Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.34/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_34/2015

Arrêt du 6 octobre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Kiss, présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
République A.________,
représentée par Mes Elliott Geisinger et Nathalie Voser,
recourante,

contre

B.________ International, représentée par Mes Dominique Brown-Berset et
Dominique Ritter,
intimée.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014
par un Tribunal arbitral, avec siège à Zurich, constitué conformément au Traité
sur la Charte de l'énergie et au Règlement d'arbitrage de la Commission des
Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), et statuant sous
l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA).

Faits:

A. 

A.a. Le 14 décembre 2000, B.________ International (ci-après: B.________),
société holding de droit xxx, a acquis quelque 89% du capital-actions de
C.________, société de droit aaa active dans le domaine de la production de
chaleur et d'électricité résiduelle. Cette participation, qui s'est accrue au
fil des ans pour atteindre plus de 95% en dernier lieu, constitue un
investissement visé par le Traité du 17 décembre 1994 sur la Charte de
l'énergie (ci-après: TCE; en anglais:  Energy Charter Treaty ou  ECT ), que
X.________ et A.________ ont ratifié et auquel la Suisse est également partie
(RS 0.730.0).
A l'époque où B.________ avait effectué son investissement initial dans cette
société, C.________ était au bénéfice de contrats d'achat d'énergie (ci-après:
CAE, acronyme correspondant à celui de  PPA [pour  Power Purchasing Agreements
 ] utilisé dans la sentence attaquée). Ces CAE étaient passés pour une longue
durée avec une société d'État, dénommée D.________, qui détenait le monopole
d'achat de l'énergie produite en A.________. Pour attirer les investisseurs
étrangers, l'acquisition par D.________ de l'électricité produite par les
fournisseurs tels que C.________ se faisait à des conditions très favorables à
ceux-ci, aux termes des CAE, conditions qui ne correspondaient pas au
fonctionnement d'un marché concurrentiel et ouvert.

A.b. En 2004, la République A.________ (ci-après: A.________) est devenue
membre de l'Union européenne (ci-après: UE).
Par décision du 4 juin 2008, la Commission européenne (ci-après: CE) a jugé que
les CAE constituaient des aides d'État incompatibles avec le droit européen de
la concurrence, de sorte que A.________ devait y mettre un terme dans les six
mois. Il lui appartenait, en outre, d'obtenir le remboursement de ces aides,
que les fournisseurs d'électricité avaient indûment perçues dans l'intervalle.
La CE autorisait, toutefois, l'octroi d'indemnités compensatoires à ces
producteurs d'énergie, sous certaines conditions, pour les dédommager de leurs
investissements perdus du fait de la résiliation prématurée des CAE, préjudice
appelé "coûts échoués" (  stranded costs ) suivant la terminologie officielle.
A.________ a pris les mesures nécessaires afin que tous les CAE fussent
résiliés avec effet au 31 décembre 2008. Le 29 avril 2010, son gouvernement a
adopté un décret n° 149/2010 sur les coûts échoués en vertu duquel aucune
compensation financière n'était octroyée aux producteurs d'électricité dans la
mesure où le montant de leur créance au titre de ces coûts-là excédait celui de
la créance en remboursement des aides d'État illégales. Or, le montant des
coûts échoués de C.________ représentait un peu plus du double de celui des
aides étatiques remboursables.
Il en est résulté un différend, que les parties n'ont pas pu régler à
l'amiable, au sujet des effets de ce décret gouvernemental pour C.________ et
des pertes subies de ce chef par B.________ sur ses investissements dans cette
société.
Par un autre décret n° 50/2011 du 30 septembre 2011, A.________ a également
plafonné les bénéfices susceptibles d'être réalisés par les opérateurs tels que
C.________.

B. 
Entre-temps, B.________, se fondant sur l'art. 26 TCE, avait introduit, le 12
mai 2009, une procédure d'arbitrage contre A.________ en vue d'obtenir
réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi à la suite de la
résiliation anticipée des CAE. Un Tribunal arbitral de trois membres a été
constitué, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations
Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sous l'égide de la Cour
permanente d'arbitrage (CPA), et son siège fixé à Zurich. L'anglais a été
désigné comme langue de l'arbitrage.
D'entente entre les parties, la procédure a été suspendue du 15 avril 2010 au
30 septembre 2011.
Par sentence finale du 3 décembre 2014, le Tribunal arbitral a rejeté les
objections soulevées par A.________ au sujet de sa compétence et de la
recevabilité de la demande, constaté la violation par A.________ de son
obligation, découlant de l'art. 10 par. 1 TCE, d'accorder un traitement loyal
et équitable aux investissements de B.________ et de ne point les entraver,
condamné cet État à payer à la société xxx des dommages-intérêts à hauteur de
107 millions d'euros, accessoires en sus, réglé le sort des frais et dépens de
la procédure arbitrale et rejeté toutes autres prétentions.
Les circonstances relatives au déroulement de cette procédure, de même que les
conclusions prises par les parties ainsi que les arguments étayant ces
conclusions, tout comme les motifs sur lesquels repose ladite sentence, ne
seront indiqués ci-après que dans la mesure utile à la compréhension des griefs
formulés par la recourante.

C. 
Le 19 janvier 2015, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en
matière civile pour violation de l'art. 190 al. 2 let. b, d et e LDIP,
concluant à ce que le Tribunal fédéral annule la sentence du 3 décembre 2014 et
constate l'incompétence du Tribunal arbitral. A titre de mesure provisionnelle,
elle a sollicité la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit connu
sur la requête d'interprétation et/ou de rectification déposée par elle le 2
janvier 2015.
Par décision du 4 février 2015, le Tribunal arbitral a corrigé un lapsus calami
affectant un considérant de la sentence et rejeté ladite requête pour le
surplus.
Dans sa réponse du 19 mars 2015, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au
rejet du recours.
La recourante, dans sa réplique du 7 avril 2015, et l'intimée, dans sa duplique
du 23 avril 2015, ont maintenu leurs conclusions.
Le Tribunal arbitral, qui a produit une copie électronique de son dossier, a
renoncé à déposer une réponse.

Considérant en droit:

1. 
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
le Tribunal arbitral, celles-ci ont utilisé l'anglais. Le mémoire de recours
adressé au Tribunal fédéral a été rédigé en français. Par conséquent, c'est
cette langue qui sera utilisée pour la rédaction du présent arrêt.

2. 

2.1. Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant
l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP
(art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité
pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante -
y compris celle tendant à ce que le Tribunal fédéral constate lui-même le
défaut de compétence du Tribunal arbitral (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4 p.
616) - ou encore des griefs soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces
conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc
à l'entrée en matière.
Au demeurant, la décision prise le 4 février 2015 par le Tribunal arbitral, sur
demande d'interprétation et/ou de rectification de la sentence attaquée, a
rendu sans objet la requête de suspension de la cause fédérale formulée dans le
présent recours à titre de mesure provisionnelle.

2.2. Pour qu'un grief admissible et dûment invoqué dans le recours en matière
civile soit recevable, encore faut-il qu'il soit motivé, ainsi que le prescrit
l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition correspond à ce que prévoit l'art. 106
al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de
dispositions de droit cantonal et intercantonal. A l'instar de cet article,
elle institue le principe d'allégation (  Rügeprinzip ) et exclut, par là même,
la recevabilité des critiques appellatoires. De plus, le recourant ne peut se
servir de la réplique ni pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il
n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai
de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1
LTF), ni pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_709/
2014 du 21 mai 2015 consid. 2.1 et le précédent cité). Dans le même ordre
d'idées, la possibilité de présenter une duplique doit être soumise aux règles
restrictives qui viennent d'être exposées au sujet de l'admission de la
réplique ( BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 46 ad art.
102 LTF).

3. 
Dans un premier et principal moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la
recourante soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent
pour connaître de la demande qui lui était soumise.

3.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les
questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la
compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral. Il n'en devient pas pour
autant une cour d'appel. Aussi ne lui incombe-t-il pas de rechercher lui-même,
dans la sentence attaquée, les arguments juridiques qui pourraient justifier
l'admission du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. C'est bien plutôt
à la partie recourante qu'il appartient d'attirer son attention sur eux, pour
se conformer aux exigences de l'art. 77 al. 3 LTF (ATF 134 III 565 consid. 3.1
et les arrêts cités).
En revanche, le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait que dans
les limites usuelles, même lorsqu'il statue sur le moyen pris de l'incompétence
du Tribunal arbitral (arrêt 4A_676/2014 du 3 juin 2015 consid. 3.1).

3.2. La bonne compréhension des motifs retenus par le Tribunal arbitral pour
admettre sa compétence et des arguments avancés par les parties, qui pour la
lui dénier, qui pour cautionner sa décision, nécessite que soient tracées, au
préalable, les limites du cadre juridique dans lequel s'inscrit la
problématique soulevée par la recourante.

3.2.1. L'art. 10 par. 1 TCE, inséré dans la partie III du traité, énonce ce qui
suit, sous le titre "Promotion, protection et traitement des investissements":

" Chaque partie contractante encourage et crée, conformément aux dispositions
du présent traité, des conditions stables, équitables, favorables et
transparentes pour la réalisation d'investissements dans sa zone par les
investisseurs des autres parties contractantes. Ces conditions comprennent
l'engagement d'accorder, à tout instant, un traitement loyal et équitable aux
investissements des investisseurs des autres parties contractantes. Ces
investissements bénéficient également d'une protection et d'une sécurité les
plus constantes possible, et aucune partie contractante n'entrave, en aucune
manière, par des mesures déraisonnables ou discriminatoires, leur gestion,
maintien, utilisation, jouissance ou disposition. En aucun cas, ces
investissements ne peuvent être traités d'une manière moins favorable que celle
requise par le droit international, y compris les obligations conventionnelles.
Chaque partie contractante respecte les obligations qu'elle a contractées
vis-à-vis d'un investisseur ou à l'égard des investissements d'un investisseur
d'une autre partie contractante. "
En tant qu'il intéresse la présente procédure, l'art. 26 TCE, consacré au "[r]
èglement des différends entre un investisseur et une partie contractante",
contient notamment les dispositions suivantes:

" 1. Les différends qui opposent une partie contractante et un investisseur
d'une autre partie contractante au sujet d'un investissement réalisé par ce
dernier dans la zone de la première et qui portent sur un manquement allégué à
une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III
sont, dans la mesure du possible, réglés à l'amiable.
2. Si un différend de ce type n'a pu être réglé conformément aux dispositions
du paragraphe 1 dans un délai de trois mois à compter du moment où l'une des
parties au différend a sollicité un règlement à l'amiable, l'investisseur
partie au différend peut choisir de le soumettre, en vue de son règlement:
a) aux juridictions judiciaires ou administratives de la partie contractante
qui est partie au différend; ou
b) conformément à toute procédure de règlement des différends applicable
préalablement convenue; ou
c) conformément aux paragraphes suivants du présent article.
3. a) Sous réserve des seuls points b) et c), chaque partie contractante donne
son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une
procédure d'arbitrage ou de conciliation internationale, conformément aux
dispositions du présent article.
b) ...
c) Les parties contractantes énumérées à l'annexe IA ne donnent pas ce
consentement inconditionnel pour les différends survenant au sujet de la
disposition contenue dans la dernière phrase de l'art. 10, par. 1.
4. [énumération des différentes procédures d'arbitrage entrant en ligne de
compte]
6. Un tribunal constitué selon les dispositions du par. 4 statue sur les
questions litigieuses conformément au présent traité et aux règles et principes
applicables de droit international. "
A.________ est l'une des quatre parties contractantes énumérées à l'annexe IA,
au sens de l'art. 26 par. 3 point c) TCE.

3.2.2. Le contentieux des investissements internationaux, phase procédurale de
la protection des investisseurs étrangers contre les actes de l'État d'accueil
portant atteinte à leurs droits, fait appel à une distinction fondamentale
entre les  contract claimset les  treaty claims : les premières sont des
réclamations que les investisseurs élèvent en se fondant sur le contrat qu'ils
ont conclu avec l'État d'accueil ou avec une autre personne publique dépendant
de cet État; les secondes sont celles qui se basent sur un traité conclu entre
l'État national des investisseurs et l'État d'accueil pour la protection
réciproque de leurs investisseurs (cf., parmi d'autres: Pierre Mayer,  Contract
claimset clauses juridictionnelles des traités relatifs à la protection des
investissements, in Journal du Droit International, 2009, p. 71 ss, 72).
Les traités sur la protection des investissements, qu'ils soient bilatéraux ou
multilatéraux, contiennent des engagements matériels repris de la pratique
antérieure des juridictions internationales en matière de droit international
général, tels que l'exigence d'un traitement loyal et équitable, la prohibition
des mesures discriminatoires ou l'interdiction des expropriations et
nationalisations sans indemnité. Ces traités contiennent surtout une clause
juridictionnelle en vertu de laquelle chaque État accepte par avance, au profit
des investisseurs nationaux de l'autre État ou des autres États qui
investissent sur son territoire, que les litiges relatifs à l'investissement
soient portés contre lui par l'investisseur devant un tribunal arbitral
indépendant (Mayer, op. cit., p. 73 s., n. 3). Tel est le cas du TCE qui, à son
art. 26 par. 2 point c), en liaison avec le par. 4, offre le choix à
l'investisseur - il peut aussi porter l'affaire devant les juridictions
judiciaires ou administratives de l'État d'accueil partie au différend ou
recourir au mode de règlement des litiges préalablement convenu (art. 26 par. 2
points a) et b) TCE) -entre plusieurs types d'arbitrage pour faire trancher
tout litige concernant des  treaty claims (arbitrage du Centre international
pour le règlement des différends relatifs aux investissements [CIRDI],
arbitrage ad hoc selon le règlement CNUDCI ou arbitrage sous l'égide de
l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm).
Les  contract claims, en revanche, sont exorbitantes du traité de protection
des investissements et de ses clauses juridictionnelles. Elles relèvent des
tribunaux nationaux de l'État d'accueil ou, si le contrat d'investissement
contient une clause compromissoire, du tribunal arbitral désigné par cette
clause.
Le risque est grand, pour l'investisseur qui se plaint d'une violation du
contrat passé avec l'État d'accueil, de voir ses  contract claims laissées sans
réponse ou d'être éconduit par les tribunaux de ce même État, trop conciliants
à l'égard d'une corporation de droit public dont ils sont un organe, voire
d'être contraint d'agir devant un tribunal arbitral manquant d'indépendance.
C'est la raison pour laquelle d'aucuns ont eu l'idée d'insérer dans les traités
sur la protection des investissements une clause de respect des engagements,
appelée aussi clause de couverture, clause ascenseur ou clause à effet miroir,
mais le plus souvent dénommée clause parapluie (  umbrella clause ). Quel que
soit son nom, cette clause désigne la disposition d'un traité d'investissement
par laquelle chaque État partie s'engage, selon des formulations variables, à
respecter toute obligation concernant des investissements réalisés par des
ressortissants de l'autre État (Gérard Cahin, La clause de couverture (dite 
umbrella clause ), in Revue Générale de Droit International Public, 2015, p.
103 ss, 103). En d'autres termes, la clause de couverture place le contrat
conclu par l'investisseur avec l'État d'accueil directement sous la protection
du traité bilatéral ou multilatéral touchant les investissements, lequel traité
vient abriter en quelque sorte le contrat sous son parapluie, si bien que toute
méconnaissance d'une obligation contractuelle se double, ipso facto, d'une
violation d'un engagement international et que les  contract claimsen découlant
peuvent être invoquées devant l'organe juridictionnel prévu par le traité
(Mayer, op. cit., p. 80; Cahin, op. cit., p. 127 ss). Ledit organe sera le plus
souvent un tribunal arbitral statuant sous l'égide d'une institution
d'arbitrage internationale, tel le CIRDI. Pour le surplus, la clause en
question est entourée d'incertitudes, qu'il s'agisse de l'étendue des
obligations protégées, de ses effets juridiques ou de sa fonction
juridictionnelle (Cahin, op. cit., p. 105), et les tribunaux arbitraux qui ont
eu à l'examiner sont divisés sur sa portée (Mayer, op. cit., p. 80 et les
sentences arbitrales citées en notes de pied 25 à 27). Ce n'est pas le lieu
d'entrer dans cette controverse. On se contentera d'examiner, ci-après, les
questions juridiques indispensables au traitement du cas concret.
La dernière phrase de l'art. 10 par. 1 TCE constitue indéniablement une clause
parapluie. Il est tout aussi incontestable que A.________ a fait usage de la
possibilité, réservée à l'art. 26 par. 3 point c) TCE, de ne pas donner son
consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure
d'arbitrage ou de conciliation internationale pour les différends tombant sous
le coup de cette clause parapluie. Le litige divisant les parties suppose que
soit déterminée l'incidence de ladite clause et de la réserve qui l'affecte sur
les prétentions élevées par l'intimée et, partant, sur la compétence du
Tribunal arbitral. La Cour de céans procédera à cette recherche en se fondant
sur le texte original de la sentence déférée, afin d'éviter les discussions
pouvant résulter d'un éventuel désaccord entre les parties quant à la fidélité
de la traduction des passages pertinents proposée dans leurs écritures
respectives.

3.3. 

3.3.1. Dans sa sentence du 3 décembre 2014, le Tribunal arbitral, après avoir
résumé les arguments développés par la recourante (n. 270 à 276) et par
l'intimée (n. 277 à 279), respectivement défenderesse (  Respondent ) et
demanderesse (  Claimant ) dans la procédure arbitrale, a motivé en ces termes
sa décision d'admettre sa compétence pour connaître de la demande formée par
l'intimée:

"280.
First, the Tribunal notes that the Claimant's primary request for relief, in
its Claim (i), seeks a declaration "that Respondent has breached Article 10 (1)
of the ECT". This paragraph of Article 10 indeed includes the last sentence
which is considered as the umbrella clause.
281.
However, in reply to the Respondent, the Claimant expressly states that it does
not raise an umbrella clause claim under the last sentence of that provision.
The Claimant's request for relief, therefore, is to be interpreted with that
qualification and limitation. Consequently, the Claimant's argumentation for a
breach does not in any way focus on a breach of the last sentence, but only on
the earlier sentences of Article 10 (1).
282.
In this context, the Respondent argues that, even though the Claimant invokes
the language of FET [acronyme pour  Fair and Equitable Treatment ] and
unreasonable impairment, what it really asserts is an umbrella clause claim
falling within the last sentence of Article 10 (1) ECT. The Tribunal is not
persuaded by that argument. When considering the Respondent's conduct under the
criteria of FET and unreasonable impairment, all of that conduct can be relied
on. This conduct includes the PPAs and other contractuel arrangements between
the parties which are obviously a very relevant framework regarding the
expectations of the Parties. Further, their implementation by each of the
Parties is indeed relevant for the examination of whether there may be a breach
of the provisions on FET and unreasonable impairment. That does not make them a
claim under the umbrella clause.
283.
Accordingly, the Tribunal will not examine whether the umbrella clause has been
breached, but concludes that this will not prevent it from accepting
jurisdiction over the claims raised regarding alleged breaches of the earlier
sentences of Article 10 (1) ECT."

3.3.2. Pour contester les motifs ainsi retenus par le Tribunal arbitral et la
conclusion qu'il en a tirée quant à sa compétence, la recourante se lance dans
une longue argumentation, souvent redondante, qu'elle est toutefois parvenue à
résumer en quelques lignes. A l'en croire, les arbitres n'auraient pas procédé
à une analyse approfondie de la véritable nature des demandes formulées par
l'intimée, pour s'en tenir à la qualification, proposée par cette dernière,
selon laquelle ses demandes étaient basées sur le devoir d'accorder un
traitement juste et équitable à l'investisseur. Par cette qualification,
l'intéressée aurait cherché uniquement à bénéficier du consentement à
l'arbitrage donné par la recourante, alors que les demandes étaient, en
réalité, fondées sur la clause parapluie pour laquelle cette partie avait exclu
son consentement. Le Tribunal arbitral aurait donc statué sans convention
d'arbitrage (réplique, n. 5).
La Cour de céans examinera le grief tiré de l'incompétence du Tribunal arbitral
en focalisant son attention sur son essence même, telle qu'elle ressort de ce
résumé. Aussi ne se déterminera-t-elle pas sur l'ensemble des moyens développés
dans les écritures de la recourante, dont elle a dûment pris connaissance,
certains d'entre eux - agrémentés parfois de schémas explicatifs (cf. réplique,
n. 44) - méconnaissant d'ailleurs les règles susmentionnées touchant la
réplique (cf. consid. 2.2), mais se bornera-t-elle à analyser ceux qui lui
paraissent objectivement pertinents au regard du grief considéré.

3.4.

3.4.1. La convention d'arbitrage doit satisfaire aux exigences posées à l'art.
178 LDIP.
En vertu de l'art. 26 par. 3 point a) TCE, chaque partie contractante donne son
consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure
d'arbitrage ou de conciliation internationale prévue par les dispositions du
même article. Quant à l'art. 26 par. 4 TCE, il prévoit, en substance, que, si
un investisseur choisit la voie arbitrale pour faire trancher le différend qui
l'oppose à une partie contractante, il donne son consentement par écrit pour
que le différend soit porté devant l'une des institutions d'arbitrage énumérées
dans la suite de la clause. L'art. 26 par. 5 point a) let. ii) ajoute que le
consentement prévu au par. 3 et le consentement écrit donné par l'investisseur
en application du par. 4 sont considérés comme satisfaisant à l'exigence d'un
accord par écrit aux fins de l'art. II de la Convention de New York du 10 juin
1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères
(RS 0.277.12). Or, les exigences formelles posées à l'art. II al. 2 de cette
convention ne sont en tout cas pas moins strictes que celles qui caractérisent
la forme écrite simplifiée prescrite par l'art. 178 al. 1 LDIP (ATF 121 III 38
consid. 2c p. 44; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, 2e éd.
2010, n. 212 et 212a). Aussi n'est-il pas contestable, ni contesté d'ailleurs,
que les clauses citées du TCE satisfont à la forme requise par cette dernière
disposition.

3.4.2. En vertu de l'art. 178 al. 2 LDIP, la convention d'arbitrage est
valable, s'agissant du fond, si elle répond aux conditions que pose soit le
droit choisi par les parties, soit le droit régissant l'objet du litige et
notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit
suisse. La disposition citée consacre trois rattachements alternatifs  in
favorem validitatis, sans aucune hiérarchie entre eux, à savoir le droit choisi
par les parties, le droit régissant l'objet du litige (  lex causae ) et le
droit suisse en tant que droit du siège de l'arbitrage (ATF 129 III 727 consid.
5.3.2 p. 736).
Le Tribunal arbitral, dont le siège a été fixé à Zurich, a statué sur sa propre
compétence et jugé la cause à la lumière du TCE, convention qui fait partie
intégrante du droit suisse et qui ne renvoie pas au droit d'un autre État pour
l'interprétation et l'application de sa clause juridictionnelle. Faute d'une
élection de droit se rapportant à ladite clause, le droit suisse constitue donc
à la fois la  lex causaeet la  lex forien l'occurrence. L'examen de la Cour de
céans se limitera donc à la question de savoir si le Tribunal arbitral a
méconnu le droit suisse - concrètement, le TCE - en admettant sa compétence.
Il sied de préciser, à cet égard, que la convention d'arbitrage résulte,  in
casu, d'un mécanisme particulier puisque son point d'ancrage se situe
directement dans un traité multilatéral conclu par des États pour la protection
des investissements, traité dont une disposition prévoit le recours à
l'arbitrage pour régler les différends relatifs aux prétendues violations de
ses clauses matérielles (appelées aussi substantielles). La pratique arbitrale
assimile pareille disposition à une offre de chacun des États contractants de
résoudre par l'arbitrage les litiges qui pourraient l'opposer aux investisseurs
(non parties au traité) des autres États contractants. La convention
d'arbitrage n'est conclue qu'au moment où l'investisseur accepte l'offre de
l'État, ce qu'il fera le plus souvent par l'acte concluant que constitue le
dépôt d'une requête d'arbitrage (Kaufmann-Kohler/Rigozzi, op. cit., n. 230 et
note de pied 148). L'art. 26 par. 4 TCE exige, il est vrai, que l'investisseur
donne son consentement par écrit. Cependant, la recourante n'allègue pas que
l'intimée ne l'aurait pas fait, ni ne se prévaut d'un éventuel vice de forme
susceptible d'invalider l'acceptation de l'offre. D'où il suit que l'existence
d'une convention d'arbitrage doit être admise, sous cette modalité atypique que
la jurisprudence a envisagé de rapprocher de la stipulation pour autrui au sens
de l'art. 112 CO (arrêts 4P.114/2006 du 7 septembre 2006 consid. 4.1 et 1P.113/
2000 du 20 septembre 2000 consid. 1c).

3.5. Ainsi que l'art. 26 par. 3 point c) TCE l'y autorisait, la recourante, à
l'instar de trois autres parties contractantes, n'a pas donné son consentement
inconditionnel pour les différends survenant au sujet de la disposition
contenue dans la dernière phrase de l'article 10 par. 1 de ce traité,
c'est-à-dire la clause parapluie. Il y a lieu d'envisager la portée de cette
manifestation de volonté unilatérale, faite en application de la clause topique
du traité multilatéral en question, afin de déterminer si les prétentions
élevées par l'intimée tombaient sous le coup de ladite clause. Si tel était le
cas, les arbitres se seraient déclarés à tort compétents pour connaître du
différend opposant les parties et le grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b
LDIP devrait être admis.

3.5.1. Comme tout traité, le TCE doit être interprété de bonne foi, suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne du
23 mai 1969 sur le droit des traités [CV; RS 0.111]; ATF 131 III 227 consid.
3.1 p. 229). Au demeurant, le principe de la bonne foi est intimement lié à la
règle de l'effet utile, même si cette dernière n'apparaît pas expressément à
l'art. 31 CV. L'interprète doit donc choisir, entre plusieurs significations
possibles, celle qui permet l'application effective de la clause dont on
recherche le sens, en évitant toutefois d'aboutir à une signification en
contradiction avec la lettre ou l'esprit du traité (arrêt 4A_736/2011 du 11
avril 2012 consid. 3.3.4).
Il n'en va pas différemment de la réserve formulée par un État, qui doit être
considérée comme faisant partie intégrante du traité (dernier arrêt cité,
consid. 3.3.1). Par «réserve», on entend une déclaration unilatérale, quel que
soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie,
accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à
modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur
application à cet État (art. 2 al. 1 let. d CV). Aux termes de l'art. 4.2.6 du
Guide de la pratique sur les réserves aux traités, dont le texte a été adopté
le 11 août 2011 par la Commission du droit international des Nations Unies (sur
l'origine et la nature de ce document, consultable sur le site internet http://
legal.un.org, cf. Alain Pellet, The ILC Guide to Practice on Reservations to
Treaties: A General Presentation by the Special Rapporteur, in European Journal
of International Law, 24/2013 p.1061 ss), une réserve doit être interprétée de
bonne foi, en tenant compte de l'intention de son auteur telle qu'elle est
reflétée en priorité par le texte de la réserve, ainsi que de l'objet et du but
du traité et des circonstances dans lesquelles la réserve a été formulée (p.
25). Le Commentaire officiel de ce guide souligne, entre autres précisions,
que, si l'on excepte éventuellement le cas des traités des droits de l'homme,
il n'y a pas lieu d'admettre qu'en règle générale, toute réserve devrait faire
l'objet d'une interprétation restrictive (p. 496 n. 13).

3.5.2. Dans la partie théorique de son mémoire principal (recours, n. 77 à
103), la recourante insiste, tout d'abord, sur le fait que le consentement à
l'arbitrage ne peut pas être admis à la légère (ATF 140 III 134 consid. 3.2 p.
139). Rappelant ensuite certaines des règles susmentionnées relatives à
l'interprétation des traités, elle y ajoute le principe  in dubio mitius,
 qu'elle met en relation avec cette jurisprudence, pour en déduire que, dans le
doute, il faut préférer l'interprétation du traité qui soit la moins onéreuse
pour la partie qui s'oblige, autrement dit l'interprétation qui réduira autant
que faire se peut la portée de l'acceptation de l'État à voir les différends
l'opposant à un investisseur soumis à l'arbitrage. La recourante, références
jurisprudentielles et doctrinales à l'appui (en particulier: Christoph H.
Schreuer, Fair and Equitable Treatment (FET) : interactions with other
standards, in Investment Protection and the Energy Charter Treaty, Coop/
Clarisse [éd.], Huntingdon: JurisNet 2008, p. 63 ss, 90), met encore l'accent
sur la nécessité de distinguer entre les demandes basées sur la clause imposant
un traitement loyal et équitable, d'une part, et celles qui reposent sur une
clause parapluie, d'autre part, cette clause-là revêtant, à ses yeux, un
caractère subsidiaire par rapport à cette clause-ci. Et de conclure en
soulignant qu'en droit international de l'investissement, un tribunal arbitral
ne peut pas s'en remettre simplement à la qualification que le demandeur donne
à son action, mais a l'obligation de rechercher la véritable nature juridique
des demandes qui lui sont soumises sur le vu des faits allégués pour les
étayer.
Appliquant ces principes au cas concret, la recourante précise, à titre
liminaire, que la clause parapluie figurant à l'art. 10 par. 1 dernière phrase
TCE, dont elle a expressément écarté l'application ainsi que le lui permettait
la réserve de l'art. 26 par. 3 point c) TCE, ne concerne pas uniquement des
obligations à caractère contractuel, mais n'importe quel engagement pris par
l'État hôte envers des investisseurs d'un autre État partie au TCE. Cette
précision apportée, elle envisage, en premier lieu, la question de savoir si
les demandes de l'intimée entrent dans la catégorie de celles qui sont
couvertes par la clause parapluie. A cet égard, elle reproche au Tribunal
arbitral de s'être reposé sur les seules déclarations de l'intimée pour en
juger. A la suivre, en effet, une analyse approfondie démontre que cette partie
cherchait à être replacée dans la même situation financière que celle qui eût
été la sienne si les CAE n'avaient pas pris fin; partant, quelle que fût
l'étiquette que l'intimée tentait d'apposer sur ses demandes, ces dernières
entraient bel et bien dans le champ d'application de la clause parapluie. En
second lieu, la recourante fait grief aux arbitres d'avoir apparemment retenu
que, si un même état de fait peut être rangé à la fois dans la catégorie des 
treaty claimset dans celle des  contract claims, il suffit que leur compétence
soit donnée à l'un ou l'autre titre. Selon l'intéressée, semblable approche, du
reste contraire au principe  in dubio mitius, prive de son sens la réserve
faite par elle à l'art. 26 par. 3 point c) TCE, méconnaissant par là même le
principe de l'effet utile, puisqu'aussi bien un investisseur pourrait se
contenter de soutenir que sa demande repose sur ce double fondement à la seule
fin de contourner la réserve émise au sujet des demandes découlant de la clause
parapluie.

3.5.3. Il convient d'examiner les arguments ainsi développés par la recourante
à la lumière des principes juridiques gouvernant l'interprétation des traités
et des réserves qu'ils contiennent, en tenant compte des objections soulevées à
leur égard dans la réponse de l'intimée (n. 59 à 124). Avant d'y procéder (cf.
consid. 3.5.4 ci-après), il se justifie, toutefois, d'émettre quelques
considérations d'ordre théorique qui permettront de mieux comprendre les
réponses apportées aux questions soulevées dans le présent recours.

3.5.3.1. On peut admettre, avec la recourante, que la clause parapluie de
l'art. 10 par. 1, dernière phrase, TCE et les engagements matériels souscrits
par les États parties au traité dans les phrases précédentes de la même
disposition, tels que celui d'accorder, à tout instant, un traitement loyal et
équitable aux investissements des investisseurs des autres parties
contractantes, ne sont pas interchangeables. L'intimée en convient elle-même
(réponse, n. 83). C'est là, du reste, une constatation qui découle de la simple
logique, sauf à dénier toute portée à la clause parapluie et, plus encore, à
l'exclusion par une partie contractante de son consentement inconditionnel à
voir les différends y relatifs soumis à la procédure d'arbitrage prévue par le
traité. Pour étayer le grief de violation du standard du traitement juste et
équitable contenu dans le traité, l'investisseur ne peut donc pas se contenter
d'établir la seule méconnaissance, par l'État hôte, de ses obligations envers
lui couvertes par la clause parapluie. Il lui faut, bien plutôt, démontrer, à
tout le moins, que la manière dont cet État a traité son investissement était
injuste et/ou inéquitable. Cela étant, il paraît néanmoins très difficile, pour
ne pas dire exclu, de faire abstraction totale du contexte historique
spécifique dans lequel l'investisseur étranger a réalisé des investissements
sur le territoire de l'État hôte ainsi que du cadre juridique propre à ces
investissements. Aussi la prise en compte de tels éléments, en particulier la
référence au contrat conclu par l'investisseur avec l'État d'accueil, ne
saurait-elle impliquer qu'une prétention fondée sur le non-respect de
l'exigence d'un traitement correct et non discriminatoire doive nécessairement
être rangée sous la clause parapluie de ce seul fait.
En outre, il ne va pas de soi, en ce qui concerne son champ d'application 
ratione personae, qu'une clause parapluie permette à un actionnaire étranger de
se prévaloir des contrats qu'une société de droit local, objet de son
investissement, a conclu avec l'État hôte ou avec une entreprise publique qui
en dépend, la jurisprudence arbitrale étant partagée à ce sujet (cf., parmi
d'autres: SOPHIE LEMAIRE, La mystérieuse Umbrella Clause [...], in Revue de
l'arbitrage, 2009, p. 479 ss, 498 à 501 et CAHIN, op. cit., p. 135 s., chacun
avec des références jurisprudentielles). Posée autrement, la question revient à
se demander si l'investisseur peut revendiquer le bénéfice d'un contrat auquel
il n'est pas partie, sur le fondement de la clause parapluie. Le premier auteur
cité y répond par l'affirmative, pour ce qui est du TCE, dès lors que l'art. 10
par. 1 in fine de ce traité se réfère aux obligations qu'un État a contractées
non seulement vis-à-vis d'un investisseur, mais également "à l'égard des
investissements" d'un investisseur d'une autre partie contractante, recouvrant
ainsi deux réalités différentes ( LEMAIRE, op. cit., p. 501 n. 51). C'est aussi
l'interprétation que privilégie le document officiel établi par le Secrétariat
de la Charte de l'Energie, d'après lequel  [t]his provision covers any contract
that a host country has concluded with a subsidiary of the foreign investor in
the host country or a contract between the host country and the parent company
of the subsidiary (The Energy Charter Treaty - A reader's guide, juin 2002, p.
26, cité par Lemaire, ibid.). Quant au champ d'application  ratione materiae de
la clause parapluie, la question - elle aussi controversée - se pose de savoir
si toutes les sources formelles d'obligations peuvent être couvertes par cette
clause, qu'elles soient contractuelles, unilatérales ou conventionnelles (cf.
Lemaire, op. cit., p. 484 ss; Cahin, op. cit., p. 119 ss;). Lemaire suggère,
non sans pertinence, d'admettre que la violation d'une norme de portée
générale, abstraite et hypothétique, édictée par l'État hôte, n'affecte pas la
clause parapluie, tandis que, si la mesure contestée revêt un caractère concret
et catégorique, elle constitue une décision à l'égard de laquelle
l'investisseur pourra réclamer la protection de ladite clause (op. cit., p. 490
n. 26).
La déclaration unilatérale faite par la recourante en application de l'art. 26
par. 3 point c) TCE est une réserve au sens juridique du terme. Comme telle,
elle doit être interprétée de bonne foi, conformément à l'intention de son
auteur, qui ressort au premier chef de son texte, ainsi que de l'objet et du
but du traité où elle figure, et compte tenu des circonstances dans lesquelles
elle a été formulée. Quoi qu'en dise l'intimée (réponse, n. 102 à 106), cette
réserve ne doit pas forcément être interprétée restrictivement (cf. consid.
3.5.1, 2e §, ci-dessus). A l'inverse, il n'est pas possible d'entériner la
démarche de la recourante qui consiste, indirectement, à élargir l'objet de la
réserve en question par le truchement d'une interprétation extensive de la
clause parapluie couplée avec la mise en oeuvre du principe  in dubio mitius.
Cela reviendrait à priver l'art. 10 par. 1 TCE (à l'exception de sa dernière
phrase) et l'art. 26 par. 3 point a) TCE de toute portée, contrairement à la
règle de l'effet utile, en ce sens que les  treaty claims seraient assimilées
aux  contract claimset soustraites, par là même, au tribunal du traité. Pour
reprendre l'image du parapluie, ce serait comme si le porteur de l'ombrelle
protectrice cherchait à attirer le plus grand nombre possible de personnes sous
celle-ci (interprétation extensive de la clause parapluie, alors que celle-ci
vise pourtant à restreindre la souveraineté juridictionnelle de l'État hôte),
puis fermerait brusquement le parapluie (invocation de la réserve) en laissant
les infortunés sans défense face aux intempéries. Du reste, la présomption  in
dubio mitius n'est plus très appliquée (Robert Kolb, Interprétation et création
du droit international, 2006, p. 659 note de pied 841), y compris pour
l'interprétation des traités de protection des investissements (Katrin
Meschede, Die Schutzwirkung von  umbrella clauses für Investor-Staat-Verträge,
2014, p. 53 ss).

3.5.3.2. En vertu d'un principe général de procédure, pour trancher la question
de la compétence, il faut se baser en premier lieu sur le contenu et le
fondement juridique de la prétention élevée par le demandeur. L'objet de la
demande est défini par celui qui la fait valoir en justice, si bien que la
partie défenderesse n'a pas le pouvoir de le modifier ni de contraindre le
demandeur à en changer le fondement. Le demandeur détermine la question qu'il
pose au juge et celui-ci statue sur la réponse à donner à cette question.
S'agissant de l'appréciation juridique des faits allégués à l'appui de la
demande, le tribunal n'est cependant pas lié par l'argumentation du demandeur (
ATF 137 III 32 consid. 2.2; arrêt 4P.18/1999 du 22 mars 1999 consid. 2c).
Par ailleurs, lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal le
sont également pour le bien-fondé de l'action - on parle, dans ce cas, de faits
doublement pertinents ou de double pertinence (  doppelrelevante Tatsachen;
arrêt 4A_703/2014 du 25 juin 2015, destiné à la publication, consid. 5.1) -,
l'administration des preuves sur de tels faits est renvoyée à la phase du
procès au cours de laquelle est examiné le bien-fondé de la prétention au fond.
Ainsi en va-t-il notamment lorsque la compétence dépend de la nature de la
prétention alléguée (même arrêt, consid. 5.2). Cependant, la théorie de la
double pertinence n'entre pas en ligne de compte lorsque la compétence d'un
tribunal arbitral est contestée, car il est exclu de contraindre une partie à
souffrir qu'un tel tribunal se prononce sur des droits et obligations litigieux
s'il n'est pas compétent pour le faire (même arrêt, consid. 5.3 et les
précédents cités).

3.5.4.

3.5.4.1.  In casu, c'est avec raison que le Tribunal arbitral s'est fondé au
premier chef sur la demande, telle que l'intimée la lui avait présentée, pour
trancher la question de sa compétence. Il n'a fait qu'obéir, de la sorte, à la
règle générale qui vient d'être rappelée. Par conséquent, la recourante tente
en vain de présenter cette demande sous un autre jour, de lui donner une
coloration différente, bref de la remodeler à sa guise afin de la faire entrer
dans les prévisions de la clause parapluie, dont la réserve formulée par elle
paralyse l'application.
Au demeurant, quoi qu'en dise l'intéressée, les arbitres ne s'en sont pas remis
aveuglément à la qualification juridique que l'intimée avait donnée à sa
demande, s'agissant d'un point de droit à l'égard duquel ils jouissaient d'un
plein pouvoir d'examen. Si l'on fait abstraction de ses conclusions en
constatation de droit (i) et (ii), la demande de l'intimée, dans son dernier
état, comportait quatre conclusions condamnatoires sur le fond, dirigées contre
la recourante, plus précisément une conclusion principale et trois conclusions
subsidiaires (sentence, n. 80). La conclusion principale (iii) visait à la
réparation du dommage résultant de la résiliation des CAE et de l'adoption du
décret n° 50/2011. Elle a été écartée par le Tribunal arbitral, motif pris de
ce que la résiliation incriminée ne constituait pas en soi une violation de
l'art. 10 al. 1 TCE (sentence, n. 535). Le même sort a été réservé à la
première conclusion subsidiaire (iv), laquelle tendait à l'indemnisation du
préjudice issu, outre de l'adoption dudit décret, de l'absence de mise en
place, par la recourante, d'un mécanisme de compensation des coûts échoués
propre à rétablir les bénéfices engendrés par les CAE. Pour les arbitres, qui
se sont rangés sur ce point à l'avis de la recourante, suivre la théorie du
dommage formulée dans cette conclusion eût été une manière d'admettre la
tentative de l'intimée de réintroduire les CAE (sentence, n. 640). En revanche,
le Tribunal arbitral a considéré que les dommages-intérêts réclamés via la
deuxième conclusion subsidiaire (v), au double titre de l'adoption du susdit
décret, d'une part, et du défaut de mise en oeuvre d'un mécanisme de
compensation des coûts échoués de nature à procurer à C.________ un retour sur
investissement raisonnable, d'autre part, n'équivalaient pas à créer un CAE
artificiel (  a synthetic PPA ), raison pour laquelle il est entré en matière
sur cette conclusion-là (sentence, n. 641). Quant à la troisième conclusion
subsidiaire (vi), fondée exclusivement sur le préjudice lié à l'adoption du
décret n° 50/2011, les arbitres ne s'y sont pas arrêtés parce qu'elle faisait
double emploi, selon eux, avec une partie de la conclusion précédente
(sentence, n. 570).
Selon la recourante, ces explications n'auraient pas trait à la compétence du
Tribunal arbitral, mais au calcul du dommage (réplique, n. 18). Rien n'est
moins sûr. Il en appert, au contraire, qu'elles s'inscrivent dans une démarche
visant à distinguer les conclusions de la demande en fonction de leur nature
juridique respective, et non à établir le quantum du préjudice, sans
qu'importe, à cet égard, le fait qu'elles n'apparaissent pas dans le chapitre
traitant spécifiquement de la compétence. En effectuant une telle démarche, les
arbitres ne se sont donc pas reposés sur les seules allégations de l'intimée,
comme si la théorie des faits de double pertinence eût été applicable. Ils ont,
bien plutôt, cherché à découvrir à quoi correspondaient, juridiquement parlant,
les faits avancés par cette partie pour étayer ses prétentions, faits dont
l'existence en tant que telle n'était au demeurant pas litigieuse.

3.5.4.2. En l'occurrence, l'intimée, comme elle le relève à juste titre, n'a
jamais prétendu que D.________ aurait violé ses obligations contractuelles
envers C.________ en résiliant prématurément les CAE. Elle aurait difficilement
pu soutenir un tel point de vue, d'ailleurs, dès lors que cette résiliation
avait été imposée à D.________, via la recourante, par une décision de la CE à
laquelle il ne lui était pas possible de se soustraire. L'intimée n'a pas non
plus fait valoir que l'une ou l'autre des clauses des CAE aurait été méconnue
par D.________. Il sied d'observer, par ailleurs, encore que la chose ne
devrait pas forcément constituer une objection dirimante à la mise en oeuvre de
la clause parapluie (cf. consid. 3.5.3.1, 2e §, ci-dessus), que ni
l'investisseur, i.e. l'intimée, ni l'État hôte, à savoir la recourante,
n'étaient parties aux CAE. Ces derniers, qui plus est, avaient été conclus
avant l'arrivée de l'investisseur. Aussi, vouloir ranger à tout prix dans la
catégorie des  contract claims la prétention élevée par l'intimée au moyen de
sa conclusion (v) - la seule à avoir été accueillie par le Tribunal arbitral -
est une démarche qui ne tient pas compte des circonstances du cas concret.
Le Tribunal arbitral a bien vu que ce qui était reproché à la recourante, à
l'appui de ladite conclusion, c'était de ne pas avoir mis en place un système
d'indemnisation raisonnable des coûts échoués de C.________, qui eût offert à
cette filiale de l'intimée une compensation adéquate de tels coûts, alors que
semblable compensation était non seulement permise par le droit de l'UE, mais
encore encouragée par les conseillers étrangers de la recourante et la CE
notamment (sentence, n. 467). On ne peut que l'approuver d'avoir considéré que
pareil reproche s'inscrivait dans le cadre des devoirs généraux, faits à l'État
d'accueil par les premières phrases de l'art. 10 par. 1 TCE, d'accorder un
traitement loyal et équitable aux investissements des investisseurs des autres
parties contractantes et de ne point en entraver la jouissance ou le maintien
par des mesures déraisonnables ou discriminatoires. Il n'était ainsi nullement
contraire à cette norme conventionnelle de qualifier la demande liée à ce
reproche de  treaty claimet d'admettre, partant, qu'elle était exorbitante de
la réserve affectant la clause parapluie.

3.5.4.3. Si l'on comprend bien la recourante, le seul fait qu'il y ait pu y
avoir un lien entre les attentes légitimes de l'intimée quant à la protection
de ses investissements, d'une part, et l'existence ou le maintien des CAE,
d'autre part, suffirait à faire des demandes fondées sur le prétendu
non-respect des promesses génératrices de telles attentes des  contract claims.
Semblable thèse ne convainc pas. Poussée dans ses extrémités, elle reviendrait
à interdire à un investisseur de dénoncer une violation du standard du
traitement juste et équitable contenu dans le traité au seul motif qu'il a
investi des fonds dans l'État d'accueil en vue de bénéficier des conditions
avantageuses auxquelles une société contrôlée par cet État achetait l'énergie
produite par le fournisseur objet de son investissement. Interprété de la
sorte, l'art. 10 par. 1 TEC, qui impose le respect de ce standard, serait privé
d'effet utile. Du reste et sur un plan plus général, on ne voit pas qu'il soit
possible de faire abstraction totale du contexte factuel et du cadre juridique
dans lesquels les investissements ont été opérés lorsqu'il s'agit de vérifier
que l'auteur de ceux-ci a été traité par la suite de manière juste, équitable
et non discriminatoire. Ce serait oublier que le fait même d'investir est déjà
en soi un acte appréhendé par le droit.
Les remarques précédentes peuvent être opposées également,  mutatis mutandis, à
l'argument de la recourante selon lequel la clause parapluie ne serait pas
limitée aux seuls engagements contractuels pris par l'État hôte, mais viserait
encore d'autres sources formelles d'obligations, tels des actes gouvernementaux
à caractère unilatéral (cf., sur ce point, le consid. 3.5.3.1, 2e § in fine,
ci-dessus).

3.5.4.4. Enfin, pour les raisons déjà exposées plus haut (consid. 3.5.3.1, 3e
§), les principes généraux en matière d'interprétation des traités et des
réserves y figurant ne sont d'aucun secours à la recourante.

3.5.5. Il suit de là que le Tribunal arbitral s'est déclaré à bon droit
compétent pour se prononcer sur la conclusion (v) que l'intimée lui avait
soumise. Partant, le grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux.

4. 
Dans un deuxième groupe de moyens, la recourante reproche au Tribunal arbitral
d'avoir violé son droit d'être entendue en procédant au calcul du dommage subi
par l'intimée.

4.1. 

4.1.1. Tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP,
le droit d'être entendu en procédure contradictoire n'a en principe pas un
contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576
consid. 2c; 119 II 386 consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a
été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie a le droit de
s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son
argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits
pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576
consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c p. 643). Quant au principe de la
contradiction, il garantit à chaque partie la faculté de se déterminer sur les
moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preuves rapportées par
lui et de les réfuter par ses propres preuves avant qu'une décision ne soit
prise en sa défaveur. Enfin, le principe de l'égalité entre les parties, au
sens des deux dispositions précitées, exige du tribunal arbitral qu'il traite
les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure (ATF 133
III 139 consid. 6.1 p. 144 et les références).

4.1.2. Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, sanctionné par
l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale
internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il
impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les
problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités).
Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal
arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et
offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision
à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment
importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie
intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations
sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux
affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour
résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés
implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas
l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte
qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être
entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement,
un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2
et les arrêts cités).

4.1.3. Etant donné la nature formelle du droit d'être entendu, la violation de
cette garantie entraîne l'annulation de la sentence attaquée (ATF 133 III 235
consid. 5.3 p. 250 in fine).

4.2. S'agissant de déterminer le montant du préjudice formant l'objet de la
conclusion (v) de la demande, le Tribunal arbitral a pris pour base le calcul,
fait par un expert que l'intimée avait mandaté à cette fin (la société
E.________), de la différence entre la situation hypothétique qui aurait été
celle de l'investissement si les faits reprochés à la recourante ne s'étaient
pas produits (  But For Scenario ou  Counterfactual Scenario ), d'une part, et
la situation effective de l'investissement (  Actual Scenario ), d'autre part.
Il en est résulté un montant de 107 millions d'euros qui a été alloué à
l'intimée à titre de dommages-intérêts (sentence, n. 634 à 681). La
compréhension des griefs formulés par la recourante relativement à ce calcul ne
nécessite pas que l'on détaille celui-ci (sur ce point, cf. recours, n. 139 à
154).

4.3. 

4.3.1. Dans la première branche du moyen considéré, la recourante reproche au
Tribunal arbitral d'avoir méconnu son droit d'accéder aux moyens de son
adversaire afin de les critiquer et de les réfuter (recours, n. 182 à 186). Il
y aurait là une violation de son droit d'être entendue, qui pourrait aussi
constituer une violation de l'égalité entre les parties. A cet égard,
l'intéressée expose que le rapport E.________, pris pour base de calcul par les
arbitres, reposait sur un modèle de prévisions élaboré par un tiers - la
société F.________ (ci-après: F.________) -, à la demande de l'intimée, modèle
auquel elle-même n'avait pas eu accès malgré ses protestations réitérées et les
démarches entreprises en vue d'obtenir la production des documents y relatifs.

4.3.2. Sans être véritablement contredite par la recourante sur ce point,
l'intimée explique que F.________, contrairement à E.________, n'intervient pas
en tant qu'expert chargé d'évaluer des dommages dans le cadre d'une procédure
contentieuse, mais ne fait que fournir à ses clients des projections, touchant
notamment le prix de l'électricité, qu'elle a établies à partir d'informations
collectées au fil des ans, sans leur dévoiler les données sous-jacentes qui
constituent son savoir-faire et son fonds de commerce. F.________ serait donc
un indicateur de tendances auquel il est communément fait référence pour
déterminer l'évolution prévisionnelle du marché de l'électricité. Et l'intimée
de préciser qu'elle a révélé, dans le cadre de la procédure arbitrale,
l'ensemble des échanges qu'elle a eus avec cette société-là, si bien que les
deux parties à ladite procédure ont eux accès au même niveau d'information en
la matière (réponse, n. 132 à 135).
Au regard de ces explications qui paraissent à tout le moins plausibles et ne
sont du reste pas formellement contestées, l'atteinte à l'égalité des parties,
que la recourante déduit uniquement du niveau différent d'information entre ces
dernières relativement aux données de base élaborées par F.________ (recours,
n. 187), ne se vérifie pas en l'espèce.
Sous l'angle du droit d'être entendu, on peut déjà se demander si la recourante
a vraiment fait tout son possible pour mettre en doute la fiabilité des données
fournies par F.________. En effet, comme le souligne l'intimée, la partie
défenderesse aurait pu injecter dans le modèle E.________ ses propres
prévisions du prix de l'électricité pour le marché européen, procéder elle-même
à des simulations de marché afin de les comparer avec celles de F.________ ou
encore proposer son calcul à elle des dommages-intérêts auxquels l'intimée
disait avoir droit. On ajoutera qu'en dernière extrémité, la recourante aurait
pu invoquer l'art. 184 al. 2 LDIP et requérir le concours du juge étatique du
siège de l'arbitrage pour tenter d'obtenir, au besoin via une commission
rogatoire, que F.________ révélât les sources à partir desquelles elle avait
élaboré ses prévisions et la manière dont elle l'avait fait (cf. arrêt 4P.221/
1996 du 25 juillet 1996 consid. 3d; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, op. cit., n. 88;
Berger/Kellerhals, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3e
éd. 2015, n. 1368). Dans ce contexte, la métaphore utilisée par la recourante
(réplique, n. 55), n'est pas de mise. Au lieu de se demander, aujourd'hui,
comment il lui eût été possible, ne voyant que la pointe de l'iceberg,
d'apporter la contre-preuve de l'existence de celui-ci, elle eût mieux fait de
tout mettre en oeuvre, alors, pour s'assurer que la partie visible de l'iceberg
ne cachât pas une partie immergée beaucoup plus importante. Dans ces
conditions, venir se plaindre ex post de l'impossibilité d'accéder à un moyen
de preuve, sans que tout le nécessaire ait été fait pour sa mise en oeuvre,
n'apparaît guère compatible avec les règles de la bonne foi.
Du reste, le Tribunal arbitral a tenu compte des arguments avancés par la
recourante au sujet des prévisions établies par F.________. Il leur a consacré
deux paragraphes de sa sentence, en admettant qu'ils justifiaient de sa part de
n'attacher qu'une force probante réduite à cet élément de preuve (n. 674 et
675). Telle est d'ailleurs la sanction prévue en droit de procédure civile
suisse, par exemple, dans les cas de ce genre. L'art. 164 CPC (RS 272) dispose,
en effet, que, si une partie refuse de collaborer sans motif valable, le
tribunal en tient compte lors de l'appréciation des preuves. Il n'en va pas
autrement en matière d'arbitrage international. Ainsi, il a été posé, de longue
date, dans un contexte comparable, que les conséquences de fait qu'un arbitre
doit tirer des déclarations et du comportement d'une partie ou d'un témoin,
voire du silence ou de l'absence de celui-ci, relèvent de l'appréciation des
preuves (dernier arrêt cité, consid. 3c). C'est le lieu de rappeler, à ce
propos, que le Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière
civile visant une sentence arbitrale internationale, ne revoit pas
l'appréciation des preuves, fût-elle arbitraire. De même, l'application des
règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à son examen (arrêt 4A_606/
2013 du 2 septembre 2014 consid. 5.3, 3e §, et le précédent cité).
Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu se révèle ainsi infondé,
si tant est qu'il soit recevable.

4.4.

4.4.1. Dans la seconde branche du même moyen, la recourante, se disant victime
d'un déni de justice formel, fait grief au Tribunal arbitral de n'avoir pas
traité un argument important avancé par elle au sujet de la valeur actuelle
escomptée du cash-flow après la date de valorisation (  PV [  Present Value ] 
of cash flow after valuation date ). Si l'on résume son argumentation sur ce
point (cf. recours, n. 165 à 172 et 190 à 196), elle reproche aux arbitres
d'avoir purement et simplement repris le même chiffre que E.________ pour fixer
le montant de ce poste dans le scénario effectif, à savoir 63 millions d'euros,
alors qu'elle avait réduit le montant du même poste de 176 à 146 millions
d'euros dans le scénario hypothétique (cf. la ligne [1] du tableau reproduit
sous n. 680 de la sentence). Selon elle, la même raison qui les avait poussés à
admettre que le chiffre retenu par E.________ dans ce dernier scénario, pour le
poste en question, était surestimé - i.e. les incertitudes quant à la fiabilité
des données de F.________, vu le manque d'accès à celles-ci - aurait dû les
conduire également à considérer que les cash-flows futurs de la société
C.________ dans le scénario effectif était largement sous-estimés.

4.4.2. Dans la note de pied 1203, à laquelle renvoie le n. 672 de sa sentence,
le Tribunal arbitral a indiqué pourquoi il n'a pas jugé nécessaire de revoir le
montant de 63 millions d'euros avancé par E.________ pour le scénario effectif.
Il s'agit là d'un motif qui suffit à justifier la prise en considération de ce
montant et, a contrario, l'exclusion implicite des arguments par lesquels la
recourante aurait voulu qu'il fût réévalué. Il n'importe que cette dernière
qualifie la note en question de "sibylline", d'autant moins que le droit d'être
entendu n'exige pas qu'une sentence en matière d'arbitrage international soit
motivée (arrêt 4A_178/2014 du 11 juin 2014 consid. 5.1 et les précédents
cités). Pour le surplus, les arguments qu'elle avance sous n. 62 à 66 de sa
réplique n'y changent rien.
En réalité et bien qu'elle s'en défende, la recourante, sous le couvert du
moyen fondé sur l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, cherche, ici aussi, à remettre en
cause le résultat de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livré le
Tribunal arbitral, ce qui n'est pas admissible.
Par conséquent, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu apparaît
infondé, sinon irrecevable, dans sa seconde branche également.

5. 
Dans un ultime moyen, la recourante soutient que la sentence attaquée viole
l'ordre public matériel, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.

5.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les
valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions
prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique
(ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public procédural et un
ordre public matériel.
Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des
principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable
avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces
principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles
de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures
discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes
civilement incapables (même arrêt, consid. 2.2.1).

5.2. Selon la recourante, le Tribunal arbitral, en la condamnant à payer à
l'intimée la somme de 107 millions d'euros, augmentée des intérêts courant dès
le prononcé de sa sentence, sans prendre en considération les critères
qualitatifs et les contraintes procédurales découlant du droit européen en la
matière, la forcerait à violer ses obligations internationales, en particulier
le Traité sur le fonctionnement de l'UE (ci-après: TFUE), et, partant, le
principe  pacta sunt servanda dans son acception de droit international public.
Pareil résultat ne serait pas compatible avec l'ordre public matériel visé à
l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.

5.3.

5.3.1. A grand renfort de citations extraites de la doctrine et de la
jurisprudence relatives au droit international public, la recourante s'emploie,
tout d'abord, à démontrer que la violation du principe  pacta sunt servanda, au
sens de ce droit-là, rendrait la sentence qui en est affectée contraire à
l'ordre public matériel, dont la disposition précitée sanctionne la violation.
Que semblable démonstration ait été faite n'est déjà pas certain. Sans doute la
primauté du droit international sur le droit interne est-elle un principe
généralement admis, y compris par la Suisse (cf. art. 5 al. 4 Cst.; RS 101). Il
ne s'ensuit pas pour autant qu'il faille nécessairement taxer d'incompatible
avec la définition restrictive de l'ordre public matériel rappelée plus haut
une sentence imposant à une partie l'obligation de dédommager de façon
équitable la partie adverse, quand bien même cette injonction contredirait une
norme tirée du droit supranational (cf. ATF 132 III 389 consid. 3). Quoi qu'il
en soit, point n'est besoin d'examiner plus avant la question théorique
soulevée par la recourante pour les raisons indiquées ci-après.

5.3.2. Le Tribunal arbitral, après avoir soigneusement analysé la question sur
la base des arguments avancés de part et d'autre, a jugé qu'il pouvait faire
droit à la conclusion (v) de l'intimée sans porter atteinte au droit européen,
étant donné, d'une part, qu'il n'y avait pas de contradiction à cet égard entre
le TCE et le TFUE et, d'autre part, que l'indemnité allouée à la partie
demanderesse était inférieure au montant maximum des coûts échoués éligibles,
tel qu'il avait été fixé par la CE. Il s'en est expliqué clairement dans sa
sentence (n. 523, 538 à 547 et 681).

5.3.2.1. La recourante lui reproche de ne pas avoir pris en considération des
critères qualitatifs pour juger de l'admissibilité de l'indemnisation
litigieuse au regard du droit européen. Elle se réfère, à ce propos, à un
document intitulé "Communication de la Commission relative à la méthodologie
d'analyse des aides d'État liées à des coûts échoués", qu'elle avait produit
sous pièce R-331 dans la procédure arbitrale. A la suivre, il découlerait de ce
document que les indemnisations pour de tels coûts sont assimilées à des aides
d'État et soumises, à ce titre, à des conditions.
Les arbitres n'auraient pas non plus tenu compte des contraintes procédurales
applicables aux aides d'État en droit européen et, singulièrement, de l'art.
108 al. 3 TFUE en vertu duquel tout paiement visant à réparer des coûts échoués
doit impérativement être soumis à l'examen préalable de la CE. Pourtant, leur
attention aurait été attirée sur cette question dans un passage du premier
mémoire après enquêtes de l'intéressée (n. 199).
Du reste, poursuit la recourante, le Tribunal arbitral n'avait pas jugé
nécessaire d'apporter des précisions au sujet des exigences précitées, en dépit
de la requête en interprétation qu'elle lui avait soumise.

5.3.2.2. Peut être laissée ouverte la question de savoir si, par le seul dépôt
d'un document parmi les quelque 500 pièces qu'elle a versées au dossier de
l'arbitrage, et par les quelques lignes qu'elle a consacrées aux prétendues
contraintes procédurales, la recourante a suffisamment attiré l'attention des
arbitres sur la problématique qu'elle soulève dans son recours.
Toujours est-il que ce qu'elle reproche, en réalité, au Tribunal arbitral,
c'est de ne pas avoir pris en considération les arguments soulevés par elle
quant aux critères qualitatifs et aux contraintes procédurales applicables aux
aides d'État en droit européen. Ce qu'elle dénonce, sous le couvert du grief de
violation de l'ordre public matériel, c'est, en fait, une violation de son
droit d'être entendue. Force est pourtant de constater qu'elle n'invoque pas le
grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. d LDIP dans ce cadre-là. Par conséquent,
la Cour de céans ne peut pas entrer en matière, vu l'art. 77 al. 3 LTF.
Pour le surplus, la recourante ne démontre pas que, abstraction faite des deux
arguments que le Tribunal arbitral n'a pas pris en considération, en violation
ou non de son droit d'être entendue, les motifs qu'il a retenus pour justifier
l'indemnisation de l'intimée, ordonnée par lui, rendraient à eux seuls la
sentence attaquée incompatible avec l'ordre public matériel.
Au demeurant et en tout état de cause, il ne ressort pas de la confrontation
des arguments respectifs avancés par les parties dans le recours et la réponse
que la prise en compte des critères qualitatifs et des contraintes procédurales
préconisée par la recourante conduirait à coup sûr à la mise au jour d'une
violation du droit européen imputable au Tribunal arbitral et, suivant la
réponse à apporter à la question théorique évoquée plus haut mais laissée
indécise, à la constatation de l'incompatibilité de la sentence avec l'ordre
public matériel. A cet égard, la tentative de la recourante de compléter ses
explications dans sa réplique est d'emblée vouée à l'échec, tout comme le dépôt
d'une pièce probante portant une date postérieure à celle du prononcé de la
sentence entreprise.

6. 
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser à l'intimée une indemnité pour ses dépens (art.
68 al. 1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 100'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 200'000 fr. à titre de
dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
permanente d'arbitrage.

Lausanne, le 6 octobre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

Le Greffier: Carruzzo

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