Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.211/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_211/2015

Arrêt du 8 décembre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Klett et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat,
recourante,

contre

B.________,
représenté par Me Olivier Wasmer, avocat,
intimé.

Objet
contrat de bail à loyer; résiliation,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 2 mars 2015 par la Chambre
des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A. 
B.________ est locataire depuis juin 1998 d'une surface commerciale d'environ
140 m ^2 au centre de Genève, dans un immeuble construit en 1953 et appartenant
à A.________ SA. Celle-ci est aussi propriétaire de deux immeubles voisins. Le
loyer, qui n'a pas varié, s'élève à 28'020 fr. par an, auquel s'ajoutent 2'400
fr. d'acomptes pour les charges.

Le 19 novembre 2010, la bailleresse a résilié en temps utile le bail du
locataire pour la prochaine échéance ordinaire, soit le 31 mai 2011. Elle n'a
donné aucun motif.

B.

B.a. Le locataire a saisi la commission de conciliation le 24 novembre 2010.
Devant cette autorité, la bailleresse a justifié la résiliation par un motif
économique. La commission de conciliation a annulé le congé par décision du 16
janvier 2012, notifiée le 2 avril 2012.

Le 2 mai 2012, la bailleresse a déposé une demande en validation de congé
devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Elle a fait valoir
qu'il était impossible d'effectuer un calcul de rendement complet comme
l'immeuble avait été acquis à une date très ancienne; toutefois, un calcul de
rendement partiel, limité à la couverture des charges d'exploitation et
financières, montrait déjà qu'il était possible d'obtenir un loyer plus élevé.
La méthode des loyers comparatifs conduisait selon elle à la même conclusion.

A l'audience du 28 novembre 2012, le Tribunal a attiré l'attention du conseil
de la bailleresse sur le fait que les charges figurant dans les pièces
produites devaient être ventilées entre les différents immeubles de la
bailleresse, et que certaines charges comptabilisées n'étaient pas
nécessairement prises en compte dans un calcul de rendement. Le conseil de la
bailleresse s'est engagé à préciser ces charges. Il a également été avisé du
fait que parmi les exemples comparatifs, certains immeubles appartenaient au
même propriétaire alors que d'autres avaient été construits à des dates très
différentes de l'immeuble litigieux, de sorte que tous ces exemples ne
pourraient pas être pris en considération.

Statuant par jugement du 3 mars 2014, le Tribunal des baux et loyers a annulé
le congé et rejeté toutes autres conclusions.

B.b. Cette décision a été confirmée le 2 mars 2015 par la Chambre des baux et
loyers de la Cour de justice, statuant sur appel de la bailleresse.

En substance, la Chambre a jugé que la bailleresse avait échoué à prouver par
un calcul de rendement même partiel qu'il était possible d'augmenter le loyer
de manière non abusive; elle n'avait en effet pas produit les pièces
suffisantes malgré l'octroi d'un second délai. Au demeurant, en se fondant sur
les charges courantes, charges d'entretien, charges financières et impôt
immobilier complémentaire, l'on arrivait à un loyer annuel admissible de 28'095
fr. 20, alors que le loyer actuel était de 28'020 francs; la hausse de loyer
susceptible d'être obtenue était insignifiante et ne justifiait pas une
résiliation. Pour le surplus, la bailleresse n'avait fourni que deux exemples
exploitables de loyers comparatifs au lieu des cinq requis par la
jurisprudence; dès lors, elle ne démontrait pas non plus que les loyers du
quartier lui permettaient de majorer le loyer.

C. 
La bailleresse saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans
lequel elle requiert que le congé donné pour le 31 mai 2011 soit validé, que le
locataire ne bénéficie d'aucune prolongation de bail et que la cause soit
renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle ordonne l'évacuation des locaux.

Le locataire intimé conclut au rejet du recours. L'autorité précédente se
réfère à son arrêt.

Considérant en droit :

1.

1.1. La valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. requise pour les causes de
droit du bail à loyer est atteinte (art. 74 al. 1 let. a LTF; cf. ATF 137 III
389 consid. 1.1). Les autres conditions du recours en matière civile sont aussi
réalisées. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs
formulés par la recourante.

1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut toutefois les rectifier ou les
compléter s'ils ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ce qu'il incombe
en principe au recourant de dénoncer (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF; ATF
133 IV 286 consid. 6.2). Dans la mesure où il se plaint d'un arbitraire au sens
de l'art. 9 Cst., le recourant doit satisfaire aux exigences de motivation plus
strictes de l'art. 106 al. 2 LTF; il doit exposer de manière claire et
circonstanciée, si possible documentée, en quoi le juge a versé selon lui dans
l'arbitraire. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de
nature appellatoire dirigées contre l'état de fait ou l'appréciation des
preuves (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 II 353 consid. 5.1).

En l'occurrence, la partie recourante ne soulève aucun grief d'arbitraire dans
l'établissement des faits. Elle dénonce tout au plus une violation de la maxime
inquisitoire sociale et une violation de son droit d'être entendue, plus
précisément de son droit à la preuve, griefs qui seront traités ci-après
(consid. 3.3, 3.4 et 6.1).

2. 
La bailleresse a invoqué un mobile économique à l'appui du congé. Selon la
jurisprudence, il est admissible de résilier un bail afin d'obtenir d'un
nouveau locataire un loyer plus élevé que celui payé par le locataire congédié;
toutefois, une telle résiliation ne doit pas servir de prétexte à la poursuite
d'un but illicite tel que la perception d'un loyer abusif. La résiliation est
contraire aux règles de la bonne foi, et partant annulable en vertu de l'art.
271 al. 1 CO si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure
la possibilité de majorer légalement le loyer, parce que celui-ci est déjà
conforme aux loyers usuels dans le quartier, respectivement parce qu'il procure
déjà un rendement suffisant. Est abusif le congé donné par un bailleur qui ne
dispose que d'une réserve de hausse insignifiante, mais en fait néanmoins usage
afin de se débarrasser d'un locataire qui ne lui convient plus (ATF 136 III 74
consid. 2.1; 120 II 105 consid. 3b/bb).

En l'occurrence, la bailleresse a tenté de démontrer aussi bien par le calcul
de rendement que par les loyers comparatifs qu'un loyer supérieur pouvait être
obtenu. En vain, selon les deux instances cantonales.

3.

3.1. La recourante soulève divers griefs concernant le calcul de rendement. Il
convient de rappeler à cet égard quelques principes dégagés par la
jurisprudence.

En vertu de l'art. 269 CO, le loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur
d'obtenir un rendement excessif de la chose louée. Est visé le rendement net
des fonds propres investis par le propriétaire. Le loyer doit permettre d'une
part de toucher un rendement raisonnable par rapport aux fonds propres
investis, d'autre part de couvrir les charges immobilières. Sont pris en compte
les fonds propres ayant servi à la construction ou à l'acquisition de
l'immeuble, ainsi qu'à son amélioration; les fonds propres investis dans des
travaux à plus-value sont donc intégrés dans les coûts d'investissement (ATF
141 III 245 consid. 6.3 et 6.6 p. 255).

Quant aux charges immobilières, elles comprennent les charges financières (en
particulier les intérêts hypothécaires dus sur les emprunts), les charges
courantes ou d'exploitation (impôt, prime d'assurance, frais de gérance, etc.)
et les charges d'entretien (ATF 141 III 245 consid. 6.3 i.f.). Les travaux
d'entretien sont en principe intégrés dans les charges lorsqu'ils ont été
exécutés et payés. Il faut procéder à une moyenne des charges encourues les
cinq dernières années - cas échéant au moins les trois dernières années -
précédant le calcul de rendement. Cette règle est susceptible d'adaptations,
notamment lorsque les comptes d'un exercice comportent des chiffres
anormalement bas ou hauts, qui reflètent donc mal la moyenne des coûts
d'entretien. Les frais consentis pour l'entretien extraordinaire - remplacement
d'installations telles que chaudière, ascenseur, toiture, prise d'eau - doivent
être répartis sur plusieurs exercices en fonction de la durée de vie des
installations concernées. La quote-part correspondante est intégrée chaque
année dans les charges d'entretien jusqu'à amortissement complet; l'on y ajoute
un intérêt sur le capital non amorti (ATF 141 III 245 consid. 6.5 p. 253 et 6.6
p. 255 s. et les réf. citées; cf. ATF 111 II 378 consid. 2 p. 380).

Pour les immeubles anciens, c'est-à-dire les immeubles construits ou acquis il
y a plusieurs décennies, la détermination des fonds propres peut être
problématique, soit que les pièces comptables manquent, soit qu'elles révèlent
des montants économiquement irréalistes. Dans ce cas, la hiérarchie des
critères absolus est inversée, en ce sens que le critère des loyers usuels dans
le quartier (art. 269a let. a CO) l'emporte sur le calcul de rendement net (ATF
139 III 13 consid. 3.1.2 p. 16 s.; sur la notion d'immeuble ancien, cf. ATF 140
III 433 consid. 3.1). La jurisprudence s'oppose à ce que l'on reconstitue le
coût d'investissement en se fondant sur des valeurs objectivées telles que la
valeur vénale ou fiscale de l'immeuble, ou encore sa valeur d'assurance,
celles-ci n'ayant pas leur place dans un calcul de rendement fondé sur les
coûts effectifs (ATF 122 III 257 consid. 3b/bb).

3.2.

3.2.1. La recourante reproche à l'autorité précédente de ne pas avoir intégré
dans les coûts d'investissement les travaux de rénovation accomplis sur
l'immeuble au cours des années 2000.

3.2.2. D'après l'arrêt attaqué, la bailleresse a produit un récapitulatif des
travaux dressé par sa fiduciaire, dont il ressort de manière non contestée
qu'entre 1996 et 2008, la bailleresse a investi 6'841'511 fr. pour l'immeuble
abritant la surface louée par le locataire intimé, soit en tout 12'515'484 fr.
pour les trois immeubles dont elle est propriétaire. Ce document révèle aussi
que la bailleresse a payé 9'359'239 fr. pour des travaux réalisés entre 2003 et
2008 sur ses trois immeubles; seuls 1'707'167 fr. de ces 9'359'239 fr. ont été
financés par des fonds propres. La cour cantonale constate ensuite que l'on
ignore comment ces fonds propres ont été ventilés entre les trois immeubles
concernés, et partant si et dans quelle proportion les travaux effectués sur
l'immeuble abritant le locataire ont été financés par des fonds propres. Ces
travaux ne pouvant être intégrés dans les coûts d'investissement financés par
des fonds propres, il importe peu de savoir s'il s'agissait ou non de travaux à
plus-value.

La recourante dénonce une lecture des pièces "erronée"; toutefois, il ne
ressort en tout cas pas de ses explications peu claires que les pièces
produites permettraient en réalité de déterminer dans quelle proportion les
travaux réalisés sur l'immeuble abritant le locataire congédié ont été financés
par des fonds propres. La cour de céans est dès lors liée par ce fait. La
recourante objecte encore qu'en présence de travaux d'ensemble procédant d'un
programme global et identique pour les différents immeubles concernés, il
conviendrait de ventiler les fonds propres entre les immeubles en proportion de
l'importance des travaux accomplis sur chacun d'eux. Le propriétaire ne
pourrait pas librement décider de la répartition fonds propres/fonds étrangers
pour chaque bâtiment, en affectant par exemple des fonds propres exclusivement
à la rénovation d'un immeuble et en utilisant des fonds étrangers pour les
autres immeubles; un tel procédé reviendrait à pénaliser arbitrairement les
locataires de l'immeuble sur lequel seraient concentrés tous les fonds propres.
En l'occurrence, rien n'indique que le cas de figure évoqué par la recourante
se soit réalisé et que les travaux aient découlé d'un projet global identique
pour les trois immeubles appartenant à la bailleresse. L'on ignore tout de
leurs caractéristiques et des rénovations qui ont pu être effectuées sur chacun
d'eux. Il ne découle pas de l'arrêt attaqué qu'il s'agirait d'immeubles
strictement identiques ayant bénéficié des mêmes rénovations. Tout cela suffit
à conduire au rejet du grief, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la
thèse juridique de la recourante. La Cour de justice n'a donc pas enfreint le
droit fédéral en s'abstenant de procéder à une répartition théorique des fonds
propres investis dans les travaux réalisés sur les trois immeubles de la
bailleresse. Du moment que ces travaux ne pouvaient pas être intégrés dans les
coûts d'investissement, la cour cantonale pouvait effectivement s'épargner de
rechercher dans quelle mesure les travaux apportaient une plus-value.

3.2.3. Dans une argumentation subsidiaire, la recourante plaide que les travaux
auraient à tout le moins dû être intégrés dans les charges d'entretien. Dans
l'hypothèse la moins favorable pour elle, les 6'841'511 fr. de travaux
effectués dans l'immeuble auraient dû être ventilés sur 20 ans, ce qui aurait
fait augmenter de 343'075 fr. 55 [recte: 342'075 fr. 55] le montant des charges
annuelles.

La Cour de justice retient notamment que les pièces produites ne permettent pas
de déterminer quels travaux ont profité effectivement aux locaux litigieux
plutôt qu'aux autres immeubles de la bailleresse, voire exclusivement aux
autres locaux de l'immeuble concerné. Sans dénoncer un arbitraire, la
recourante objecte que les pièces produites, notamment des expertises élaborées
dans le cadre d'une procédure de classement, détaillent la nature des travaux,
à savoir des interventions structurelles bénéficiant à tous les locaux de
manière identique. Indépendamment des exigences requises pour remettre en cause
l'état de fait de la décision attaquée (supra, consid. 1.2), force est de
constater que pour pouvoir ventiler sur plusieurs années les travaux
d'entretien extraordinaire, il faut connaître précisément les travaux accomplis
et examiner au cas par cas la durée de vie des installations remplacées. La
recourante ne développe pas d'argumentation circonstanciée et documentée selon
laquelle les pièces produites fourniraient de tels renseignements. Or, à défaut
de ceux-ci, l'on ne saurait procéder à une ventilation fondée sur un
"amortissement" forfaitaire et global des installations rénovées au motif que
les précisions nécessaires n'ont pas été apportées. Ces considérations
conduisent au rejet du grief.

3.3. La recourante plaide encore que la cour cantonale aurait enfreint la
maxime inquisitoire sociale en omettant de l'informer que les pièces fournies
étaient insuffisantes et devaient être complétées.

Point n'est besoin d'examiner dans quelle mesure le grief, qui concerne au
premier chef le juge de première instance, aurait dû être soulevé au stade de
l'appel déjà; le grief doit de toute façon être rejeté sur le fond. En effet,
sous l'ancien droit comme sous le CPC, la maxime inquisitoire sociale, qui
impose au juge un devoir d'interpellation accru, s'applique avec retenue
s'agissant d'une partie représentée par un avocat (art. 274d al. 3 aCO et art.
247 al. 2 let. a CPC; arrêts 4A_491/2014 du 30 mars 2015 consid. 2.6.1; 4A_519/
2010 du 11 novembre 2010 consid. 2.2). Or, dès la première instance, la
bailleresse était assistée de son avocat, réputé connaître notamment la
nécessité d'établir le rendement de la chose louée par le locataire, par
opposition au rendement de l'immeuble entier et au rendement d'autres
immeubles, ce qui nécessitait la production de pièces topiques. Au demeurant,
le Tribunal des baux a été jusqu'à faire observer au conseil de la recourante
que les charges devaient être ventilées entre les différents immeubles,
remarque qui valait manifestement aussi pour les fonds propres.

3.4. Enfin, la recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue
qui tiendrait au fait que la Cour de justice a refusé d'auditionner le
comptable en charge des comptes des immeubles.

Le droit à la preuve, qui découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.)
et, pour le domaine du droit civil fédéral, de l'art. 8 CC, n'est pas mis en
cause lorsque le juge procède à une appréciation anticipée des preuves exempte
d'arbitraire et aboutit à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas
la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des
preuves déjà recueillies (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 p. 376; 129 III 18
consid. 2.6).

En l'occurrence, l'autorité d'appel a jugé que l'audition du comptable ne
permettrait pas de remédier à la carence de pièces probantes puisque cette
mesure visait uniquement à ce que le témoin apporte des précisions sur
certaines pièces produites. La recourante ne taxe pas d'arbitraire cette
appréciation, qui en est objectivement exempte, puisque le témoignage n'était
pas destiné à suppléer au défaut de pièces permettant d'établir précisément
quels travaux ont été accomplis sur l'immeuble, cas échéant dans quels
appartements, à quelle date, pour quels montants et selon quel financement.

3.5. En bref, sur la base des faits qui lient l'autorité de céans, la Cour de
justice n'a pas enfreint le droit fédéral en s'abstenant d'intégrer dans le
calcul de rendement les travaux accomplis sur l'immeuble abritant la surface
louée par l'intimé.

4.

4.1. La recourante émet encore deux critiques concernant les charges retenues
par les juges d'appel. Tout d'abord, elle conteste avoir admis le tri opéré par
le Tribunal des baux, qui a écarté certains postes figurant dans les charges
courantes (ou d'exploitation).

Le Tribunal a effectivement jugé que certains postes comptabilisés comme
charges courantes ne pouvaient pas être retenus, en particulier les postes tels
que "frais de chauffage locaux vacants", "frais divers", "honoraires divers",
"honoraires pour conseil juridique" et "frais de publicité". La Cour de justice
a constaté que dans son appel, la bailleresse chiffrait le montant des charges
courantes en se fondant sur les seuls postes retenus par le Tribunal des baux;
quant au locataire, il ne se prononçait pas sur cette question. La Cour en a
déduit que les parties s'en tenaient aux postes qui n'avaient pas été écartés
par le Tribunal des baux.

La bailleresse ne cherche pas à démontrer, références à l'appui, qu'elle aurait
contesté dans son mémoire d'appel l'exclusion même de certains postes. Cela
suffirait en soi à écarter son grief, qui est au demeurant infondé. En effet,
la lecture du mémoire confirme que la Cour de justice a résumé correctement la
situation; or, elle était fondée à en déduire que la bailleresse ne remettait
pas en cause la sélection opérée par les premiers juges.

4.2. La bailleresse reproche ensuite à la Cour de justice d'avoir "opéré des
calculs en partie discutables s'agissant du nombre d'années prises en compte
pour le calcul des moyennes de charges, puisqu'elle a fait varier la taille des
séries en fonction des postes de frais". Elle s'en remet à l'appréciation de la
cour de céans, "qui pourra, le cas échéant, retenir un calcul différent".

A supposer que la recourante entende réellement remettre en cause l'arrêt
attaqué sur ce point, le grief doit être rejeté. L'on rappelle que la
jurisprudence préconise d'effectuer une moyenne des charges sur une période de
trois à cinq ans; il s'agit d'éviter la prise en compte d'un exercice
extraordinaire, comprenant des montants anormalement bas ou anormalement
élevés. Par ailleurs, les travaux d'entretien extraordinaire doivent être
ventilés sur plusieurs exercices en fonction de la durée de vie des
installations (supra consid. 3.1).

En l'occurrence, les juges genevois ont établi une moyenne des charges en se
fondant généralement sur les années 2004 à 2009; concernant toutefois les frais
d'entretien et les charges de gestion, ils ont écarté certaines années,
relevant que dans le premier cas, les montants étaient anormalement élevés et
coïncidaient avec la période de gros travaux, tandis que dans le second cas,
certaines années étaient anormalement basses. La recourante n'avance aucun
argument destiné à contester le caractère anormal des chiffres et à contrer ce
raisonnement, qui apparaît conforme au droit fédéral.

4.3. La bailleresse conteste que la production d'un état locatif postérieur
(année 2012) à l'annonce du congé (novembre 2010) puisse constituer un obstacle
au calcul de rendement. Elle voit dans l'argumentation de la cour cantonale
l'illustration d'un parti pris à son encontre et relève que l'état locatif
pouvait à tout le moins servir à connaître la surface louée ou le nombre de
pièces louées.

La cour cantonale a relevé avec raison qu'il s'agit d'examiner le bien-fondé
des motifs du congé au moment où il a été donné (ATF 138 III 59 consid. 2.1
i.f. p. 62), de sorte que cet instant constitue la date déterminante pour le
calcul de rendement; dans cette mesure, elle n'avait pas à tenir compte d'un
état locatif postérieur à la date du congé. Cela étant, lorsque les comptes
sont tenus pour l'immeuble entier et que les différents loyers composant l'état
locatif ne sont pas homogènes, l'on commence par déterminer le rendement
admissible pour tout l'immeuble, puis pour la surface louée par le locataire,
en utilisant une clé de répartition telle que le rapport entre la surface louée
et la surface totale de l'immeuble; l'on confronte alors le loyer actuel au
loyer admissible (cf. par ex. DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 426 s. et
p. 447 s.). Tel est précisément ce qu'a fait la Cour de justice. La recourante
ne conteste pas les surfaces retenues par la cour. Il s'ensuit le rejet du
grief.

5.

5.1. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir refusé de valider
le congé, alors même que le calcul de rendement très partiel, n'intégrant aucun
fonds propre et faisant abstraction des travaux à plusieurs millions de francs
accomplis dans l'immeuble, démontrait déjà qu'il était possible d'obtenir un
loyer supérieur au loyer actuel. Elle soutient qu'en reconstituant le coût
d'acquisition d'après la valeur comptable de l'immeuble et les dettes
hypothécaires, le seul poste "rendement des fonds propres" donnerait droit à un
loyer théorique supplémentaire de 7'730 fr. 50 par an, soit 27'056 fr. 75 après
une indexation de 350%.

5.2. La bailleresse a fait valoir que la date d'acquisition de l'immeuble était
trop ancienne pour que l'on puisse utiliser les valeurs concernant les fonds
propres investis. L'on ignore tout des conditions de l'acquisition; tout au
plus est-il précisé que l'immeuble a été construit en 1953. Or, lorsque la date
d'acquisition ou de construction de l'immeuble est trop ancienne, la hiérarchie
des critères est inversée, en ce sens que le critère des loyers usuels
prédomine (supra consid. 3.1). Il est certes loisible à la partie bailleresse
de démontrer que le loyer actuel ne suffit déjà pas à couvrir les diverses
charges de l'immeuble, indépendamment du rendement des fonds propres investis
pour l'acquisition de l'immeuble. Cela étant, si elle n'y parvient pas, elle
doit en subir les conséquences. En particulier, elle ne saurait contourner les
règles jurisprudentielles rappelées ci-dessus en tentant de reconstituer le
coût d'investissement d'après la valeur comptable de l'immeuble.

En l'occurrence, la cour cantonale est arrivée à la conclusion que le loyer
annuel admissible est de 28'095 fr. 20, alors que le loyer actuel est de 28'020
francs. Sur le principe, la simple possibilité d'obtenir 75 fr. supplémentaires
sur une année ne saurait justifier un congé, l'augmentation étant négligeable.
La recourante objecte toutefois que le loyer pourrait manifestement être plus
élevé dès lors que le calcul ne tient pas compte de la valeur d'acquisition de
l'immeuble - qui ne saurait être nulle - et n'intègre pas les travaux
importants qui ont été entrepris.

Il est exact que le calcul de rendement n'est que partiel. Toutefois, la
recourante n'a pas donné le moindre renseignement sur l'acquisition de
l'immeuble et a produit des pièces insuffisantes pour intégrer les travaux dans
le calcul de rendement. Dans un tel contexte, l'on ne saurait se perdre en
conjectures et réduire les exigences de preuve en se contentant d'une
vraisemblance plus ou moins grande que la bailleresse soit en droit d'obtenir
une augmentation de loyer non abusive.

6.

6.1. La bailleresse formule ensuite des griefs concernant le critère des loyers
usuels du quartier. Tout d'abord, elle dénonce une violation de son droit
d'être entendue en reprochant à la Cour de justice d'avoir écarté les nouvelles
fiches de comparaison qu'elle avait produites en appel.

Les juges d'appel ont déclaré ces pièces nouvelles irrecevables en vertu de
l'art. 317 al. 1 let. b CPC, considérant que la bailleresse n'avait pas fait
preuve de la diligence requise qui aurait permis de produire ces éléments de
preuve plus tôt. La recourante explique que l'obtention des données
comparatives dépend de la bonne volonté des régies et propriétaires
interpellés; elle dit avoir produit les documents dès qu'elle a pu en disposer.
Cette argumentation ne s'appuie sur aucun élément démontrant que la recourante
aurait demandé en temps utile des données qu'elle n'aurait finalement reçues
qu'au moment du dépôt de l'appel. L'on ne discerne aucune violation de l'art.
317 CPC, étant précisé que le juge de première instance n'a pas méconnu la
maxime inquisitoire sociale, allant même jusqu'à attirer l'attention du conseil
de la bailleresse sur l'insuffisance des exemples fournis (ATF 138 III 374
consid. 4.3.2).

6.2.

6.2.1. Sur le fond, la bailleresse reproche en substance aux juges d'appel
d'avoir appliqué strictement les critères concernant les exemples de loyers
comparatifs, alors que le quartier comporterait des immeubles très divers en
termes d'année de construction et de typologie; il serait quasiment impossible
de fonder une comparaison basée sur les critères usuels. A l'instar de l'arrêt
4C.343/2004, il eût fallu admettre que le loyer litigieux était manifestement
inférieur aux loyers du quartier. Le loyer d'environ 200 fr. le mètre carré par
an serait très inférieur aux loyers du quartier, où les locaux commerciaux se
loueraient entre 500 fr. et 1'200 fr./m2 par an; même les locaux les plus
vétustes se loueraient facilement à 350 fr./m2.

6.2.2. Selon l'art. 269a let. a CO, ne sont en règle générale pas abusifs les
loyers qui se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou
dans le quartier. L'art. 11 OBLF (Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à
ferme d'habitations et de locaux commerciaux, RS 221.213.11) précise que pour
le calcul des loyers usuels dans la localité ou le quartier, sont déterminants
les loyers des logements et locaux commerciaux comparables à la chose louée
quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de
construction (al. 1); n'entrent pas en ligne de compte les loyers découlant du
fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). La
jurisprudence considère qu'en règle générale, le juge doit disposer de cinq
éléments de comparaison au moins (ATF 136 III 74 consid. 3.1 p. 80; 123 III 317
consid. 4a).

Dans l'affaire citée par la recourante, les autorités cantonales avaient
constaté à l'issue d'une analyse fouillée que le loyer du locataire congédié
(166 fr., voire 187 fr./m2) était nettement inférieur aux loyers des locaux
proposés en comparaison, lesquels variaient entre 383 et 951 fr./m2. La cour de
céans avait conclu que même si les exemples fournis ne répondaient pas tous
strictement aux exigences de comparaison posées par la jurisprudence, l'on
pouvait sans autre admettre, au vu d'une différence aussi flagrante, que le
loyer litigieux était inférieur à la moyenne des loyers usuels du quartier; au
demeurant, un calcul de rendement approximatif fondé sur l'état locatif établi
par l'expert privé de la locataire permettait d'obtenir un rendement supérieur
de 13 % en tout cas au rendement actuel (arrêt 4C.343/2004 du 22 décembre 2004
consid. 3.2).

6.2.3. Dans le cas présent, les juges genevois ont retenu que seuls sept des
exemples comparatifs produits concernaient des immeubles construits moins de
vingt ans avant ou après l'immeuble litigieux; les autres exemples devaient
donc être écartés. Sur ces sept cas, trois présentaient des surfaces très
éloignées des locaux litigieux. Les quatre exemples restants concernaient deux
propriétaires différents, de sorte que finalement, seuls deux exemples étaient
exploitables. La bailleresse ne démontrait pas que le loyer litigieux était
inférieur aux loyers usuels du quartier.

La recourante ne discute pas les constatations de fait concernant l'année de
construction des immeubles pris en comparaison, la surface des locaux comparés
et la concentration en mains de deux propriétaires. Elle plaide que le quartier
serait composé d'immeubles très divers au point qu'il serait impossible de
fonder une comparaison basée sur les critères usuels; au demeurant, le loyer
litigieux serait manifestement inférieur aux loyers du quartier.

L'état de fait des décisions cantonales ne fait pas ressortir de telles
difficultés objectives à remplir les exigences posées pour les exemples
comparatifs. L'on ignore également tout des montants pratiqués dans le
quartier, indépendamment des autres éléments de comparaison. A cet égard, la
recourante ne formule aucune critique contre l'état de fait et, à juste titre,
ne prétend pas qu'il s'agirait de faits notoires pour l'autorité de céans. L'on
ne dispose ainsi d'aucun motif qui pourrait justifier d'assouplir les critères
requis pour les exemples comparatifs. La situation est manifestement différente
de la cause citée par la recourante.

Il s'ensuit le rejet du grief.

7. 
Pour les motifs qui précèdent, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est recevable. En conséquence, la bailleresse recourante supportera les frais
de la présente procédure et versera une indemnité de dépens au locataire intimé
(art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 8 décembre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Kiss

La Greffière: Monti

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