Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.320/2015
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2015
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2015


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 1/2}
                   
1C_320/2015

Arrêt du 20 janvier 2016

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli, Karlen, Eusebio et Kneubühler.
Greffière : Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
Christian Antonietti, représenté par Me Jacques Roulet, avocat,
recourant,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève.

Objet
Droits politiques; votation cantonale du 8 mars 2015 sur la loi genevoise sur
la police du 9 septembre 2014,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
constitutionnelle, du 11 mai 2015.

Faits :

A. 
Par arrêté du 19 novembre 2014, le Conseil d'Etat du canton de Genève
(ci-après: le Conseil d'Etat) a fixé au dimanche 8 mars 2015 la date de la
votation cantonale sur la nouvelle loi sur la police du 9 septembre 2014
(nLPol), abrogeant la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol; RSG F 1 05).
Selon les résultats publiés le 8 mars 2015, la nLPol a été acceptée par 55'758
voix contre 55'716, 55 bulletins nuls et 4'631 bulletins blancs. Le 9 mars
2015, la Chancellerie du canton de Genève a décidé de procéder à un recomptage
des bulletins concernant le scrutin sur la nLPol, vu son résultat serré. Par
arrêté du 11 mars 2015, publié dans la Feuille d'avis officielle du 13 mars
2015, le Conseil d'Etat a constaté que les résultats de la votation cantonale
du 8 mars 2015 sur la nLPol, à l'issue du recomptage, faisaient état de 55'763
votes en faveur du "oui", de 55'709 en faveur du "non", de 55 bulletins nuls et
de 4'633 bulletins blancs.
Christian Antonietti a recouru auprès de la Chambre constitutionnelle de la
Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre
l'arrêté du Conseil d'Etat du 11 mars 2015, concluant notamment à son
annulation. Il a fait valoir des griefs en lien avec la procédure de
dépouillement ainsi qu'avec les interventions dans les médias d'un Conseiller
d'Etat et de la Cheffe de la police. Par arrêt du 11 mai 2015, la Cour de
justice a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.

B. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Christian
Antonietti demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 11
mai 2015, l'arrêté du 11 mars 2015 et le scrutin du 8 mars 2015 "en tant que la
votation n'a pas permis de déterminer avec certitude la volonté populaire quant
à l'acceptation du référendum formé contre la loi sur la police du 9 septembre
2014". Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente
pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours
et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil
d'Etat conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le
recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions. Le Conseil d'Etat a
dupliqué par courrier du 8 octobre 2015. Au terme d'un troisième échange
d'écritures, les parties ont maintenu leurs conclusions respectives.

Considérant en droit :

1. 
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours concernant
le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires.
Cette voie de recours permet en particulier au citoyen de contester le résultat
d'une votation cantonale.
Citoyen actif du canton de Genève, le recourant a la qualité pour recourir, au
sens de l'art. 89 al. 3 LTF. Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans
les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral,
le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al.
1 LTF.

2. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le
recourant reproche à la cour cantonale d'avoir procédé à une appréciation
arbitraire des faits en retenant que le dépouillement est effectué "dans chaque
commune séparément". La cour cantonale a précisé, dans ses déterminations
devant le Tribunal de céans, avoir voulu écrire que le dépouillement est
effectué "séparément pour chaque commune". Le Tribunal fédéral rectifie
d'office ce fait (art. 105 al. 2 LTF).

3. 
Sur le fond, le recourant fait valoir que la différence de 61 voix entre les
116'221 cartes de vote reçues et les 116'160 bulletins de vote rentrés est
supérieure aux 54 voix d'écart du résultat du scrutin. Il reproche à la cour
cantonale d'avoir violé le principe du respect de l'expression fidèle et sûre
de la volonté des citoyens en validant le résultat du scrutin alors que "le
Conseil d'Etat n'a pu fournir aucune explication certaine quant aux bulletins
manquants". Il se plaint d'une violation de la garantie des droits politiques
(art. 34 al. 2 Cst. et 44 de la constitution du canton de Genève du 14 octobre
2012 [Cst./GE; RS 131.234]).

3.1. Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et
du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur
qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et
l'étendue (ATF 135 I 19 consid. 4 p. 24). Il n'examine en revanche que sous
l'angle restreint de l'arbitraire l'application de normes de procédure et
d'organisation qui ne touchent pas au contenu même des droits politiques (arrêt
1P.786/2005 du 8 mai 2006 consid. 3.1, in SJ 2006 I 533).

3.2. Selon les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst./GE, la garantie des droits
politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et l'expression
fidèle et sûre de leur volonté. De cette garantie découle notamment le droit
d'exiger qu'aucun résultat ne soit reconnu s'il n'exprime pas la libre volonté
du corps électoral (ATF 131 I 126 consid. 3.1 p. 132 et les arrêts cités). Il
en découle le droit à une exécution régulière du scrutin (ATF 121 I 138 consid.
3 p. 141) ainsi que le droit à un décompte exact et précis des voix (ATF 98 Ia
73 consid. 4 p. 85). En particulier, l'autorité chargée du dépouillement est
tenue de procéder aux diverses opérations de tri du matériel de vote, de
qualification des bulletins et de décompte des suffrages avec soin et
conformément aux dispositions applicables (arrêt 1C_58/2015 du 1 ^er octobre
2015 destiné à la publication consid. 3.2 et les arrêts cités).
L'art. 34 Cst. impose une obligation de résultat, s'agissant de l'exactitude du
scrutin, mais ne prescrit aucune procédure particulière s'agissant des
opérations de dépouillement. Il appartient d'abord au droit cantonal de définir
la nature et l'ampleur des vérifications à effectuer dans le cadre du
dépouillement (arrêt 1P.786/2005 du 8 mai 2006 in SJ 2006 I 533 consid. 3.1;
ATF 114 Ia 42 consid. 4c p. 46). Les autorités de recours ont toutefois
l'obligation d'examiner soigneusement les griefs soulevés contre le résultat
d'une votation, en tout cas lorsque ce résultat est très serré et que le
recourant peut indiquer des éléments précis permettant de conclure à un
comptage erroné des voix ou à comportement illégal des autorités chargées
d'assurer le déroulement correct de la votation (arrêt 1C_58/2015 du 1 ^
er octobre 2015 destiné à la publication consid. 3.3; ATF 114 Ia 42 consid. 5
p. 48).
En définitive, le processus démocratique a pour corollaire la possibilité que
des votations débouchent sur des résultats serrés, lesquels doivent être
acceptés, sans être mis en doute en raison d'un faible écart de voix - lequel
ne justifie pas à lui seul un droit au recomptage -. Ce principe repose sur les
garanties de l'art. 34 al. 2 Cst. exposées ci-dessus (cf. ATF 141 II 297
consid. 5.2 p. 300 et consid. 5.5.2 p. 304).

3.3. Lorsque des irrégularités sont constatées dans le dépouillement d'un
scrutin, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation
constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du
vote. Il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité
des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la
possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été
viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en
considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote; dans le cas
contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation.
Lorsque la différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités
sont de nature à remettre en cause la validité du résultat du vote (ATF 138 I
61 consid. 4.7.2 p. 78; 135 I 292 consid. 4.4 p. 301).

3.4. En l'espèce, le résultat du scrutin du 8 mars 2015 fait apparaître une
différence de 61 voix entre les 116'221 cartes de vote reçues et les 116'160
bulletins de vote rentrés, qui est supérieure à la différence de 54 voix entre
les "oui" et les "non" (après recomptage). Le recourant souligne que cet état
de fait ne constitue pas en soi une irrégularité, mais qu'il doit être mis en
relation avec le résultat très serré du scrutin, ce qui fonderait une
présomption d'irrégularité. Le recourant ne soulève aucune autre irrégularité
survenue lors du déroulement de la votation et de son dépouillement.

3.4.1. Il est notoire que lors de tout scrutin populaire le nombre de cartes de
vote reçues dépasse celui des bulletins rentrés, du fait que des électeurs
consciemment ou par inadvertance font parvenir leur carte de vote par
correspondance sans inclure leur bulletin de vote dans l'enveloppe ou déposent
une enveloppe vide dans l'urne. Une telle situation est inhérente au vote au
bulletin secret, dans le cadre duquel l'autorité ne saurait contrôler l'absence
d'erreur de la part du citoyen dans l'exercice de ses droits démocratiques:
elle se limite ainsi à vérifier que l'électeur est bien titulaire des droits
politiques pour le scrutin en cause au moyen d'une carte séparée, qui ne permet
pas d'établir de lien avec l'enveloppe de vote.
En l'occurrence, la différence de 61 voix représente 0,05 % des cartes de vote
reçues. Ce pourcentage s'inscrit dans la marge habituelle des bulletins
manquants par rapport aux cartes de vote reçues.  A contrario, le Tribunal
fédéral a considéré qu'une différence de 3,36 % dans le cadre d'une votation
communale - alors que pour trois scrutins fédéraux qui s'étaient déroulés le
même jour la différence allait de 0,33 % à 0,44 % - pouvait dénoter d'une
irrégularité (arrêt 1C_58/2015 du 1 ^er octobre 2015 consid. 3.7.3). S'ajoute à
cela que le détail des résultats définitifs par commune du 11 mars 2015, publié
sur le site Internet de la Chancellerie du canton de Genève, fait état d'un
nombre supérieur de cartes de vote par rapport à celui des bulletins reçus dans
17 communes, sur les 45 que compte le canton: le surnombre des cartes de vote a
été recensé dans plusieurs bureaux de vote et non dans un seul, étant précisé
que le dépouillement est effectué pour chaque commune séparément. De plus,
comme l'a relevé la cour cantonale, la différence entre les cartes de vote et
les bulletins enregistrés apparaît liée à la taille des communes, ce qui
résulte également du document susmentionné, lequel met en évidence un chiffre
plus élevé dans les grandes communes, comme la Ville de Genève ou les communes
de Carouge, de Lancy, de Meyrin ou de Vernier, que dans les petites.
Face à ce raisonnement, le recourant se contente de qualifier l'explication
selon laquelle les 61 bulletins manquent parce qu'ils n'ont pas été mis dans
l'enveloppe de "plausible"; il précise ne "pas être pour lui question
d'affirmer qu'une fraude au dépouillement a eu lieu" ou que des bulletins ont
été perdus. Il ne relève aucune irrégularité relative au dépouillement du
scrutin.
Dans ces circonstances, il n'existe aucun indice concret d'une quelconque
irrégularité ayant entaché le décompte du scrutin, comme le relève d'ailleurs
le procès-verbal de la récapitulation générale des opérations électorales du 10
mars 2015. Il apparaît, au contraire, que toutes les règles procédurales ont
été respectées. Même serré, le résultat du scrutin ne saurait créer une
présomption d'irrégularité, ce d'autant moins qu'un recomptage a été ordonné et
que son résultat a abouti au même nombre de cartes de vote et de bulletins
rentrés qu'au premier décompte. En l'absence de tout indice d'irrégularité, la
cour cantonale n'a pas violé l'art. 34 al. 2 Cst. en considérant que le Conseil
d'Etat avait valablement constaté le résultat du scrutin du 8 mars 2015
concernant la nLPol, dans son arrêté du 11 mars 2015.

4. 
Le recourant reproche aussi à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 34 al. 2
Cst, en considérant que les griefs - dirigés contre les interventions dans les
médias d'un Conseiller d'Etat et de la Cheffe de la police, avant la tenue du
scrutin, entre le 19 et le 23 février 2015 - étaient irrecevables pour cause de
tardiveté.
Le recourant ne conteste pas que son recours, déposé le 19 mars 2015, ne
respecte pas le délai de recours de 6 jours à compter du jour où il a pris
connaissance de l'irrégularité entachant selon lui les opérations électorales
(art. 62 al. 1 let. b de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12
septembre 1985 [LPA; RSG E 5 10]). Il propose cependant d'interpréter ce délai
de manière conforme à la garantie de l'art. 34 al. 2 Cst., en ce sens qu'aucune
irrégularité ne saurait être constatée avant les résultats du scrutin, ceux-ci
étant déterminants pour juger de l'importance d'une telle irrégularité. Pour
autant qu'on le comprenne, le recourant soutient que lorsque le résultat de la
votation est très serré, le délai de recours cantonal de 6 jours pour former un
recours contre les actes matériels survenus pendant une campagne démarre le
jour de la publication de l'arrêté constatant les résultats.
Ce raisonnement qui permet d'attendre le résultat du vote pour attaquer des
actes antérieurs alors qu'il serait encore possible avant le vote de remédier à
l'irrégularité alléguée est contraire aux principes de la bonne foi et de
l'économie de procédure démocratique. En effet, l'ouverture d'un recours séparé
contre les actes préparatoires a pour objectif de permettre la réparation
immédiate, avant le scrutin, d'éventuelles irrégularités dont la procédure
préparatoire serait entachée et de prévenir ainsi la répétition d'un vote qui,
d'emblée, apparaît vicié (cf. ATF 140 I 338 consid. 4.4 p. 341; 121 I 1 consid.
3b p. 5 et les arrêts cités). Un citoyen perd en principe le droit de contester
le résultat d'une votation s'il néglige d'attaquer immédiatement, par une
réclamation ou par un recours, les irrégularités qui se sont produites pendant
la préparation de la votation, afin que ces irrégularités puissent être
éliminées encore avant la votation et que celle-ci n'ait pas à être répétée. Si
le citoyen ne le fait pas, alors qu'il en aurait la possibilité et qu'on
pourrait l'exiger de lui en raison des circonstances, il perd le droit
d'attaquer le résultat de la votation (ATF 118 Ia 271 consid. 1d p. 274; 114 Ia
42 consid. 4; 99 Ia 638 consid. 5a p. 644; arrêt 1C_393/2007 du 18 février 2008
consid. 2).
Dans ces circonstances, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 34 al. 2 Cst. en
déclarant les griefs susmentionnés tardifs en application de l'art. 62 al. 1
let. b LPA.

5. 
Il s'ensuit que le recours est rejeté.
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure
(art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge du
recourant.

3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Conseil d'Etat
et à la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 20 janvier 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Fonjallaz

La Greffière : Tornay Schaller

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben