Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.177/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_177/2015

Arrêt du 16 juin 2015

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente,
Kolly et Hohl.
Greffière : Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Christian van Gessel,
recourant,

contre

B.________ SA (anciennement C.________ SA ), représentée par Me Philippe
Zoelly,
intimée.

Objet
contrat d'assurance; interprétation,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 20 février 2015 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève.

Faits :

A.

A.a. D.________, originaire du Kosovo et domicilié à Genève, était le détenteur
d'un véhicule automobile Fiat à raison duquel il avait souscrit une assurance
en responsabilité civile auprès de C.________ SA (ci-après: la compagnie
d'assurance).
La police établie le 30 mai 2007 se réfère aux conditions générales d'assurance
(CGA). Sur le plan territorial, l'art. 6 CGA énonce ce qui suit:

"L'assurance est valable pour les dommages causés pendant la durée du contrat
et qui surviennent:

- en Suisse et dans la Principauté du Liechtenstein;
- dans les autres Etats européens qui figurent sur la 'carte verte' (Carte
internationale d'assurance pour les véhicules automobiles) et qui ne sont pas
biffés."
La carte verte délivrée au preneur d'assurance D.________ comporte une liste de
pays désignés par leur sigle officiel. Y figure notamment le sigle "SCG",
correspondant à l'Etat de Serbie-et-Monténégro; ce sigle n'a pas été biffé. Au
verso figure la mention "SCG (...) Serbie et Monténégro", avec l'adresse du
Bureau d'assurance à Belgrade. Le Kosovo n'est pas mentionné sur cette carte.
La carte verte comporte en outre une note n° 4 ayant la teneur suivante:

"La couverture d'assurance fournie par les cartes vertes délivrées pour Serbie
et Monténégro est limitée aux parties géographiques de Serbie et Monténégro qui
sont sous le contrôle du gouvernement de Serbie et Monténégro."
L'Etat de Serbie-et-Monténégro a succédé en 2003 à l'ancienne République
fédérale de Yougoslavie. Cet Etat a été dissous après la déclaration
d'indépendance du Monténégro survenue le 3 juin 2006, suivie par celle de la
Serbie le 5 juin 2006. Lorsque l'assurance a été conclue et la carte verte
délivrée en mai 2007, l'Etat de Serbie-et-Monténégro n'existait donc plus.
Le Kosovo était une province de Serbie. Il a été placé sous administration
internationale intérimaire chapeautée par l'ONU, en vertu d'une résolution 1244
adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 10 juin 1999. E n mai 2007, le
Kosovo faisait toujours l'objet de cette mesure. Il s'est proclamé
unilatéralement indépendant le 17 février 2008. Nonobstant cet événement, la
carte verte n'accorde à ce jour aucune couverture d'assurance pour le
territoire du Kosovo.
A l'occasion de la procédure qui sera exposée ci-dessous (infra let. B), le
détenteur du véhicule et preneur d'assurance a donné les explications suivantes
en qualité de témoin: il était déjà assuré auprès de la même compagnie
d'assurance avant de conclure un nouveau contrat en mai 2007. Il avait toujours
eu une carte verte qu'il n'avait jamais lue attentivement. Il se rendait
régulièrement au Kosovo avec sa voiture, dès avant 2007. A chaque fois, il
devait contracter à la frontière une assurance de transit couvrant la
responsabilité civile pour son véhicule pendant toute la durée de son séjour.
Il essayait d'éviter celle-ci en expliquant qu'il était déjà assuré, mais
l'autorité compétente lui disait que le paiement était obligatoire. Avant de
signer le contrat en mai 2007, il avait un doute sur le point de savoir s'il
était également assuré au Kosovo par son contrat; il pensait que c'était
peut-être le cas car le Kosovo n'était pas tracé sur la carte verte. Au moment
de conclure le contrat, il n'était pas sûr que la couverture s'étende au
Kosovo.

A.b. En été 2007, le détenteur et preneur d'assurance a prêté son véhicule à
son gendre A.________, qui l'a utilisé pour se rendre au Kosovo. A la frontière
du Kosovo, le gendre a dû contracter une assurance intitulée  "transit
insurance policy" pour la période du 19 juillet au 19 août 2007.
Le 25 juillet 2007, le gendre du détenteur circulait au Kosovo dans le véhicule
Fiat comme passager sur la banquette arrière. Le conducteur a perdu le contrôle
de la voiture, qui a fait plusieurs tonneaux pour finir sa course dans un
champ. A.________ a souffert d'une fracture et de lésions thoraciques; il est
devenu paraplégique.
Par courrier du 18 avril 2008, la compagnie d'assurance a refusé de donner
suite aux prétentions émises par l'accidenté, au motif que la couverture
d'assurance était "limitée aux parties géographiques de Serbie et Monténégro
qui [étaie]nt sous le contrôle du gouvernement de cet Etat", ce qui n'était pas
le cas du Kosovo, placé sous l'administration de l'ONU au moment de l'accident.
L'accidenté a été indemnisé à raison de 90'000 euros par l'assurance de transit
contractée à la frontière du Kosovo. Il touche des rentes AI pour lui-même et
ses enfants, ainsi que des prestations complémentaires fédérales. Il a en outre
obtenu un capital de quelque 42'300 fr. de sa caisse LPP.

B. 
Après avoir saisi l'autorité de conciliation le 28 juin 2012, l'accidenté a
déposé une demande en paiement devant le Tribunal de première instance du
canton de Genève. Il concluait à ce que la compagnie d'assurance lui verse
53'880 fr. plus intérêts.
Le tribunal, d'entente avec les parties, a limité la procédure à la question de
la couverture d'assurance. Par jugement du 21 août 2014, il a rejeté la demande
en paiement au motif que l'assurance ne s'appliquait pas au Kosovo.
L'accidenté a saisi la Chambre civile de la Cour de justice genevoise, qui a
confirmé le jugement attaqué par arrêt du 20 février 2015.

C. 
L'accidenté saisit le Tribunal fédéral d'un "recours en matière de droit privé"
tendant à faire constater que la compagnie d'assurance doit entièrement prendre
en charge les suites de l'accident du 25 juillet 2007 à son égard, et à obtenir
le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur le
dommage subi.
Le recourant sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
La compagnie d'assurance intimée et l'autorité précédente n'ont pas été
invitées à se déterminer.

D. 
Le 30 avril 2015, C.________ SA a été radiée du registre du commerce par suite
de fusion avec B.________ SA.

Considérant en droit :

1. 
D'après le registre du commerce, B.________ SA a repris les actifs et passifs
de C.________ SA dans le cadre d'une fusion. Elle lui a dès lors succédé ex
lege en qualité de partie à la procédure (art. 71 LTF en liaison avec l'art. 17
al. 3 PCF; arrêt 4A_434/2012 du 7 novembre 2012 consid. 1; sous l'OJ, ATF 106
II 346 consid. 1). Le rubrum du présent arrêt tient compte de cette
modification.

2. 
Le Tribunal de première instance a limité la procédure à la question de savoir
si l'assurance couvrait un accident survenu au Kosovo (cf. art. 125 let. a
CPC). Répondant par la négative, il a rejeté la demande en paiement formée par
l'accidenté, décision qui a été confirmée par la Cour de justice. Dès lors
qu'elle met fin à la procédure, cette décision doit être qualifiée de finale
(art. 90 LTF). Pour le surplus, la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. est
atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). Partant, la voie du recours en matière
civile est ouverte.

3.

3.1. Le recourant dénonce une fausse application des art. 1 et 18 CO, 33 LCA et
2 al. 1 CC. En substance, il plaide que l'art. 6 CGA et les indications
figurant sur la carte verte laissaient subsister un doute certain quant à la
couverture d'assurance au Kosovo; l'exclusion de cette région n'étant pas
suffisamment précise, elle ne serait pas opposable au preneur d'assurance et
aux ayants droit.

3.2. La jurisprudence fédérale a développé des règles d'interprétation en
s'appuyant principalement sur les art. 1 et 18 CO, ainsi que sur l'art. 2 al. 1
CC. Le recourant admet qu'il n'était pas possible de dégager une réelle et
commune intention des parties (cf. art. 18 al. 1 CO), de sorte qu'il était
légitime de recourir à l'interprétation objective, comme l'a fait la Cour de
justice.
L'interprétation objective, ou interprétation selon le principe de la
confiance, consiste à rechercher comment la manifestation de volonté émise par
un cocontractant pouvait de bonne foi être comprise par son destinataire, en
fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413;
133 III 675 consid. 3.3 p. 681). Ce principe permet d'imputer à l'émetteur
d'une manifestation de volonté le sens objectif de sa déclaration ou de son
comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417
consid. 3.2). Sont déterminantes les circonstances ayant précédé ou accompagné
la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133
III 61 consid. 2.2.1).
Les conditions générales préformulées qui sont intégrées au contrat doivent
être interprétées selon les mêmes principes que les autres dispositions
contractuelles. A titre subsidiaire, soit lorsque l'interprétation selon les
règles habituelles laisse subsister un doute sur leur sens, les conditions
générales doivent être interprétées en défaveur de leur auteur, conformément à
la règle dite des clauses ambiguës (Unklarheitsregel, in dubio contra
stipulatorem; ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 p. 69; ATF 124 III 155 consid. 1b
p. 158; 122 III 118 consid. 2a). Pour que cette règle s'applique, il ne suffit
pas que les parties soient en litige sur le sens d'une déclaration; encore
faut-il que celle-ci puisse être comprise de différentes façons et qu'il soit
impossible de lever le doute au moyen d'une interprétation ordinaire (arrêt
5C.11/2005 du 27 mai 2005 consid. 3.3, in RNRF 2008 46; ATF 118 II 342 consid.
1a; 99 II 290 consid. 5).
Dans la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1), l'art. 33
énonce que l'assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère
du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que
le contrat n'exclue certains événements d'une manière précise, non équivoque.
Il en résulte que le preneur d'assurance est couvert contre le risque tel qu'il
peut le comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des conditions
générales incorporées à celui-ci. Si l'assureur entend apporter des
restrictions ou des exceptions, il doit les exprimer clairement, faute de quoi
elles ne seront pas opposables au cocontractant ou à son ayant droit (ATF 133
III 675 consid. 3.3 p. 682; cf. aussi ATF 135 III 410 consid. 3.2 i.f. p. 413).

3.3. En l'occurrence, l'art. 6 CGA prévoit que l'assurance vaut pour les
dommages survenant dans les Etats européens qui figurent sur la carte verte et
ne sont pas biffés. La carte verte contient les abréviations officielles de
divers pays, dont "SCG", correspondant à l'Etat de Serbie-et-Monténégro; ce
sigle n'est pas biffé. Une note n° 4 précise que la couverture d'assurance est
limitée aux parties géographiques de Serbie et Monténégro qui sont sous le
contrôle du gouvernement de Serbie et Monténégro.
Le Kosovo était une province de Serbie, elle-même fédérée à d'autres entités
formant un Etat jusqu'à ce que la Serbie proclame son indépendance en juin
2006. Doté d'une certaine autonomie qui lui a été retirée en 1989, le Kosovo a
lutté pour son indépendance, la région étant alors notoirement en proie à de
violents conflits. Dès 1999, le Kosovo a fait l'objet d'une administration
civile internationale, sous l'égide de l'ONU. Le Kosovo était ainsi rattaché à
la Serbie, mais contrôlé provisoirement par l'ONU, et non par le gouvernement
étatique dirigeant notamment la Serbie. Sachant cela, il faut comprendre la
note n° 4 en ce sens que le Kosovo était exclu de la couverture d'assurance, ce
qui correspond à l'intention de la compagnie d'assurance, selon les
constatations de la cour cantonale.
Il est vrai que la carte verte a été délivrée en mai 2007, alors que l'Etat de
Serbie-et-Monténégro n'existait plus depuis une année. Mais le statut du Kosovo
n'avait pas évolué, en ce sens qu'il était considéré comme partie intégrante du
territoire de la Serbie, selon la Constitution de ce nouvel Etat, sans que le
gouvernement serbe n'exerce le contrôle sur cette province, toujours
administrée par l'ONU.
Le recourant objecte que le sigle "SCG" n'était pas biffé et qu'en vertu de
l'art. 6 CGA, le preneur d'assurance pouvait partir du principe que la
couverture d'assurance valait pour la Serbie et Monténégro, et donc pour le
Kosovo comme région de la Serbie. La lecture de la note n° 4 révèle toutefois
que la couverture ne valait pas pour toute la surface géographique de l'entité
Serbie et Monténégro; se pose donc la question de savoir si l'on pouvait
attendre du preneur qu'il lise cette note, respectivement s'il disposait de
connaissances géopolitiques suffisantes pour comprendre que le Kosovo était
exclu de la couverture d'assurance.
L'arrêt attaqué précise que le preneur est originaire du Kosovo et qu'avant
2007, année où il a conclu une nouvelle police au sein de la même compagnie
d'assurance, il retournait déjà régulièrement dans son pays en voiture. A
chaque fois, il était obligé de contracter une assurance de transit lorsqu'il
arrivait à la frontière du Kosovo; il essayait vainement d'arguer du fait qu'il
était déjà couvert. Au moment de signer le contrat en mai 2007, il n'était pas
sûr que la couverture d'assurance inclue le Kosovo.
Le preneur, par ses voyages réguliers au Kosovo, ne pouvait ignorer la
situation politique de celui-ci et de l'ex-Yougoslavie, situation au demeurant
abondamment médiatisée; en particulier, il ne pouvait ignorer que le Kosovo
était sous administration onusienne depuis 1999, et que cette situation
persistait malgré la dislocation de l'Etat de Serbie-et-Monténégro en 2006. Il
s'est de surcroît heurté à la nécessité de contracter systématiquement une
assurance de transit lorsqu'il retournait au Kosovo; il a du reste admis
éprouver des doutes sur une couverture d'assurance au Kosovo lorsqu'il a signé
une nouvelle police en 2007. Dans de telles circonstances, l'on pouvait
raisonnablement attendre du preneur d'assurance qu'il lise attentivement la
carte verte et sa note n° 4. A tout le moins, la bonne foi commandait au
preneur d'assurance, dans ces circonstances concrètes, de se renseigner auprès
de la compagnie d'assurance.
La Cour de justice n'a donc pas enfreint le droit fédéral en concluant que
l'assurance ne couvrait pas les accidents survenus au Kosovo. L'on ne se trouve
manifestement pas en présence d'une clause revêtant deux ou plusieurs sens,
seule situation qui justifierait d'adopter la solution la plus favorable au
preneur d'assurance.

4. 
En définitive, le recours doit être rejeté. Au regard des arguments présentés,
il faut admettre qu'il était voué à l'échec au sens de l'art. 64 al. 1 LTF (cf.
ATF 139 III 396 consid. 1.2; 138 III 217 consid. 2.2.4). La demande
d'assistance judiciaire doit donc être rejetée.
Le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), fixés
conformément à l'art. 65 al. 2 LTF, qui prescrit de tenir compte notamment de
la situation financière du justiciable. Aucune indemnité de dépens n'est due à
l'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 16 juin 2015

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Kiss

La Greffière : Monti

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