, que
l'avocat..., qui a été désigné comme arbitre unique non pas par les parties,
mais par la Cour d'arbitrage de la CCI sur proposition du Comité National
Suisse, ait pris parti contre la requérante pendant l'instruction de la cause.
Si tel avait été le cas du reste, l'intéressée n'eût pas manqué de s'en
plaindre par la voie d'une demande de récusation, voire, le cas échéant, par
celle d'un recours contre la sentence finale dans l'hypothèse où la lecture de
celle-ci eût révélé un traitement de faveur appliqué à l'intimée. L'arbitre
soutient, d'ailleurs, sans que la preuve du contraire n'ait été rapportée,
qu'il ignorait complètement, à l'époque, l'existence des conseils donnés à
Z.________ par le cabinet A.________-A. Il n'avait donc aucune raison de
privilégier, dans l'arbitrage pendant, la partie apparentée à la société
allemande qui bénéficiait des conseils d'un cabinet allemand appartenant au
même réseau que le cabinet suisse dont il était et est toujours membre.

En ce qui concerne l'impartialité objective, on notera encore qu'un auteur a
cherché à schématiser les situations pouvant se créer, dans un cabinet
mondialisé, selon le degré de proximité de l'arbitre, avocat dans un tel
cabinet, avec l'une des parties, et il est arrivé à la conclusion que
l'hypothèse la plus éloignée de l'arbitre est celle où un autre bureau du même
cabinet que celui de l'arbitre a comme cliente une société mère, soeur ou fille
d'une partie à l'arbitrage (THOMAS CLAY, note sous l'arrêt de la Cour d'appel
de Paris du 12 février 2009 dans la cause SA J&P Avax SA c. Société Tecnimont
SPA, in Revue de l'arbitrage 2009 p. 190 ss, 198 s. n. 25). Or, en l'espèce, le
lien entre l'arbitre et l'intimée est encore plus ténu que celui auquel cet
auteur fait référence puisque le cabinet allemand qui a eu comme cliente une
société soeur de l'intimée (A.________-A) ne fait pas partie du même cabinet
que celui de l'arbitre (A.________-CH) mais constitue une entité juridiquement
et financièrement autonome, bien qu'il appartienne au même réseau que le
cabinet suisse dont l'arbitre est membre. Mérite encore d'être soulignée, dans
ce contexte, l'apparente absence de relations effectives et suivies entre
l'intimée et Z.________. Aussi bien, hormis le fait d'être parentes et de
constituer deux des 340 unités juridiques composant le Groupe Y.________, ces
deux filiales de la multinationale allemande, dont les organes exécutifs ne
sont pas les mêmes, n'ont pas grand-chose en commun, qu'il s'agisse de leur
localisation ou du secteur économique dans lequel elles déploient leurs
activités respectives. C'est dire qu'un traitement par hypothèse privilégié
dont aurait bénéficié l'intimée de la part de l'arbitre n'aurait pas pu avoir
d'incidence concrète sur la situation financière de sa société soeur.

Dans ces conditions, la demande de révision formée par la requérante ne peut
qu'être rejetée, à la supposer recevable, étant donné que l'existence du motif
de révision invoqué n'a pas été prouvée.

4. 
La requérante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF) et verser à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
La demande de révision est rejetée dans la mesure où elle est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la
requérante.

3. 
La requérante versera à l'intimée une indemnité de 17'000 fr. à titre de
dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique.

Lausanne, le 7 septembre 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

Le Greffier: Carruzzo

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