Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.191/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_191/2015

Arrêt du 16 décembre 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
A.________ Corporation, représentée par Me Nicolas Rouiller,
recourante,

contre

B.________ SA, représentée par
Me Alexandre de Weck,
intimée.

Objet
preuve à futur; intérêt digne de protection; reddition de compte,

recours contre l'arrêt rendu le 20 février 2015 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. Le 11 octobre 2006, la société panaméenne A.________ Corporation
(ci-après: A.________) a ouvert une relation bancaire auprès de la succursale
genevoise de la banque B.________ SA (ci-après: la banque). Le 10 novembre
2006, A.________ a confié à la banque un mandat de gestion discrétionnaire avec
un objectif d'investissement à risque modéré. La banque a placé des avoirs de
A.________ dans deux fonds d'investissement (xxx et zzz), dont l'unique
objectif était de collecter de l'argent pour le placer auprès de Bernard Madoff
Investment Services (BMIS). Par la suite, les deux fonds d'investissement ont
racheté ces parts ou actions, et A.________ a encaissé 1'088'090 euros à titre
de plus-value; en réalité, ces plus-values étaient fictives, BMIS créditant de
prétendues plus-values au moyen de fonds remis par de nouveaux investisseurs,
selon le système dit "de cavalerie". A la suite de la crise financière de 2008,
le système s'est écroulé. Le liquidateur de BMIS a alors entrepris des
démarches en vue de récupérer les plus-values fictives versées.
Le 12 novembre 2010, la banque a informé A.________ que le liquidateur de BMIS
se réservait le droit de réclamer le remboursement ("  claw back ") de montants
importants aux deux fonds d'investissement xxx et zzz ainsi qu'à leurs anciens
actionnaires ou détenteurs de parts. En raison de ce risque, la banque a bloqué
les avoirs de A.________ auprès d'elle à concurrence d'un montant total de
1'088'090 euros, correspondant aux prétendues plus-values créditées à
A.________. A la suite de négociations, la banque a libéré les avoirs contre la
fourniture par A.________ d'une garantie bancaire d'un montant de 909'756
euros.

A.b. Le 2 novembre 2012, A.________ a déposé, en vue de conciliation, une
demande dirigée contre la banque tendant, en substance, à la constatation
qu'elle ne pouvait pas être tenue de rembourser à la banque les montants que
celle-ci pourrait être amenée à payer dans le cadre d'un "  claw back ".
D'après A.________, la banque était responsable du choix des investissements
dans les "produits Madoff", faute d'avoir procédé à des vérifications
sérieuses; ce faisant, elle avait violé son devoir de diligence et de fidélité,
de sorte que sa responsabilité contractuelle était engagée envers A.________. A
l'issue de l'audience de conciliation du 10 janvier 2013, A.________ a reçu
l'autorisation de procéder. Elle n'en a pas fait usage dans le délai imparti.

B. 
Le 19 avril 2014, A.________ a déposé une requête de preuve à futur. Dans le
cadre d'une éventuelle action contre B.________ SA, elle entendait, d'une part,
faire constater qu'en cas de "  claw back ", la banque ne disposait pas d'une
créance en remboursement à son encontre et, d'autre part, réclamer le paiement
d'un montant d'au moins 200'000 fr. à titre de remise des rétrocessions perçues
par la banque en relation avec les investissements effectués avec les avoirs
confiés. Pour lui permettre d'estimer les chances de succès de cette action,
A.________ demandait qu'il soit ordonné à la banque de produire:

"Titre 51:       Tous documents démontrant les examens auxquels la banque
B.________ SA s'est livrée, notamment les analyses des risques, à propos des
investissements dans les «fonds Madoff» (xxx et zzz, notamment) qu'elle a
sélectionnés pour les clients qui lui avaient confié des avoirs.
Titre 52:       Tous documents (notamment, comptes-rendus d'entretiens, notes
internes, procès-verbaux de réunions, etc.) relatifs aux décisions, y compris
les documents dans lesquels lesdites décisions ont été formalisées, prises par
les comités et/ou services qui ont été amenés, entre 2006 et 2010, directement
ou indirectement, à décider de la politique d'investissement de la banque, et
en particulier les documents relatifs aux fonds gérés par Bernard Madoff (...).
Titre 53:       Toute la correspondance interne (y compris la correspondance
électronique, les mémos électroniques, sur papier, manuscrits, etc.) échangée
au sein de la banque B.________ SA (ou avec des sociétés affiliées) entre les
personnes chargées de gérer les fonds de A.________ Corporation, ou entre la ou
les personne (s) chargée (s) de la gestion de ce portefeuille et d'autres
collaborateurs de la banque.
Titre 54:       Tous documents, notamment accords entre la banque B.________ SA
et les «fonds Madoff» (xxx et zzz, notamment), et décomptes, permettant
d'établir le montant exact des rétrocessions (ou «rétro-commissions»), ou du
moins les paramètres de calcul, reçues par la banque (...) au titre
d'investissements dans les «fonds Madoff» et au titre des autres
investissements faits avec les avoirs confiés à cette banque par A.________
Corp.
Titre 55:       Tout écrit démontrant que la banque B.________ SA a informé
A.________ Corp. des rétrocessions reçues au titre d'investissements dans
les «fonds Madoff» (xxx et zzz) et au titre des autres investissements faits
avec les avoirs confiés à cette banque par A.________ Corp. "
La banque a conclu au rejet de la requête. Elle a produit une lettre qu'elle
avait adressée le 19 mai 2014 à A.________, chiffrant à 6'607 fr. l'ensemble
des rétrocessions perçues du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2012 en relation
avec l'investissement des avoirs de sa mandante.
Par ordonnance du 12 septembre 2014, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a rejeté la requête. Il a jugé que les conclusions de A.________
consistaient en réalité en une demande de reddition de compte, qui n'avait pas
sa place dans une procédure de preuve à futur.
A.________ a interjeté appel auprès de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève. Pour sa part, la banque a conclu au rejet de l'appel.
A.________ a déposé des observations sur la réponse, puis la banque a
brièvement dupliqué par mémoire du 24 novembre 2014. Le 26 novembre 2014, la
Chambre civile a envoyé à A.________ une copie de cette dernière écriture et a
informé les parties que la cause était gardée à juger. Le 4 décembre 2014,
A.________, de son propre chef, a déposé des observations sur la duplique, dont
elle a adressé une copie à la partie adverse. Celle-ci, se référant à l'envoi
de A.________, a produit une brève détermination le 11 décembre 2014; la
Chambre civile en a envoyé copie à A.________. Cette dernière a alors déposé
une nouvelle écriture le 15 décembre 2014; la cour cantonale en a adressé une
copie à la banque.
Statuant le 20 février 2015, la Chambre civile a rejeté l'appel et confirmé
l'ordonnance rejetant la requête de preuve à futur. Elle a notamment relevé que
la requérante ne réclamait pas un nombre limité de documents bien déterminés,
mais tentait en réalité de réunir des faits supplémentaires pour construire une
future action en justice, ce qui n'était pas le but de la preuve à futur.

C. 
A.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à ce que sa
requête de preuve à futur soit admise, subsidiairement à ce que la cause soit
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
B.________ SA propose le rejet du recours. La recourante a, de son propre chef,
déposé des observations. L'intimée a renoncé à formuler des
contre-observations. La cour de céans a alors informé les parties qu'elles
avaient eu suffisamment l'occasion de se déterminer sur les arguments de la
partie adverse et que toute nouvelle écriture serait classée sans être prise en
considération.

Considérant en droit :

1.

1.1. La décision attaquée met fin à la procédure de preuve à futur dans une
cause où aucun procès principal au fond n'est pendant. Il s'agit là d'une
décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 138 III 46 consid. 1.1). Elle a
été rendue en matière civile (art. 72 LTF) par un tribunal supérieur d'un
canton, qui a statué sur recours (art. 75 LTF). L'affaire est de nature
pécuniaire, car la requête de preuve à futur poursuit en définitive et
principalement un but économique (cf. arrêt 4A_646/2014 du 14 avril 2015
consid. 1.1; arrêt 4A_36/2010 du 20 avril 2010 consid. 1.1; consid. 1.2 non
publié de l'ATF 129 III 499; cf. également ATF 139 II 404 consid. 12.1 p. 448;
118 II 528 consid. 2c p. 531). La cause atteint manifestement la valeur
litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires
ne relevant ni du droit du travail ni du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1
let. b LTF). Au surplus, la recourante n'a pas obtenu gain de cause dans la
procédure cantonale (art. 76 al. 1 LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours en matière civile
est recevable.

1.2. Les dispositions sur les mesures provisionnelles sont applicables à la
décision portant sur l'administration de preuves à futur (art. 158 al. 2 CPC;
ATF 138 III 46 consid. 1.1). Seule la violation des droits constitutionnels
peut être invoquée dans le recours (art. 98 LTF).

2. 
Selon les conditions générales de l'intimée intégrées dans les divers contrats
passés avec la recourante, le droit suisse est applicable et le for judiciaire
est à Genève. Ces points ne sont pas contestés.

3.

3.1. Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 6 par. 1 CEDH, la recourante se
plaint d'une violation de son droit d'être entendue, au motif que les juges
genevois n'auraient pas tenu compte de ses écritures des 4 et 15 décembre 2014.

3.2. Dans la partie "en fait" de l'arrêt attaqué, la cour cantonale relève
qu'il y a eu un double échange d'écritures, suivi d'un avis du 26 novembre
2014, indiquant aux parties que la cause était gardée à juger; il n'est pas
fait mention des écritures postérieures. Les actes déposés par la recourante le
4 décembre 2014 et par l'intimée le 11 décembre 2014 figurent toutefois dans le
dossier de l'autorité précédente, lequel consiste en une simple fourre
réunissant les pièces sans index, sans fixation et sans numérotation. La
quatrième écriture de la recourante, datée du 15 décembre 2014, ne s'y trouve
pas; mais l'intimée en a déposé une copie avec son mémoire de réponse adressé à
la cour de céans, copie portant le sceau de transmission de l'autorité
précédente. Il est donc manifeste que la cour cantonale a eu cette écriture en
mains. La recourante, qui avait accès au dossier, ne le conteste d'ailleurs
pas, ce qui scelle la question.
La recourante fonde sa critique sur le seul fait que ses troisième et quatrième
écritures ne sont pas expressément citées dans l'arrêt attaqué. L'absence de
mention de ces actes ne signifie pas pour autant que l'autorité précédente les
a ignorés. La recourante pouvait tenter de démontrer que ces écritures
contenaient un argument dont on ne trouve pas trace dans les considérants de
l'arrêt cantonal; elle n'en a rien fait, se bornant à affirmer sans autre
précision que les écritures en cause contenaient des arguments en fait et en
droit pertinents pour le sort de la cause et méritant d'être étudiés par
l'autorité cantonale. Dans ces conditions, il ne saurait être retenu, en fait,
que les juges précédents ont ignoré ces écritures.
Cette conclusion dispense la cour de céans d'examiner si et, le cas échéant,
dans quelle mesure l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 6 CEDH garantissent le droit
à la réplique (cf. ATF 139 I 189 consid. 3.3 p. 192 et consid. 3.5 p. 193) dans
une procédure de preuve à futur fondée sur l'art. 158 al. 1 let. b CPC,
laquelle ne tend pas à trancher au fond des droits ou des obligations (ATF 140
III 12 consid. 3.3.3 p. 13 s.; arrêt 4A_334/2015 du 22 septembre 2015 destiné à
la publication, consid. 3.3.1 et 4.2.3).

4. 
La recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 158 al. 1 let. b
CPC (en relation avec l'art. 160 CPC). Selon cette disposition, le tribunal
administre les preuves en tout temps lorsque la mise en danger des preuves ou
un intérêt digne de protection est rendu vraisemblable par le requérant. La
recourante invoque uniquement un intérêt digne de protection. A cet égard, elle
explique ne disposer d'aucune information sur les critères qui ont conduit
l'intimée à investir dans les fonds litigieux, ni sur l'étendue de l'examen
auquel il a été procédé; elle ne serait ainsi pas en mesure de déterminer si,
sur la base des éléments alors en mains de la banque, la décision d'investir
dans ces fonds était conforme au profil de risque qu'elle avait accepté.
L'intérêt de la recourante résiderait dans la possibilité d'évaluer les chances
de succès d'une action au fond contre l'intimée, respectivement de prouver la
violation par la banque de son devoir de diligence. La recourante ajoute qu'en
l'absence de toute information sur l'analyse des risques effectuée en relation
avec les placements litigieux, elle n'est pas en mesure d'alléguer plus
précisément les faits et, partant, d'introduire une action, ce qui justifierait
précisément le dépôt d'une requête de preuve à futur. En ce qui concerne les
rétrocessions, la recourante fait valoir un intérêt digne de protection à
obtenir, avant d'ouvrir action, les documents lui permettant de vérifier le
montant perçu à ce titre par la banque.

4.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9
Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable. Le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance
que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit
certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables;
encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 140 III 16
consid. 2.1 p. 18 s., 157 consid. 2.1 p. 168; 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339;
138 III 378 consid. 6.1 p. 379 s.).

4.2.  DANS SA REQUÊTE DE PREUVE À FUTUR, LA RECOURANTE CONCLUT À LA REMISE PAR
LA BANQUE DE TOUS DOCUMENTS, EN PARTICULIER INTERNES, SUSCEPTIBLES DE CONTENIR
DES RENSEIGNEMENTS NOTAMMENT SUR L'ANALYSE DES RISQUES EFFECTUÉE EN RELATION
AVEC LES "FONDS MADOFF", SUR LES DÉCISIONS PRISES PAR LES ORGANES CHARGÉS DE LA
POLITIQUE D'INVESTISSEMENT, SUR LES ÉCHANGES ENTRE LES COLLABORATEURS
S'OCCUPANT DE LA GESTION DES FONDS CONFIÉS, SUR LE MONTANT DES RÉTROCESSIONS ET
L'INFORMATION FOURNIE À CE SUJET À LA CLIENTE.
LE LIBELLÉ DE CES CONCLUSIONS POSE D'EMBLÉE LA QUESTION DE LA NATURE DU DROIT À
LA PRODUCTION DE DOCUMENTS EXERCÉ PAR LA RECOURANTE.

4.2.1.  LES PARTIES SONT LIÉES PAR UN MANDAT. SOUS LE TITRE GÉNÉRAL "REDDITION
DE COMPTE", L'ART. 400 AL. 1 CO MET À LA CHARGE DU MANDATAIRE L'OBLIGATION,
ENVERS LE MANDANT, DE LUI RENDRE COMPTE DE SA GESTION (RECHENSCHAFTSPFLICHT) ET
DE LUI RESTITUER TOUT CE QU'IL A REÇU DE CE CHEF (ABLIEFERUNGS- OU
HERAUSGABEPFLICHT). L'OBLIGATION DE RENDRE COMPTE COMPREND L'OBLIGATION DE
RENSEIGNER (INFORMATIONSPFLICHT) (ROLF H. WEBER, IN BASLER KOMMENTAR,
OBLIGATIONENRECHT, VOL. I, 6 e ÉD. 2015, N° 2 SS AD ART. 400 CO; FRANZ WERRO,
IN COMMENTAIRE ROMAND, CODE DES OBLIGATIONS VOL. I, 2 e ÉD. 2012, N° 4 AD ART.
400 CO). LE DROIT À L'INFORMATION DOIT PERMETTRE AU MANDANT DE VÉRIFIER SI LES
ACTIVITÉS DU MANDATAIRE CORRESPONDENT À UNE BONNE ET FIDÈLE EXÉCUTION DU MANDAT
(ATF 139 III 49 CONSID. 4.1.2 P. 54; 110 II 181 CONSID. 2 P. 182) ET, LE CAS
ÉCHÉANT, DE RÉCLAMER DES DOMMAGES-INTÉRÊTS FONDÉS SUR LA RESPONSABILITÉ DU
MANDATAIRE (ATF 110 II 181 CONSID. 2 P. 182; CF. ÉGALEMENT ATF 138 III 425
CONSID. 6.4 P. 435). GRÂCE À L'INFORMATION OBTENUE, LE MANDANT CONNAÎTRA
ÉGALEMENT L'OBJET DE L'OBLIGATION DE RESTITUTION (ATF 139 III 49 CONSID. 4.1.2
P. 54; 110 II 181 CONSID. 2 P. 182). LE DEVOIR DE RENSEIGNER PEUT PORTER SUR LA
TENEUR DE DOCUMENTS INTERNES POUR AUTANT QU'ELLE SOIT PERTINENTE POUR CONTRÔLER
LES ACTIVITÉS DU MANDATAIRE (ATF 139 III 49 CONSID. 4.1.3 P. 56).
EN L'ESPÈCE, COMME ELLE LE RECONNAÎT DANS SON RECOURS, LA MANDANTE NE DISPOSE
D'AUCUNE INFORMATION LUI PERMETTANT DE DÉTERMINER LE DEGRÉ DE DILIGENCE DONT LA
BANQUE A FAIT PREUVE AU MOMENT D'INVESTIR DANS LES FONDS LITIGIEUX; OR, LA
VIOLATION DE L'OBLIGATION DE DILIGENCE CONSTITUE L'UNE DES CONDITIONS DE LA
RESPONSABILITÉ DE LA BANQUE. LA RECOURANTE NE CONNAÎT PAS NON PLUS LE MONTANT
DES RÉTROCESSIONS SOUMISES À L'OBLIGATION DE RESTITUTION DE L'INTIMÉE. DANS LES
CONCLUSIONS DE SA REQUÊTE DE PREUVE À FUTUR, LA MANDANTE ENTEND OBTENIR DE LA
MANDATAIRE UN NOMBRE INDÉTERMINÉ DE DOCUMENTS, DÉCRITS DE MANIÈRE TRÈS
GÉNÉRALE, QUI SERAIENT SUSCEPTIBLES DE LUI FOURNIR, SUR CES DEUX POINTS, DES
RENSEIGNEMENTS LUI PERMETTANT, LE CAS ÉCHÉANT, DE FONDER DES PRÉTENTIONS EN
DOMMAGES-INTÉRÊTS ET EN RESTITUTION DE RÉTROCESSIONS.
LA RECOURANTE CHERCHE À RECUEILLIR AINSI DES INFORMATIONS SUR LA MANIÈRE DONT
LA BANQUE A ACCOMPLI SES ACTIVITÉS EN RAPPORT AVEC LE MANDAT, PLUS
PARTICULIÈREMENT LORS DU CHOIX ET DU SUIVI DES INVESTISSEMENTS DANS LES "FONDS
MADOFF". CE FAISANT, ELLE EXERCE MANIFESTEMENT LE DROIT À LA REDDITION DE
COMPTE TEL QUE DÉFINI PLUS HAUT.

4.2.2.  LE DROIT À LA REDDITION DE COMPTE FONDÉ SUR L'ART. 400 AL. 1 CO EST UNE
PRÉTENTION DE DROIT MATÉRIEL, ET NON UN DROIT DE NATURE PROCÉDURALE (CF. ARRÊT
5A_768/2012 DU 17 MAI 2013 CONSID. 4.1). EN TANT QUE DROIT ACCESSOIRE
INDÉPENDANT, IL PEUT FAIRE L'OBJET D'UNE ACTION EN EXÉCUTION. EN ORDONNANT AU
MANDATAIRE DE FOURNIR L'INFORMATION OU LES DOCUMENTS REQUIS, LE JUGE RÈGLE
DÉFINITIVEMENT LE SORT DE LA PRÉTENTION, QUI "S'ÉPUISE" AVEC LA COMMUNICATION
DES RENSEIGNEMENTS OU DES PIÈCES (CF. ATF 138 III 728 CONSID. 2.7 P. 732 S.).
LE JUGEMENT, REVÊTU DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE, DOIT ÊTRE RENDU APRÈS UN
EXAMEN COMPLET EN FAIT ET EN DROIT (CF. ARRÊT PRÉCITÉ DU 17 MAI 2013 CONSID.
4.1).
SELON LA JURISPRUDENCE, LE JUGE NE PEUT PAS ORDONNER PAR VOIE PROVISIONNELLE
UNE MESURE QUI, PAR SA NATURE, IMPLIQUE UN JUGEMENT DÉFINITIF DE LA PRÉTENTION
À PROTÉGER, COMME LA REDDITION DE COMPTE AU SENS DE L'ART. 400 AL. 1 CO (CF.
ATF 138 III 728 CONSID. 2.7 P. 732 S.; POUR LE DROIT À LA CONSULTATION DES
COMPTES DE LA SA [ART. 697H CO], ATF 120 II 352 CONSID. 2B P. 355).
DE MÊME, LA PROCÉDURE DE PREUVE À FUTUR EN VUE D'ÉVALUER LES CHANCES DE SUCCÈS
D'UNE ACTION FUTURE NE PEUT PAS ÊTRE UTILISÉE POUR FAIRE VALOIR UNE PRÉTENTION
EN REDDITION DE COMPTE CONTESTÉE PAR LA PARTIE ADVERSE (CF. GASSER/RICKLI,
SCHWEIZERISCHE ZIVILPROZESSORDNUNG [ZPO] KURZKOMMENTAR, 2 e ÉD. 2014, N. 6 AD
ART. 85 CPC P. 85 S.). EN EFFET, SAISI D'UNE REQUÊTE FONDÉE SUR L'ART. 158 AL.
1 LET. B IN FINE CPC, LE JUGE EXAMINE UNIQUEMENT, SOUS L'ANGLE DE LA
VRAISEMBLANCE, SI LE REQUÉRANT DISPOSE D'UN INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION À
L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE REQUISE; IL NE REND PAS UN JUGEMENT DÉFINITIF SUR
UN DROIT MATÉRIEL (CF. ATF 140 III 12 CONSID. 3.3.3 P. 13 S.; ARRÊT 4A_334/2015
DU 22 SEPTEMBRE 2015 DESTINÉ À LA PUBLICATION, CONSID. 3.3.1 ET 4.2.3), APRÈS
UN EXAMEN COMPLET EN FAIT ET EN DROIT.
EN RÉSUMÉ, LA VOIE DE LA PREUVE À FUTUR N'EST PAS OUVERTE POUR FAIRE VALOIR LE
DROIT QUE LA RECOURANTE INVOQUE EN RÉALITÉ, À SAVOIR UNE PRÉTENTION EN
REDDITION DE COMPTE FONDÉE SUR L'ART. 400 AL. 1 CO. IL S'ENSUIT QUE LES JUGES
GENEVOIS N'ONT PAS APPLIQUÉ L'ART. 158 AL. 1 LET. B CPC DE MANIÈRE ARBITRAIRE
EN CONFIRMANT L'ORDONNANCE REJETANT LA REQUÊTE DE PREUVE À FUTUR.

5. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
La recourante prendra à sa charge les frais et dépens de la procédure (art. 66
al. 1, art. 68 al. 1 et 2 LTF). En ce qui concerne le montant des frais, la
recourante soutient que la présente affaire doit être traitée comme une
contestation non pécuniaire au sens de l'art. 65 al. 3 let. a LTF et du ch. 2
du Tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral (RS 173.110.210.1).
Il n'en est rien (cf. consid. 1.1 supra). Cela étant, dans les affaires
pécuniaires, la valeur litigieuse est certes l'un des facteurs qui, en
principe, entrent en ligne de compte pour calculer l'émolument judiciaire, mais
d'autres éléments peuvent intervenir (cf. art. 65 al. 2 LTF). Dans une
procédure de preuve à futur, la valeur litigieuse du procès envisagé au fond ne
saurait être déterminante à elle seule. Dans la mesure où la preuve à futur
tend à éviter les procès dénués de chances de succès, l'émolument sera, dans ce
cas-là, nécessairement réduit par rapport à celui qui serait prélevé dans le
procès au fond.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 16 décembre 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Godat Zimmermann

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