Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.208/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_208/2015

Arrêt du 12 février 2016

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Hohl.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
A.________, représenté par
Me Jacques Micheli,
recourant,

contre

B.________ AG, représentée par
Me Philippe Conod,
intimée.

Objet
bail à loyer; locaux commerciaux; défaut,

recours contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2015 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits :

A. 
Par contrat des 21/23 février 1979, la SI X.________ SA (qui deviendra par la
suite B.________ AG) a remis à bail à A.________ des locaux sis rue..., à
T.________, comprenant un restaurant bar-dancing de 150 places selon patente,
sous l'enseigne "C.________", ainsi que des annexes. Le loyer mensuel net
s'élevait à 6'370 fr. Conclu pour une durée échéant le 30 septembre 1985, le
bail se renouvelait ensuite de cinq ans en cinq ans, sauf avis de résiliation
notifié une année à l'avance; le locataire disposait également d'un droit
d'option pour une nouvelle durée de cinq ans dès le 1 ^er octobre 1985. Le
contrat renvoyait à une annexe dont l'art. 2 stipulait ce qui suit:

" Le locataire reprend les locaux de son prédécesseur transformés par ce
dernier en un restaurant-bar-dancing. Le locataire s'engage à entretenir à ses
frais le restaurant et les locaux annexes, les installations ainsi que la
peinture des plafonds, la tapisserie, etc.
Le propriétaire versera une indemnité forfaitaire de Fr. 300'000.-- (...) pour
le cas où il ne permettrait pas au locataire d'exercer l'option de la
prolongation du bail jusqu'en 1990. (...) Par le versement de ces 300'000.--,
tous les aménagements et équipements installés par le prédécesseur du locataire
appartiendront au propriétaire, le locataire demeurant propriétaire lui-même
des aménagements et équipements qu'il a installés pendant la durée du bail, à
l'exception de ceux qui sont uniquement un remplacement des aménagements et
équipements installés par le prédécesseur du locataire.
(...) "
De manière concomitante, A.________ a signé les 22/23 février 1979 avec le
locataire précédent une convention par laquelle celui-ci vendait à celui-là,
pour le prix de 500'000 fr., le fonds de commerce du
dancing-cabaret-night-club, comprenant l'agencement et les installations dans
les locaux commerciaux ainsi que le mobilier des annexes.
Les 23 et 29 novembre 2001, le locataire et la bailleresse ont conclu un
nouveau bail portant sur les mêmes locaux. Selon le descriptif du contrat,
l'objet du bail consiste notamment dans un restaurant-cabaret d'environ 272 m ^
2. Le bail prenait effet le 1 ^er novembre 2001 pour se terminer le 31 octobre
2011, avec un droit d'option jusqu'au 30 novembre 2016 en faveur du locataire,
à exercer jusqu'au 31 octobre 2010. Le loyer mensuel net se montait à 10'121
fr.; il s'entendait pour des "locaux bruts, tels qu'ils [avaient] été remis
lors de l'état des lieux d'entrée". Le contrat précise que les "éventuelles
installations existantes sont remises au locataire sans frais" et que "le
locataire assume les frais d'entretien et de remplacement des installations
mises gratuitement à sa disposition par le bailleur".
Par contrat du 29 octobre 2008, le locataire a sous-loué les locaux dès le 1 ^
er novembre 2008 à Y.________ Sàrl en formation; le loyer mensuel était fixé à
13'700 fr., dont 4'000 fr. à titre de redevance pour la "location des éléments
commerciaux". La sous-location prendra fin le 30 avril 2009 d'entente entre les
cocontractants.
Le changement d'exploitant intervenu du fait de la sous-location a entraîné un
réexamen par les autorités administratives des conditions d'octroi de la
licence d'établissement. Le cabaret bénéficiait jusqu'alors d'une licence pour
"night club avec restauration" valable du 1 ^er février 2007 au 31 janvier
2012, fixant la capacité d'accueil à 150 personnes. Cette licence a été
remplacée par une licence délivrée le 9 mars 2009 avec effet au 1 ^er novembre
2008, limitant la capacité d'accueil à 50 personnes; cette mesure était
justifiée par le fait que l'établissement ne disposait que d'une seule issue de
secours selon un contrôle effectué par l'Établissement cantonal d'assurance
contre l'incendie et les éléments naturels (ECA). Selon l'expert de l'ECA, une
capacité d'accueil supérieure à 100 personnes impliquait la construction d'un
escalier séparé de 1,20 mètres de large soit à l'intérieur, soit à l'extérieur
sur la façade de l'immeuble. Le 12 mars 2009, le locataire a adressé à la
gérance une copie de la nouvelle licence, en attirant son attention notamment
sur le fait que la possibilité de n'accueillir que 50 personnes, personnel
compris, entraînait une diminution considérable du "potentiel locatif".
Parallèlement, le conseil de l'époque du locataire s'est adressé à la gérance,
le 9 février 2009, pour l'informer que les activités de cabaret devenaient de
plus en plus difficiles à exercer en raison de modifications législatives et
qu'un dénommé D.________ envisageait de reprendre le bail et de transformer le
cabaret en une discothèque de luxe ou un établissement de divertissement " 
afterwork "; cet accord était toutefois lié à la remise en état par le
propriétaire de la ventilation, du système électrique et des issues de secours.
Le 10 mars 2009, le locataire a mis la bailleresse en demeure de procéder à ces
réparations dans un délai de 30 jours, à défaut de quoi il consignerait les
loyers à venir.
A l'époque, les parties étaient également en litige à propos du paiement du
loyer. Par formule officielle du 30 avril 2009 notifiée le 8 mai 2009, la
bailleresse a résilié le bail avec effet au 30 juin 2009 pour non-paiement du
loyer de février 2009.
Le 11 mai 2009, le locataire a ouvert un compte de consignation de loyer et y a
versé jusqu'en juin 2011 un montant total de 250'768 fr.80, soit 25 fois la
quote-part du loyer mensuel dû pour le cabaret (9'732 fr.) et une fois une
partie de ce montant (7'468 fr.80).
Le cabaret n'a plus été exploité depuis le 1 ^er mai 2009.

B.

B.a. Le 20 mai 2009, le locataire a saisi la Commission de conciliation en
matière de baux à loyer du district de Lausanne, demandant le paiement par la
bailleresse d'un montant de 300'000 fr. plus intérêts, une réduction de loyer
de 9'732 fr. par mois, la libération en sa faveur des loyers consignés et
l'annulation pure et simple de la résiliation de bail du 30 avril 2009. Pour sa
part, la bailleresse a saisi le Juge de paix de Lausanne d'une requête
d'expulsion du locataire en date du 2 juillet 2009.
La Commission de conciliation a rendu une décision le 5 janvier 2010. A
l'audience du Juge de paix du 6 janvier 2010, la bailleresse a retiré sa
requête d'expulsion, avant de la réintroduire deux jours plus tard.

B.b. Par demande du 29 janvier 2010 adressée au Tribunal des baux du canton de
Vaud, le locataire a pris les conclusions suivantes:

" I. B.________ AG est la débitrice de A.________ et lui doit paiement immédiat
du montant de Fr. 300'000.-- (...) avec intérêts à 7% du 1 ^er mai 2009.
II. Depuis le 1 ^er mai 2009, le loyer payé pour l'établissement public
C.________ (...) est réduit de Fr. 9'732.-- par mois, ceci jusqu'à
rétablissement complet des conditions d'exploitation du bâtiment, à savoir
réparation de l'installation électrique, de la ventilation et mise en
conformité des issues de secours. Les loyers consignés sont déconsignés en
faveur du locataire.
III. La notification de résiliation de bail du 30 avril 2009 est purement et
simplement annulée, comme contraire aux règles de la bonne foi. "
Lors d'une audience tenue le 6 novembre 2012, le locataire modifiera ses
conclusions en demandant une réduction de loyer à partir du 1 ^er novembre
2008.
La bailleresse a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, à la
libération en sa faveur des loyers consignés.

B.c. La Présidente du Tribunal des baux a transmis la conclusion III de la
demande au Juge de paix saisi de la requête d'expulsion. Dans une première
ordonnance confirmée par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois,
le Juge de paix a annulé le congé au motif qu'il était abusif. Statuant le 29
octobre 2010 sur recours de la bailleresse, le Tribunal fédéral a annulé
l'arrêt cantonal et renvoyé la cause à la Chambre des recours pour nouvelle
décision (cause 4A_468/2010). L'affaire ayant été retournée au Juge de paix, ce
dernier a prononcé l'expulsion du locataire par ordonnance du 19 mai 2011,
laquelle sera confirmée sur recours par la Cour d'appel civile du Tribunal
cantonal vaudois. Par arrêt du 27 janvier 2012 (cause 4A_641/2011), le Tribunal
fédéral a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours que le locataire
avait déposé contre la décision cantonale. L'expulsion forcée du locataire des
locaux loués a eu lieu le 9 mars 2012.

B.d. La procédure devant le Tribunal des baux a été suspendue jusqu'à droit
connu dans la procédure d'expulsion.
Par jugement du 26 avril 2013 notifié le 6 novembre 2014, le Tribunal des baux
a rejeté les conclusions I et II de la demande telles que modifiées le 6
novembre 2012; il a par ailleurs prononcé en faveur de la bailleresse la
libération du montant consigné de 250'768 fr.80, à titre de loyer,
respectivement d'indemnité pour occupation illicite pour la période du 1 ^
er mai 2009 au 30 juin 2011.
Le locataire a interjeté appel contre ce jugement. Par arrêt du 21 janvier 2015
dont les considérants ont été notifiés le 2 mars 2015, la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal vaudois a confirmé le jugement du Tribunal des baux.

C. 
A.________ forme un recours en matière civile. Il conclut à l'admission des
conclusions de la demande du 29 janvier 2010 "telles que modifiées à l'audience
du 6 novembre 2012"; il ne devrait ainsi aucun loyer ni indemnité d'occupation
à la bailleresse "pour la période du 1 ^er janvier 2009 au 30 juin 2011" et la
bailleresse lui devrait paiement immédiat du montant de 300'000 fr. avec
intérêt à 7% dès le 1 ^er mai 2009. Le locataire demande également la
libération en sa faveur du montant de 250'768 fr.80 qu'il a consigné sur le
compte de consignation de loyer de la Banque Z.________ n° xxx, agence de
Lausanne.
Dans sa réponse, B.________ AG a conclu au rejet du recours.
Pour sa part, la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Par la suite, le recourant a déposé une requête d'effet suspensif. La cour
cantonale a déclaré s'en remettre à justice sur ce point et l'intimée ne s'est
pas déterminée dans le délai imparti. Par ordonnance du 22 juillet 2015, la
Présidente de la cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit :

1. 
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur d'un canton, qui a statué
sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 15'000 fr.
ouvrant le recours en matière civile dans les affaires relevant du droit du
bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF). Au surplus, le recours est exercé par
le locataire qui a succombé dans ses conclusions en réduction du loyer, en
libération des loyers consignés en sa faveur et en dommages-intérêts; cette
partie a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai
(art. 46 al. 1 let. a et art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi, le recours est en principe recevable.

2. 
A ce stade, le litige porte sur les éventuelles prétentions en réduction de
loyer et en dommages-intérêts que le locataire pourrait faire valoir à la suite
de la limitation de la capacité d'accueil du cabaret introduite par la licence
du 9 mars 2009.
Selon la cour cantonale, qui s'est référée au raisonnement tenu par les
premiers juges, la licence fixant la capacité d'accueil à 50 personnes en
raison de l'unique sortie de secours ne constitue pas un défaut de la chose
louée dont la bailleresse doit répondre. L'autorité précédente a jugé à cet
égard que le bail portait sur les locaux bruts, que la bailleresse n'avait pas
promis une capacité d'accueil de l'établissement de 150 personnes et que le
locataire était valablement chargé de l'entretien et du remplacement des
installations liées à l'exploitation de l'établissement, en particulier des
travaux de mise en conformité des issues de secours.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 256 CO. Il est d'avis que
l'objet loué était un établissement public aménagé à cet usage et offrant une
capacité d'accueil de 150 places; conformément à l'art. 256 al. 1 CO, la
bailleresse devait ainsi entretenir le restaurant/cabaret dans cet état,
notamment en assumant les frais de création d'une seconde issue de secours
nécessaire à l'octroi d'une licence pour 150 places. Au cas où il serait retenu
que le bail portait sur des locaux bruts, le recourant fait valoir que, faute
de compensation prouvée par la bailleresse, une clause contractuelle mettant à
la charge du locataire l'entretien des aménagements de l'établissement serait
nulle en vertu de l'art. 256 al. 2 let. b CO.

3.

3.1. Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un bail à loyer,
soit un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au
locataire en échange d'un loyer (art. 253 CO). Conformément à l'art. 256 al. 1
CO, le bailleur doit délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour
lequel elle a été louée, puis l'entretenir dans cet état. Cette obligation du
bailleur permet de cerner la notion du défaut, dès lors que celui-ci n'est
défini ni à l'art. 258 CO s'appliquant aux défauts originels, ni aux art. 259a
ss CO énumérant les droits du locataire en cas de défauts subséquents. Il y a
ainsi défaut lorsque l'état réel de la chose diverge de l'état convenu,
c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait
promise ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se
référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2 p.
347 et les références). Le défaut peut être matériel ou immatériel; le défaut
juridique (l'absence d'une autorisation administrative par exemple) est un
défaut immatériel (DAVID LACHAT, in Commentaire romand, 2e éd. 2012, n° 3 ad
art. 258 CO).
L'usage convenu se détermine prioritairement en fonction des termes du bail et
de ses annexes. Le contrat peut prévoir la destination des locaux ( 
Gebrauchzweck), qui sont affectés par exemple à l'habitation ou à des bureaux;
il peut également spécifier les modalités de cet usage (  Gebrauchsmodalitäten
), à savoir la manière dont la chose louée doit être utilisée, comme par
exemple l'intensité de l'usage (LACHAT, op. cit., n° 2 ad art. 256 CO; PETER
HIGI, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, n° 12 ad art. 256 CO). Si le bail ne
précise pas clairement l'usage convenu, celui-ci doit être dégagé à partir des
règles régissant l'interprétation des contrats (ATF 136 III 186 consid. 3.1.1
p. 187 et les références).
A la suite du premier juge, la cour cantonale a qualifié chacun des deux
contrats ayant lié les parties de bail de locaux bruts ou "nus" ("  Rohbaumiete
 "). Un tel bail, qui est courant pour les locaux commerciaux, prévoit la
remise par le bailleur des locaux à l'état brut, à charge pour le locataire
d'effectuer les travaux d'aménagement nécessaires. Il est atypique dans la
mesure où, en principe, la délivrance de la chose louée dans l'état approprié à
l'usage convenu suppose que les locaux soient aménagés de manière à être
utilisables par le locataire dans le but prévu dans le contrat (cf. MORITZ
VISCHER, Die Rohbaumiete - Zulässigkeit und Grenzen, 2014, n. 10 p. 5 [critique
à propos de cette définition]; BLAISE CARRON, Bail et travaux de construction:
aménagement, entretien, rénovation et modification des locaux, in 17e Séminaire
sur le droit du bail, Neuchâtel 2012, p. 52). Selon certains auteurs, une
variante du bail de locaux bruts peut se rencontrer lorsque les locaux sont
déjà aménagés; les parties conviennent alors que la chose est livrée dans un
état brut déterminé, à distinguer des aménagements repris par le locataire
(IRENE BIBER, Die Rohbaumiete, 2014, p. 65 s.; JEAN-PIERRE TSCHUDI, Die
Rohbaumiete, in MRA 2008, p. 45).

3.2. En l'espèce, la question n'est pas tant de savoir si les parties étaient
liées par un bail de locaux bruts que de déterminer si la diminution de la
capacité d'accueil de l'établissement, consacrée dans la nouvelle licence en
raison de l'insuffisance des issues de secours, constitue un défaut de la chose
louée.
A cet effet, il convient tout d'abord de rechercher quel était l'usage convenu
dans le bail des 23/29 novembre 2001, liant les parties en dernier lieu. Selon
ce contrat, les locaux litigieux étaient destinés à l'exploitation d'un
restaurant-cabaret. Le bail de 2001 ne précise pas les modalités de cet usage,
mais indique uniquement la surface des locaux affectés à l'établissement
public, soit 272 m2, ce qui, en soi, fournit déjà un élément d'information sur
le nombre de personnes susceptibles de fréquenter les lieux en même temps. Pour
sa part, le précédent bail, datant de 1979 et portant sur les mêmes locaux,
comprend une indication chiffrée à propos de l'intensité de l'usage convenu
puisqu'il mentionne expressément un restaurant-bar-dancing de 150 places selon
patente. Il ressort par ailleurs des faits constatés par la cour cantonale
qu'une licence fixant la capacité d'accueil à 150 personnes avait été délivrée
pour une période de cinq ans débutant le 1er février 2007. Aucun élément de
l'arrêt attaqué ne laisse supposer que cette capacité aurait varié entre 1979,
date du premier bail, et février 2007. Il faut en conclure qu'en 2001, lors de
la signature du second bail, les parties n'entendaient pas modifier l'usage
convenu jusqu'alors, soit l'exploitation d'un établissement public de 150
places.
Conformément à l'art. 256 al. 1 CO, il appartenait en principe à la bailleresse
de maintenir la chose louée dans un état approprié à l'usage convenu, toute
dérogation à cette règle étant nulle si elle est prévue au détriment du
locataire de locaux commerciaux (art. 256 al. 2 CO). Eu égard à l'usage
convenu, l'état des locaux devait permettre de recevoir en toute sécurité le
nombre de clients maximal envisagé dans le bail; cela suppose que les locaux
disposent, pour la capacité d'accueil prévue, des issues de secours conformes
aux prescriptions administratives (cf. PIERRE WESSNER, L'obligation de sécurité
du bailleur à l'égard des usagers de l'immeuble, in 16e Séminaire sur le droit
du bail, Neuchâtel 2010, n. 138 p. 112 s.). En tout état de cause, le respect
des exigences de sécurité appartient à l'état approprié à l'usage convenu que
le bailleur doit maintenir (cf. MONTINI/BOUVERAT, in Droit du bail à loyer, éd.
Bohnet/Montini, 2010, n. 39 ad art. 256 CO p. 107). Toute dérogation sur ce
point tombe sous le coup de l'art. 256 al. 2 CO. Cela signifie que même si le
bail porte sur des locaux bruts, le locataire doit pouvoir compter sur un
aménagement de base, comportant par exemple les escaliers et les ascenseurs
(KNOEPFLER/RUEDIN, Regard circulaire sur le droit du bail commercial, in 13e
Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2004, p. 8 s.), mais également les
issues de secours.
En l'espèce, le locataire pouvait légitimement attendre de la bailleresse que
les locaux loués disposent des issues de secours exigées par les normes
administratives pour une capacité d'accueil de 150 personnes. Or, dès la
délivrance de la licence du 9 mars 2009, il s'est avéré que l'unique sortie de
secours de l'établissement ne répondait plus à ces exigences. Contrairement à
ce que la cour cantonale a admis, il faut dès lors reconnaître que la chose
louée était affectée d'un défaut, qui s'est concrétisé lors de l'octroi de la
nouvelle licence.

4. 
En relation avec ce défaut, le recourant exerce une prétention en réduction du
loyer. Il soutient que l'établissement n'était plus viable en raison de la
diminution de la capacité d'accueil et demande en conséquence la suppression, à
partir du 1er janvier 2009, de la part de loyer relative au restaurant-cabaret,
respectivement de l'indemnité pour occupation illicite.

4.1. Si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été
louée, le locataire peut exiger une réduction proportionnelle du loyer à partir
du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination
de celui-ci (art. 259d CO).
En principe, la mesure de la réduction de loyer se détermine selon la méthode
dite relative ou proportionnelle: la valeur objective de la chose avec défaut
est comparée à sa valeur objective sans défaut, le loyer étant ensuite réduit
dans la même proportion. Le calcul proportionnel ne se révélant pas toujours
aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience
générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au
droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1 p. 507 s.).
La cour cantonale, qui a nié tout défaut de la chose louée, ne s'est pas
prononcée sur la prétention du locataire fondée sur l'art. 259d CO. La cause
lui sera renvoyée afin qu'elle examine la question et détermine la mesure de la
réduction du loyer.
Les observations suivantes s'imposent néanmoins:
La bailleresse a eu connaissance du défaut à la réception de la lettre du
locataire du 12 mars 2009, accompagnée d'une copie de la licence limitant la
capacité d'accueil à 50 personnes. Une réduction de loyer ne peut dès lors
entrer en considération qu'à partir de cette date.
Par ailleurs, le droit à la réduction de loyer cesse lorsque le bail prend fin
(PETER R. BURKHALTER/EMMANUELLE MARTINEZ-FAVRE, Le droit suisse du bail à
loyer, 2011, adaptation française de la 3e éd. du SVIT Kommentar de RAYMOND
BISANG ET AL., n. 12 ad art. 259d CO, p. 242; David Lachat, Le bail à loyer,
2008, note de pied 106, p. 260; HIGI, op. cit., n° 19 ad art. 259d CO). En
l'espèce, la bailleresse a résilié le bail de manière anticipée pour cause de
demeure du locataire, avec effet au 30 juin 2009. Le locataire a contesté ce
congé, qu'il considérait comme contraire aux règles de la bonne foi (art. 271
CO) ou donné à titre de représailles (art. 271a al. 1 let. a CO). La validité
de la résiliation a été reconnue à l'issue de la procédure terminée par l'arrêt
de la cour de céans du 27 janvier 2012 et ne saurait être remise en cause par
le recourant dans la présente procédure, au moyen d'arguments fondés sur de
nouveaux éléments. Au demeurant, en invoquant la nullité de la résiliation, le
recourant oublie que l'art. 271 CO est une  lex specialis par rapport à l'art.
2 al. 2 CC (ATF 133 III 175 consid. 3.3.4 p. 179) et qu'un congé manifestement
abusif n'est pas nul, mais seulement annulable. Il s'ensuit que le locataire
peut prétendre à une réduction de loyer jusqu'au 30 juin 2009.

4.2. Le recourant est resté dans les locaux après la fin du bail intervenue le
30 juin 2009 et jusqu'à son expulsion forcée le 9 mars 2012. Il ressort de
l'arrêt attaqué que le cabaret n'a plus été exploité à partir du 1er mai 2009
et on ignore comment les locaux ont été utilisés après cette date.
Le locataire qui ne restitue pas la chose louée à la fin du bail viole
l'obligation contractuelle résultant de l'art. 267 al. 1 CO et doit des
dommages-intérêts au bailleur en application de l'art. 97 CO (4A_456/2012 du 4
décembre 2012 consid. 2.1, in SJ 2013 I 525). Selon la jurisprudence,
l'indemnité due pour l'occupation des locaux équivaut en principe au montant du
loyer convenu, ce qui dispense le bailleur de rapporter la preuve qu'il aurait
pu relouer les locaux pour un loyer identique (ATF 131 III 257 consid. 2 et 2.1
p. 261; 119 II 437 consid. 3b/bb p. 441 s.; arrêt 4A_456/2012 du 4 décembre
2012 consid. 2.1, in SJ 2013 I 525).
En l'espèce, la cour cantonale s'est conformée à cette règle générale et a fixé
l'indemnité à hauteur du loyer convenu. Contrairement aux juges vaudois, la
cour de céans admet que la chose louée était affectée d'un défaut. Invoquant
une jurisprudence rendue en matière de bail à ferme (ATF 131 III 257 consid.
2.2 et 2.3 p. 261 ss), le recourant prétend que l'indemnité pour occupation
illicite doit nécessairement correspondre au loyer réduit pour cause de défaut
et, à l'extrême, qu'une éventuelle suppression du loyer signifie que le
locataire n'aura pas à payer d'indemnité s'il reste dans les locaux après la
fin du bail.
Un tel automatisme ne saurait se vérifier dans tous les cas de figure. Il
convient de garder à l'esprit que l'indemnité pour occupation illicite tend
aussi à compenser la privation pour le bailleur de la possibilité de relouer la
chose à un tiers. Dans cette optique, le défaut ne sera d'aucune pertinence si,
par exemple, le locataire continue d'occuper les locaux contre la volonté
clairement affichée du bailleur et empêche une remise en état de la chose pour
l'usage qui était prévu dans le contrat ou même pour un autre usage susceptible
de rapporter un loyer au moins équivalent.
La cour de céans ne disposant pas des éléments nécessaires pour apprécier le
cas présent, il appartiendra à la cour cantonale, à qui la cause est renvoyée,
d'examiner si le défaut en cause est un élément pertinent dans les
circonstances de l'espèce et de se prononcer à nouveau sur le montant de
l'indemnité pour occupation illicite.

5.

5.1. Le recourant réclame également des dommages-intérêts, fondés sur l'art.
259e CO. Il demande à être replacé dans la situation qui aurait été la sienne
si le contrat avait été correctement exécuté. Il fait valoir ainsi que si la
bailleresse avait réparé le défaut en réalisant la seconde issue de secours, il
aurait pu reprendre l'exploitation de l'établissement, puis vendre le fonds de
commerce pour le prix de 300'000 fr. ou alors le sous-locataire aurait été en
mesure de payer le loyer, y compris la part portant sur les éléments
commerciaux, ce qui lui aurait assuré un revenu total de 384'000 fr. jusqu'à
l'échéance du contrat de sous-location.

5.2. Selon l'art. 259e CO, le locataire qui subit un dommage en raison du
défaut a droit à des dommages-intérêts, à moins que le bailleur ne prouve
qu'aucune faute ne lui est imputable.
Sur la base des faits établis, une faute de la bailleresse peut d'ores et déjà
être exclue pour les raisons suivantes.
Le 9 février 2009, le locataire a demandé à la bailleresse certains travaux,
dont la remise en état des issues de secours, en expliquant qu'ils
conditionnaient le transfert du bail à la personne désirant transformer le
cabaret en un établissement public plus lucratif. A ce moment-là, le défaut
n'était pas encore avéré puisque la nouvelle licence réduisant la capacité
d'accueil a été délivrée le 9 mars 2009. Le 10 mars 2009, le recourant a mis
l'intimée en demeure de procéder aux réparations dans un délai de 30 jours. La
bailleresse n'y a pas donné suite. En revanche, après une sommation notifiée le
25 février 2009, elle a résilié le bail le 8 mai 2009 pour le non-paiement du
loyer de février 2009, après plusieurs retards dans les règlements depuis
novembre 2008.
Il ne saurait être reproché à la bailleresse de n'avoir pas, dans le délai de
30 jours imparti par le locataire, mis en route des travaux de réparation
importants, consistant à créer une seconde issue de secours, alors qu'à
l'époque, le recourant était en demeure dans le paiement du loyer. Il y a lieu
d'observer au passage que la demeure du locataire n'est pas liée à la réduction
de la capacité d'accueil, puisque l'intéressé rencontrait depuis plusieurs mois
des problèmes pour régler le loyer à temps et que, selon la lettre de son
conseil du 9 février 2009, les activités de cabaret étaient devenues difficiles
à cause de modifications législatives étrangères aux normes de protection
anti-incendie.
Par la suite, le locataire n'a pas réglé son dû et, par avis du 30 avril 2009,
la bailleresse a résilié valablement le bail pour le 30 juin 2009 sur la base
de l'art. 257d CO. Là non plus, on ne peut imputer à faute à l'intimée de
n'avoir pas entrepris les travaux considérables d'élimination du défaut, alors
que le bail allait prendre fin seulement deux mois plus tard.
Il s'ensuit que la prétention en dommages-intérêts du locataire n'est pas
fondée.

6. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis. L'arrêt
attaqué sera annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.
Le recourant a conclu à la suppression de tout loyer ou indemnité pendant 30
mois, à la déconsignation en sa faveur du montant de 250'768 fr.80, ainsi qu'au
paiement par l'intimée d'un montant de 300'000 fr. Il n'obtiendra en tout cas
pas gain de cause sur cette dernière prétention. Dans ces conditions, il se
justifie de mettre les frais judiciaires par moitié à la charge de chaque
partie (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les dépens (art. 68 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis par moitié à la charge de
chaque partie.

3. 
Les dépens sont compensés.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 février 2016

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Godat Zimmermann

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