Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.200/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_200/2015

Arrêt du 3 septembre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Niquille et Abrecht, juge suppléant.
Greffière : Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________ SA, (anciennement C.________ SA), représentée par Me Pierre Heinis,
défenderesse et recourante,

contre

B.________,
représenté par Me Damien Bonvallat,
demandeur et intimé.

Objet
contrat de travail; qualification du contrat,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 27 février 2015 par la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Faits :

A.

 La société C.________ SA a été fondée le 10 avril 2006 par le groupe horloger
D.________ SA; elle a pour but la distribution commerciale de (...) et produits
d'horlogerie de luxe (...) de la marque M.________. Le groupe précité avait en
outre acquis le 31 mars 2005 la société B.________ SA, à Paris; cette société
anonyme de droit français, propriétaire de la marque de montres M.________, est
active dans la fabrication et le négoce d'horlogerie (...) ainsi que dans
l'exploitation de toutes licences de marques (...).

 Par convention de consultant du 19 décembre 2007, B.________, désigné comme
designer/créateur, a accepté d'assister C.________ SA en tant que consultant
pour la représentation et la promotion hors de France de la marque M.________,
d'autres travaux compatibles avec son expérience et son image pouvant lui être
confiés avec son accord. Cette convention contient en outre les dispositions
suivantes:

 «2.  Exécution du mandat
       2.1 M. B.________ exécutera les missions qui lui seront confiées selon
les instructions de la direction des sociétés de C.________ SA. Ces missions
incluront notamment des participations aux salons horlogers internationaux
(Suisse, Moyen-Orient, USA) ainsi qu'à des événements liés à la marque
M.________. Les missions de représentation et d'image se feront selon les
directives de la direction de C.________ SA, qui décidera de recourir aux
services de M. B.________ dans la mesure nécessaire.

       2.2 M. B.________ s'engage à exécuter ses services de manière
professionnelle et dans les règles de l'art conformément aux dispositions du
présent accord.

       2.3 Compte tenu de leur nature, M. B.________ fournira ses services au
lieu où les manifestations se tiendront, avec accord préalable mutuel pour tout
déplacement.

3.  Délégation du mandat

       3.1 Les services prévus par le présent accord ayant un caractère
strictement personnel, M. B.________ ne pourra céder ses obligations, en tout
ou partie, à quiconque.
4.  Rémunération

       4.1 En contrepartie de ses services, C.________ SA paiera à M.
B.________:

       4.1.a Des honoraires forfaitaires de Fr. 72'000.- par an. Ces honoraires
seront payés en quatre trimestrialités de CHF 18'000.- chacune, payables au
début de chaque trimestre.

       4.1.b Les frais de déplacement de M. B.________ et autres, tels que
frais de téléphone, correspondance, etc. lui seront remboursés sur présentation
d'un décompte (étant entendu que C.________ SA se réserve le droit de réclamer
la production de factures ou quittances adéquates et de ne pas rembourser les
frais excessifs).

5.  Statut

       5.1 M. B.________ exécutera ses services en tant qu'indépendant. En
conséquence, il assumera tous risques de maladie, accident, etc. et supportera
seul toute perte, frais ou dommages en résultant.

       5.2 Il est entendu en particulier que M. B.________ ne sera pas couvert
par le fonds de pension de C.________ SA ni d'aucune autre société du Groupe
D.________ pour les prestations ci-dessus. M. B.________ est en conséquence
invité à se renseigner sur les considérations fiscales et d'assurances
sociales.

 6.  Confidentialité

 M. B.________ s'engage à garder secrets et confidentiels tous renseignements,
informations ou connaissances qu'il pourrait obtenir au sujet des activités de
C.________ SA.

 7.  Durée

       7.1 Le présent accord déploie ses effets à dater du 1er janvier 2008 et
restera en vigueur pour une durée d'un an, renouvelable tacitement. Le délai de
résiliation du présent contrat est de douze mois, étant toutefois entendu que:

 
       7.1.1 si l'une des parties viole ou n'exécute pas une disposition dudit
accord et ne met pas fin à cette violation dans un délai de trente (30) jours à
dater de la mise en demeure de l'autre partie, cette dernière pourra aussitôt
mettre fin au contrat;

 
       7.2 en cas de disparition ou de décès, le contrat sera automatiquement
résilié.

 8.  Autres

 Cet accord est soumis au droit suisse. (...) »

B.

B.a. Par demande du 31 août 2011 adressée au Tribunal civil du Littoral et du
Val-de-Travers (NE), B.________ a actionné C.________ SA en paiement de la
somme brute de 72'000 fr. avec intérêt moyen à 5 % l'an à compter du 1 ^
er avril 2011 et à tous frais et dépens. Il alléguait en substance que
C.________ SA avait été fondée le 10 avril 2006 par le groupe horloger
D.________ pour avoir à disposition une structure permettant de facturer via la
Suisse les montres vendues par B.________ SA destinées au marché non européen;
en décembre 2007, le groupe D.________ et lui-même, petit-fils du fondateur de
la marque M.________, avaient décidé qu'il travaillerait pour celle-ci en
qualité de cadre, de designer et de représentant; afin que son salaire soit
versé pour partie par la société suisse et pour partie par la société
française, il avait été convenu qu'il serait au bénéfice d'un contrat de
travail de droit français avec la société parisienne et d'un «contrat de
consultant» avec la société suisse; le 29 septembre 2010, il avait été informé
qu'il ne devait plus se rendre au salon de Monaco, comme initialement prévu;
dès le mois d'octobre 2010, son salaire, dû par la société suisse, ne lui avait
plus été versé; il en avait réclamé à diverses reprises le paiement, sans
succès.

 La défenderesse a conclu sur le fond au rejet de la demande. Elle a allégué en
substance que la majeure partie du temps consacré par le demandeur à son
activité professionnelle était «chapeautée» par le contrat de travail conclu
avec la société française; l'idée de la convention de consultant du 19 décembre
2007 était que le demandeur accomplisse des mandats ponctuels pour la
défenderesse, tels que la participation à différents salons horlogers
internationaux; ensuite d'un désaccord entre les parties, le demandeur n'avait
plus exécuté aucun mandat dès le mois d'octobre 2010, de sorte qu'il avait été
mis fin à son contrat de consultant dès cette date, cette résiliation conjointe
du contrat n'ayant d'ailleurs jamais été contestée avant la requête en
conciliation du demandeur du 5 mai 2011.

 En réplique, le demandeur a amplifié ses conclusions en concluant à la
condamnation de la défenderesse à lui verser la somme brute de 168'000 fr.,
avec intérêts à 5 % dès le 5 mai 2011 sur 108'000 fr. et dès le 27 janvier 2012
sur le solde. Il alléguait notamment que c'était le choix du groupe D.________
d'avoir formalisé la partie suisse de son contrat par une convention de
consultant dans l'unique but d'économiser des charges sociales, lui-même
n'ayant pu qu'accepter cette situation; la résiliation du contrat, qu'il avait
reçue le 27 janvier 2012, ne devait prendre effet qu'au 31 janvier 2013.

 La défenderesse a conclu au rejet des conclusions augmentées du demandeur.

B.b. Par jugement du 11 août 2014, le Tribunal civil du Littoral et du
Val-de-Travers a condamné la défenderesse à payer au demandeur un montant brut
de 168'000 fr. à titre de salaire pour la période du 1 ^er octobre 2010 au 31
janvier 2013, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1 ^er décembre 2011, a invité la
défenderesse à opérer les déductions sociales et légales usuelles sur cette
somme, a mis les frais de la procédure au fond, arrêtés à 5'024 fr., ainsi que
les frais de conciliation de 300 fr., à la charge de la défenderesse, et a
condamné celle-ci à verser 15'000 fr. de dépens au demandeur.

 Le Tribunal a considéré en bref que la convention de consultant du 19 décembre
2007 était un contrat de travail, que la défenderesse n'y avait mis fin que par
lettre du 26 janvier 2012 et que le demandeur pouvait réclamer son salaire
jusqu'au 31 janvier 2013, vu le délai de congé de douze mois prévu par la
convention.

B.c. La défenderesse a appelé de ce jugement devant la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, en concluant à son annulation et au
rejet de la demande dans toutes ses conclusions. Le demandeur a conclu au rejet
de l'appel.

 Par arrêt du 27 février 2015, la Cour d'appel civile a rejeté l'appel, a mis
les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 5'000 fr., à la charge de
la défenderesse et a condamné celle-ci à verser au demandeur 2'500 fr. de
dépens.

C.

 La défenderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 27 février 2015. Elle conclut avec suite de frais et dépens
des instances cantonales et fédérale à sa réforme, principalement en ce sens
que l'action du demandeur doit être rejetée, et subsidiairement en ce sens
qu'elle doit verser au demandeur un montant de 72'000 fr. correspondant à une
rémunération brute, non soumise aux déductions sociales, pour la période du 1 ^
er octobre 2010 au 30 septembre 2011.

 La cour cantonale s'est référée purement et simplement à son arrêt.

 Le demandeur a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours dans
la mesure où il est recevable et à la confirmation de l'arrêt entrepris.

Considérant en droit :

1. 
Le Registre du commerce et la Feuille officielle suisse du commerce n° xxx du
... 2015 révèlent que postérieurement au dépôt de son recours, la défenderesse
C.________ SA a modifié sa raison sociale et son siège, s'intitulant désormais
A.________ SA et se situant à .... Le rubrum du présent arrêt tient compte de
ces modifications.

2.

2.1. Interjeté par la partie défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions
libératoires et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), le
recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF)
par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 15'000 fr.
requis pour les litiges de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF; arrêt
4A_71/2011 du 2 mai 2011 consid. 1.2). La défenderesse ayant de surcroît agi
dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi,
son recours est recevable sur le principe. Demeure réservé l'examen de la
recevabilité des différents griefs articulés dans le mémoire.

2.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas lié par
l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant aux questions
juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours et ne
traite donc pas celles qui ne sont plus discutées par les parties, sous réserve
d'erreurs manifestes (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 137
III 580 consid. 1.3 p. 584). Le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un
droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). En tant que cour suprême, il est instance de
révision du droit, et non juge du fait. Il peut certes, à titre exceptionnel,
rectifier ou compléter les faits s'ils ont été établis de façon manifestement
inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - et pour
autant que la correction soit susceptible d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend faire
rectifier ou compléter un fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions d'une telle modification seraient réalisées (ATF 137 II 353
consid. 5.1 p. 356; 136 I 184 consid. 1.2 p. 187), au même titre que la partie
qui invoque une violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire
dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits (cf. art. 106 al.
2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).

2.4. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté, à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Sont
visés par cette exception les faits qui sont rendus pertinents pour la première
fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits
nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance
précédente, afin d'en contester la régularité, ou encore des faits postérieurs
à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours; en dehors de
ces cas, les novas ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens
de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée, ou d'éléments que
les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 139 III 120
consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).

3.

3.1. Dans une argumentation quelque peu confuse, la défenderesse reproche aux
juges cantonaux une violation de l'art. 18 CO ainsi qu'une appréciation erronée
des faits et des preuves, leur faisant grief de s'être, à la suite du premier
juge, écartés de l'appréciation de la cause au regard de la réelle et commune
intention des parties pour se limiter à l'examiner selon le principe de la
confiance. Les juges cantonaux auraient omis de prendre en considération dans
leur appréciation une série d'éléments - la défenderesse se contentant à cet
égard de renvoyer directement aux pièces du dossier, sans invoquer ni a
fortiori démontrer une constatation inexacte ou incomplète des faits par la
cour cantonale - et n'auraient pas tiré les conclusions qui s'imposaient, à
savoir que le demandeur était parfaitement au clair sur les tenants et
aboutissants de la convention qu'il avait négociée et signée, convention qui
refléterait la réelle et commune intention des parties et dont le texte serait
au demeurant parfaitement clair, ne laissant place à aucune interprétation. Le
contrat litigieux devrait ainsi être qualifié de contrat de mandat et non de
contrat de travail.

3.2. La défenderesse invoque une appréciation erronée des preuves, sans
toutefois aucunement démontrer, par une argumentation répondant aux exigences
posées par la jurisprudence (cf. consid. 2.3 supra), en quoi les juges
cantonaux auraient établi les faits de manière inexacte ou incomplète sur des
points susceptibles d'influer sur le sort de la cause. Elle se contente
d'alléguer à l'appui de son recours, à diverses occasions, des faits qui n'ont
pas été retenus par la cour cantonale - tels que l'âpreté des négociations, le
caractère de «faire-valoir» du demandeur, le désir de celui-ci de conserver une
position dirigeante, ou encore les motifs qui l'ont amenée à engager le
demandeur - sans démontrer en quoi les conditions d'une rectification ou d'un
complètement de l'état de fait selon l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées.
Elle plaide par ailleurs qu'il est arbitraire de retenir un rapport de
subordination; outre que ses explications sont peu claires, l'on ne discerne de
toute façon pas d'arbitraire dans l'établissement des faits décrivant la
manière dont les relations régies par le contrat du 19 décembre 2007 se sont
déroulées en pratique (cf. au surplus infra consid. 4.3.2). Le Tribunal fédéral
statuera dès lors sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art.
105 al. 1 LTF).

4.

4.1.

4.1.1. En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit
tout d'abord s'efforcer de rechercher la réelle et commune intention des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles
ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la
convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement
la teneur des déclarations de volonté, mais aussi le contexte général, soit
toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il
s'agisse des déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets
de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l'attitude des parties
après la conclusion du contrat (arrêt 4A_65/2012 du 21 mai 2012 consid. 10.2 et
les auteurs cités). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée
d'interprétation subjective (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 125 III 305
consid. 2b p. 308). Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au
moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal
fédéral (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422).

4.1.2. Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si les
volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations et
comportements des parties selon le principe de la confiance, en recherchant
comment une déclaration ou une attitude pouvait de bonne foi être comprise en
fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1). Cette
interprétation dite objective, qui relève du droit, s'effectue non seulement
d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des
circonstances qui les ont précédées et accompagnées (ATF 131 III 377 consid.
4.2.1; 119 II 449 consid. 3a), à l'exclusion des circonstances postérieures (
ATF 132 III 626 consid. 3.1). L'application du principe de la confiance est une
question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner d'office (art. 106 al.
1 LTF); cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le
contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, dont la
constatation relève du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2).

4.1.3. La qualification juridique d'un contrat est une question de droit (ATF
131 III 217 consid. 3 p. 219). Le juge détermine ainsi librement la nature de
la convention d'après l'aménagement objectif de la relation contractuelle
(objektive Vertragsgestaltung), sans être lié par la qualification même
concordante donnée par les parties (ATF 84 II 493 consid. 2; arrêt 4A_194/2011
du 5 juillet 2011 consid. 5.3, résumé in JT 2012 II 198). La dénomination d'un
contrat n'est pas déterminante pour évaluer sa nature juridique (art. 18 al. 1
CO; ATF 129 III 664 consid. 3.1).

4.1.4. En bref, le juge doit s'efforcer de rechercher la réelle et commune
intention des parties sur tous les points sur lesquels une telle volonté peut
être établie. Lorsque la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou
que les volontés intimes divergent, le juge doit interpréter les déclarations
et comportements des parties selon le principe de la confiance. Sur la base de
l'ensemble de ces éléments, il détermine la nature juridique de la convention
en se référant aux éléments constitutifs des types de contrats entrant en
considération et aux critères de distinction posés par la jurisprudence et la
doctrine.

4.2.

4.2.1. A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail,
le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à
travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé
d'après le temps ou le travail fourni. Les éléments caractéristiques de ce
contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un
élément de durée et une rémunération (arrêt 4P.337/2005 du 21 mars 2006 consid.
3.3.2 et les références citées). Le contrat de travail se distingue avant tout
des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par
l'existence d'un lien de subordination (ATF 125 III 78 consid. 4; ATF 112 II 41
consid. 1 a/aa p. 46 et consid. 1 a/bb in fine p. 47; cf. aussi ATF 134 III 102
consid. 3.1.2; 130 III 213 consid. 2.1 p. 216), qui place le travailleur dans
la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, organisationnel et
temporel, et dans une certaine mesure économique (cf. ATF 121 I 259 consid. 3a
p. 262; 107 II 430 consid. 1; 95 I 21 consid. 5b p. 25). Le travailleur est
assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur; il est
intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place
déterminée (arrêt 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2; arrêt 4A_194/2011 du
5 juillet 2011 consid. 5.6.1). Le mandataire, en revanche, doit certes suivre
les instructions du mandant, mais il agit indépendamment et sous sa seule
responsabilité, alors que le travailleur se trouve au service de l'employeur;
d'autres indices complémentaires peuvent également aider à la distinction, tel
l'élément de durée propre au contrat de travail, alors que le mandat peut aussi
n'être qu'occasionnel (arrêt 4P.337/2005 du 21 mars 2006 consid. 3.3.2 et les
références citées).

4.2.2. Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des
parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants. Il
faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont
la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté
dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation
de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore
l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêt 2C_714/
2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.4.2). Le critère de la subordination doit
être examiné à l'aune de l'ensemble des circonstances du cas particulier pour
déterminer si un travail est effectué de manière dépendante ou indépendante
(cf. ATF 112 II 41 consid. 1 a/aa p. 46).

4.2.3. Le critère de la subordination doit toutefois être relativisé en ce qui
concerne les personnes exerçant des professions typiquement libérales ou ayant
des fonctions dirigeantes. L'indépendance de l'employé est alors beaucoup plus
grande et la subordination est alors essentiellement organisationnelle ( WYLER/
HEINZER, Droit du travail, 3 ^e éd. 2014, p. 21). Dans un tel cas, plaident
notamment en faveur du contrat de travail la rémunération fixe ou périodique,
la mise à disposition d'une place de travail et des outils de travail, ainsi
que la prise en charge par l'employeur du risque de l'entreprise ( ADRIAN
STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 4 ^e éd. 2006, n. 33 ad art. 319 CO; cf. aussi
REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 2010, n. 44 ad art. 319 CO); le
travailleur renonce à participer au marché comme entrepreneur assumant le
risque économique et abandonne à un tiers l'exploitation de sa prestation, en
contrepartie d'un revenu assuré (arrêt 4A_602/2013 du 27 mars 2014 consid. 3.2;
REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., n. 64 ad art. 319 CO).

4.2.4. Seul l'examen de l'ensemble des circonstances du cas concret permet de
déterminer si le travail est effectué de manière dépendante ou indépendante (
ATF 129 III 664 consid. 3.2 p. 668; 112 II 41 consid. 1 a/aa p. 46 et les
références; arrêt 4C.419/1999 du 19 avril 2000 consid. 1 a).

4.3.

4.3.1. En l'espèce, il ressort des constatations de fait de la cour cantonale,
qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 3 supra), que lors des pourparlers
précontractuels, l'administrateur de la défenderesse a eu l'idée de scinder
formellement en deux l'activité du demandeur en concluant d'une part un contrat
de travail pour son rôle de designer, responsable de l'organisation de la
production et superviseur des bureaux parisiens, et d'autre part un contrat de
consultant pour ses fonctions internationales; cette configuration particulière
devait semble-t-il permettre à la défenderesse d'éviter le paiement de charges
sociales; le demandeur ne s'y est pas opposé, alors même qu'il se trouvait en
mesure d'émettre des revendications, notamment concernant le montant de la
rémunération globale qu'il souhaitait obtenir. Cela étant, le fait que le
demandeur ait ainsi accepté une réglementation contractuelle visant à
soustraire sa rémunération au paiement des charges sociales paritaires qui
doivent obligatoirement être prélevées en Suisse sur les revenus provenant
d'une activité lucrative dépendante ne permet pas de qualifier la convention du
19 décembre 2007 de contrat de mandat; quant aux termes de la convention selon
lesquels le demandeur «accepte d'assister C.________ SA en tant que consultant»
et «exécutera ses services en tant qu'indépendant», ils doivent précisément
être appréciés dans le contexte que l'on vient de décrire et ne sont donc pas
non plus déterminants pour la qualification du contrat (cf. consid. 4.1.3 et
4.2.2 supra).

4.3.2. En effet, est avant tout déterminante pour la qualification du contrat
l'existence d'un lien de subordination caractéristique du contrat de travail
(cf. consid. 4.2.1 supra). Or, l'art. 2.1 de la convention de consultant
stipulait à cet égard que le demandeur exécuterait les missions qui lui
seraient confiées «selon les instructions de la direction des sociétés» de la
défenderesse, ces missions incluant notamment des participations aux salons
horlogers internationaux (Suisse, Moyen-Orient, USA) ainsi qu'à des événements
liés à la marque M.________; les missions de représentation et d'image devaient
se faire «selon les directives de la direction» de la défenderesse, qui
déciderait de recourir aux services du demandeur «dans la mesure nécessaire».
L'obligation du demandeur de se conformer aux instructions et directives de la
défenderesse est caractéristique d'un rapport de subordination. Certes, l'arrêt
attaqué retient que tant et aussi longtemps que les relations contractuelles
n'ont pas posé problème, le demandeur disposait d'une certaine indépendance
dans l'organisation des salons horlogers internationaux auxquels la
défenderesse participait, puisqu'il recevait des instructions de E.________
mais ne rencontrait celui-ci qu'une fois par mois. Il ressort toutefois
également des constatations de fait de l'arrêt attaqué qu'en septembre 2010,
F.________, PDG de la société B.________ SA, a signifié au demandeur, quelques
jours avant la tenue d'un salon horloger à Monaco, qu'il n'y participerait pas
et qu'il en irait de même du salon auquel la défenderesse se rendrait
ultérieurement à Bahreïn; F.________, qui a agi à la demande de E.________,
lui-même administrateur délégué du groupe D.________ SA et administrateur de la
défenderesse, a fait savoir au demandeur que la vente et la distribution
étaient désormais réservées à une équipe nouvellement créée, lui-même devant se
consacrer au design et à la création principalement. Force est ainsi de
constater que le demandeur était soumis à de véritables injonctions de la
défenderesse, allant jusqu'à le contraindre de renoncer à tout un volet de son
activité.

4.3.3. En outre, le demandeur était rémunéré à raison d'une somme forfaitaire
annuelle de 72'000 fr., quel que soit le bénéfice rapporté par les salons
auxquels il participait. Si une rémunération forfaitaire n'est certes pas
exclue par les dispositions régissant le mandat, comme le relève la
défenderesse, le risque économique était en l'occurrence exclusivement assumé
par la défenderesse (cf. consid. 4.2.3 supra). En outre, le versement d'une
rémunération annuelle fixe dans le cadre d'un contrat conclu pour une durée
d'un an renouvelable tacitement avec un délai de résiliation de 12 mois -
contrat qui n'a été résilié que le 26 janvier 2012 - est davantage
caractéristique du contrat de travail que du contrat de mandat (cf. consid.
4.2.1 in fine supra).

4.3.4. En définitive, au vu de l'ensemble des circonstances du cas particulier
(cf. consid. 4.2.4 supra), notamment du fait que le demandeur était dans un
rapport clair de subordination vis-à-vis de la défenderesse, qui lui dictait,
dans les limites de la marge de manoeuvre inhérente à la fonction qu'il
occupait, des instructions sur ses activités (cf. consid. 4.3.2 supra), qu'il
ne supportait d'aucune manière les risques économiques de l'activité qu'il
exerçait pour le compte de la défenderesse et qu'il a reçu une rémunération
fixe de 72'000 fr. par an pendant plusieurs années, indépendamment des
résultats de son activité (cf. consid. 4.3.3 supra), c'est à bon droit que les
juges cantonaux ont conclu que le travail était effectué de manière dépendante
et que la convention de consultant du 19 décembre 2007, malgré son intitulé et
la terminologie utilisée, devait en réalité être qualifiée juridiquement de
contrat de travail.

5.

5.1. A la suite du premier juge, la cour cantonale a constaté que la
défenderesse avait résilié le contrat par lettre recommandée du 26 janvier 2012
et que cette résiliation ne pouvait déployer d'effet qu'au 31 janvier 2013, vu
le délai de congé de douze mois prévu par l'art. 7.1 de la convention du 19
décembre 2007.

 Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique, dès lors que la
défenderesse ne peut invoquer aucune résiliation du contrat antérieure au 26
janvier 2012. Contrairement à ce que soutient la défenderesse, le courriel de
F.________ du 29 septembre 2010 ordonnant au demandeur de ne plus participer
aux salons ne peut à l'évidence être interprété comme une résiliation de
contrat, puisqu'il ne fait aucune mention d'une rupture des rapports
contractuels.

5.2. C'est ainsi à bon droit que la cour cantonale a confirmé la condamnation
de la défenderesse à verser au demandeur son salaire depuis le 1er octobre 2010
jusqu'à l'échéance du contrat, soit jusqu'au 31 janvier 2013, ce qui représente
28 mois rémunérés à 6'000 fr., soit un montant brut de 168'000 fr., soumis aux
déductions sociales et légales usuelles. Sur ce dernier point, c'est en vain
que la défenderesse cherche à se prévaloir du fait que le demandeur avait
accepté une réglementation contractuelle ayant pour effet de soustraire sa
rémunération au paiement des charges sociales paritaires. En effet, le
prélèvement desdites charges sur tous les revenus provenant d'une activité
lucrative dépendante échappe à la libre disposition des parties et découle
impérativement de la qualification du contrat comme contrat de travail.

6.

 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable (cf. consid. 3.2 supra).

 Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure seront mis à la
charge de la défenderesse (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre au
demandeur une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens (art. 68 al.1 et 2 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la
défenderesse.

3. 
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 6'500 fr. à titre de
dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 3 septembre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Monti

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