Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.24/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_24/2015

Arrêt du 28 septembre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Thierry Sticher,
recourant,

contre

Poste Immobilier Management et Services SA, (anciennement InfraPost SA),
représentée par Me Valentine Gétaz Kunz,
intimée.

Objet
convention collective de travail; contribution de solidarité,

recours contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2014
par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A. 
La Poste Suisse, d'une part, et le Syndicat de la Communication et Transfair,
Syndicat chrétien du personnel des services publics et du tertiaire, d'autre
part, ont conclu une convention collective de travail pour les unités
externalisées de La Poste Suisse (ci-après: CCT SGr).
InfraPost SA, qui deviendra Poste Immobilier Management et Services SA en cours
de procédure, est une société affiliée à La Poste Suisse. Elle a conclu avec
les deux syndicats susmentionnés une convention portant affiliation à la CCT
SGr (ci-après: Af IPAG). Selon son chiffre 16, la CCT SGr s'applique aux
collaborateurs liés par un contrat de travail à une société du groupe qui a
adhéré à la convention; les exceptions sont mentionnées au chiffre 17 CCT SGr
(cadres, auxiliaires). Conformément au chiffre 20 al. 1 CCT SGr, la société du
groupe conclut un contrat individuel de travail fondé sur la CCT SGr avec
chaque collaborateur entrant dans le champ d'application de ladite convention.
Par contrat de travail valable dès le 1 ^er janvier 2009, InfraPost SA a engagé
A.________ en qualité de concierge à .... Selon l'art. 8 du contrat, la CCT SGr
et l'Af IPAG font partie intégrante du contrat individuel de travail. L'art. 5
du contrat, relatif au salaire, contient le paragraphe suivant:

" Les déductions sociales sont régies par les dispositions légales et les
clauses de la convention collective de travail (AVS, AI, AC, APG, ANP, caisse
de pensions, indemnité journalière en cas de maladie et éventuelle contribution
de solidarité selon le chiffre 77 CCT SGr). "
Le chiffre 77 CCT SGr prévoit notamment ce qui suit:

" 77 Contribution de solidarité
770 Principes
1 La société du groupe perçoit des collaborateurs/collaboratrices entrant dans
le champ d'application du présent contrat de base une contribution mensuelle de
solidarité de:

- CHF 10.-- pour un taux d'occupation de 50% et plus en moyenne;
- CHF 5.-- pour un taux d'occupation inférieur à 50% en moyenne.
2 Les contributions de solidarité sont versées dans le fonds prévu à cet effet,
lequel est géré paritairement par les parties contractantes. (...)
3 Les parties contractantes veillent à ce que les prestations financées par le
fonds de solidarité profitent à l'ensemble des collaborateurs/collaboratrices
entrant dans le champ d'application de la présente convention. Elles n'ont le
droit d'utiliser à cet effet que les fonds perçus en vertu de la CCT SGr. Le
fonds de solidarité peut servir à financer des frais liés au personnel en
rapport avec l'élaboration, le renouvellement et l'exécution de la présente
convention ainsi qu'avec la défense collective des intérêts des collaborateurs/
collaboratrices de la société du groupe.
(...)
771 Encaissement
1 La contribution de solidarité est prélevée chaque mois sur le salaire.
2 Aucune déduction au titre de la contribution de solidarité n'a lieu si la
cotisation de membre d'un syndicat signataire est déjà déduite du salaire.
3 Lorsque, pour les membres d'un syndicat signataire, la contribution de
solidarité selon l'alinéa 1, et non pas la cotisation syndicale, est déduite du
salaire, le syndicat rembourse à ses membres la contribution de solidarité. Le
syndicat est indemnisé par le fonds de solidarité pour les remboursements qu'il
effectue ainsi.
(...) "
D'abord affilié au syndicat Transfair, A.________ est devenu membre du Syndicat
autonome des postiers (ci-après: SAP) dès le 1 ^er janvier 2011. Depuis lors,
l'employeur a déduit du salaire mensuel du collaborateur un montant de 10 fr. à
titre de contribution de solidarité.
Majoritairement actif en Suisse romande, le SAP regroupe près de 500 membres,
soit environ 1% du personnel concerné par la CCT SGr. Ce syndicat s'est vu
refuser son adhésion à la convention collective et a engagé diverses procédures
judiciaires contre La Poste Suisse. La cotisation annuelle au SAP s'élève à 100
fr., alors que celles aux deux syndicats signataires de la CCT SGr se montent à
390 fr. pour Transfair et à 498 fr.60 pour le Syndicat de la Communication.
Se fondant sur l'art. 356b al. 3 CO, A.________ s'est opposé en vain au
prélèvement de la contribution de solidarité.

B. 
Le 5 novembre 2012, A.________ a ouvert action contre InfraPost SA. Ses
conclusions tendaient à la restitution de la somme de 220 fr. avec intérêts à
5% l'an dès le 1 ^er décembre 2011 - représentant les contributions de
solidarité perçues de janvier 2011 à octobre 2012 -, à la restitution de toutes
les contributions de solidarité prélevées de novembre 2012 jusqu'à l'entrée en
force du jugement et à ce qu'interdiction soit faite à la défenderesse de
déduire à l'avenir une contribution de solidarité du salaire du demandeur.
Par jugement du 19 novembre 2013, le Tribunal de prud'hommes de
l'arrondissement de La Côte a rejeté la demande.
A.________ a déposé un recours contre cette décision. Par arrêt du 24 septembre
2014 dont les considérants ont été notifiés le 27 novembre 2014, la Chambre des
recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours et
confirmé le jugement de première instance. Se référant à deux anciens arrêts du
Tribunal fédéral, elle relève qu'une contribution de solidarité peut être
imposée aux travailleurs se soumettant à une convention collective même si
ceux-ci sont affiliés à une organisation syndicale non partie à la convention.
Elle considère ensuite que la contribution perçue dans le cas présent n'est pas
excessive dès lors que son cumul avec la cotisation au SAP aboutit à un montant
inférieur aux cotisations exigées des membres des organisations signataires. Il
n'y a ainsi aucune contrainte indirecte à changer de syndicat, qui justifierait
l'application de l'art. 356b al. 3 CO. La cour cantonale observe en outre que
cette disposition ne vise que la soumission formelle à la convention; or, en
l'espèce, le travailleur ne participe à la convention que de manière indirecte,
par reprise de la CCT SGr dans le contrat de travail.

C. 
A.________ interjette un recours en matière civile, subsidiairement un recours
constitutionnel. Il demande l'annulation de l'arrêt cantonal et reprend ses
conclusions précédentes au fond, sauf sur le point de départ des intérêts
réclamés sur le montant de 220 fr., qu'il fixe au 1 ^er janvier 2011 au lieu du
1 ^er décembre 2011.
Poste Immobilier Management et Services SA propose principalement que le
recours soit déclaré irrecevable ou, à titre subsidiaire, qu'il soit rejeté.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Par ordonnance du 5 mars 2015, la Présidente de la cour de céans a rejeté la
demande d'effet suspensif présentée par le recourant.

Considérant en droit :

1. 
Dans les affaires pécuniaires en matière de droit du travail, le recours en
matière civile est ouvert pour autant que la valeur litigieuse s'élève à 15'000
fr. au moins (art. 74 al. 1 let. a LTF). En l'espèce, le litige, qui porte sur
une contribution de solidarité de 10 fr. par mois, n'atteint manifestement pas
ce montant (cf. art. 51 al. 4 LTF pour les prestations périodiques de durée
indéterminée).

1.1. Le recourant est d'avis que la contestation soulève une question juridique
de principe, ouvrant le recours en matière civile indépendamment de la valeur
litigieuse (art. 74 al. 2 let. a LTF). Il fait valoir qu'une contribution de
solidarité devrait s'élever à 62 fr.50 par mois au moins pour que la valeur
litigieuse de 15'000 fr. soit atteinte, ce qui n'est jamais le cas en pratique;
la question ici litigieuse ne pourrait ainsi jamais être soumise au Tribunal
fédéral. Or la problématique des contributions de solidarité revêtirait une
importance pratique considérable en raison des nombreux employés susceptibles
d'être concernés. Elle a trait en outre à la liberté syndicale (art. 28 Cst.)
et à la liberté d'association (art. 23 Cst.). Le recourant observe encore que
l'art. 356b al. 3 CO sur lequel il se fonde ne fait l'objet d'aucune
jurisprudence fédérale et que les anciens arrêts invoqués par la cour cantonale
ont été rendus bien avant l'adoption de cette disposition en 1971. Enfin, la
doctrine est divisée quant à l'application de l'art. 356b al. 3 CO en cas de
prélèvement d'une contribution de solidarité auprès de membres d'une
organisation non signataire. Sur la base de ces éléments, il serait ainsi
indispensable que la question soit traitée par le Tribunal fédéral.
Conformément à l'art. 42 al. 2 2 ^ème phrase LTF, le recourant expose de
manière circonstanciée en quoi son recours porte sur une question juridique de
principe. Il convient dès lors d'examiner si tel est le cas (ATF 140 III 501
consid. 1.3 p. 503; 139 III 209 consid. 1.2 p. 210).

1.2. Selon la jurisprudence, la contestation soulève une question juridique de
principe lorsqu'il est nécessaire, pour résoudre le cas d'espèce, de trancher
une question juridique qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle
appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral,
en tant qu'autorité judiciaire suprême chargée de dégager une interprétation
uniforme du droit fédéral (ATF 140 III 391 consid. 1.3 p. 394, 501 consid. 1.3
p. 503; 139 III 209 consid. 1.2 p. 210 et les arrêts cités).
En l'espèce, le litige porte sur la question de savoir si un travailleur,
membre d'une organisation non signataire qui ne peut pas adhérer à la CCT, peut
s'opposer au prélèvement d'une contribution de solidarité sur son salaire en se
fondant sur l'art. 356b al. 3 CO.
Il s'agit là d'une question de portée générale, dont la réponse permettrait de
résoudre un nombre indéterminé de cas futurs (cf. ATF 140 III 501 consid. 1.3
p. 503; 134 III 267 consid. 1.2 p. 269).
Par ailleurs, la question n'a pas encore été tranchée par la jurisprudence sur
la base du droit actuel. Dans deux arrêts de 1948 et 1949, le Tribunal fédéral
a certes admis le principe d'une contribution de solidarité perçue auprès des
travailleurs qui se soumettent individuellement à une convention collective de
travail, même s'ils font partie d'une organisation professionnelle non
contractante (ATF 74 II 158 consid. 6b p. 169; 75 II 305 consid. 7c/aa p. 317).
Il a posé par ailleurs des limites au montant de cette contribution, laquelle
ne doit servir qu'à compenser équitablement les avantages que la CCT procure au
dissident (ATF 75 II 305 consid. 7c/cc p. 318). Mais ces arrêts ont été rendus
avant l'adoption, en 1956, de l'ancien art. 322bis CO, dont l'alinéa 3
correspond - une modification rédactionnelle mise à part - à l'art. 356b al. 3
CO en vigueur depuis le 1 ^er janvier 1972.
Il apparaît enfin que la doctrine est divisée sur le sujet, ce qui est propre à
convaincre le Tribunal fédéral que son intervention est nécessaire (cf. ATF 134
III 267 consid. 1.2.3 p. 270). En effet, pour certains auteurs, l'art. 356b al.
3 CO confère au membre affilié à un syndicat non reconnu comme partenaire de
négociation ou partie à la CCT non seulement le droit à ne pas être contraint
de se soumettre à la CCT, mais également celui de participer à la CCT sans
devoir payer une contribution de solidarité ( VISCHER/MÜLLER, Der
Arbeitsvertrag, 4 ^e éd. 2014, in TDPS vol. VII/4, n. 15 p. 479 et n. 17 p.
480; VISCHER/ALBRECHT, Zürcher Kommentar, 4 ^e éd. 2006, n° 90 ad art. 356b
CO). En revanche, pour d'autres auteurs, une contribution de solidarité est
exigible dans ce cas-là, pour autant que son montant ne constitue pas pour le
travailleur une pression à changer de syndicat ( DORIS BIANCHI, in ANDERMATT ET
AL., Droit collectif du travail, 2010, n. 24 ad art. 356b CO, p. 217;
JEAN-FRITZ STÖCKLI, in Berner Kommentar, 1999, n° 45 ad art. 356b CO; cf.
également STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7 ^e éd. 2012, lesquels,
par renvoi à l'ATF 75 II 305, semblent partager ce point de vue [n. 9 ad art.
356b CO p. 1457], mais affirment également qu'au regard de l'art. 356b al. 3
CO, une contribution de solidarité ne peut être perçue auprès de membres
d'organisations dissidentes que lorsque celles-ci peuvent devenir parties à la
CCT ou conclure une convention analogue [n. 6 ad art. 356b CO p. 1455]).
En conclusion, la condition posée par l'art. 74 al. 2 let. a LTF est réalisée
en l'espèce. Le recours en matière civile est ainsi recevable sans égard à la
valeur litigieuse.
Il s'ensuit que le recours constitutionnel, en raison de sa nature subsidiaire,
est irrecevable (art. 113 LTF).

2.

2.1. Pour trancher le présent litige, il convient tout d'abord de rappeler
différents moyens qui permettent l'assujettissement d'un travailleur à une
convention collective de travail.
Envers les travailleurs membres d'une association contractante, les clauses
normatives de la CCT auront en principe un effet direct et impératif dès lors
que l'employeur est personnellement partie à la convention ou membre d'une
association contractante (art. 356 al. 1, art. 357 al. 1 CO).
Pour les travailleurs qui ne sont pas membres d'une organisation signataire
("dissidents"), l'assujettissement peut revêtir plusieurs formes.
Le champ d'application de la CCT peut être étendu par décision d'une autorité
cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956
permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de
travail [LECCT; RS 221.215.311]).
Le travailleur au service d'un employeur lié par la CCT peut aussi se soumettre
individuellement à la convention avec le consentement des parties (soumission
dite formelle), de sorte qu'il sera considéré comme lié par la convention (art.
356b al. 1 CO). La soumission (jadis appelée aussi "participation") est un
contrat passé entre le travailleur dissident et les parties à la convention
collective (Message du 29 janvier 1954 à l'appui d'un projet de loi sur la
convention collective de travail et l'extension de son champ d'application, FF
1954 158 Article 2. Participation); la déclaration de soumission et le
consentement des parties à la CCT doivent revêtir la forme écrite (art. 356c
al. 1 CO; ATF 138 III 107 consid. 4.3 p. 110).
La CCT peut encore contenir une clause faisant obligation aux employeurs liés
par elle d'appliquer ses dispositions normatives à tous leurs employés, qu'ils
soient membres d'une association de travailleurs ou non (clause d'égalité de
traitement ou clause d'extension; ATF 139 III 60 consid. 5.1 p. 63 et les
arrêts cités).
Un employeur, lié ou non, peut également convenir avec le travailleur
d'incorporer dans le contrat de travail les dispositions d'une convention
collective de travail; celle-ci ne produit alors pas directement un effet
normatif, mais les parties peuvent exiger le respect de la CCT en réclamant
l'exécution des clauses du contrat qui reprennent les dispositions
conventionnelles (effets dits indirects de la CCT; cf. ATF 139 III 60 consid.
5.1 p. 62; 123 III 129 consid. 3c p. 135).

2.2. En l'espèce, la CCT SGr n'a pas fait l'objet d'une décision d'extension.
Le recourant ne s'est pas non plus soumis formellement à la convention.
Celle-ci a été intégrée dans le contrat de travail (art. 8), conformément à la
clause d'égalité de traitement contenue au chiffre 16 CCT SGr et à l'engagement
correspondant de l'intimée prévu au chiffre 20 al. 1 CCT SGr.

3.

3.1. La contribution de solidarité est mentionnée dans la loi comme une
condition de la soumission (formelle).
Aux termes de l'art. 356b al. 2 CO, la convention peut régler les modalités de
la soumission et prévoir en particulier la perception d'une contribution aux
frais de la CCT; les parties à la convention sont toutefois restreintes dans
leur pouvoir de fixer le montant de la contribution de solidarité, car le juge
peut annuler ou ramener à de justes limites les conditions inéquitables, en
particulier les contributions excessives; en outre, une clause conventionnelle
qui fixe des contributions au profit d'une seule partie est nulle.
Avant que les principes en matière de contribution de solidarité ne soient
inscrits dans la loi, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer
sur le sujet, comme rappelé plus haut au considérant 1.2. Il a vu dans la
contribution de solidarité une compensation des avantages obtenus grâce aux
frais engagés par les associations contractantes pour la négociation, la
conclusion et l'exécution de la CCT; cette qualification justifie la perception
d'une contribution de solidarité auprès des travailleurs qui se soumettent
individuellement à la convention, même s'ils sont affiliés à un syndicat qui
n'est pas partie à la convention et n'a pas participé à l'oeuvre
conventionnelle (ATF 74 II 158 consid. 6b p. 169; 75 II 305 consid. 7c/aa p.
317). Le Tribunal fédéral a posé ensuite des critères pour fixer le montant
admissible de la contribution de solidarité, qui doit représenter une
compensation équitable des avantages. A côté des frais liés à la négociation, à
l'exécution et au contrôle de la CCT, sont également déterminants les moyens
engagés par l'association signataire pour asseoir le poids politico-économique
lui permettant d'obtenir une amélioration des conditions de travail. Par
ailleurs, le montant de la contribution ne doit pas être fixé à un niveau tel
qu'il constitue une contrainte indirecte de s'affilier au syndicat signataire,
prohibée par la loi; pour les membres d'une organisation non signataire, cela
signifie que l'addition de la contribution de solidarité et de la cotisation
syndicale ne doit pas dépasser le montant de la cotisation à une association
signataire de la convention (ATF 75 II 305 consid. 7c/cc et 7c/dd p. 318 ss).

3.2. Selon le chiffre 770 al. 1 CCT SGr, l'intimée doit percevoir une
contribution de solidarité auprès de tous les travailleurs entrant dans le
champ d'application de la convention. La contribution n'est donc pas la
contrepartie d'une soumission formelle au sens de l'art. 356b al. 2 CO.
Il est admis toutefois qu'une disposition conventionnelle prévoyant le
prélèvement d'une contribution de solidarité est valable également en cas de
soumission indirecte à une CCT, car il s'agit, comme en cas de soumission
formelle, d'une compensation des avantages ( VISCHER/ALBRECHT, op. cit., n° 63
ad art. 356b CO; cf. CHRISTIAN BRUCHEZ, in Commentaire du contrat de travail,
Jean-Philippe Dunand/Pascal Mahon éd., 2013, n. 19 ad art. 356b CO p. 1170).
L'art. 356b al. 2 CO sur les modalités admissibles de la contribution
s'applique alors par analogie, en particulier lorsque la CCT contient une
clause d'extension ( STÖCKLI, op. cit., n° 34 ad art. 356b CO; ESTHER
ANNAHEIM-BÜTTIKER, Die Stellung des Aussenseiter-Arbeitsnehmers im System des
Gesamtarbeitsvertragsrechts, 1990, p. 76/77).
En l'espèce, la cour cantonale a jugé, sans être critiquée sur ce point par le
recourant, que le montant de 10 fr. perçu mensuellement à titre de contribution
de solidarité n'était pas excessif au sens de l'art. 356b al. 2 CO.

4. 
La question se pose en revanche de savoir si, dans le cas du recourant, le
prélèvement même d'une contribution de solidarité constitue une contrainte de
soumission prohibée par l'art. 356b al. 3 CO.

4.1. Selon cette disposition, les clauses de la convention et les accords entre
les parties qui tendent à contraindre les membres d'associations d'employeurs
ou de travailleurs à se soumettre à la convention sont nuls lorsque ces
associations ne peuvent devenir parties à la convention ou conclure une
convention analogue.
Par contrainte de soumission (  "Anschlusszwang", "Vertragszwang" ), il faut
comprendre une disposition qui tend à obliger directement ou indirectement les
employeurs et les travailleurs à se soumettre à une CCT. Le but de la
contrainte de soumission est d'assujettir à la CCT le plus de personnes
concernées ( VISCHER/ALBRECHT, op. cit., n° 80 ad art. 356b CO). Il y a ainsi
contrainte de soumission lorsqu'une convention collective prescrit que les
employeurs liés ne peuvent occuper que des travailleurs qui se soumettent à la
convention ( BRUCHEZ, op. cit., n. 22 ad art. 356b CO p. 1171; GABRIEL AUBERT,
in Commentaire romand, Code des obligations I, 2 ^e éd. 2012, n° 1 ad art. 356b
CO; WOLFGANG PORTMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5 ^e éd. 2011,
n° 3 ad art. 356b CO) ou encore qui acceptent de verser une contribution de
solidarité ( PETER KREIS, Der Anschluss eines Aussenseiters an den
Gesamtarbeitsvertrag, 1973, p. 172/173).
Dans le cas présent, les parties à la procédure n'ont pas librement convenu
l'intégration de la CCT SGr dans le contrat de travail et, notamment, le
versement d'une contribution de solidarité à la charge du recourant. Par la
clause d'égalité de traitement contenue dans la CCT SGr, l'intimée s'est
obligée à appliquer la convention à ses employés, dont le recourant, et à
conclure avec les intéressés un contrat de travail intégrant les clauses de la
CCT SGr, dont celle relative à la contribution de solidarité. En ce sens, il y
a contrainte de soumission puisque, en vertu de la convention, l'intimée ne
peut occuper que des travailleurs qui acceptent de conclure un contrat de
travail intégrant la CCT et, en particulier, de voir une contribution de
solidarité prélevée sur leur salaire.

4.2. Contrairement à la contrainte d'affiliation, prohibée par l'art. 356a al.
1 CO, la contrainte de soumission est en principe licite ( VISCHER/MÜLLER, op.
cit., n. 16 p. 479; BRUCHEZ, op. cit., n. 22 ad art. 356b CO p. 1171; BIANCHI,
op. cit., n. 18 ad art. 356b CO p. 215; PORTMANN, op. cit., n° 3 ad art. 356b
CO; STÖCKLI, op. cit., n° 36 ad art. 356b CO). Ce n'est que dans le cas décrit
à l'art. 356b al. 3 CO qu'une clause conventionnelle impliquant une contrainte
de soumission sera nulle. L'idée est d'abord de protéger les organisations
minoritaires (Antognini, rapporteur, et Speiser, Bull.Stén. 1955 CE 199; cf.
également STÖCKLI, op. cit., n° 39 ad art. 356b CO). En effet, lorsqu'une
organisation ne peut adhérer à une CCT, une contrainte de soumission entraîne
une perte de prestige aux yeux de ses membres; si le travailleur dissident doit
en plus payer une contribution de solidarité qui s'additionne à la cotisation
au syndicat écarté, il sera tenté de quitter son organisation et de rester sans
affiliation ou de rejoindre un syndicat signataire; de cette façon, les petits
syndicats pourraient être amenés à disparaître au profit des organisations plus
puissantes (cf. KREIS, op. cit., p. 171 ss).
Plus généralement, il apparaît choquant qu'une organisation se voie refuser
l'adhésion à une CCT, mais que les membres de cette association soient
contraints indirectement de se soumettre individuellement à la CCT (rapporteur
Häberlin, Bull.Stén. 1956 CN 229). Au-delà des intérêts des organisations
exclues, l'art. 356b al. 3 CO comporte également un aspect de protection envers
les membres de telles associations. En particulier, il n'apparaît pas équitable
qu'un travailleur dissident soit astreint à participer financièrement à la mise
en oeuvre d'une CCT, alors que le syndicat auquel il verse des cotisations ne
peut y adhérer ou participer à sa négociation. Il en va de la liberté syndicale
individuelle, garantie par l'art. 28 al. 1 Cst. (cf. ATF 140 I 257 consid. 5.1
p. 261). Celle-ci implique pour le travailleur le droit de choisir et de
financer l'association qu'il juge la plus apte à défendre ses intérêts et,
inversement, le droit de ne pas participer au coût d'une convention collective
à l'élaboration de laquelle son organisation ne peut pas prendre part.
La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par "associations [qui] ne peuvent
devenir parties à la convention ou conclure une convention analogue" (" 
Verbänden[, denen] die Beteiligung am Gesamtarbeitsvertrag oder der Abschluss
eines sinngemäss gleichen Vertrages nicht offensteht "). Le cas se présente
lorsqu'une organisation professionnelle cherche à adhérer à la CCT ou à
conclure une convention analogue et que les parties s'y opposent (Bruchez, op.
cit., n. 23 ad art. 356b CO p. 1171; Aubert, op. cit., n° 5 ad art. 356b CO).
Il ne saurait alors être fait abstraction des motifs de ce refus. En effet, le
droit éventuel du travailleur dissident de ne pas contribuer aux frais de la
CCT ne se justifie que si le syndicat dont il est membre dispose du droit de
participer à la convention. A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé encore
récemment que le droit de participer à des négociations collectives, de
conclure des CCT ou d'adhérer à de telles conventions n'était pas ouvert sans
restrictions à n'importe quel syndicat, sous peine d'aboutir à une trop grande
multiplication des acteurs sociaux propre à nuire à la qualité et à
l'efficacité du dialogue social. Seul un syndicat reconnu comme partenaire
social peut se prévaloir d'un tel droit, ce qui sera le cas lorsqu'il a la
compétence de conclure des conventions collectives (  "Tariffähigkeit" ), qu'il
est compétent à raison du lieu et de la matière, qu'il est suffisamment
représentatif et qu'il fait preuve d'un comportement loyal (ATF 140 I 257
consid. 5.2 et 5.2.1 p. 262 s. et les arrêts cités).
En conclusion, l'art. 356b al. 3 CO permet au travailleur dissident, en cas de
contrainte de soumission, de s'opposer au prélèvement de la contribution de
solidarité lorsque le syndicat auquel il appartient réunit les conditions pour
être reconnu comme partenaire social et que les parties à la CCT refusent
pourtant l'adhésion de cette association à la convention.

4.3. Contrairement au premier juge, la cour cantonale n'a pas examiné ce point,
dès lors qu'elle a considéré que l'art. 356b al. 3 CO était inapplicable en
l'espèce. Les éléments à disposition de la cour de céans ne lui permettent pas
de se prononcer sur la question. Selon l'état de fait de l'arrêt attaqué, le
SAP a engagé diverses procédures judiciaires pour se faire reconnaître comme
partenaire social. Dans la mesure où une décision définitive n'est pas
intervenue devant les juridictions civiles (cf. arrêt 2C_118/2014 du 22 mars
2015 consid. 5.4), l'autorité précédente à laquelle l'affaire est renvoyée
devra trancher la question préalablement.
S'il s'avère que le SAP devait être reconnu comme partenaire social à l'époque
des prélèvements litigieux, l'employeur aurait alors déduit la contribution de
solidarité de manière indue sur le salaire du recourant. En effet, les
conditions d'une telle déduction selon le chiffre 77 CCT SGr, auquel l'art. 5
du contrat de travail se réfère  ("éventuelle contribution de solidarité selon
le chiffre 77 CCT SGr"), ne seraient pas réalisées.
Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre partiellement le recours en
matière civile, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour
cantonale pour nouvelle décision.

5. 
L'intimée, qui succombe dans la présente procédure de recours, prendra à sa
charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, elle versera
des dépens au recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours constitutionnel est irrecevable.

2. 
Le recours en matière civile est admis partiellement et l'arrêt attaqué est
annulé.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 600 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4. 
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 septembre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Godat Zimmermann

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