Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.86/2015
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}

1C_86/2015         

1C_87/2015

Arrêt du 20 avril 2016

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli, Karlen, Eusebio et Chaix.
Greffière : Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
1C_86/2015
 A.________ SA, représentée par Me Yves de Coulon, avocat,
recourante,

et

1C_87/2015
B.________, représentée par Me Pascal Pétroz, avocat,
recourante,

contre

Commune du Grand-Saconnex, route de Colovrey 18, 1218 Le Grand-Saconnex,
représentée par Me Bertrand R. Reich, avocat,
intimée,

Objet
Législation cantonale sur le logement, droit de préemption communal,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative, du 9 décembre 2014.

Faits :

A. 
La société A.________ SA est propriétaire de la parcelle n° 886 qui se situe
dans le quartier de la Tour, sur la commune genevoise du Grand-Saconnex
(ci-après: la commune). Ce bien-fonds, sis en zone de développement 3,
accueille un immeuble d'habitation de huit étages comprenant 32 appartements et
un parking de 33 places. Ce bâtiment constitue l'extrémité d'une barre
d'immeubles qui s'étend du 17 au 7 du chemin Taverney et se poursuit du 6 au 18
du chemin François-Lehmann.
La parcelle n° 886 fait l'objet d'une mention au registre foncier d'un droit de
préemption au profit de l'Etat de Genève et de la commune selon la loi
cantonale générale sur le logement et la protection des locataires du 4
décembre 1977 (LGL; RSG I 4 05).
Le 18 décembre 2013, la société A.________ SA et la fondation B.________ ont
conclu un contrat de vente portant sur la parcelle n° 886 pour un montant de
8'100'000 francs. Le 18 décembre 2013, le notaire a informé le Conseil d'Etat
du canton de Genève et la commune de la conclusion de cette vente et a requis
qu'ils lui indiquent s'ils entendaient exercer leur droit de préemption. Par
courrier du 18 février 2014, l'Office cantonal du logement et de la
planification foncière a déclaré que l'Etat de Genève renonçait à faire usage
de son droit de préemption. Lors de sa séance de délibération du 24 février
2014, le Conseil municipal a en revanche décidé d'autoriser le Conseil
administratif de la commune (ci-après: le Conseil administratif) à exercer le
droit de préemption de la commune, aux conditions fixées dans l'acte de vente.
Le 5 mars 2014, le Conseil administratif a exercé le droit de préemption
communal sur la parcelle n° 886. Par acte du 3 avril 2014, déposé auprès de la
Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la
Cour de justice), la fondation B.________ a recouru contre la décision
communale du 5 mars 2014. Le 7 avril 2014, la Cour de justice a ordonné l'appel
en cause de la société A.________ SA, laquelle s'est déterminée en faveur de
l'admission du recours, par courrier du 8 mai 2014.
Par arrêté du 16 avril 2014, le Conseil d'Etat a approuvé la délibération du
Conseil municipal avec la remarque que, s'agissant de l'acquisition d'un
bâtiment existant, en l'état actuel de la jurisprudence, le droit de préemption
présupposait que l'objet comporte encore un potentiel constructif.
Par arrêt du 9 décembre 2014, la Cour de justice a rejeté le recours. Elle a
considéré en substance que la décision attaquée ne violait ni la garantie de la
propriété, ni la liberté économique: l'exigence d'une base légale était
respectée dans la mesure où les parties ne contestaient pas qu'une surélévation
était théoriquement possible et où le nombre de logements était en l'état
indifférent; le besoin notoire de logements dans le canton constituait un
intérêt public; le principe de la proportionnalité n'était pas violé, la
construction de 2 à 5 appartements d'utilité publique, dans la situation de
crise sévissant dans le canton et la commune, restant plus importante que
l'intérêt de B.________ à acquérir l'immeuble.

B. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA
(cause 1C_86/2015) et B.________ (cause 1C_87/2015) recourent auprès du
Tribunal fédéral contre cet arrêt. A.________ SA demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du 9 décembre 2014 et la décision de la commune du 5 mars
2014. B.________ fait de même dans ses conclusions principales et conclut
subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle
statue dans le sens des considérants.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité des recours
et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La commune du
Grand-Saconnex conclut au rejet des recours. Les recourantes adhèrent
réciproquement aux conclusions l'une de l'autre. B.________ a répliqué par
courrier du 11 mai 2015. A.________ SA a déposé des observations par lettre du
4 juin 2015. La commune a renoncé à dupliquer.

C. 
Par ordonnance du 19 mars 2015, le Juge présidant de la Ire Cour de droit
public a admis la requête d'effet suspensif présentée par B.________ et a
rejeté la demande de mesures provisionnelles formulée par la commune.

D. 
Le 20 avril 2016, le Tribunal fédéral a délibéré sur les présents recours en
séance publique.

Considérant en droit :

1. 
Les deux recours ont trait à la même procédure. Ils sont dirigés contre le même
arrêt cantonal. Il se justifie dès lors de joindre les causes 1C_86/2015 et
1C_87/2015, pour des motifs d'économie de procédure, et de statuer à leur sujet
dans un seul arrêt (cf. art. 24 PCF applicable par analogie vu le renvoi de
l'art. 71 LTF).

2. 
Dirigés contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de
l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), les
recours sont en principe recevables comme recours en matière de droit public
selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant
réalisée. Les recourantes ont pris part à la procédure de recours devant la
Cour de justice. B.________ est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué
qui permet à la commune d'exercer son droit de préemption légal sur un immeuble
pour lequel elle s'était portée acquéreuse et avait conclu un contrat de vente
avec A.________ SA. Elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de
protection à ce que cette décision soit annulée. Elle a donc qualité pour agir
au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La qualité pour recourir de A.________ SA, qui
a été appelée en cause dans la procédure cantonale, doit aussi être reconnue,
notamment dans la mesure où elle n'a pas obtenu les dépens sollicités dans la
procédure cantonale.
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public
sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

3. 
Les recourantes soutiennent que la commune a injustement exercé son droit de
préemption légal. Elles se plaignent d'une violation de la garantie de la
propriété (art. 26 Cst.) et de la liberté économique (art. 27 Cst.). Elles font
aussi valoir une application arbitraire de l'art. 3 al. 1 LGL. Ces griefs se
confondent et seront examinés ensemble.

3.1. L'exercice par une collectivité d'un droit de préemption légal sur un
immeuble constitue une restriction grave du droit de propriété garanti par
l'art. 26 al. 1 Cst. (ATF 88 I 248 consid. III.1 p. 258; en dernier lieu: arrêt
1P.552/1998 du 9 février 1999 consid. 2). Pour être compatible avec cette
disposition, l'exercice du droit de préemption doit reposer sur une base légale
- une loi au sens formel -, être justifié par un intérêt public et respecter le
principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 126 I 219 consid.
2a p. 221 et les arrêts cités; Thierry Tanquerel, Le droit de préemption légal
des collectivités publiques, in: La maîtrise publique du sol: expropriation
formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 153-154).
De la même manière, la liberté économique (art. 27 Cst.) peut se voir limitée
par des mesures restrictives poursuivant des motifs d'ordre public, de
politique sociale ou des mesures ne servant pas en premier lieu des intérêts
économiques (arrêt 2C_123/2013 consid. 2c non publié in ATF 140 I 218). Le
droit public peut en particulier interdire, ou au contraire imposer la
conclusion de contrats entre certaines personnes, sans que cela ne viole en soi
le droit fédéral. La liberté contractuelle, énoncée à l'art. 1 CO, bénéficie
certes de la protection assurée par le principe de primauté du droit fédéral (
ATF 102 Ia 533 consid. 10a p. 542). Elle n'est toutefois pas illimitée (cf.
art. 19 et 20 CO) et certaines dérogations à cette liberté peuvent aussi se
justifier, notamment dans le domaine du logement (ATF 135 I 233 consid. 5.4 p.
250; 113 Ia 126 consid. 8c p. 139).

3.2. La LGL a pour but de permettre à l'Etat d'encourager la construction de
logements d'utilité publique et d'améliorer la qualité de l'habitat, par le
biais d'acquisitions de terrains, de financements de projets de constructions
et de contrôle des loyers (art. 1 LGL). La loi instaure à cet effet un droit de
préemption et d'expropriation en faveur de l'Etat et des communes aux fins de
construction de logements d'utilité publique (art. 2 LGL). Ce droit s'applique
notamment aux biens-fonds situés, comme en l'espèce, en zone de développement
(art. 4 LGL). Selon l'art. 4 LGL, le propriétaire qui aliène ou promet
d'aliéner avec droit d'emption soumis au droit de préemption de l'Etat doit en
aviser immédiatement le Conseil d'Etat et la commune lors de la passation de
l'acte notarié; le propriétaire et l'acquéreur sont entendus. Conformément à
l'art. 5 LGL, le Conseil d'Etat décide, dans les 60 jours, s'il renonce à
exercer son droit, s'il entend acquérir le bien-fonds aux prix et conditions
fixés dans l'acte, ou s'il offre de l'acquérir aux prix et conditions fixés par
lui; dans ce dernier cas, si l'offre n'est pas acceptée, il peut recourir à la
procédure d'expropriation conformément à l'art. 6 LGL. Si le Conseil d'Etat
renonce à exercer son droit de préemption, la commune dispose ensuite des mêmes
prérogatives.
D'une manière générale, la jurisprudence a admis la constitutionnalité du droit
de préemption des art. 3 ss LGL (arrêt 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid.
3.3, in SJ 2009 I 257 et les arrêts cités).

3.3. Le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen libre dans le contrôle
de la base légale de l'exercice d'un droit de préemption par une collectivité
publique (arrêt 1P.534/1991 du 11 mars 1992 consid. 1b). Il examine aussi en
principe librement si cette mesure répond à l'intérêt public et respecte le
principe de la proportionnalité; il s'impose toutefois une certaine retenue
lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de
pures questions d'appréciation (arrêt 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid.
3.3, in SJ 2009 I 257; ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344; 126 I 219 consid. 2c
p. 222 et les arrêts cités).

3.4. Les recourantes font d'abord valoir que la commune n'a pas exercé son
droit de préemption conformément au but prévu par la LGL, soit la création de
logements sociaux (violation de l'art. 36 al. 1 Cst.). Elles estiment que la
commune a voulu acquérir un immeuble afin de "faire une bonne affaire", en
détournant le but de la LGL. Elles soutiennent aussi que l'exercice du droit de
préemption n'est justifié par aucun intérêt public, l'éventuel besoin d'une
commune en construction de logements à loyers libres n'entrant pas en
considération (violation de l'art. 36 al. 2 Cst.). En réalité, ces deux griefs
se confondent dans la mesure où la base légale (LGL) permettant l'exercice du
droit de préemption impose l'existence d'un intérêt public, soit la
construction de logements d'utilité publique.

3.4.1. Selon l'art. 3 al. 1 LGL, le droit de préemption ne peut s'exercer
"qu'aux fins de construction de logements au sens de la présente loi", soit
"aux fins de construction de logements d'utilité publique" (art. 2 LGL). Ces
logements sont énumérés de manière limitative à l'art. 16 LGL en trois
catégories: HBM (immeubles d'habitation bon marché), HLM (immeubles
d'habitation à loyers modérés) et HM (immeubles d'habitation mixte); ces
derniers immeubles comprennent des logements avec subvention proportionnelle
aux revenus des locataires et des logements sans subvention.
Dans sa jurisprudence relative à l'exercice de ce droit de préemption, le
Tribunal fédéral a essentiellement connu des situations où la collectivité
publique entendait, dans le cadre d'un processus d'urbanisation, procéder à la
construction d'immeubles de logements; ces opérations intervenaient sur des
terrains non encore construits ou sur des parcelles pourvues de petites
habitations ou d'installations industrielles qui n'étaient plus conformes à la
densification accrue de la zone de développement (ATF 114 Ia 14 consid. 2c p.
18 s.; arrêts P/673/83 du 23 janvier 1985 consid. 5b, 1P.676/1990 du 3 juin
1991 consid. 5b, 1P.552/1998 du 9 février 1999 consid. 4b, 1P.639/2004 publié
in SJ 2005 I 545 consid. 4.2, 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid. 3.5, in SJ
2009 I 257). On ne saurait déduire de ces arrêts que les terrains déjà
construits seraient nécessairement soustraits au droit de préemption légal: le
Tribunal fédéral a au contraire statué que celui-ci s'appliquait tant que le
potentiel constructible n'avait pas été épuisé, précisant toutefois que ce
potentiel devait être important (arrêt 1P.534/1991 du 11 mars 1992 consid. 2b
et 2c).
Selon la jurisprudence, l'autorité qui exerce le droit de préemption ne doit
pas nécessairement être à même de réaliser immédiatement des logements
d'utilité publique sur la parcelle qu'elle entend acquérir. Les art. 3 ss LGL,
qui s'inscrivent dans la politique définie à l'art. 1 LGL, confèrent au
contraire un large pouvoir d'appréciation à la collectivité. Lors de chaque
vente immobilière permettant l'exercice du droit de préemption, l'autorité doit
déterminer si l'acquisition du terrain concerné est opportune du point de vue
de sa politique en faveur de la construction de logements. Ce choix ne saurait
obéir à des critères définis à l'avance et de manière précise: il convient de
tenir compte de la situation concrète et des caractéristiques particulières du
terrain concerné et de ses environs, et d'établir un pronostic sur les
possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements à l'emplacement considéré,
en prenant en considération et éventuellement en anticipant les facteurs
propres à influencer le développement du secteur. Au stade de l'exercice du
droit de préemption, l'autorité n'a donc pas besoin de justifier son
intervention par la présentation d'un projet détaillé. Elle doit toutefois
rendre plausible l'existence d'un besoin précis, et tenir compte des
possibilités réelles d'y satisfaire à l'emplacement envisagé, dans un avenir
pas trop éloigné (arrêt 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid. 3.4, in SJ 2009
I 257 et la jurisprudence citée).

3.4.2. En l'espèce, l'immeuble, objet du droit de préemption, fait partie d'un
ensemble de treize bâtiments et comprend 32 appartements loués en loyers
libres. Se pose dès lors la question de savoir si la commune a exercé son droit
de préemption aux fins de construction de logements d'utilité publique au sens
de l'art. 3 al. 1 et 2 LGL. En d'autres termes, il s'agit de déterminer si
l'acquisition de l'immeuble concerné est opportune du point de vue de la
politique communale en faveur de la construction de logements sociaux.
La volonté de la commune d'exercer le droit de préemption à des fins de
construction de logements d'utilité publique ne ressort pas du procès-verbal de
la séance du Conseil municipal du 24 février 2014, lors de laquelle celui-ci a
décidé d'autoriser le Conseil administratif de la commune à exercer le droit de
préemption sur la parcelle n° 886, aux conditions fixées dans l'acte de vente.
La Cour de justice a retenu que, même si la commune n'avait pas abordé la
question de la surélévation dans le cadre des très brefs débats du 24 février
2014, elle avait, par courrier du 25 mars 2014, faitexpressément état de sa
volonté de surélever l'immeuble concerné. Peu importe que la lettre du 25 mars
2014 soit postérieure au courrier de B.________ du 19 mars 2014, dans lequel il
était rappelé que le droit de préemption ne pouvait s'exercer qu'aux fins de
construction de logements.
La commune a ensuite exposé, dans ses déterminations devant la cour cantonale,
que l'immeuble pouvait être surélevé de 3 m et que, moyennant dérogation, un
gabarit complémentaire depuis la corniche était réalisable, ce qui permettrait
de construire un ou deux étages supplémentaires; cette surélévation permettrait
la création de logements d'utilité publique, favorisant la mixité sociale; une
fois qu'elle aurait exercé son droit de préemption, elle pourrait solliciter
une autorisation de construire.
De plus, la volonté communale d'assurer suffisamment de logements d'utilité
publique ressort aussi du plan directeur communal adopté le 26 juillet 2006 par
le Conseil d'Etat du canton de Genève (PDCom). Si, comme le relèvent les
recourantes, la volonté de favoriser les loyers libres est un élément du PDCom,
ce plan directeur retient aussi, parallèlement, le besoin d'assurer des
logements subventionnés et précise que le quota de 20 % de logements
économiques n'est pas encore réalisé.
Il faut encore ajouter que les parties ne contestent pas qu'une surélévation
est théoriquement possible. A.________ SA fait uniquement valoir une objection
d'ordre esthétique: la surélévation compromettrait l'harmonie urbanistique de
la rue (art. 27 al. 3 de la loi du 14 avril 1988 sur les constructions et
installations diverses [LCI; RSG L 5 05]). Une telle objection repose sur des
conjectures et suppose que toutes les autorités concernées, après avoir
apprécié souverainement les circonstances de l'espèce, arrivent à la conclusion
qu'une telle surélévation n'est pas opportune: il ne s'agit dès lors pas d'un
obstacle définitif, technique ou juridique à la surélévation envisagée et la
A.________ SA ne mentionne pas d'autres dispositions légales qui empêcheraient
de manière absolue la réalisation du projet de la commune. Quant à B.________,
elle se contente d'affirmations générales sur l'impossibilité de surélever.

3.4.3. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait retenir que la parcelle
contient encore un potentiel constructible; compte tenu de la crise du logement
sévissant dans le canton de Genève et du faible taux de potentiel à construire
sur la commune concernée, circonstances locales que le Tribunal fédéral
n'apprécie qu'avec retenue, il n'était pas déraisonnable de considérer que le
potentiel constructible était encore suffisamment important pour justifier
l'exercice du droit de préemption sur l'objet litigieux. La cour cantonale
était en outre en droit de retenir que, puisque l'autorité n'a pas besoin de
justifier son intervention par la présentation d'un projet détaillé, la commune
avait rendu plausible la surélévation de l'immeuble, dans un avenir pas trop
éloigné.
Enfin, les recourantes ne sauraient se prévaloir des considérants d'un arrêt
cantonal pour affirmer que le droit de préemption légal ne s'appliquerait pas
lorsqu'il est exercé seulement "partiellement" pour la construction de
logements sociaux (arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève ATA/876/
2004 du 9 novembre 2004). Cette affaire concernait en effet la construction de
bâtiments ne comprenant pas de logements d'utilité publique au sens de l'art.
16 LGL, mais un établissement médico-social (consid. 4c) et des logements, sans
qu'il s'agisse de logement à caractère social (consid. 5). Quant aux
considérations générales de l'instance cantonale sur l'interprétation de la loi
en regard de la garantie de la propriété, elles ne sauraient lier le Tribunal
fédéral (cf. supra consid. 3.2).
Par conséquent, la commune n'a pas détourné le but de la loi en exerçant son
droit de préemption. Le grief tiré de l'absence de base légale et d'intérêt
public à la restriction à la garantie de la propriété et à la liberté
économique des recourantes doit ainsi être écarté.

3.5. Les recourantes soutiennent que l'exercice du droit de préemption communal
ne respecte pas le principe de la proportionnalité au sens étroit, à savoir la
pesée des intérêts en présence. Elles soutiennent que même si la construction
de 2 à 5 logements d'utilité publique devait s'avérer réalisable - ce qu'elles
contestent -, la liberté de B.________ d'acquérir les 32 logements existants
non soumis à la LGL et celle de A.________ SA de les lui vendre pèsent plus
lourd que l'intérêt de la commune à réaliser un si petit nombre de logements
sociaux: de plus, la pénurie de logements dans le canton de Genève touche
toutes les catégories de logements et la restriction grave à la garantie de la
propriété ne saurait être justifiée à chaque fois qu'un logement d'utilité
publique peut être construit.

3.5.1. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit
apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne
puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité);
en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige
un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés
compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée
des intérêts; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104 et les arrêts cités).

3.5.2. En l'espèce, en exerçant son droit de préemption, la commune acquerrait
32 appartements déjà construits mis en location avec des loyers libres modérés,
dans l'espoir de construire 2 à 5 logements d'utilité publique; le droit de
préemption ne serait donc exercé que partiellement pour la construction de
logements sociaux et principalement pour l'acquisition d'appartements déjà
construits et non soumis à la LGL.
La Cour de justice a considéré que la construction de deux à cinq logements
d'utilité publique, dans la situation de pénurie sévissant dans le canton et
dans celle de la commune concernée, restait plus importante que l'intérêt de la
recourante à acquérir l'immeuble; le seul fait que d'autres mesures permettent
d'augmenter le taux de logements sociaux n'était pas de nature à remettre en
cause l'exercice du droit de préemption par une commune sur un immeuble
permettant une surélévation. Par ailleurs, mettant en relation le nombre de
logements qui pourraient être construits (deux à cinq appartements) avec les
trente-deux existants, l'instance cantonale précédente a estimé que la décision
restait dans un rapport raisonnable avec le sacrifice imposé à l'acquéreuse,
d'autant plus si le chiffre de cinq logements est comparé au potentiel
d'urbanisation estimé dans le PDCom à une centaine de logements seulement.
Les recourantes ne parviennent pas à mettre en cause de manière convaincante
cette pesée des intérêts. Elles se contentent d'affirmer que leur intérêt privé
l'emporte sans indiquer précisément pourquoi. La venderesse qui obtiendra par
l'exercice du droit de préemption le même prix que celui qui a été convenu avec
B.________ ne fait valoir aucun intérêt concret et particulier. Quant à
l'acquéreuse, elle n'explique pas quel est son intérêt à acheter cet immeuble.
Dans ces circonstances, la Cour de justice pouvait faire pencher la balance en
faveur de l'intérêt public à construire des logements sociaux et à avoir un
immeuble d'habitation mixte (HM), comprenant des logements avec subvention et
des logements sans subvention (au sens de l'art. 16 al. 1 let. d LGL).
Par conséquent, avec la retenue que s'impose le Tribunal fédéral dans l'examen
des circonstances locales que constitue la pénurie de logements dans la
commune, il n'y a pas de raison de s'écarter de la pesée des intérêts opérée
par l'instance précédente, de laquelle il résulte que le principe de la
proportionnalité au sens étroit est respecté. Le grief tiré d'une restriction
disproportionnée à la garantie de la propriété et à la liberté économique est
infondé.

4. 
Il s'ensuit que les recours doivent être rejetés.
Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourantes qui succombent (art.
66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Les causes 1C_86/2015 et 1C_87/2015 sont jointes.

2. 
Les recours sont rejetés.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 francs, sont mis, par moitié (3'000
francs), à la charge des recourantes.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de B.________, de A.________ SA
et de la commune du Grand-Saconnex ainsi qu'à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre administrative.

Lausanne, le 20 avril 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Fonjallaz

La Greffière : Tornay Schaller

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