Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.364/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_364/2015

Arrêt du 13 avril 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________ Company, représentée par Me Rodolphe Gautier,
recourante,

contre

Z.________, représenté par Mes Marc Henzelin
et Sandrine Giroud,
intimé.

Objet
notification de l'acte introductif d'instance; droit de l'Etat du domicile
(art. 27 al. 2 let. a LDIP),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 5 juin 2015.

Faits :

A. 

A.a. X.________ Company (ci-après: X.________), dont le siège est à xxx, en
Arabie saoudite, est une société saoudienne active dans diverses activités
commerciales (alimentation, hôtellerie, productions pétrolières), dont une
division est appelée communément W.________.
Z.________ est un homme d'affaires saoudien, domicilié à xxx, en Arabie
saoudite, qui détient le groupe U.________, lequel est composé de multiples
sociétés dont U.a.________ Limited et U.b.________ SA, enregistrées
respectivement aux Iles Caïmans et à Genève. Il a été actif durant plusieurs
années au sein de la division W.________ de X.________.
Dès 2009, X.________ a accusé Z.________ d'avoir profité de sa position au sein
de W.________ et d'avoir détourné d'importantes sommes d'argent à son profit et
à celui du groupe U.________. X.________ a fait valoir des prétentions, tant
civiles que pénales, contre Z.________ et des sociétés du groupe U.________
devant différentes juridictions.
Le 27 juillet 2009, X.________ a introduit contre Z.________ (défendeur) une
procédure civile devant les tribunaux des Iles Caïmans; par ordre du 29 juillet
2009, la Grand Court des Iles Caïmans a autorisé X.________ à notifier, hors de
sa juridiction, l'ouverture au défendeur.
Une première notification de l'assignation directement en mains du défendeur le
8 août 2009, par envoi DHL à l'adresse de la société U.c.________ Company, à
xxx, ainsi que par le biais d'un de ses avocats, a échoué, comme cela ressort
d'une déclaration certifiée d'un conseil de X.________.
Sur requête de X.________, la Grand Court des Iles Caïmans, par décision du 24
août 2009, a alors ordonné la remise d'une copie scellée de l'assignation au
domicile du défendeur à xxx ou dans les locaux de U.d.________ Company, à xxx,
ainsi que la publication de cette assignation dans le journal saoudien
J.________.
La seconde notification de l'assignation a été envoyée par DHL dans les bureaux
de U.d.________ Company, à xxx, et a été publiée dans le journal précité, à une
date qui ne ressort ni de l'arrêt attaqué, ni du jugement de première instance
(art. 105 al. 2 LTF).

A.b. Le 10 novembre 2009, X.________ a déposé devant la Grand Court des Iles
Caïmans une demande en paiement et dommages-intérêts à l'encontre, notamment,
de Z.________ et de U.a.________ Limited.
Parallèlement, X.________ a formé en mai 2009 une plainte à l'encontre de
Z.________ devant le Roi d'Arabie saoudite, laquelle a abouti à un ordre royal,
notifié à X.________ et Z.________ respectivement les 19 et 20 avril 2011, les
renvoyant à agir devant les juridictions civiles compétentes saoudiennes; cet
ordre royal n'est plus litigieux devant le Tribunal fédéral.

A.c. Le 22 avril 2010, Z.________ a invoqué l'incompétence de la Grand Court
des Iles Caïmans, ainsi que l'irrégularité de la notification de son
assignation.
La Grand Court des Iles Caïmans a reconnu sa compétence pour connaître de la
demande formée par X.________ et a suspendu la procédure en raison de la
procédure ouverte devant le Comité nommé par le Roi d'Arabie saoudite.
Par décision du 1 ^er décembre 2010, la Court of Appeal des Iles Caïmans a
confirmé la décision de la Grand Court s'agissant de la compétence des
juridictions des Iles Caïmans à l'encontre de Z.________, considéré que
celle-ci avait, à tort, suspendu la procédure et levé cette mesure.
Par décision du 11 avril 2012, le Judicial Committee of the Privy Council des
Iles Caïmans a rejeté le recours de Z.________ contre cette décision.

A.d. Dans l'intervalle, le 13 janvier 2011, la Grand Court des Iles Caïmans a
ordonné à Z.________ de déposer sa réponse dans le délai prolongé au 8 février
2011 (art. 105 al. 2 LTF).
Selon un jugement rendu par défaut le 7 novembre 2011, Z.________ n'ayant pas
pris part au fond à la procédure, la Grand Court des Iles Caïmans a jugé que
X.________ pouvait prétendre à des dommages-intérêts à l'encontre de
Z.________, dont les montants restaient à déterminer.
Par décision par défaut du 12 juin 2012, rendue sur requête en paiement
provisoire de X.________ du 10 février 2012, la Grand Court des Iles Caïmans a
retenu la responsabilité du défendeur à hauteur d'un montant provisoire de 2,5
milliards USD.

B. 

B.a. Sur la base de ce jugement, X.________ a introduit auprès des autorités
genevoises une procédure de séquestre contre Z.________ pour mettre sous main
de justice un montant de 2'325'170'000 fr., correspondant au montant précité de
2,5 milliards USD, déposé sur des comptes ouverts auprès d'établissements
bancaires à Genève; le séquestre a été ordonné le 10 mai 2013.
Afin de valider la mesure, X.________ a déposé le 6 septembre 2013 une requête
en reconnaissance et en exequatur en Suisse de la décision par défaut rendue le
12 juin 2012 par la Grand Court des Iles Caïmans. Le défendeur a demandé
préalablement la reconnaissance et l'exécution en Suisse de l'ordre royal
notifié les 19 et 20 avril 2011; il a conclu à l'irrecevabilité,
subsidiairement au rejet de la requête de X.________.
Par jugement du 23 décembre 2014, le Tribunal de première instance de Genève a
rejeté la requête en reconnaissance et en exequatur en Suisse de l'ordre royal
et la requête en reconnaissance et en exequatur en Suisse de la décision rendue
par la Grand Court des Iles Caïmans le 12 juin 2012 (ch. 2). Se fondant sur
l'extrait du Guide de l'entraide judiciaire internationale en matière civile de
l'Office fédéral de la justice (OFJ) concernant l'Arabie saoudite, il a
notamment considéré que le défendeur n'avait pas été cité régulièrement
conformément au droit saoudien (i. e. par la voie diplomatique) à la procédure
introduite à son encontre devant la juridiction des Iles Caïmans, de sorte que
l'ordre public suisse s'opposait à la reconnaissance et à l'exécution en Suisse
de la décision du 12 juin 2012 de la Grand Court des Iles Caïmans.

B.b. Statuant par arrêt du 5 juin 2015, la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève a rejeté le recours de la société demanderesse X.________
et débouté les parties de toutes autres conclusions.

C. 
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, dont elle conclut à l'annulation, la cause étant retournée à l'instance
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La recourante
invoque la violation des art. 16 al. 2 LDIP et 29 al. 2 Cst., celle de l'art.
27 al. 2 LDIP, ainsi que l'application arbitraire du droit saoudien.
L'intimé conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
La Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt.
Par ordonnance rendue le 6 octobre 2015 par la Présidente de la Ire Cour de
droit civil, la recourante a été invitée à fournir des sûretés en garantie des
dépens de 17'000 fr., montant qu'elle a payé.
La réponse a été communiquée à la recourante avec un délai pour déposer
d'éventuelles observations. Celle-ci n'en a pas produites.

Considérant en droit :

1. 

1.1. La décision de reconnaissance et d'exécution d'un jugement étranger
portant condamnation à payer une somme d'argent est une décision susceptible
d'un recours en matière civile en vertu de l'art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF. En
tant qu'il est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision
finale (art. 90 LTF), rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton
(art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse s'élève au
moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est recevable au
regard de ces dispositions.

1.2. Les conclusions tendant exclusivement au renvoi de la cause à l'instance
précédente prises par la recourante sont en l'occurrence suffisantes puisque,
si le Tribunal fédéral admettait le recours, la cause devrait de toute façon
être renvoyée à la cour cantonale pour examen des autres motifs de refus de la
reconnaissance.

1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont
été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137
I 58 consid. 4.1.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit matériel fédéral (art. 106 al. 1
LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il
aura rectifié ou complété). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral
examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions
juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver
imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont
soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit
manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2; arrêt 4A_399/2008
du 12 novembre 2008 consid. 2.1, non publié in ATF 135 III 112). Il n'est en
revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou
par l'autorité précédente; il peut admettre ou rejeter le recours en procédant
à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).
En ce qui concerne le droit étranger, le Tribunal fédéral n'examine pas, dans
les affaires pécuniaires, s'il a été ou non mal appliqué (art. 96 let. b LTF a
contrario). Toutefois, le recourant a toujours la possibilité de faire valoir
que la mauvaise application du droit étranger constitue une violation du droit
fédéral parce qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (art. 95 let. a
LTF; ATF 138 III 489 consid. 4.3; 135 III 670 consid. 1.4; 133 III 446 consid.
3.1). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9
Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité (ATF 138 III 378 consid. 6.1 et les
arrêts cités). En ce qui concerne la façon dont le droit étranger a été
appliqué, il ne faut pas confondre arbitraire et violation de la loi; une
violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme
arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation
correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions étrangères
applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui en a été faite est
défendable (ATF 135 III 614 consid. 4.1.3 p. 616). Il appartient au recourant
d'établir la réalisation de ces conditions, par une argumentation précise
répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (principe d'allégation; ATF 133
III 462 consid. 2.3). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les
critiques de nature appellatoire (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262).

2. 
Il y a lieu d'examiner liminairement la critique de la recourante touchant au
déroulement régulier de la procédure. Invoquant la violation des art. 16 LDIP
et 29 al. 2 Cst., elle tance la cour cantonale pour n'avoir pas sanctionné le
fait qu'elle n'a pas eu la possibilité de s'exprimer sur l'interprétation que
le Tribunal de première instance a donnée de l'extrait du Guide de l'entraide
judiciaire de l'OFJ concernant l'Arabie saoudite.

2.1. Il découle de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP que la notification du premier
acte introductif d'instance doit être effectuée conformément aux règles
applicables dans l'Etat du domicile du défendeur, soit en l'occurrence en
Arabie saoudite. La détermination du contenu du droit étranger applicable selon
cette disposition n'est pas régie par l'art. 16 LDIP. En effet, de par sa
position dans la section 3 relative au " Droit applicable ", cette disposition
concerne exclusivement la constatation du droit étranger qui est applicable au
fond de la cause en vertu de la LDIP. Dans l'ATF 124 I 49, dont se prévaut la
recourante, l'absence de communication d'un avis de droit de l'Institut suisse
de droit comparé (ISDC) sollicité par le tribunal a d'ailleurs été sanctionnée
pour violation de l'ancien art. 4 Cst., lequel correspond désormais à l'art. 29
al. 2 Cst.
Le grief de violation de l'art. 16 LDIP est donc infondé.

2.2. Il reste à contrôler s'il y a eu violation du droit d'être entendu de la
recourante au sens de l'art. 29 al. 2 Cst.
La jurisprudence a déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. le droit des parties d'être
informées et de s'exprimer sur les éléments pertinents du litige avant qu'une
décision touchant leur situation juridique ne soit prise, d'obtenir
l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer
à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son
résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133
I 270 consid. 3.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b). Le droit
d'être entendu est à la fois une institution servant à l'instruction de la
cause et une faculté de la partie, en rapport avec sa personnalité, de
participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique (ATF 126
I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2 et les arrêts cités). Le
droit de s'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision ne
soit prise s'applique sans restriction pour les questions de fait. Pour ce qui
est de la qualification juridique de ceux-ci, ce droit ne vaut que lorsqu'une
partie change inopinément son point de vue juridique ou lorsque l'autorité a
l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inconnus des parties et
dont celles-ci ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 126 I 19 consid. 2c/aa et
consid. 2d/bb; 124 I 49 consid. 3c); il faut qu'il s'agisse d'un motif
juridique non évoqué, dont aucune des parties ne pouvait supputer la pertinence
(ATF 114 Ia 97 consid. 2a).

2.2.1. Sous cet angle, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir admis
que le Tribunal de première instance pouvait se fier au document de l'OFJ
afférent à l'entraide judiciaire internationale concernant l'Arabie saoudite,
au lieu de vérifier lui-même le droit saoudien sur la base de l'avis de droit
qu'elle a déposé à l'appui de sa réplique.
Le grief n'explique pas en quoi, ce faisant, la cour cantonale a porté atteinte
au droit d'être entendu de la recourante, d'où son irrecevabilité (art. 106 al.
2 LTF). De toute manière, les lignes directrices de l'OFJ concernant l'entraide
judiciaire sont consultables sur internet, de sorte qu'elles sont assimilées à
des sources de droit qui peuvent être prises en considération d'office par le
Tribunal fédéral, sans avoir été alléguées ni prouvées en procédure cantonale
(arrêts 4A_412/2011 du 4 mai 2012 consid. 2.2, non publié in ATF 138 III 294;
5A_62/2009 du 2 juillet 2009 consid. 2.1, in Pra 2010 no 17 p. 117).

2.2.2. Lorsque la recourante se borne à rappeler qu'elle avait proposé qu'un
avis de droit soit demandé à l'ISDC quant à la notification de procédure
étrangère en Arabie Saoudite et que la Cour de justice n'a pas répondu à sa
requête, ce pan du grief est derechef irrecevable, faute de motivation
suffisante (art. 106 al. 2 LTF). Du reste, le fait qu'elle aurait requis cette
expertise du droit étranger devant la Cour de justice ne ressort pas de son
recours cantonal.

3. 
C'est le lieu d'examiner désormais la question litigieuse au fond, qui a trait
à la régularité de la notification de l'acte introductif d'instance au
défendeur, par courrier DHL à l'adresse des bureaux de sa société et par
publication dans un journal local.

3.1. Comme il n'existe aucune convention ou traité liant la Suisse (Etat
requis) et les Iles Caïmans (Etat d'origine) - qui, bien qu'étant un territoire
d'outre-mer du Royaume-Uni, n'est pas partie à la Convention de Lugano (FELIX
DASSER, in Lugano-Ubereinkommen [LugÜ], Dasser/Oberhammer (éd.), 2e éd. 2011,
n. 6 in fine ad art. 1 CL) - en matière de reconnaissance et d'exécution des
jugements, la décision par défaut de la Grand Court des Iles Caïmans du 12 juin
2012 ne peut être reconnue et exécutée en Suisse qu'aux conditions de l'art. 25
LDIP, soit si la compétence des autorités judiciaires ou administratives de cet
État, dans lequel la décision a été rendue, était donnée (let. a), si la
décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou si elle est définitive
(let. b) et s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let.
c).

3.2. Conformément à l'art. 27 LDIP ("Motifs de refus"), la reconnaissance d'une
décision étrangère en Suisse doit être refusée si elle est manifestement
incompatible avec l'ordre public suisse (al. 1) - condition qui relève du
respect de l'ordre public matériel et qui a donc trait au fond du litige -, ou
si elle viole certaines règles fondamentales de procédure civile énoncées
exhaustivement à l'al. 2 (citation irrégulière, violation du droit d'être
entendu, litispendance et chose jugée) - condition qui ressortit à l'ordre
public procédural.
De façon générale, la réserve de l'ordre public doit permettre au juge de ne
pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent
de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique,
tel qu'il est conçu en Suisse (ATF 126 III 534 consid. 2c; 125 III 443 consid.
3d). En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public doit être
interprétée de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance
et d'exécution des décisions étrangères, où sa portée est plus étroite que pour
l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public); la
reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas
s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 126 III 101 consid. 3b p. 107, 327
consid. 2b et les arrêts cités). Une décision étrangère peut être incompatible
avec l'ordre public suisse non seulement à cause de son contenu, mais également
en raison de la procédure dont elle est issue (ATF 126 III 327 consid. 2b; 116
II 625 consid. 4a et les arrêts cités).

3.3. Aux termes de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, la reconnaissance doit être
refusée si une partie établit qu'elle n'a été citée régulièrement, ni selon le
droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins
qu'elle n'ait procédé au fond sans faire de réserve. La déclaration de force
exécutoire est également soumise à cette règle (art. 28 LDIP). En outre, en
vertu de l'art. 29 al. 1 let. c LDIP, en cas de jugement par défaut, la requête
en reconnaissance ou en exécution adressée à l'autorité compétente doit être
accompagnée d'un document officiel établissant que le défaillant a été cité
régulièrement et qu'il a eu la possibilité de faire valoir ses moyens.

3.3.1. La condition que le défendeur ait été "cité régulièrement" ("gehörig
geladen") vise la notification de l'acte introductif d'instance
(verfahrenseinleitendes Schriftstück), par lequel le défendeur est informé de
la procédure ouverte contre lui et de la possibilité de faire valoir ses moyens
de défense, comme le précise expressément l'art. 29 al. 1 let. c LDIP (arrêts
4A_120/2015 du 19 février 2016 consid. 3.3.1, destiné à la publication; 5A_633/
2007 du 14 avril 2008 consid. 3.3; 5A_544/2007 du 4 février 2008 consid. 3;
5A_427/2011 du 10 octobre 2011 consid. 6; cf. ALEXANDER R. MARKUS,
Internationales Zivilprozessrecht, 2014, n. 1389 p. 369; JOLANTA KREN
KOSTKIEWICZ, Grundriss des schweizerischen internationalen Privatrechts, 2012,
n. 154; ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand LDIP/CL, n° 24 ad art. 27 LDIP;
BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, 4e éd. 2005, n. 8 ad art. 27
LDIP; PAUL VOLKEN, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n°s 76-77 ad
art. 27 LDIP). Le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une
première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt
d'un mémoire (de réponse), d'une comparution lors d'une audience, d'une
élection de domicile ou d'une autre manière lui permettant de prendre part à la
suite du procès (arrêt 4A_120/2015 déjà cité, ibidem; cf. BUCHER, loc. cit.;
VOLKEN, op. cit., n° 77 ad art. 27 LDIP).
La garantie d'une "citation régulière" a pour but d'assurer à chaque partie le
droit de ne pas être condamnée sans avoir été mise en mesure de défendre ses
intérêts; elle concrétise le droit d'être entendu (arrêt 4A_120/2015 déjà cité,
ibidem; ATF 117 Ib 347 consid. 2b/bb et les arrêts cités). La notification doit
être effectuée régulièrement selon le droit de procédure applicable. L'art. 27
al. 2 let. a LDIP entend ainsi refuser la reconnaissance à un jugement étranger
rendu dans une procédure menée de manière incorrecte à l'égard du défendeur
(arrêt 4A_120/2015 déjà cité, ibidem; ATF 122 III 439 consid. 4b). En revanche,
si le défendeur a été régulièrement informé par l'acte introductif d'instance,
le jugement étranger peut être reconnu, même si le défendeur n'a pas participé
à la procédure et qu'un jugement par défaut a été rendu (arrêt 4A_120/2015 déjà
cité, ibidem; cf. MARKUS, op. cit., n. 1390 p. 369).
La LDIP ne dit rien au sujet de la notification des actes ultérieurs de la
procédure (arrêt 4A_120/2015 déjà cité, consid. 3.3.2 in fine destiné à la
publication).

3.3.2. L'irrégularité de la notification de l'acte introductif d'instance au
sens de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP peut être invoquée aussi bien par le
défendeur défaillant (cf. art. 29 al. 1 let. c LDIP) que par le défendeur qui a
comparu devant le juge étranger, pour en contester la compétence, et qui a fait
une réserve au sujet de la régularité de la notification de l'acte introductif
d'instance. L'art. 27 al. 2 let. a LDIP ne prive en effet du droit de contester
la régularité de la notification que le défendeur qui a "procédé au fond sans
faire de réserve" (BUCHER/BONOMI, Droit international privé, 3e éd. 2013, n.
285 p. 76). Une acceptation tacite de compétence ne peut être opposée au
défendeur que s'il ne s'est pas réservé le droit de soulever l'irrégularité de
l'acte introductif d'instance, au stade ultérieur de l'exécution (VOLKEN, op.
cit., n° 91 ad art. 27 LDIP; MARKUS, op. cit., n. 1401 p. 371; D ÄPPEN/
MABILLARD, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, n° 15
ad art. 27 LDIP; SCHRAMM/BUHR, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht,
Internationales Privatrecht, 2e éd. 2012, n° 28 ad art. 27 LDIP).

3.3.3. La notification du premier acte introductif d'instance n'est régulière
au sens de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP que si elle a été effectuée conformément
aux règles applicables dans l'Etat du domicile du défendeur (subsidiairement de
sa résidence habituelle), et non à celles applicables dans l'Etat d'origine
dans lequel la décision à reconnaître a été rendue. Une notification opérée en
violation des règles de l'Etat du domicile porte atteinte à la souveraineté de
cet Etat et, par conséquent, est nulle (à propos de l'irrégularité de la
notification postale, sauf convention ou traité, à un défendeur en Suisse ou à
un défendeur à l'étranger à partir de la Suisse, cf. ATF 135 III 623 consid.
2.2 p. 626 et les références doctrinales; 131 III 448 consid. 2.2; arrêts
4A_141/2015 du 25 juin 2015 consid. 5.1.2; 4A_161/2008 du 1er juillet 2008
consid. 4.1). Le respect de ces règles a en outre pour but de s'assurer que le
défendeur soit rendu attentif à l'importance de l'acte et de lui fournir, dans
sa langue, une première information sur son contenu (ATF 135 III 623, loc.
cit.). Lorsque la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la
signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et
extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (ci-après: CLaH 65; RS
0.274.131) est applicable entre l'Etat d'origine (du jugement étranger) et
l'Etat requis (où la reconnaissance et l'exécution sont demandées, i.e. la
Suisse) et que le défendeur est domicilié en Suisse ou dans un autre Etat
étranger partie à cette convention, la régularité de la notification de l'acte
introductif d'instance s'examine au regard des dispositions de la CLaH 65
(BUCHER, op. cit., n. 23 ad art. 27 LDIP; BUCHER/BONOMI, op. cit., n. 282 p.
75; MARKUS, op. cit., n. 1392 p. 369); lorsque le défendeur est domicilié dans
un Etat qui n'est pas partie à la CLaH 65, seules les règles du droit de l'Etat
de son domicile sont applicables (BUCHER/BONOMI, op. cit., n. 282 p. 75).
Au regard de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, il ne suffit pas que le destinataire
ait eu de quelque manière connaissance de l'acte introductif d'instance. La
notion de notification de l'acte introductif d'instance au sens de cette
disposition est différente de celle de l'art. 34 par. 2 de la Convention de
Lugano révisée du 30 octobre 2007 (RS 0.275.12; ci-après: Convention de Lugano
ou CL), norme entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Dans les rapports avec les
Etats de l'Union européenne et les autres Etats parties à la nouvelle
Convention de Lugano, il suffit en effet que le destinataire ait été mis en
mesure d'exercer ses droits par une communication offrant des garanties au
moins comparables à celles d'une notification régulière, selon le droit de
procédure déterminant (arrêts 4A_120/2015 déjà cité, consid. 3.3.1 in fine
destiné à la publication; 4A_141/2015 précité, consid. 5.1.2; 5A_230/2012 du 23
octobre 2012 consid. 4.1). On ne saurait s'écarter du texte clair de l'art. 27
al. 2 let. a LDIP, qui est applicable en dehors du champ d'application de cette
convention, et, sans base légale ou conventionnelle, abandonner le principe de
la souveraineté gouvernant les actes officiels effectués à l'étranger (arrêt
4A_120/2015 précité, consid. 3.3.1 in fine destiné à la publication).

3.3.4. L'art. 27 al. 2 let. a LDIP institue une exception, que le défendeur à
la procédure de reconnaissance et d'exécution doit soulever et prouver (ATF 116
II 625 consid. 4b; VOLKEN, op. cit., n° 61 ad art. 29 LDIP). L'art. 29 al. 1
let. c LDIP renforce, en cas de jugement par défaut, les exigences de preuve et
renverse le fardeau de la preuve. Dans ce cas, le demandeur à la reconnaissance
supporte le fardeau de la preuve: il doit prouver que l'acte introductif
d'instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur
défaillant; en outre, il doit apporter cette preuve par titres. Pour ce faire,
il lui incombe de produire un exemplaire de l'acte introductif d'instance,
ainsi que l'attestation de notification de l'autorité compétente du domicile du
défendeur défaillant (VOLKEN, op. cit., n°s 62 et 63 ad art. 29 LDIP; DÄPPEN/
MABILLARD, op. cit., n° 16 ad art. 29 LDIP; DUTOIT, op. cit., n. 4 in fine ad
art. 29 LDIP; cf. Message concernant une loi fédérale sur le droit
international privé du 10 novembre 1982, FF 1983 I 255, spéc. 319 et 320). En
l'absence de ces titres, la preuve n'est pas apportée et la reconnaissance doit
être refusée (DÄPPEN/MABILLARD, op. cit., n° 16 ad art. 29 LDIP).

3.4. Le créancier peut notamment requérir la reconnaissance et l'exécution d'un
jugement étranger portant condamnation à payer une somme d'argent dans une
procédure indépendante (art. 29 al. 1 et 2 LDIP) devant le juge de l'exécution
(art. 339 CPC; arrêt 4A_120/2015 déjà cité, consid. 3.5 destiné à la
publication; MARKUS, op. cit., n. 1420 p. 375 s.; DUTOIT, op. cit., n. 1 ad
art. 29 LDIP). La procédure est contradictoire, la partie qui s'y oppose étant
entendue et pouvant faire valoir ses moyens (art. 29 al. 2 LDIP; arrêt 4A_120/
2015 précité, consid. 3.5 destiné à la publication). La procédure sommaire est
applicable (art. 335 al. 3 CPC et 339 al. 2 CPC, lequel renvoie aux art. 252 ss
CPC). Le tribunal examine avec un plein pouvoir d'examen, en fait et en droit,
les conditions de la reconnaissance; il ne s'agit ni d'une procédure sommaire
au sens propre, avec limitation à la vraisemblance et à un examen sommaire en
droit, ni non plus d'une procédure gracieuse, dans laquelle s'appliquerait la
maxime inquisitoire (art. 255 let. b CPC).

3.5. 

3.5.1. En l'espèce, la procédure a pour objet la reconnaissance et l'exequatur
en Suisse d'une décision de paiement provisoire de la Grand Court des Iles
Caïmans du 12 juin 2012, rendue par défaut, à la suite d'un premier jugement
par défaut sur le principe de la responsabilité rendu par la même Cour le 7
novembre 2011.
Il n'est pas remis en cause que l'acte introductif d'instance est
l'assignation, qui a été notifiée au défendeur par DHL, dans les bureaux du
groupe U.________ à xxx en Arabie saoudite, et par publication dans un
quotidien local, en 2009, à une date qui n'est précisée ni par l'arrêt attaqué,
ni par le premier jugement.
Le défendeur n'a pas contesté avoir eu connaissance de la notification de cet
acte introductif d'instance par ce moyen. Il a contesté, devant la juridiction
caïmanaise, la compétence de celle-ci et la régularité de la notification de
son assignation. Il y a ensuite remis en cause la décision par laquelle la
juridiction a admis sa compétence, par un appel, puis, après confirmation, par
un recours. Il n'a cependant pas procédé au fond sans faire de réserve.
Il n'est pas contesté qu'à l'époque de la notification, le défendeur était
domicilié à xxx, en Arabie saoudite.

3.5.2. Il y a lieu de déterminer tout d'abord le droit qui est applicable à la
notification de l'acte introductif d'instance, soit de l'assignation de 2009.
La cour cantonale a retenu, conformément à l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, que le
droit saoudien est applicable, vu le domicile du défendeur en Arabie saoudite.
La recourante soutient que c'est le droit caïmanais - droit de l'Etat d'origine
(qui a rendu la décision dont la reconnaissance est demandée) - qui serait
applicable. En se basant sur un passage de la 2e éd. 2011 de l'ouvrage de
BUCHER/BONOMI (Droit international privé, n. 285 p. 71), passage non repris
dans la 3e éd. 2013, elle prétend qu'"il n'appartient pas au droit de l'Etat
requis de désigner l'Etat où la notification aurait dû être effectuée"; "en
effet, le lieu où la citation doit être transmise afin d'être signifiée ou
notifiée est déterminé par la juge d'origine en fonction de son propre droit".
A l'en croire, l'art. 27 al. 2 let. a LDIP ne pourrait donc être invoqué pour
justifier l'application du droit saoudien.
En vertu de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, le droit de l'Etat du domicile du
défendeur est applicable à la notification de l'acte introductif d'instance, et
non celui de l'Etat d'origine dans lequel la décision à reconnaître a été
rendue. L'argumentation de la recourante repose sur une mauvaise compréhension
du texte des auteurs qu'elle cite: elle confond le droit applicable pour
déterminer le domicile (i.e le droit des Iles Caïmans) et le droit applicable à
la notification de l'acte introductif d'instance (i.e le droit saoudien). Comme
ces auteurs le relèvent dans le même contexte, l'art. 27 al. 2 let. a LDIP a
pour objectif principal d'assurer au défendeur le respect du régime de
signification et de notification d'actes étrangers, tel qu'il est valable dans
l'Etat de son domicile.
Comme il n'est pas contesté que le défendeur était domicilié en Arabie saoudite
au moment où la notification devait lui être adressée, c'est bien le droit
saoudien qui est applicable à la régularité de la notification de l'acte
introductif d'instance, conformément à l'art. 27 al. 2 let. a LDIP. Le fait que
la Grand Court des Iles Caïmans ait autorisé les modes de notification par
courrier DHL dans les bureaux de la société du défendeur et par publication
dans un journal local est sans pertinence.

3.5.3. Il faut ensuite examiner si, comme le soutient la recourante, le fait
que le défendeur ait eu connaissance de l'assignation, non seulement à travers
ses avocats sur place, aux Iles Caïmans, mais également par le courrier
recommandé adressé par DHL à son bureau en Arabie Saoudite et par la
publication dans un journal saoudien, suffit.
Comme on l'a vu, l'art. 27 al. 2 let. a LDIP entend garantir le respect de la
souveraineté de l'Etat du domicile pour tous les actes qui doivent être
notifiés officiellement aux personnes qui y sont domiciliées. Ce n'est
qu'accessoirement qu'il vise à garantir que le défendeur ait eu connaissance de
l'acte introductif d'instance.
En tant qu'elle se prévaut de l'ATF 122 III 439, pour soutenir que la
connaissance suffirait, la recourante méconnaît que cet arrêt a été rendu sur
recours de droit public de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire
(OJ) contre une décision de mainlevée, procédure dans laquelle le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral était limité à l'arbitraire; or, dans un tel
recours, le Tribunal fédéral ne recherchait pas quelle était l'interprétation
correcte que la cour cantonale aurait dû donner à la disposition légale
litigieuse, mais il se bornait à dire si l'interprétation qui en avait été
faite était défendable (cf. ATF 135 III 614 déjà cité, ibidem). Partant, cet
arrêt est sans pertinence dans le cadre du présent recours en matière civile,
le Tribunal fédéral disposant désormais, dans celui-ci, d'une pleine cognition
en droit (4A_120/2015 précité, consid. 4.2.2, destiné à la publication).
Il sied de préciser que le fait que le défendeur ait eu connaissance de
l'assignation et ait contesté la compétence de la juridiction caïmanaise, tout
en soulevant l'irrégularité de la notification, n'entraîne pas d'acceptation
tacite du litige au sens de l'art. 27 al. 2 let. a in fine LDIP et donc ne
guérit pas l'irrégularité de la notification. Ce point n'est d'ailleurs pas
discuté par la recourante.

3.5.4. Enfin, il reste à examiner si, comme le soutient la recourante, le droit
saoudien accepterait la notification directe d'actes de procédure étrangers et
si, partant, la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement le droit
saoudien.

3.5.4.1. Se fondant sur l'extrait du Guide de l'entraide judiciaire de l'OFJ,
le Tribunal de première instance a considéré que le droit saoudien exige que
les notifications civiles en Arabie saoudite s'effectuent par voie de
commission rogatoire adressée à l'Ambassade de Riyad et que l'assignation soit
traduite en arabe. Il en a déduit que la notification directe, par envoi d'un
courrier DHL à l'adresse professionnelle du défendeur en Arabie saoudite et par
une publication dans un quotidien saoudien local, n'est pas conforme au droit
saoudien. Il a estimé que l'avis de droit affirmant que le droit saoudien
serait ouvert à des méthodes alternatives de notification, notamment par DHL,
ne pouvait avoir de valeur probante, dès lors qu'il avait été sollicité et payé
par la demanderesse et qu'il n'était étayé par aucune décision judiciaire.
Examinant le grief formé par la demanderesse sur ce point, la Cour de justice
l'a estimé dépourvu de toute portée: elle a considéré que la demanderesse
exposait sa propre interprétation du droit saoudien, sans aucune référence,
tout en reconnaissant que la nouvelle loi de procédure saoudienne ne règle pas
la question de la notification d'actes étrangers en Arabie saoudite, mais
uniquement celle d'actes nationaux. Elle s'en est donc tenue à l'exigence de la
voie diplomatique, avec traduction en arabe, comme l'avait fait le Tribunal de
première instance.

3.5.4.2. Dans le présent recours devant le Tribunal fédéral, la recourante ne
démontre pas en quoi la solution retenue par la cour cantonale serait
arbitraire. Elle se limite en effet à resservir, avec quelques développements
supplémentaires, les arguments qu'elle avait déjà exposés devant la cour
cantonale. Or, pour démontrer l'arbitraire, il ne sert à rien d'affirmer que
l'art. 11 de la nouvelle loi de procédure saoudienne, qui est de 2013 selon son
mémoire de recours cantonal, autoriserait la "notification directe par envoi
via des services de courriers privés, codifiant ainsi une pratique ancienne,
constante et générale des autorités saoudiennes", alors que, d'une part, cette
loi est postérieure à l'époque de la notification litigieuse et que, d'autre
part, la recourante admet elle-même qu'elle ne règle pas la notification
d'actes étrangers.
Il ne suffit pas non plus de soutenir qu'il n'existe tout simplement pas de
règle spécifique en droit saoudien pour la notification de procédures
étrangères et que l'on ne saurait extrapoler de ce silence que les procédures
étrangères doivent être notifiées par la voie diplomatique, comme le fait
l'expert V.________, qu'au contraire la cour cantonale aurait dû prendre en
compte les principes de la sharia - qui requièrent le respect de l'équité et de
la justice - pour admettre que le droit saoudien admet la notification directe
par DHL en matière internationale, comme le précise l'avis de droit de
W.________ produit devant la cour cantonale (cf. pièce 23 de la demanderesse).
Outre le fait que ce dernier avis de droit a été sollicité par la demanderesse,
qui a rémunéré son auteur, il ne bénéficie pas d'une force probante décisive.
En présence d'avis de droit contradictoires, il n'était en rien insoutenable
pour la Cour de justice de ne pas en tenir compte et de se fonder sur une
source de droit neutre, à savoir l'extrait du Guide de l'entraide judiciaire de
l'OFJ.
Le grief de la recourante est infondé dans la faible mesure de sa recevabilité.

4. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est
recevable.
Vu l'issue du litige, les frais de la procédure doivent être mis à la charge de
la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci devra en outre verser
des dépens à sa partie adverse (art. 68 al. 1 et 2 LTF), lesquels seront
prélevés sur les sûretés qu'elle a fournies.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. La recourante versera à l'intimé une indemnité de 17'000 fr. à titre de
dépens. Cette indemnité sera acquittée au moyen des sûretés payées par la
recourante à la Caisse du Tribunal fédéral.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 13 avril 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Ramelet

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