Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.248/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_248/2015

Arrêt du 15 janvier 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me François M. Bianchi et Me Manuel Werder, avocats,
défenderesse et recourante,

contre

B.________, représentée par
Me Cyrille Bugnon, avocat,
demanderesse et intimée.

Objet
cession d'actions,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2015 par la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A.

A.a. B.________ (ci-après: l'épouse), informaticienne, et C.________ (ci-après:
le mari), économiste, se sont mariés en 1979. Ils ont eu trois enfants, dont un
fils dénommé D.________, né en 1983 (ci-après: le fils).
La société anonyme ________ AG a été fondée le 29 décembre 1994 avec un
capital-actions de 100'000 fr. et inscrite le jour suivant au registre du
commerce. Son siège était à Zoug et son but était notamment d'élaborer des
systèmes d'information. Lors de la fondation, le mari a souscrit 98% du
capital-actions. Deux autres personnes ont souscrit chacune 1% du
capital-actions, qu'elles ont cédé au mari le jour suivant. Celui-ci est ainsi
devenu actionnaire unique. Les actions au porteur ne sont pas incorporées dans
des titres physiques.
Le 23 décembre 2004, le capital-actions a été augmenté d'un montant de 400'000
fr. pour être porté à 500'000 fr. (500 actions au porteur de 1'000 fr.
chacune); le mari a acquis 360 nouvelles actions, le fils les 40 restantes.
L'augmentation du capital a permis d'acheter deux parcelles à... VD dans le
cadre d'un projet immobilier qui était censé constituer une prévoyance
professionnelle pour le couple.
Au début de l'année 2007, la société a changé son nom en A.________ SA. Elle a
transféré son siège à... VD.

A.b. Le 30 septembre 2007 s'est tenue une assemblée générale de A.________ SA.
Le procès-verbal a été conjointement signé par le mari qui assumait la
présidence et par l'épouse qui tenait le protocole. Il est notamment constaté
que l'épouse est nommée administrateur délégué et qu'elle détient 20% des
actions de A.________ SA, les autres actionnaires étant le fils avec 10% et le
mari avec 70%. Le procès-verbal a été transmis au registre du commerce et
l'épouse inscrite en qualité d'administratrice déléguée avec signature
individuelle.
Une nouvelle assemblée générale a eu lieu le 5 avril 2008. Le procès-verbal,
signé par le mari, président, et par l'épouse, déléguée, relève qu'ils
détiennent chacun 250 actions.

Le 19 juin 2009, une assemblée générale de A.________ SA s'est tenue par-devant
un notaire qui a tenu un procès-verbal authentique. Le mari et l'épouse l'ont
signé. Il y est constaté que ces deux personnes représentent l'ensemble du
capital-actions, que le premier reprend la fonction de délégué avec signature
individuelle et la seconde la fonction de présidente avec signature
individuelle.

A.c. Par acte authentique du 17 mars 2009, l'épouse a vendu à des tiers un
immeuble dont elle était propriétaire pour un montant de 1'450'000 francs.
Selon le mari, l'épouse avait demandé la propriété de la moitié du
capital-actions; lui-même avait exigé en retour que le profit de la vente des
immeubles soit investi dans la société. A sa demande, l'argent a été versé sur
le compte de la société; il estime que c'était une erreur, qu'il aurait dû
demander que l'argent lui soit versé personnellement afin qu'il puisse
l'injecter dans la société. Il ressort de la comptabilité de A.________ SA, qui
était tenue par le mari, que les apports financiers de l'épouse ont été
enregistrés comme des prêts d'actionnaires. L'épouse estime avoir une créance
contre A.________ SA; une procédure civile est ouverte à ce sujet.

A.d. Le 11 janvier 2012, l'épouse a requis des mesures protectrices de l'union
conjugale.

A.e. Le 15 février 2012, une assemblée générale universelle de A.________ SA a
eu lieu sur convocation du mari. Le procès-verbal, signé par le mari en qualité
de "président du jour" et par le fils en qualité de secrétaire, précise que la
totalité du capital-actions de 500'000 fr. était représentée, que le fils a été
unanimement élu comme nouveau membre du conseil d'administration, que le mari a
été unanimement réélu comme membre du conseil d'administration, que l'épouse
n'a pas été réélue après la durée statutaire de son [mandat, réd.], enfin que
le président a constaté que tous les actionnaires étaient présents durant toute
la durée de l'assemblée générale. L'épouse n'était pas présente; elle n'avait
pas été convoquée à cette assemblée, ni même informée de sa tenue. Sur la base
du procès-verbal, l'épouse a été radiée du registre du commerce où elle
figurait en tant qu'administratrice.

A.f. Par courriers des 21 février et 3 juillet 2012, l'épouse a déposé plainte
pénale contre le mari pour gestion déloyale, escroquerie, faux dans les titres
et obtention frauduleuse d'une constatation fausse.

A.g. Le 16 mars 2012, la présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de
l'Est vaudois a ratifié une convention valant ordonnance de mesures
protectrices de l'union conjugale. Les époux ont notamment convenu de vivre
séparés pour une durée indéterminée.

A.h. Le 22 mars 2012, l'épouse a requis l'office du registre du commerce de
constater la nullité de sa radiation. Ledit office l'a renvoyée à agir devant
le juge civil.

B.

B.a. L'épouse a déposé une requête en conciliation devant la Chambre
patrimoniale cantonale du canton de Vaud. La conciliation n'a pas abouti et une
autorisation de procéder a été délivrée.
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 11 juillet 2012, la juge déléguée
de la Chambre patrimoniale cantonale a admis une requête déposée par A.________
SA et a en substance ordonné à l'épouse de cesser de gérer les affaires de
ladite société et de ne plus agir au nom de celle-ci.
Le 25 septembre 2012, l'épouse a déposé par-devant la Chambre patrimoniale
cantonale une "demande en constatation de nullité (706b CO) " dirigée contre
A.________ SA et contenant les conclusions principales suivantes:

"1.       [L'épouse] est actionnaire de A.________ SA à raison de 50% du
capital-actions depuis le 5 avril 2008.

2.       La nullité des décisions prises lors de l'assemblée générale de la
société A.________ SA en date du 15 février 2012 est constatée.

3.       L'office cantonal du registre du commerce est invité à radier les
inscriptions opérées sur la base de l'assemblée générale de A.________ SA du 15
février 2012."
Par réponse du 8 février 2013, A.________ SA a conclu au rejet de l'action.
Statuant par jugement du 23 avril 2014, la Chambre patrimoniale a entièrement
admis la demande de l'épouse.

B.b. A.________ SA a interjeté appel, concluant au rejet de la demande. La Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois n'a pas requis de réponse de la
part de l'épouse. Par arrêt du 8 janvier 2015 (envoyé aux parties le 20 mars
2015), elle a rejeté l'appel jugé manifestement infondé et confirmé la décision
de première instance.

C. 
Le 7 mai 2015, A.________ SA (ci-après: la recourante) a saisi le Tribunal
fédéral d'un recours en matière civile rédigé en langue allemande. Elle conclut
à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la conclusion n° 1, ainsi qu'au
rejet des conclusions n ^os 2 et 3 de l'épouse (ci-après: l'intimée).
L'intimée a requis l'assistance judiciaire, que la présidente de la cour de
céans lui a accordée par ordonnance du 9 juin 2015. Le 24 août 2015, l'avocat
commis d'office a déposé une réponse en langue française par laquelle l'intimée
conclut au rejet du recours.
La recourante a déposé des observations sur la réponse. L'intimée a renoncé à
se déterminer.

Considérant en droit :

1. 
Même si le mémoire de recours a été rédigé en allemand, le présent arrêt sera
rendu en français, langue de la décision attaquée, conformément à l'art. 54 al.
1 LTF.

2. 
La recourante conteste la recevabilité de la conclusion n° 1 tendant à faire
constater que l'intimée est actionnaire de la recourante à raison de 50% du
capital-actions depuis le 5 avril 2008.

2.1. Le grief n'a pas été soulevé devant l'autorité précédente. Peu importe
toutefois. En effet, comme le relève l'intimée, le juge doit examiner d'office
la recevabilité des conclusions sur lesquelles il doit statuer (cf. art. 60
CPC; concernant les conclusions constatatoires, cf. ATF 101 II 177 consid. 4a;
arrêt 4C.65/1995 du 19 décembre 1995 consid. 5).

2.2. De l'avis de la recourante, la qualité d'actionnaire est une question
incidente au jugement statuant sur l'action en contestation des décisions de
l'assemblée générale, de sorte qu'elle ne saurait faire l'objet d'une
conclusion séparée. Pour le surplus, l'intimée n'aurait pas allégué ni a
fortiori démontré en quoi elle aurait un intérêt suffisant à faire constater
l'importance de sa part au capital-actions et la date d'acquisition de
celle-ci. En outre, la conclusion n° 1 toucherait les droits des autres
actionnaires qui, selon le procès-verbal de l'assemblée générale, détiendraient
l'entier du capital-actions; or, ceux-ci ne sont pas parties à la procédure, si
bien que la constatation requise dans la présente procédure ne serait pas
susceptible de lever toute incertitude.
L'intimée objecte que sa qualité d'actionnaire et sa quote-part du
capital-actions sont contestées, de sorte qu'il existe une incertitude quant au
rapport juridique la liant à la recourante. Cette incertitude l'entraverait
dans sa liberté d'action dans la mesure où elle serait écartée de la société
créée pour assurer sa prévoyance professionnelle; elle ne disposerait d'aucune
action condamnatoire et son intérêt serait prépondérant par rapport à ceux de
la recourante, du mari et du fils.

2.3. Chaque actionnaire a droit à une voix au moins à l'assemblée générale
(art. 692 al. 2 CO) et, partant, le droit de participer à une telle séance. Les
décisions de l'assemblée générale supprimant ou limitant le droit de prendre
part à l'assemblée générale sont nulles (art. 706b ch. 1 CO); il en va
notamment ainsi lorsqu'un actionnaire ne participe pas à l'assemblée générale
faute d'y avoir été convoqué, peu importe qu'il s'agisse d'une assemblée dite
universelle (art. 701 CO) ou d'une assemblée ordinaire (ATF 137 III 460 consid.
3.3.2). Par une action judiciaire dirigée contre la société, l'actionnaire peut
attaquer les décisions de l'assemblée générale qui violent la loi, notamment
celles qui suppriment ou limitent ses droits d'actionnaires (art. 706 al. 1 et
al. 2 ch. 1 CO).
En l'espèce, la qualité d'actionnaire de l'intimée est contestée. Cette
question touche à la fois aux conditions de recevabilité de l'action
judiciaire, à savoir la qualité pour recourir, et au bien-fondé de l'action sur
le fond. Conformément à la théorie dite de la double pertinence, il y a lieu
d'entrer en matière et de traiter la question dans le cadre de l'examen au fond
(ATF 134 III 27 consid. 6.2.1); la recourante ne conteste d'ailleurs pas la
recevabilité de l'action de l'intimée pour ce qui concerne les conclusions n ^
os 2 et 3. La discussion porte uniquement sur la recevabilité de la conclusion
en constatation de la quote-part au capital-actions et de la date d'acquisition
de cette quote-part.

2.4. L'action en constatation peut être intentée pour faire constater
l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit, à condition
que le demandeur justifie d'un intérêt digne de protection à la constatation
immédiate de la situation de droit. Il n'est pas nécessaire que cet intérêt
soit de nature juridique. Il peut s'agir d'un pur intérêt de fait. La condition
est remplie notamment lorsque les relations juridiques entre les parties sont
incertaines et que cette incertitude peut être levée par la constatation
judiciaire. N'importe quelle incertitude ne suffit pas; il faut que l'on ne
puisse pas exiger de la partie demanderesse qu'elle tolère plus longtemps le
maintien de cette incertitude, parce que celle-ci l'entrave dans sa liberté de
décision (art. 88 et art. 59 al. 2 let. a CPC; ATF 141 III 68 consid. 2.2 p. 71
et consid. 2.3). L'intérêt pratique à une constatation de droit fait
normalement défaut lorsque le titulaire du droit dispose d'une action en
exécution, en interdiction ou d'une action formatrice, immédiatement ouverte,
qui lui permettrait d'obtenir directement le respect de son droit ou
l'exécution de l'obligation (ATF 135 III 378 consid. 2.2 p. 380).
En l'espèce, il existe une incertitude non seulement sur la qualité
d'actionnaire de l'intimée, mais encore, si cette qualité est admise, sur la
part du capital-actions que l'intimée détient. L'importance de cette part au
capital-actions détermine l'importance des droits patrimoniaux et des droits
sociaux de l'intimée, notamment le nombre de voix qu'elle a à l'assemblée
générale. L'intimée ne précise pas par rapport à quel droit d'actionnaire la
non-levée immédiate de l'incertitude serait intolérable. Elle n'allègue pas de
droits patrimoniaux actuellement litigieux. Seul son droit à participer à
l'assemblée générale est en discussion. Si ce droit devait être admis, une
nouvelle assemblée générale devra être convoquée et l'intimée pourra alors
exiger le nombre de voix correspondant à sa prétendue quote-part; si elle n'est
pas suivie, elle pourra, le cas échéant, contester le résultat des votes de
l'assemblée générale. En l'état, on ne discerne dès lors pas en quoi
l'incertitude actuelle devrait être considérée comme intolérable. Les
conditions pour une action constatatoire au sujet de sa quote-part au
capital-actions ne sont pas données; il en va a fortiori de même pour ce qui
est de la date d'acquisition de cette quote-part. La conclusion n ^o 1 de
l'intimée est irrecevable, et le recours sur ce point fondé.

3. 
Les actions dont la propriété est litigieuse ne sont pas incorporées dans un
papier-valeur. Pour ce motif, le transfert du sociétariat suit les règles sur
la cession de créance (PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4 ^e éd. 2009, § 4
n. 125; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 44
n. 102; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Schweizerisches Gesellschaftsrecht, 11 ^e éd.
2012, § 16 n. 319; RITA TRIGO TRINDADE, in Commentaire romand, 2008, n° 27 ad
art. 683 CO; OERTLE/DU PASQUIER, in Commentaire bâlois, 4 ^e éd. 2012, n° 8 ad
art. 683 CO).

4. 
La recourante conteste la qualité d'actionnaire de l'intimée. Selon elle, les
procès-verbaux d'assemblées générales ne satisfont pas aux exigences de forme
en matière de cession d'actions.

4.1. La cession de créance n'est valable que si elle a été constatée par écrit
(art. 165 al. 1 CO).
L'exigence de la forme écrite se rapporte à tous les points essentiels du
contrat de cession, et donc notamment à la volonté du cédant de céder la
créance au cessionnaire. Il n'est toutefois pas nécessaire que cette volonté du
cédant soit manifestée expressément, ni que l'acte de cession soit intitulé
comme tel; il suffit que la volonté de cession du cédant puisse, selon les
règles de la bonne foi, être déduite par interprétation de l'acte de cession
écrit (ATF 105 II 83 consid. 2; 90 II 164 consid. 7; 88 II 18 consid. 1; GAUCH/
SPIRIG, Commentaire zurichois, 3 ^e éd. 1993, n° 102 ad art. 164 CO et n° 22 ss
ad art. 165 CO; GIRSBERGER/HERMANN, in Commentaire bâlois, 6 ^e éd. 2015, n° 2
ad art. 165 CO).
L'exigence de la forme écrite tend uniquement à assurer la sécurité et la
transparence des transactions, et non pas à protéger le cédant d'une cession
irréfléchie; il faut et il suffit que les créanciers du cédant et du
cessionnaire, tout comme le débiteur de la créance cédée et, le cas échéant, le
juge puissent savoir à qui appartient la créance à un moment donné. Cela
suppose que l'acte de cession comprenne tous les éléments permettant aux tiers
intéressés d'individualiser avec certitude la créance cédée; sur la base de
l'acte de cession, un tiers doit au moins pouvoir identifier le nouveau
créancier et la créance (ATF 122 III 361 consid. 4c; 82 II 48 consid. 1).
L'acte de cession doit être interprété selon les principes généraux en la
matière. Il faut établir ce que les parties ont réellement voulu ou, à défaut,
quel sens peut de bonne foi être attribué à leurs déclarations. Puis il faut
examiner si les parties se sont suffisamment exprimées en la forme prescrite
par la loi (ATF 122 III 361 consid. 4 p. 366).

4.2. En l'espèce, il est incontesté que le mari a été, à un moment donné,
actionnaire unique de la recourante. Il n'a pas été allégué qu'il aurait
ultérieurement signé, en dehors des assemblées générales, un acte par lequel il
aurait cédé une part du capital-actions en faveur de l'intimée, ni qu'il
aurait, en dehors des assemblées générales, passé un autre acte par lequel il
se serait engagé à procéder à une telle cession. Il s'agit dès lors uniquement
de juger si les procès-verbaux des assemblées générales de la recourante
satisfont aux exigences de forme que doit revêtir une cession, par le mari à
l'intimée, d'actions non incorporées dans un papier-valeur.
Parmi les procès-verbaux produits, les plus récents - hormis celui de
l'assemblée générale contestée du 15 février 2012 - datent des 19 juin 2009, 5
avril 2008 et 30 septembre 2007. Le procès-verbal du 30 septembre 2007, signé
par l'intimée en tant qu'administratrice déléguée et par le mari en tant que
président, constate que l'intimée détient 20% des actions, le fils 10% et le
mari 70%. Le procès-verbal du 5 avril 2008, également signé par les deux époux
en tant qu'administratrice déléguée respectivement président, retient qu'ils
détiennent chacun 250 actions. Enfin, le procès-verbal authentique de
l'assemblée du 19 juin 2009, tenu par un notaire et signé par les époux en
qualité de présidente respectivement administrateur délégué, constate que les
époux représentent à eux deux l'ensemble du capital-actions de la recourante.

4.3. Des procès-verbaux précités, il ressort sans ambiguïté aucune que
l'intimée est actionnaire de la société, qu'elle détient une part du
capital-actions. A la lecture des procès-verbaux, un tiers ne saurait avoir de
doute à ce sujet. Les procès-verbaux satisfont donc aux exigences de sécurité
juridique que la forme écrite doit assurer.
La volonté du mari de céder une part du capital-actions à l'intimée, son
épouse, n'est pas expressément manifestée. Mais elle découle implicitement des
procès-verbaux. Dès lors que le mari, actionnaire unique ou nettement
majoritaire, signe, serait-ce comme membre du conseil d'administration, un
procès-verbal de l'assemblée générale dans lequel il déclare que son épouse
détient une partie du capital-actions, son intention de céder ainsi une partie
du capital-actions qu'il détient jusqu'alors est manifeste. On ne discerne
d'ailleurs pas quelle autre intention il aurait pu vouloir poursuivre par cette
déclaration, et la recourante n'en dit mot.
Les exigences de forme pour une cession d'actions non incorporées dans un
papier-valeur ont été respectées. Le recours est infondé sur ce point.

5. 
A titre subsidiaire, la recourante conteste la qualité d'actionnaire de
l'intimée au motif que la cession d'une part du capital-actions ne serait pas
valable faute d'un acte générateur d'obligation entre l'intimée et le mari.

5.1. La cession est un acte de disposition volontaire qui repose sur un acte
générateur d'obligation souvent bilatéral (pactum de cedendo). La question de
savoir si la validité de la cession dépend de la validité de l'acte générateur,
si donc la cession est de nature abstraite ou causale, est controversée. La
cour de céans, après avoir admis le caractère abstrait, a laissé cette question
indécise (ATF 95 II 109 consid. 2b i.f.; 84 II 355 consid. 1; arrêt 4C.75/2006
du 20 juin 2006 consid. 1.3). Il n'est pas nécessaire de s'en saisir en
l'espèce.

5.2. Il ressort de l'arrêt attaqué que le mari, selon ses propres dires, avait
l'intention de céder la moitié du capital-actions à l'intimée en contrepartie
de l'investissement dans la société du produit de la vente d'immeubles
appartenant à l'intimée; l'intimée a versé l'argent sur le compte de la
société, se conformant aux directives du mari qui a comptabilisé le montant
ainsi reçu comme dette aux actionnaires. Le dossier comprend un extrait du
compte courant de la société révélant que celle-ci a touché 700'000 fr. versés
au nom de l'intimée par l'association des notaires vaudois le 19 août 2009,
soit postérieurement aux assemblées générales dont les procès-verbaux valent
acte de cession. De toute façon, l'intimée détenait déjà 50% du capital-actions
(procès-verbal du 5 avril 2008) lorsqu'elle a vendu son immeuble par acte
authentique du 17 mars 2009.
Dans ces circonstances, l'acte générateur d'obligation ne saurait être mis en
doute. Le mari cédait une part du capital-actions en contrepartie de
l'investissement ultérieur d'argent par l'intimée. Que l'exécution de la
contrepartie, intervenue après la cession des actions, ait le cas échéant été
défectueuse ne met pas en cause la validité de l'acte générateur, d'autant
moins que l'éventuelle exécution défectueuse serait de la responsabilité du
mari. On relèvera en outre qu'il n'a pas été allégué que le mari se serait
prévalu d'un vice du consentement ou aurait résilié l'acte générateur.

6. 
En définitive, le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué doit être
réformé dans le sens que la conclusion n° 1 visant à faire constater
l'importance du capital-actions en mains de l'intimée et la date de son
acquisition est déclarée irrecevable. L'arrêt attaqué est en revanche confirmé
en tant qu'il admet les conclusions n ^os 2 et 3 de l'intimée. Pour le surplus,
la cause doit être retournée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à
nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Ces éléments seront
traduits dans le dispositif qui, pour des raisons de clarté, prononcera
l'annulation totale de la décision attaquée.
La recourante succombe pour l'essentiel. Il se justifie de mettre trois quarts
des frais et dépens à sa charge, le dernier quart étant à la charge de
l'intimée (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'émolument est fixé à
5'000 fr. et les dépens de chacune des parties à 6'000 fr., si bien qu'après
compensation, la recourante reste devoir 3'000 fr. de dépens à l'intimée. Cette
dernière étant à l'assistance judiciaire, elle est dispensée du paiement des
frais judiciaires. La caisse du Tribunal fédéral versera à l'avocat d'office le
solde des honoraires non couvert par les dépens dus par la recourante, à savoir
3'000 fr. (art. 64 al. 2 2 ^e phrase LTF). La recourante versera directement à
l'avocat d'office la part de dépens qu'elle doit à l'intimée (arrêts 5A_389/
2014 du 9 septembre 2014 consid. 4 in SJ 2015 I 13 et 6B_203/2008 du 26
novembre 2008 consid. 3; THOMAS GEISER, in Commentaire bâlois, 2 ^e éd. 2011,
n° 38 i.f. ad art. 64 LTF; cf. toutefois BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la
LTF, 2 ^e éd. 2014, n° 65 ad art. 64 et n° 26 ad art. 68 LTF; DENIS TAPPY, in
Code de procédure civile commenté, 2011, n° 18 ad art. 122 CPC). La distraction
des dépens n'est certes pas prévue par la LTF, dont l'art. 68 prescrit de
verser l'indemnité de dépens à la partie elle-même. Toutefois, dans cette
situation particulière où la partie bénéficiant de l'assistance judiciaire
n'encourt pas de frais de défense, il se justifie de parer au risque que les
dépens versés par la partie adverse ne parviennent pas à l'avocat commis
d'office, pour une raison ou pour une autre ("détournement" par la partie
assistée, saisie ou séquestre de sa créance de dépens, compensation avec une
dette de la partie adverse); au demeurant, l'art. 64 al. 2 LTF confère à
l'avocat d'office une créance directe "subsidiaire" contre l'Etat (cf. ALFRED
BÜHLER, in Commentaire bernois, 2012, n° 59 s. ad art. 122 CPC). Pour le cas où
le conseil ne pourrait pas recouvrer les dépens dus par la recourante, la
caisse du Tribunal fédéral y suppléera (cf. ATF 122 I 322 consid. 3a i.f.;
arrêt 5G_1/2015 du 18 mars 2015 consid. 2). L'on rappellera enfin que l'intimée
est tenue de rembourser la caisse si elle est ultérieurement en mesure de le
faire (art. 64 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé.

2. 
Statuant sur l'action intentée par B.________ contre A.________ SA, la cour de
céans prononce:

2.1. La conclusion n° 1 de la demanderesse, tendant à faire constater qu'elle
est actionnaire de la défenderesse à raison de 50% du capital-actions depuis le
5 avril 2008, est irrecevable.

2.2. Il est constaté que les décisions prises lors de l'assemblée géné-rale de
la défenderesse du 15 février 2012 sont nulles.

2.3. Ordre est donné au Registre du commerce de radier les inscrip-tions
opérées sur la base de l'assemblée générale de la défenderesse du 15 février
2012.

3. 
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle
décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

4. 
Les frais de la présente procédure, fixés à 5'000 fr., sont mis à la charge de
la défenderesse à raison de 3'750 francs.

5. 
La défenderesse versera à Me Cyrille Bugnon le montant de 3'000 francs.

6. 
La caisse du Tribunal fédéral versera 3'000 fr. à Me Bugnon à titre
d'honoraires d'avocat d'office; elle lui versera en outre les 3'000 fr. dus par
la défenderesse dans l'éventualité où ce montant serait irrécou-vrable.

7. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 15 janvier 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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