Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.210/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_210/2015

Arrêt du 2 octobre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les Juges fédérales Kiss, présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Ramelet.

Participants à la procédure
A.________ Ltd, représentée par Me Matteo Inaudi,
recourante,

contre

B.________ Sàrl, représentée par Me Michel D'Allessandri,
intimée.

Objet
responsabilité de l'architecte pour le dépassement du coût de la construction
(art. 398 CO),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 20 février 2015.

Faits :

A. 

A.a. A.________ Ltd (ci-après: la société, la demanderesse ou la recourante)
est une société de services, active dans le domaine de la finance, dont le
siège est à Genève; son administrateur unique est C.________.
Au printemps 2009, la société a pris à bail des locaux à Genève.

A.b. Dans le courant du mois de mars 2009, la société est entrée en contact
avec B.________ Sàrl (ci-après: l'architecte, la défenderesse ou l'intimée),
qui exploite une entreprise de décoration et dont D.________ est l'associée
gérante.
Par un contrat du 8 mai 2009, rédigé en anglais, dénommé " mandate contract "
ou " mandate agreement " et expressément soumis aux art. 394 ss CO, la société
a chargé l'architecte, qui est désigné en qualité de " adviser and co-ordinator
", de l'installation de ses bureaux dans les locaux bruts qu'elle avait pris à
bail, tâches comprenant la rénovation desdits locaux, la construction d'un
escalier reliant les deux étages, l'aménagement du mobilier et la décoration
des bureaux, ainsi que le suivi du projet, les relations avec les entreprises
et le paiement des demandes d'acomptes de celles-ci. L'annexe 1 du contrat
renvoie à l'offre finale du 5 mai 2009 prévoyant un coût total des travaux de
360'000 fr., dont 30'000 fr. d'honoraires d'architecte.

A.c. Le 17 juillet 2009, la société s'est notamment plainte auprès de
l'architecte que l'estimation du prix total des travaux n'avait pas été
respectée, même en tenant compte des travaux complémentaires admis. Elle a
réitéré ses griefs par courrier du 23 juillet 2009.
Se fondant sur l'art. 404 al. 1 CO, l'architecte a résilié le contrat avec
effet immédiat le 27 juillet 2009. Sur demande de la société, il a néanmoins
assuré le suivi des finitions de la cage d'escalier. Le 5 août 2009, il lui a
restitué les clés des locaux, remis le décompte final des travaux, ainsi que
toutes les demandes d'acomptes et les factures y relatives.
Les travaux ont été terminés par E.________ SA et d'autres entreprises.

A.d. Les parties sont encore en litige au sujet de la nature du montant de
360'000 fr. fixé par contrat, la société soutenant qu'il s'agit d'un prix
plafond et l'architecte d'une estimation.
La société admet avoir commandé des travaux supplémentaires pour 43'853 fr. 70;
elle admet donc un coût total de 403'853 fr. 70.
Le coût réel total des travaux s'est toutefois élevé à 444'020 fr. 30 (449'639
fr. 76 - 5'619 fr. 45), dont 30'000 fr. d'honoraires d'architecte et 8'525 fr.
d'honoraires complémentaires d'architecte.

B. 
Le 20 décembre 2010, la société a ouvert action contre l'architecte par
citation en conciliation devant le Tribunal de première instance de Genève.
Invoquant la mauvaise exécution du contrat par l'architecte et la mauvaise
exécution des travaux par les entrepreneurs mis en oeuvre, ainsi que le
dépassement du devis, elle a conclu à la condamnation de l'architecte à lui
payer le montant de 186'429 fr. 45 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre
2009.
Elle lui a réclamé un total de (  recte ) 40'166 fr. 60 au titre du dépassement
de devis et de remboursement des honoraires complémentaires d'architecte,
montant que celui-ci a prélevé sur les fonds qu'elle lui avait remis et qui
correspond au montant des conclusions prises devant le Tribunal fédéral; en
dépit des calculs erronés, tant de la cour cantonale que de la recourante, le
montant réclamé au titre de dépassement de devis s'élève à 31'641 fr. 60 et
celui pour le remboursement des honoraires complémentaires d'architecte à 8'525
fr.
Le Tribunal de première instance a rejeté entièrement la demande, par jugement
du 6 juin 2014. S'agissant du montant de 31'641 fr. 60 réclamé à titre de
dépassement de devis (budget), il a estimé que le montant total des travaux de
360'000 fr. ne constituait pas une limite dont le dépassement entraînait la
responsabilité de l'architecte, puisque la société elle-même a commandé des
travaux complémentaires pour un montant de 43'853 fr. 70. Considérant que ce
montant représentait 7,8% du montant total admis (403'853 fr. 70), soit un
écart inférieur au degré de tolérance de 10% admis par la jurisprudence, il a
considéré que la société n'avait pas subi de dommage; en tout état, la société
n'indiquait pas en quoi l'architecte aurait commis des erreurs ou des omissions
dans l'évaluation du coût des travaux.
En appel, la demanderesse ne réclamait plus que 136'534 fr. 45 avec intérêts à
5% l'an dès le 30 septembre 2009, dont le montant de 31'641 fr. 60 au titre de
dépassement de devis et celui de 8'525 fr. au titre de remboursement des
honoraires complémentaires d'architecte.
Statuant par arrêt du 20 février 2015, la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève a réformé le premier jugement et condamné l'architecte à
rembourser à la société le montant de 8'525 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le
30 septembre 2009; le jugement étant confirmé pour le surplus, la cour
cantonale a donc rejeté le chef de conclusions de 31'641 fr. 60 réclamé au
titre de dépassement de devis. Examinant, à la lumière des critiques de la
société, si le coût des travaux de 360'000 fr. devait être qualifié de coût
estimatif, susceptible de souffrir une certaine variation ou de prix fixé à
forfait, la cour cantonale s'est référée à la jurisprudence applicable lorsque
l'architecte n'a pas informé le mandant de l'incertitude de son devis, a retenu
implicitement, avec les premiers juges, que tel était le cas, puis a appliqué
le principe de la confiance pour en déduire que le mandant devait s'attendre à
une inexactitude du devis dans les limites de la marge de tolérance de 10%
valable pour les nouvelles constructions. Constatant que le montant du
dépassement litigieux de 31'641 fr. 60 correspond à une augmentation d'environ
7,8% du montant total des travaux, elle a considéré qu'il reste donc dans la
marge de tolérance de 10%, de sorte que l'architecte n'a pas violé son devoir
de diligence.

C. 
La société exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal, concluant à la condamnation de l'architecte à lui payer le
montant de 40'166 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 2009,
lequel comprend le montant de 8'525 fr. déjà alloué par la cour cantonale. Elle
ne réclame plus désormais que le montant de 31'641 fr. 60 au titre de
dépassement de devis, en sus de ce que lui a alloué la cour cantonale au titre
de remboursement des honoraires complémentaires d'architecte. Elle invoque un
établissement inexact des faits (art. 97 LTF) et la violation des art. 18 et
373 CO, ainsi que de l'art. 318 al. 3 CPC en relation avec l'art. 106 CPC.
L'intimée propose le rejet du recours.
Les parties ont encore chacune déposé des observations.

Considérant en droit :

1. 
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse, qui a
succombé partiellement dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), et
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise sur recours par le
tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une contestation relevant du
contrat d'architecte global, dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000
fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est
recevable au regard de ces dispositions.

2. 

2.1. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF). Cela
ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de
première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser.
Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne
traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties.
Celles-ci peuvent toujours invoquer de nouveaux moyens de droit matériel, pour
autant que l'argumentation juridique nouvelle repose sur les constatations de
fait de l'arrêt attaqué (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34; arrêt 4A_28/2007 du
30 mai 2007 consid. 1.3, non publié in ATF 133 III 421). Elles ne peuvent par
contre s'en prendre qu'à elles-mêmes si elles renoncent à invoquer ou
abandonnent un grief (ATF 140 III 86 consid. 2; arrêt 4A_146/2015 du 19 août
2015 consid. 2).

2.2. Lorsqu'un jugement a été rendu sans que les faits nécessaires à
l'application de la loi soient constatés, il y a violation du droit matériel
(art. 95 let. a LTF; ATF 133 IV 293 consid. 3.4.1; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62
et les références citées). Si le recourant invoque que la violation d'une
disposition de droit matériel est le résultat d'un état de fait incomplet
(l'autorité précédente n'ayant pas établi tous les faits pertinents pour
l'application de celle-ci, ayant considéré à tort qu'un fait n'était pas
pertinent, l'ayant laissé ouvert ou l'ayant omis), il lui incombe de démontrer,
conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), qu'il a allégué les
faits pertinents passés sous silence conformément aux règles de la procédure
civile et qu'un complètement de l'état de fait par l'autorité précédente eût
été encore objectivement possible, cela en désignant précisément les allégués
et les offres de preuve qu'il avait présentés, avec référence aux pièces du
dossier; si ces exigences ne sont pas respectées, les faits invoqués sont
réputés nouveaux (art. 99 al. 1 LTF) et, partant, irrecevables. La faculté de
compléter les constatations de fait que l'art. 105 al. 2 LTF confère au
Tribunal fédéral ne dispense en effet pas le recourant de son obligation
d'allégation (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90 et les nombreux arrêts cités).

3. 
Comme le montant de 8'525 fr., correspondant aux honoraires complémentaires de
l'architecte calculés en fonction de la majoration effective du coût des
travaux, a déjà été alloué à la demanderesse par la Cour de justice et que la
défenderesse n'a pas formé de recours au Tribunal fédéral, ce montant est
définitivement acquis à la demanderesse.
Seul est litigieux le montant de 31'641 fr. 60 correspondant au dépassement de
devis.

4. 
Lorsque l'architecte s'oblige à établir des plans et d'autres documents
concernant des travaux de construction ou de transformation d'un bâtiment,
ainsi qu'à diriger ces travaux, on est en présence d'un contrat d'architecte
global. Il s'agit d'un contrat mixte, qui est soumis, selon les prestations à
fournir par l'architecte, aux règles du mandat ou à celles du contrat
d'entreprise (ATF 134 III 361 consid. 5.1 p. 363; 127 III 543 consid. 2a p.
545).

4.1. L'élaboration du devis des coûts de construction par l'architecte global
est soumise aux règles du mandat (art. 394 ss CO; ATF 134 III 361 consid. 6.2.2
et 6.2.3 p. 364 s.; 127 III 543 ibidem). En effet, l'architecte établit un
devis non pour sa propre prestation, mais pour les prestations fournies par des
tiers entrepreneurs, de sorte qu'il n'est pas en mesure de garantir un résultat
qui serait mesurable selon des critères objectifs; il subsiste toujours une
certaine marge d'incertitude. Le devis est une estimation (ou une évaluation,
un pronostic) que l'architecte est tenu d'élaborer avec diligence, vu
l'influence que l'information qu'il fournit aura sur les décisions successives
du mandant (ATF 134 III 361 consid. 6.2.3 p. 365).
L'architecte mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle
exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). L'art. 398 al. 1 CO renvoie aux règles
régissant la responsabilité du travailleur dans les rapports de travail, soit à
l'art. 321e CO. Il en découle que la responsabilité de l'architecte mandataire
suppose la réunion de quatre conditions qui sont cumulatives: une violation
d'un devoir de diligence, une faute, un dommage et une relation de causalité
(naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir de diligence et le
dommage survenu. Il appartient au demandeur d'apporter la preuve des faits
permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC),
sauf pour la faute qui est présumée (art. 97 al. 1 CO) (cf. ATF 133 III 121
consid. 3.1 p. 124).

4.2. Pour satisfaire à son devoir de diligence, l'architecte doit établir le
devis avec soin, donner au mandant toutes les informations nécessaires sur les
coûts, en particulier sur le degré d'exactitude de son devis, et effectuer un
contrôle continu des coûts afin de pouvoir lui signaler rapidement les
éventuels dépassements de devis (ATF 119 II 249 consid. 3b/aa; arrêt 4C.424/
2004 du 15 mars 2005 consid. 3).

4.2.1. Lorsque les coûts de construction prévus sont dépassés, l'architecte en
répond différemment, selon la cause du dépassement (arrêt 4C.424/2004 du 15
mars 2005 précité, ibidem). La jurisprudence distingue entre les coûts
supplémentaires causés par l'architecte en violation du contrat et le
dépassement de devis proprement dit (ATF 122 III 61 consid. 2a; 119 II 249
consid. 3b/aa).

4.2.1.1. Les coûts supplémentaires causés par l'architecte en violation du
contrat (Mehrkosten für vertragswidrige verursachte Zusatzkosten) sont ceux qui
auraient pu être épargnés au mandant par une conduite correcte du chantier (et
qui résultent souvent d'une planification défectueuse, d'une adjudication
défavorable des travaux, de mauvaises instructions ou encore d'un défaut de
direction du chantier) (ATF 122 III 61 consid. 2a). Ils sont indépendants de
l'établissement du devis en tant que tel (arrêt 4C.424/2004 du 15 mars 2005
consid. 3.1). L'architecte doit indemniser le mandant du dommage que
représentent ces coûts supplémentaires.

4.2.1.2. Le dépassement de devis proprement dit, c'est-à-dire l'inexactitude de
l'estimation du montant indiqué dans le devis, peut résulter de l'oubli de
certains postes, d'une erreur de calcul, d'une connaissance insuffisante du
terrain, voire de l'évaluation défectueuse de la quantité des prestations
nécessaires, de l'étendue des travaux en régie ou encore des prix entrant en
ligne de compte. L'architecte qui évalue mal les coûts donne une information
erronée à son mandant au sujet du coût de construction prévisible et répond, en
cas de faute, de la mauvaise exécution du contrat (ATF 119 II 249 consid. 3b/aa
in fine; arrêt 4D_131/2009 du 16 décembre 2009 consid. 3.3.3). De même,
l'architecte qui ne procède pas au contrôle continu des coûts durant le
chantier (ungenügende Kostenkontrolle, mangelnde Kostenüberwachung) en répond,
parce qu'il donne en réalité une fausse information sur les coûts à son
mandant, qui déduit du silence de l'architecte sur l'évolution des coûts que le
devis sera respecté (arrêt 4A_187/2009 du 14 juillet 2009 consid. 4.1).

4.2.2. En cas de dépassement de devis proprement dit, l'architecte viole aussi
son devoir de diligence s'il n'avait pas informé son mandant du degré
d'inexactitude du devis lors de son élaboration, c'est-à-dire de la marge
d'incertitude de son calcul des coûts (arrêt 4A_271/2013 du 26 septembre 2013
consid. 2.1).

4.2.2.1. Dans ce cas, le juge doit examiner quelle confiance concrète le
mandant pouvait accorder au calcul des coûts de l'architecte, selon le principe
de la confiance (arrêts 4A_271/2013 déjà cité, ibidem; 4A_22/2013 du 31 juillet
2013 consid. 2.4; 4C.424/2004 déjà cité, consid. 3.2.2.2). Différentes marges
d'incertitude (dites marges de tolérance) ont été admises par la doctrine et la
jurisprudence, en fonction de la nature de la construction (arrêt 4A_187/2009
précité, consid. 4.1). Ainsi, pour les nouvelles constructions, une marge de
tolérance de 10% est admise; celle-ci correspond au degré d'exactitude admis
par la Norme SIA 102 (arrêt 4A_271/2013 précité, ibidem). La marge de tolérance
est destinée à compenser les incertitudes qui sont liées à l'estimation des
coûts, à la réalisation des travaux de construction et aux changements de
circonstances qui peuvent survenir en cours de réalisation.

4.2.2.2. Si la marge de tolérance n'est pas dépassée, il est admis que
l'architecte n'a pas violé la confiance placée en lui, qu'il n'a pas commis de
violation contractuelle (arrêts 4A_271/2013 précité, consid. 2.1; 4C.424/2004
précité, consid. 3.2.2)

4.2.2.3. En cas de dépassement de la marge de tolérance, il y a violation du
devoir de diligence et l'architecte doit réparer le dommage résultant de la
confiance déçue (Vertrauensschaden) qu'a subi le mandant en tenant l'estimation
pour exacte et en prenant ses dispositions en conséquence. Ce dommage résulte
de ce que le mandant aurait pris des décisions différentes s'il avait reçu une
estimation exacte, par exemple en s'assurant un financement plus avantageux, en
passant commande d'un ouvrage plus économique ou en renonçant totalement à son
projet, parce que la plus-value était sans utilité pour lui ou que
l'investissement exigé dépassait ses moyens financiers. Pour établir ce
dommage, il ne faut pas tenir compte de la plus-value objective de la
construction, résultant du dépassement de devis, car le mandant n'a pas voulu
cette plus-value. Il faut au contraire partir de la valeur subjective que la
construction représente pour le mandant, soit la valeur, supposée inférieure,
que celui-ci aurait vraisemblablement acceptée si l'architecte l'avait
renseigné exactement. La plus-value ne représentant un avantage que si le
mandant y a un intérêt personnel, le dommage déterminant consiste dans la
différence entre la valeur objective du bâtiment et son utilité subjective pour
le mandant (ATF 122 III 61 consid. 2c/aa; 119 II 249 consid. 3b/bb p. 252). Il
n'y a aucun dommage s'il apparaît que le mandant aurait de toute manière, même
s'il avait disposé d'une estimation exacte, fait exécuter l'ouvrage sans
modification et en en assumant volontairement les coûts réels. En principe, il
incombe au mandant de prouver que, s'il avait obtenu une estimation exacte, il
aurait pris des décisions différentes et aurait donc épargné certains frais
(arrêts 4A_229/2012 du 19 juillet 2012 consid. 9; 4D_131/2009 précité, consid.
3.3.3; 4C.424/2004 précité, consid. 5.1.1.). Il suffit en principe qu'il soit
établi avec une vraisemblance prépondérante - sur la base des allégués du
mandant et des circonstances concrètes, ressortant du dossier et des preuves
apportées - que le mandant aurait pu épargner certains coûts (arrêts 4D_131/
2009 précité, ibidem; 4C.71/2003 du 27 mai 2003 consid. 3).

4.3. Pour éviter d'avoir à assumer le risque d'un surcoût de la construction, y
compris dans les limites de la marge de tolérance, le mandant peut soit imposer
à l'architecte une limite du coût de construction (Kostenlimite) lors de la
conclusion du contrat ou en cours de planification, soit convenir avec lui
d'une garantie du coût de construction (Bausummengarantie) (arrêts 4A_187/2009
précité, consid. 4.1 in fine; 4C.424/2004 précité, consid. 3.3; à propos
d'autres possibilités, cf. THOMAS SIEGENTHALER, Die Kosteninformation, in Die
Planerverträge, Zurich 2013, p. 507 ss, spéc. p. 556).

4.3.1. La limite du coût de construction (Kostenlimite) consiste en une
instruction (Weisung) du mandant, en vertu de laquelle les coûts de la
construction ne doivent pas dépasser un certain montant (arrêt 4C.424/2004
précité, consid. 3.3; ATF 108 II 197 consid. 2a; cf. Rainer SCHUMACHER, Die
Haftung des Architekten aus Vertrag, in Le droit de l'architecte, 3e éd. 1995,
ch. 737 p. 233 s.; WALTER FELLMANN, Haftung für falsche Kostenschätzung, in
Recht der Architekten und Ingenieure, St-Gall 2002, [cité ci-après: Haftung],
p. 219 en haut, ch. 3.2; SIEGENTHALER, op. cit., p. 554 ch. 10.105). Savoir si
le mandant a imposé une limite de coût est une question d'interprétation de sa
volonté (arrêt 4C.424/2004 précité, consid. 3.3; cf. SIEGENTHALER, op. cit., p.
554).
L'instruction de limite de coût donnée par le mandant est contraignante pour
l'architecte qui l'accepte; celui-ci doit veiller à ce que le coût de la
construction ne dépasse pas cette limite ( SCHUMACHER, loc. cit.; FELLMANN,
loc. cit.).
Si l'architecte remarque ou doit remarquer que la limite de coût ne pourra pas
être tenue ou s'il doute qu'elle puisse l'être, il doit suspendre immédiatement
les travaux, investiguer et informer le mandant de façon que des mesures pour
maintenir la limite de coût puissent être prises. S'il ne remplit pas ces
devoirs de manière diligente et qu'il cause un dépassement des coûts, il doit
indemniser le maître pour le dommage ainsi subi, lequel correspond aux coûts
supplémentaires que le maître voulait précisément éviter avec son instruction
de limite de coût (arrêts 4C.424/2004 précité, consid. 3.3; 4A_54/2006 du 9 mai
2006 consid. 3.2.2; cf. FELLMANN, loc. cit.; SCHUMACHER, loc. cit.). En effet,
la limite du coût de construction est une instruction contraignante
(Zielanweisung). Si l'architecte viole cette instruction, il commet une
violation du contrat, soit une inexécution ou une mauvaise exécution du contrat
au sens des art. 97 ss et 398 CO; il répond donc du dommage qu'il cause au
mandant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 97
al. 1 CO) (cf. FELLMANN, loc. cit.; L E MÊME, Berner Kommentar, 1992, n ^°s 148
ss ad art. 397 CO).

4.3.2. Le mandant et l'architecte peuvent également convenir d'une garantie du
coût de construction (Bausummengarantie) (arrêts 4A_187/2009 précité, consid.
4.1 in fine; 4C.424/2004 précité, consid. 3.3).
La promesse de l'architecte que la réalisation de la construction ne coûtera
pas plus que le montant prévu est une promesse de résultat, séparée et
indépendante de toute faute. L'architecte prend à sa charge le risque d'un
surcoût. Par conséquent, il répond des coûts qui dépassent le montant fixé (
SCHUMACHER, op. cit., p. 234 ch. 739; FELLMANN, Haftung, p. 219 ch. 4.2;
SIEGENTHALER, op. cit., p. 554 ch. 10.106 et p. 556 ch.10.110). Une telle
garantie étant en pratique exceptionnelle, il faut que l'architecte ait donné
une assurance claire et sans équivoque qu'il prendra à sa charge tout
dépassement ( SCHUMACHER, op. cit., p. 235 ch. 741; FELLMANN, Haftung, p. 219
ch. 4.1).

5. 
En l'espèce, la cour cantonale a considéré que c'est un contrat d'architecte
global qui a été passé. L'architecte était chargé de la conception de l'espace
intérieur des bureaux, du choix du fournisseur du mobilier, de la coordination
de la commande et de la livraison des meubles ainsi que du matériel et
équipements figurant dans l'offre, du choix des entrepreneurs pour les travaux
de rénovation et de construction de l'escalier, de la conception de la
décoration intérieure, de l'agencement du mobilier et du suivi du projet; il
était également chargé de payer les demandes d'acomptes des entreprises, au
moyen d'un montant qu'il avait reçu en dépôt à cet effet; il est intervenu
comme mandataire à l'égard des entreprises, les factures étant libellées au nom
de la mandante.
La recourante ne conteste plus désormais cette qualification de contrat
d'architecte global.
En tant que la cour cantonale et la recourante considèrent, en se référant à
l'arrêt 4C.259/2006 du 23 octobre 2006 consid. 2, que l'art. 373 CO serait
applicable parce que les parties sont convenues d'une rémunération forfaitaire,
elles méconnaissent que cet arrêt concerne les honoraires de l'architecte
lui-même - qui peuvent être fixés à forfait -, et non l'estimation du coût de
la construction. Au surplus, dans cet arrêt, c'est parce que le résultat aurait
été le même quelles que soient les règles appliquées, compte tenu du mode de
rémunération forfaitaire choisi, que le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'y
avait pas lieu d'opérer de distinction entre, d'une part, les plans et
documents et, d'autre part, les autres services, et a appliqué globalement
l'art. 373 al. 1 CO (arrêt 4C.259/2006 précité, ibidem). Le grief de violation
de l'art. 373 CO est donc infondé.

6. 
La recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas recherché la volonté
des parties lors de la conclusion du contrat (art. 18 al. 1 CO) et soutient que
les parties sont convenues d'un prix de construction maximum de 360'000 fr.,
fixant par là un plafond financier. Elle lui fait également grief d'avoir omis
de constater les faits déterminants à cet égard. Une telle motivation revient
juridiquement à invoquer soit une limite du coût de construction
(Kostenlimite), soit une garantie du coût de construction (Bausummengarantie).

6.1. Il y a lieu d'examiner tout d'abord la recevabilité du grief de violation
de l'art. 18 al. 1 CO et de l'omission de constater les faits déterminants à
cet égard.

6.1.1. En première instance, dans sa demande, la mandante a qualifié le contrat
conclu de contrat d'entreprise (global), cette qualification pouvant demeurer
indécise dès lors que l'architecte n'avait jamais remis en cause son obligation
de respecter l'enveloppe budgétaire de 360'000 fr., laquelle était un plafond
financier. Dans ses conclusions motivées, avec référence aux pièces 1010 à
1020, la mandante a invoqué que les courriels échangés avant la signature du
contrat, comportant plusieurs devis dont le montant était à chaque fois revu à
la baisse, démontrent que sa volonté était bien de plafonner le coût total des
travaux, arrêté d'un commun accord à 360'000 fr.
Le Tribunal de première instance a estimé que le montant de 360'000 fr. ne
constituait pas une limite dont le dépassement entraînait la responsabilité de
l'architecte, puisque la mandante reconnaissait avoir commandé des travaux
complémentaires de 43'853 fr. 70.
En appel, alors qu'elle soutenait toujours que le montant de 360'000 fr. prévu
dans le devis était un prix plafond (auquel s'ajoutaient les commandes
supplémentaires), la mandante a invoqué l'existence d'un contrat d'entreprise
générale ou d'un contrat d'entreprise mixte et la fixation d'un prix à forfait
selon l'art. 373 CO.
La Cour de justice a écarté cette qualification, retenant celle de contrat
d'architecte global; appliquant les règles du mandat au dépassement de devis,
elle a, conformément à la jurisprudence sur la confiance déçue
(Vertrauenschaden), admis une marge de tolérance de 10%.
Dans ces circonstances, puisque la mandante a toujours soutenu que le montant
de 360'000 fr. est un prix plafond, on ne saurait considérer qu'elle a renoncé
à l'argumentation juridique qu'elle avait invoquée en première instance et qui
repose sur la volonté des parties de fixer une limite aux coûts de la
construction lors de la conclusion du contrat (cf. consid. 2.1 supra).

6.1.2. En outre, il y a lieu d'admettre que la recourante a satisfait aux
exigences de motivation du recours en matière civile, s'agissant des courriels
que la cour cantonale a omis de constater, puisqu'elle a exposé avec précision
les pièces sur lesquelles elle se fonde, même si elle n'a pas indiqué le
passage de ses écritures de première instance où elle les a allégués (cf.
consid. 2.2). Sur ce point, l'intimée n'objecte rien, se limitant à soutenir
que la motivation de la recourante serait appellatoire, que le prix n'a jamais
été arrêté au montant fixe de 360'000 fr. et n'a jamais constitué un plafond
financier à ne dépasser en aucun cas, puisque la mandante a admis des
suppléments.
Il y a donc lieu d'examiner les griefs de violation de l'art. 18 al. 1 CO et de
constatation incomplète des faits en violation du droit (art. 95 let. a LTF).

6.2. Savoir si les parties sont convenues d'une garantie du coût de la
construction (Bausummengarantie) ou si le mandant a fixé une limite du coût de
construction (Kostenlimite) est affaire d'interprétation des manifestations de
volonté.

6.2.1. Selon l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier le contenu d'un contrat, il y a
lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter
aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit
par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.
Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention
des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la
base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de
fait (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2), qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al.
1 LTF), à moins qu'elle ne soit manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105
al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
Si le juge ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle des parties -
parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate
qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la
conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1 p. 286) - ce qui ne ressort
pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de
l'administration des preuves (arrêt 5C.252/2004 du 30 mai 2005 consid. 4.3) -,
il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir
rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les
règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement
prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la
confiance; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2 p. 274/275, 626 consid. 3.1 p. 632).
Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou
de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (
ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les arrêts cités). La détermination de la
volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une
question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher,
il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et
sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances
déterminantes à cet égard sont celles qui ont précédé ou accompagné la
manifestation de volonté, mais non pas les événements postérieurs (ATF 133 III
61 consid. 2.2.1 p. 67 et les arrêts cités).
L'interprétation subjective a la priorité sur l'interprétation objective (ATF
123 III 35 consid. 2b p. 39). Le fardeau de l'allégation et le fardeau de la
preuve de l'existence et du contenu d'une volonté subjective qui s'écarte du
résultat de l'interprétation normative est à la charge de la partie qui s'en
prévaut (ATF 121 III 118 consid. 4b et les références; cf. également ATF 123
III 35 consid. 2b).
Les mêmes principes sont applicables à l'interprétation des déclarations de
volonté unilatérales (ATF 127 III 444 consid. 1a p. 445).

6.2.2. Lorsqu'elle soutient que les parties sont convenues d'un prix plafond de
360'000 fr., la recourante se fonde exclusivement, avec référence aux pièces du
dossier, sur des titres, à savoir sur le contrat et son annexe 1, résultant des
faits constatés, ainsi que sur les différents courriels que les parties ont
échangés avant de conclure le contrat au prix de 360'000 fr. L'intimée a pu se
déterminer sur cette argumentation et sur le complètement des faits dans sa
réponse au présent recours: elle soutient uniquement que la cour cantonale a
déterminé la volonté subjective des parties et que la motivation de la
recourante est appellatoire, que le prix n'a jamais été arrêté au montant fixe
de 360'000 fr., qu'il n'a jamais constitué un plafond financier à ne dépasser
en aucun cas, dès l'instant où la mandante a admis des suppléments.
La cour cantonale n'a toutefois pas examiné la question de la détermination du
prix sous l'angle de la volonté subjective des parties, et n'a pas constaté les
faits déterminants à cet égard. L'intimée méconnaît qu'une constatation
incomplète des faits constitue une violation du droit (art. 95 let. a LTF). La
recourante se méprend lorsqu'elle considère que l'omission de faits - qui est
contraire au droit - relèverait de l'arbitraire dans la constatation des faits
et l'appréciation des preuves. Enfin, aussi bien la recourante que l'intimée
ignorent qu'en l'absence de moyens de preuve autres que des documents écrits,
soit en l'absence en sus de dépositions des parties, de témoignages ou d'autres
éléments postérieurs à la conclusion du contrat, le juge ne peut pas
déterminer, par appréciation des preuves, la volonté subjective des parties; il
ne peut que procéder à l'interprétation objective des documents écrits, selon
le principe de la confiance.
Par conséquent, faute pour les parties d'invoquer des éléments propres à
établir leur volonté subjective, il y a lieu de déterminer leur volonté
objective sur la base du contrat et de son annexe 1, ainsi que des courriels
qui les ont précédés. Le Tribunal fédéral est en mesure de le faire et de
statuer immédiatement sur la cause.

6.3. 

6.3.1. Lorsqu'il procède à l'interprétation de la volonté objective, le juge
détermine le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties
pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre
(application du principe de la confiance; ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67).
Il doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être
comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 136 III
186 consid. 3.2.1 p. 188). L'interprétation objective s'effectue non seulement
d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des
circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des
événements postérieurs (ATF 132 III 626 consid. 3.1 in fine). Même si la teneur
d'une clause contractuelle paraît claire à première vue, il peut résulter
d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres
circonstances que son texte ne restitue pas exactement le sens de l'accord
conclu (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188 et les arrêts cités). Il n'y a
cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les
intéressés lorsqu'il n'y a pas de raisons sérieuses de penser qu'il ne
correspond pas à leur volonté (ATF 136 III 186, ibidem).

6.3.2. Il ressort du contrat du 8 mai 2009 que la société a mandaté
l'architecte, conformément aux propositions que celui-ci lui avait faites et
qu'elle avait acceptées. Le mandat est décrit plus en détail notamment à
l'annexe 1. Selon cette annexe, l'architecte est chargé du suivi du projet "en
conformité avec l'offre finale datée du 05/05/2009 convenue avec le client pour
un coût total fixe ("total fixed cost") de CHF 360'000.00 ventilé" en six
postes:

150'000       Travaux de rénovation et équipement sur toute
la                     surface de 178 m2, comme convenu
120'000       Mobilier comme convenu
30'000       Construction de l'escalier entre les 5e et 6e étages
22'000       Travaux artistiques par deux artistes confirmés (...)
    8'000       Trois télévisions de taille spécifique et leur installation
30'000       Décoration intérieure et coordination du projet (...).
Il ressort des courriels et de leurs annexes détaillant les prix "poste par
poste" que l'architecte avait initialement (31 mars-2 avril 2009) proposé un
projet d'un coût global de 416'111 fr. (pièces 1006 et 1010), qui a été ensuite
réduit à trois reprises, soit le 23 avril 2009 à 400'322 fr. (pièce 1011), puis
le 27 avril 2009 à 392'362 fr. plus 3'500 fr. de frais d'ingénieur, pour être
arrêté finalement (5 mai 2009) à 360'000 fr. (pièce 1018).
Vu l'absence d'utilisation du terme de "garantie" et d'une assurance claire de
l'architecte qu'il prendrait à sa charge tout dépassement de coût, on ne
saurait en déduire que les parties sont convenues d'une garantie du coût de la
construction (Bausummengarantie; cf. consid. 4.3.2 ci-dessus).
Comme les parties ont longuement discuté le prix de réalisation du projet,
lequel a été réduit à trois reprises sur demande de la mandante, il y a lieu
d'admettre, conformément aux règles de la bonne foi, que cette dernière a fixé
à l'architecte une  limite du coût de construction (Kostenlimite ). Le fait
que, par la suite, elle ait commandé des travaux supplémentaires, dont elle a
accepté de payer les coûts, n'y change rien. Est aussi inopérant l'argument de
l'intimée selon lequel la traduction exacte du texte du contrat serait de "coût
total fixé" - supposé démontrer que le montant n'est qu'une estimation -, et
non de "coût total fixe".

6.3.3. Or, la limite de coût de 360'000 fr. (y compris les honoraires
d'architecte) a été dépassée, puisque le coût réel des travaux qui y
correspondent s'est élevé à 400'166 fr. 60 (444'020 fr. 30 - 43'853 fr. 70 de
travaux supplémentaires acceptés), comprenant 30'000 fr. d'honoraires
d'architectes et 8'525 fr. d'honoraires complémentaires d'architecte. Le
dépassement est de 40'166 fr. 60 (31'641 fr. 60 + 8'525 fr.).
Il ne ressort pas des constatations de fait que l'architecte aurait averti la
société de ce que la limite de coût ne pourrait pas être tenue, ni qu'il aurait
suspendu les travaux. La cause réelle du dépassement n'a d'ailleurs pas été
constatée. Qu'elle se trouve dans une inexactitude de l'estimation du montant
prévu dans le devis ou un défaut de contrôle continu des coûts durant le
chantier, l'architecte n'a pas respecté l'instruction par laquelle la mandante
lui a fixé une limite de coût. N'ayant ni tenté de prouver ni prouvé qu'aucune
faute ne lui est imputable (art. 97 al. 1 CO), il doit indemniser la société du
dommage correspondant aux coûts supplémentaires qu'elle voulait précisément
éviter avec son instruction de limite de coût (cf. consid. 4.2.1.1 supra).
Les objections de l'intimée ne changent rien à ce résultat. L'intimée invoque
tout d'abord, en relation avec la jurisprudence relative au dommage pour la
confiance déçue et à la marge de tolérance de 10%, que le dépassement de devis
est dû à une charge de travail supplémentaire imposée par la mandante et à des
modifications des locaux qui ont dû être apportées dans l'urgence, lesquelles
étaient rendues nécessaires et indispensables par l'avancement du chantier. Or,
ce grief repose sur des faits non constatés. En outre, il se base sur la thèse
d'un dépassement de devis estimatif, alors qu'il a été retenu que la société a
fixé une limite du coût de construction (Kostenlimite). Lorsque l'intimée fait
valoir ensuite, toujours en relation avec la confiance déçue et la marge de
tolérance de 10%, que, même si elle avait été dûment informée, la mandante
n'aurait pas adopté un autre comportement, son grief repose à nouveau sur la
thèse qu'elle invoquait et qui n'a pas été retenue.

7. 
Il s'ensuit que c'est à tort que la cour cantonale a refusé de condamner
l'architecte à réparer le dommage de 31'641 fr. 60, à quoi s'ajoute le montant
de 8'525 fr. qu'elle a déjà admis. Le recours doit en conséquence être admis et
l'arrêt attaqué réformé en ce sens que la demande de la société est
partiellement admise, l'architecte étant condamné à payer à la société le
montant total de 40'166 fr. 60 (31'641 fr. 60 + 8'525 fr.). Le point de départ
des intérêts n'ayant fait l'objet d'aucune discussion ou contestation, il sera
fixé au 30 septembre 2009.

8. 
Les frais et dépens de la procédure fédérale seront mis à la charge de
l'intimée (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à la cour
cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances
cantonales; il n'y a ainsi pas lieu d'examiner le grief de violation de l'art.
318 al. 2 CPC invoqué par la recourante.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que B.________
Sàrl est condamnée à payer à A.________ Ltd le montant de 40'166 fr.60 avec
intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 2009.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3. 
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

4. 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais
et dépens des instances cantonales.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 2 octobre 2015
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

Le Greffier : Ramelet

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