Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.349/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_349/2015

Arrêt du 5 janvier 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

1.       Stéphane Jordan,
2.       Banque B.________,
       représentée par Me Stéphane Jordan, avocat,
3.       C.________,
       représenté par Me Jacques Fournier, avocat,
4.       D.________,
       représenté par Me Audrey Wilson, avocate,
5.       E.________,
       représenté par Me Frédéric Pitteloud, avocat,
intimés.

Objet
capacité de postuler de l'avocat,

recours en matière civile contre la décision rendue le
1er juin 2015 par la Chambre civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Faits :

A.

A.a. La masse en faillite de la société F.________ SA a recherché en justice
l'un des ex-administrateurs dénommé A.________. Celui-ci a été condamné par le
Juge du district de Sion le 6 septembre 2011 au paiement de 503'030 fr. plus
intérêts; se fondant sur l'art. 754 al. 1 CO, le magistrat lui a reproché
d'avoir violé ses devoirs d'administrateur en tardant à déposer le bilan de la
société et d'avoir ainsi causé à celle-ci un préjudice de 503'030 francs. Cette
décision a été confirmée par le Tribunal cantonal valaisan le 8 janvier 2013,
puis par le Tribunal fédéral le 7 août 2013 (4A_84/2013).

A.b. Par citation en conciliation du 19 août 2013, puis demande du 4 octobre
2013, A.________ a intenté l'action récursoire de l'art. 759 al. 3 CO contre la
Banque B.________ (ci-après: la banque), C.________, D.________ et E.________.
Cette action, déposée devant le Tribunal du district de Sion, tend au paiement
de 503'030 fr. plus intérêts. Le demandeur a renoncé à actionner
l'ex-administrateur G.________, qui est son beau-père, ainsi que l'hoirie de
l'ex-administrateur H.________.
Tous les défendeurs ont conclu au rejet de la demande. La banque est
représentée par l'avocat Stéphane Jordan.

B.

B.a. A.________ a soulevé le 7 janvier 2015 une "exception de procédure" visant
à faire révoquer le mandat de l'avocat Stéphane Jordan en raison de conflits
d'intérêts. Il reprochait à l'avocat de la banque de défendre également
l'hoirie de l'ex-administrateur H.________ dans le cadre de la faillite de
F.________ SA, concernant la production d'une créance qui n'aurait pas dû être
acceptée à l'état de collocation; le demandeur faisait observer que l'avocat
était aussi le défenseur de Me K.________, membre de l'administration spéciale
de la masse en faillite de la société précitée; enfin, le demandeur relevait
qu'un associé de l'avocat avait assisté le défendeur C.________ lorsqu'il
s'était agi de produire une créance dans la faillite de la société.

B.b. Statuant le 5 février 2015, le Juge II du district de Sion a rejeté la
contestation relative à la capacité de postuler de l'avocat Stéphane Jordan. Le
magistrat a considéré qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêts autre que
purement théorique dans le fait d'assumer la défense de la banque et de
l'hoirie H.________; dans le cadre d'une action récursoire fondée sur l'art.
759 CO, il importait peu que la créance d'un ancien administrateur ait été
admise ou non à l'état de collocation; ce n'était qu'à l'occasion d'une
hypothétique action récursoire contre l'hoirie H.________ que la question d'un
conflit d'intérêts pourrait se poser. Pour le même motif, il importait peu
qu'un associé de l'avocat ait assumé la défense de C.________ dans le cadre de
la production d'une créance dans la faillite. En l'état, les positions
procédurales de la banque et du codéfendeur C.________ étaient les mêmes, à
savoir le rejet de l'action récursoire; il n'y avait pas de risque concret de
conflit d'intérêts. Quant à la prétendue collusion entre Me Jordan et Me
K.________, membre de l'administration de la faillite, elle n'était
concrètement soutenue par aucun élément autre que la conviction du demandeur;
au demeurant, quand bien même l'administrateur de la faillite aurait favorisé
indûment l'hoirie H.________, l'on ne voyait pas ce qui pourrait faire surgir
un quelconque conflit d'intérêts avec la défense de la banque dans le cadre de
l'action récursoire intentée par l'ex-administrateur A.________.
Le 1 ^er juin 2015, la Chambre civile du Tribunal cantonal valaisan a rejeté,
dans la mesure où il était recevable, le recours stricto sensu déposé par
A.________. La Chambre a précisé que le recourant devait justifier d'un risque
de préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC), et partant
d'un intérêt direct à ce que l'avocat n'exerce pas son mandat. Or, à la lecture
des arguments du recourant, la Chambre ne discernait pas quel préjudice
menaçait le recourant du fait que l'avocat contesté défende la banque et
l'hoirie de l'ex-administrateur H.________; un tel risque de préjudice ne
ressortait pas non plus d'emblée des actes de la cause. La même remarque
prévalait quant à l'éventuel mandat que l'associé de l'avocat aurait assumé
pour le compte du codéfendeur C.________. Au demeurant, le recourant
méconnaissait l'évolution de la jurisprudence, qui ne se contentait plus d'un
risque de conflit d'intérêts purement abstrait et exigeait désormais un risque
concret, dont le recourant ne démontrait pas l'existence à ce stade. Pour le
surplus, le recourant ne critiquait pas l'appréciation du premier juge selon
laquelle l'éventuelle défense de K.________, membre de l'administration de la
faillite, n'était pas de nature à dénier la capacité de postuler de l'avocat
Jordan; la Chambre pouvait dès lors s'épargner d'examiner cette question.

C. 
Le demandeur saisit le Tribunal fédéral d'un "recours en matière de droit
public" tendant à la révocation du mandat de l'avocat Stéphane Jordan.
L'avocat précité, en son nom et au nom de la banque défenderesse, a déposé une
réponse concluant à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
Le défendeur C.________ a déclaré s'en remettre à justice. Les défendeurs
D.________ et E.________ ont conclu à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet.
L'autorité précédente s'est référée à sa décision.

Considérant en droit :

1.

1.1. Le refus de constater l'incapacité de postuler et d'interdire à un avocat
de représenter un client en raison d'un prétendu conflit d'intérêts est une
décision incidente au sens de l'art. 93 LTF (arrêts 5A_47/2014 du 27 mai 2014
consid. 3 et 4.1; 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.2). La voie de
droit est déterminée par la matière dont relève le litige principal (arrêts
1B_434/2010 du 14 novembre 2011 consid. 3, in Praxis 2012 392; 5A_574/2008 du 5
novembre 2008 consid. 1.2).
En l'espèce, le litige au fond est une action récursoire intentée par un
ex-administrateur en vertu de l'art. 759 CO; il ressortit ainsi à la matière
civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. La valeur litigieuse dépasse largement
le seuil de 30'000 fr. requis par l'art. 74 al. 1 let. b LTF pour les affaires
pécuniaires.
Le recourant qualifie improprement son mémoire de "recours en matière de droit
public". L'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant
que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté
soient réunies (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382).

1.2. La décision incidente au sens de l'art. 93 LTF est susceptible d'un
recours immédiat dans deux cas de figure. En l'occurrence, seule l'hypothèse de
l'art. 93 al. 1 let. a LTF entre en considération; cette disposition requiert
que la décision soit susceptible de causer un préjudice irréparable. L'on vise
ici un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé
ultérieurement par une décision finale qui serait favorable au recourant; un
dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un préjudice
irréparable. Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel
préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 III 80 consid.
1.2).

1.3. L'art. 12 de la loi sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61)
impose notamment à l'avocat d'exercer sa profession avec soin et diligence
(let. a), en toute indépendance (let. b) et d'éviter tout conflit entre les
intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation
sur le plan professionnel ou privé (let. c). Celui qui, en violation de ces
obligations, accepte ou poursuit la défense d'intérêts contradictoires doit se
voir dénier par l'autorité la capacité de postuler. L'interdiction de plaider
est, en effet, la conséquence logique du constat de l'existence d'un tel
conflit (ATF 138 II 162 consid. 2.5.1).
L'art. 12 let. a à c LLCA vise en premier lieu à protéger les intérêts des
clients de l'avocat, en leur garantissant une défense exempte de conflit
d'intérêts. Il tend également à garantir la bonne marche du procès, notamment
en évitant qu'un avocat qui assiste plusieurs parties ne soit restreint dans sa
capacité de défendre celles-ci, respectivement en évitant qu'un mandataire
puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse, acquises lors d'un
mandat antérieur, au détriment de celle-ci (arrêt 1B_376/2013 du 18 novembre
2013 consid. 3). Le refus d'interdire à un avocat de défendre plusieurs
coprévenus visés par une procédure pénale ne cause en principe aucun préjudice
de nature juridique à la partie plaignante; l'on peut à la rigueur reconnaître
à celle-ci un intérêt indirect à ce que les prévenus soient entravés dans la
coordination de leur défense, ce qui ne satisfait pas à l'exigence de l'art. 93
al. 1 let. a LTF (arrêt précité 1B_420/2011 consid. 1.2.2).
FRANÇOIS BOHNET approuve cette jurisprudence, soulignant qu'il n'y a en
principe pas de risque de dommage irréparable lorsque le recourant fait valoir
que l'avocat de la partie adverse se trouve dans un conflit d'intérêts avec ses
propres clients. L'auteur ajoute toutefois ce qui suit:  " (...) un risque de
préjudice irréparable d[oi]t cependant être reten[u] à notre sens lorsque le
conflit d'intérêts pourrait avoir une incidence sur le lien d'instance, par
exemple en matière civile, quand l'existence d'un mandataire commun rend
illusoire la possibilité d'échanger de manière confidentielle avec une partie
adverse, dont les intérêts ne rejoignent pas toujours ceux d'une autre, et
ainsi de trouver une solution transigée avec elle. Tel est en particulier le
cas en matière de solidarité parfaite ou imparfaite (...). Il faut aussi le
retenir quand une société et l'un de ses organes sont attaqués parallèlement au
civil et au pénal: l'existence d'un mandataire commun peut bloquer toute issue
au civil, faute pour l'avocat de pouvoir utilement conseiller à la société de
transiger et de se retourner contre ledit organe" (BOHNET, Conflits d'intérêts
de l'avocat et qualité pour recourir du client et de son adversaire: derniers
développements, RSJ 2014 p. 237).

1.4.

1.4.1. Le recourant ne reproche pas à l'autorité précédente d'avoir enfreint
l'art. 319 CPC et d'avoir indûment refusé de reconnaître l'existence même de
son droit de recours au niveau cantonal; l'autorité précédente a du reste
rejeté le recours dans la mesure où il était recevable, expliquant pour quels
motifs le grief de violation de l'art. 12 let. c LLCA devait de toute façon
être rejeté. Du moment que la reconnaissance même du droit de recours cantonal
n'est pas en cause, le recourant n'est pas dispensé de justifier d'un risque de
préjudice irréparable (cf. arrêt précité 1B_376/2013 consid. 2).
Pour apporter la démonstration d'un tel préjudice, le recourant se réfère à la
contribution précitée de FRANÇOIS BOHNET et plaide que l'avocat a assisté
K.________, qui est l'administrateur de la faillite, dans diverses procédures
ayant opposé cette personne au recourant; dans ces conditions, l'avocat "perdra
de vue les intérêts de son client, en particulier celui de trouver un
arrangement à l'amiable lors des débats d'instruction".

1.4.2. D'après la décision attaquée, le recourant a renoncé, au stade du
recours cantonal déjà, à contester l'analyse du premier juge selon laquelle
d'éventuels mandats au profit de l'administrateur de la faillite K.________ ne
seraient pas de nature à mettre en cause la capacité de postuler de l'avocat
Jordan. Devant l'autorité de céans, le recourant dénonce une violation de
l'art. 12 let. c LLCA en invoquant les mandats assumés au profit de la banque,
de l'hoirie H.________ et de C.________. Le recourant ne peut logiquement pas,
sur la seule question des conditions d'exercice du recours, tirer argument de
mandats assumés au profit d'un quatrième client.
Au demeurant, sans plus autres renseignements, l'on ne discerne pas quel
préjudice irréparable pourrait menacer le recourant du fait que l'avocat de la
banque actionnée en vertu de l'art. 759 CO aurait aussi assumé des mandats au
profit d'un des administrateurs de la faillite, dans des procédures divisant
cette personne avec le recourant. En particulier, l'on ne voit pas - et le
recourant ne dit mot à ce sujet - en quoi l'éventuelle défense de K.________
pourrait amener l'avocat à empêcher tout compromis dans le cadre de l'action
récursoire divisant le recourant et la banque, respectivement le recourant et
C.________; une telle conclusion ne saurait découler du seul fait que l'avocat
a (cas échéant) assumé des mandats pour un adversaire du recourant, par
ailleurs membre de l'administration de la faillite qui a fait condamner le
recourant à réparer le préjudice causé à la société faillie.

1.5. Le recourant objecte encore qu'en vertu de l'art. 60 CPC, le juge doit
contrôler d'office la réalisation des conditions de recevabilité de la demande,
et donc la capacité de postuler de l'avocat. La cour cantonale aurait violé
cette disposition. Il serait choquant, voire arbitraire que l'avocat puisse
poursuivre son mandat alors qu'il enfreint l'art. 12 let. c LLCA, et qu'il
aurait dû se démettre de son mandat si l'un de ses trois clients l'avait
requis.
Ce faisant, le recourant insinue que l'autorité de recours peut et doit
sanctionner d'office une incapacité de postuler y compris lorsque le recourant
ne justifie pas d'un risque de préjudice difficilement réparable au sens de
l'art. 319 CPC.
De même que l'application du droit d'office par le juge (art. 57 CPC) ne
supprime pas l'obligation de motiver un appel ou un recours (art. 311 al. 1 et
art. 321 al. 1 CPC; arrêt 4A_463/2014 du 23 janvier 2015 consid. 1, in Praxis
2015 683), de même le contrôle d'office des conditions de recevabilité de la
demande (art 60 CPC) ne saurait servir à contourner les exigences légales
concernant le recours contre des décisions incidentes, soit en particulier
celle du préjudice difficilement réparable. L'argument est inopérant.

2. 
Le recourant reproche encore à l'autorité précédente d'avoir accordé des dépens
à l'avocat en tant que mandataire de la banque, alors qu'il agissait en tant
que partie et n'avait pas le droit d'obtenir des dépens.
Le prononcé accessoire sur les frais et dépens contenu dans une décision
incidente n'est pas susceptible de causer un préjudice irréparable (ATF 135 III
329 consid. 1.2.2). Le recourant ne dit du reste pas le contraire. Le grief ne
peut qu'être écarté.

3. 
En définitive, le recours est irrecevable. En conséquence, le recourant
supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il versera
en outre une indemnité de dépens à la banque intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
L'avocat contesté a déposé une réponse en son nom et au nom de la banque.
Celle-ci a été invitée à se déterminer et a encouru des frais de défense à ce
titre, de sorte qu'elle a droit à des dépens, quand bien même l'avocat a
lui-même qualité de partie sur l'incident ayant trait à sa capacité de
postuler, et a aussi un intérêt à l'issue de cet incident. Le recourant versera
aussi une indemnité de dépens aux deux autres intimés (D.________ et
E.________) qui ont déposé des déterminations; aucune indemnité n'est en
revanche due à C.________ dès lors qu'il s'en est remis à justice.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est irrecevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 
Le recourant versera à titre de dépens des indemnités de respectivement 2'000
fr. à l'intimée Banque B.________, 2'000 fr. à l'intimé D.________ et 2'000 fr.
à l'intimé E.________.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 5 janvier 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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