Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.158/2015
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2015
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2015


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1C_158/2015

Arrêt du 3 mai 2016

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli, Karlen, Eusebio et
Kneubühler.
Greffier : M. Kurz.

Participants à la procédure
E.F.________,
F.F.________,
Helvetia Nostra,
tous les trois représentés par Me Pierre Chiffelle, avocat,
recourants,

contre

G.H.________,
agissant par H.H.________, lui-même représenté par Me Léo Farquet, avocat,
intimée,

Administration communale de Leytron,
Conseil d'Etat du canton du Valais.

Objet
autorisation de construire,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit
public, du 12 février 2015.

Faits :

A. 
Le 12 novembre 2012, G.H.________ a déposé une demande tendant à la
construction d'un chalet d'habitation sur la parcelle n° 14493 à Ovronnaz
(commune de Leytron), située en zone d'habitat touristique de faible densité.
Le projet a fait l'objet de l'opposition des propriétaires voisins F.F.________
et E.F.________ ainsi que de l'association Helvetia Nostra. Le 19 décembre
2012, le Conseil municipal de Leytron a accordé le permis de construire et
écarté les oppositions.
Les opposants ont saisi le Conseil d'Etat du canton du Valais qui, par décision
du 18 juin 2014, a rejeté les recours. Le 30 octobre 2013, le Conseil municipal
avait complété le permis de construire par un avenant imposant l'utilisation du
logement comme résidence principale, avenant contre lequel les opposants
avaient également recouru. Cet avenant correspondait aux exigences de l'art. 6
de l'ordonnance sur les résidences secondaires (ORSec, RS 702.1) et il n'y
avait pas d'indice d'abus de droit.

B. 
Par arrêt du 12 février 2015, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté le recours des opposants après avoir refusé de joindre la
cause avec trois autres recours concernant des constructions dans la même
commune. Rien ne permettait de remettre en cause une utilisation de la
construction en tant que résidence principale, l'immeuble se trouvant près de
la route cantonale, à 20 minutes en voiture de la plaine.

C. 
Par acte du 18 mars 2015, F.F.________ et E.F.________ et Helvetia Nostra
forment un recours en matière de droit public par lequel ils demandent
l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à l'autorité
communale pour nouvelle décision. Préalablement, ils demandent la jonction de
la cause avec deux autres recours portant sur des autorisations de construire
délivrées par la même commune.
La Cour cantonale s'oppose à la jonction des causes et conclut au rejet du
recours. Le Conseil d'Etat et la commune de Leytron ont renoncé à se
déterminer. L'intimée G.H.________ conclut au rejet de la requête de jonction
des causes et du recours. L'Office fédéral du développement territorial estime
qu'un abus de droit ne serait pas démontré, le secteur étant complètement
équipé et largement bâti. Les recourants et l'intimée ont maintenu leurs
conclusions.
Le Tribunal fédéral a délibéré en séance publique le 3 mai 2016.

Considérant en droit :

1. 
Le recours est dirigé contre une décision finale de dernière instance cantonale
rendue en droit public des constructions. Il est recevable au regard des art.
82 let. a et 86 al. 1 let. d LTF, et a été formé dans le délai fixé à l'art.
100 al. 1 LTF. Tant les voisins directs du projet litigieux (ATF 140 II 214
consid. 2.3 p. 219; 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285) qu'Helvetia Nostra (ATF
139 II 271) ont qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les recourants demandent la jonction de la présente cause avec deux autres
procédures pendantes devant le Tribunal fédéral concernant également des
projets de constructions dans le même secteur. Ils estiment que seule une vue
d'ensemble des permis accordés permettrait de juger de l'existence d'un abus de
droit. Dans la mesure où la délivrance d'autres permis de construire a été
alléguée et non contestée devant les instances précédentes, il s'agit d'un fait
établi dont le Tribunal fédéral peut tenir compte. Une jonction formelle des
causes ne s'impose dès lors pas.

2. 
Les recourants relèvent que l'autorisation de construire portait à l'origine
sur une résidence secondaire. Ce n'est qu'après les arrêts du Tribunal fédéral
du 22 mai 2013, déclarant l'art. 75b Cst. d'application immédiate, que les
avenants contestés auraient été délivrés par la commune, pour 45 logements. La
délivrance simultanée d'un aussi grand nombre d'autorisations dans une station
à vocation touristique où la demande de résidences principales est
insuffisante, constituerait un indice d'abus de droit manifeste. Il y aurait
lieu à tout le moins de démontrer le besoin en résidences principales en
établissant le taux de vacance pour de tels logements et en exigeant la
production de promesses de vente pour les constructions litigieuses. Les
recourants estiment que les constructeurs concernés pourraient d'emblée
aisément se prévaloir de l'art. 14 LRS qui permet, faute de preneurs, de
suspendre l'obligation d'affectation en résidence principale.

2.1. Directement applicable (ATF 139 II 243 consid. 10.6 p. 257), l'art. 75b
Cst. limite les résidences secondaires au maximum de 20 % du parc des logements
et de la surface brute au sol habitable de chaque commune (ATF 139 II 243
consid. 10.5 p. 257; arrêt 1C_916/2013 du 19 février 2015 consid. 3.2). Dans
cette mesure, elle ne vise pas seulement les constructions qui, selon les
déclarations des intéressés, seront utilisées comme résidences secondaires,
mais également celles qui pourraient être utilisées comme résidences
secondaires (arrêts 1C_289/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.3; 1C_916/2013 du
19 février 2015 consid. 3.2).
Dans son ancienne teneur, l'art. 4 let. a de l'ordonnance sur les résidences
secondaires (ORSec, RS 702.1) prévoyait que, dans les communes qui comptent une
proportion de résidences secondaires supérieure à 20 %, des autorisations de
construire ne peuvent être accordées que pour la construction de résidences qui
seront utilisées comme résidence principale. L'art. 7 al. 1 let. a de la loi
fédérale sur les résidences secondaires, (LRS, RS 702, entrée en vigueur le 1er
janvier 2016) comporte une réglementation semblable. La nouvelle ORSec, entrée
en vigueur à la même date, prévoit à son art. 3 al. 1 que la servitude à
mentionner au registre foncier en vertu de la LRS pour les logements soumis à
une restriction d'utilisation doit avoir la teneur suivante: "résidence
principale ou logement assimilé à une résidence principale au sens de l'art. 7,
al. 1, let. a, LRS".

2.2. Face à l'interdiction générale de dépasser le seuil de 20 % de résidences
secondaires dans une commune, on ne peut exclure que certains constructeurs
soient tentés de contourner la réglementation en déclarant faussement qu'ils
entendent utiliser leur construction en tant que résidence principale ou
l'affecter en résidence touristique mise à disposition du public. Un abus de
droit manifeste ne saurait toutefois être admis que s'il apparaît d'emblée que
le projet ne pourra pas être utilisé comme annoncé, notamment en raison de
l'insuffisance de la demande de résidences principales dans la commune en
question pour le type d'objets concernés, et/ou en présence d'autres indices
concrets (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.5).

2.3. Développé à l'origine sur la base des concepts propres au droit civil
(art. 2 CC), puis étendu par la jurisprudence à l'ensemble des domaines du
droit, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al.
3 Cst., selon lequel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de
manière conforme aux règles de la bonne foi. L'art. 9 Cst. peut également être
invoqué à cet égard en tant que droit constitutionnel (cf. ATF 136 I 254
consid. 5.2 p. 261; 126 II 377 consid. 3a p. 387).
Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un
justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain
résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de
manière apparemment conforme au droit (ATF 132 III 212 consid. 4.1). La norme
éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée
à la contourner (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.2; ATF 134 I 65
consid. 5.1 p. 72; 131 I 166 consid. 6.1 p. 177 et les arrêts cités). La
doctrine confirme elle aussi l'application de ces principes dans le domaine du
droit administratif (cf. MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, Droit administratif, vol. 1,
3ème édition, Berne 2012, § 6.4.4 p. 932; HÄFELIN/ MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines
Verwaltungsrecht, Zurich 2015, p. 162; TSCHANNEN/ZIMMERLI/MÜLLER, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4ème édition, Berne 2014, p. 182).

2.4. Dans le contexte de l'art. 75b Cst. et de ses dispositions d'application,
il s'agit de vérifier si, en prétendant vouloir construire une résidence
principale (but en soi admissible au regard de la norme constitutionnelle)
selon la définition des art. 2 al. 2 et 3 LRS, l'intéressé n'a pas pour
objectif de contourner l'interdiction découlant de l'art. 75b Cst. et de l'art.
6 LRS en réalisant, à terme, une résidence secondaire. Il en va de même s'il
envisage d'emblée, toujours en prétendant vouloir construire une résidence
principale, de faire usage de l'art. 14 LRS qui permet de suspendre cette
affectation lorsqu'il n'existe pas de demande pour un tel logement à un prix
raisonnable. Il s'agit donc de fraude à la loi dans le sens classique du terme.

2.5. Comme le suggère, en matière civile, le libellé de l'art. 2 al. 2 CC, un
abus de droit doit, pour être sanctionné, apparaître manifeste. L'autorité qui
entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à
la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Il
n'est pas aisé de tracer la frontière entre le choix d'une construction
juridique offerte par la loi et l'abus de cette liberté, constitutif d'une
fraude à la loi. Répondre à cette question implique une appréciation au cas par
cas, en fonction des circonstances d'espèce (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014
consid. 4.3 et la jurisprudence citée). A l'instar de tous les griefs d'ordre
constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues en
vertu de l'art. 106 al. 2 LTF: le recourant doit donc exposer, de manière
claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel
invoqué. A défaut d'une telle motivation, le Tribunal fédéral ne peut
sanctionner d'office une inconstitutionnalité pourtant avérée (ATF 139 I 229
consid. 2.2 p. 232 et les références citées).

2.6. En l'occurrence, le recours satisfait à ces exigences de motivation. Les
recourants insistent sur le fait que ce sont au total 45 logements qui ont été
autorisés quasi simultanément dans le même secteur. Selon eux, compte tenu de
la taille et de la vocation touristique de la station d'Ovronnaz, l'offre de
résidences principales serait ainsi excessive. Les recourants estiment qu'il y
aurait lieu d'établir l'existence d'une demande correspondante en établissant
le taux de vacance des résidences principales, ou de démontrer qu'il existe une
tendance à venir s'installer dans le secteur. Les constructeurs pourraient
aussi être invités à produire d'éventuelles promesses de vente avec des
acheteurs désireux de s'établir. Les recourants évoquent enfin le risque qu'une
application de l'art. 14 LRS soit envisagée d'emblée par les constructeurs.
Leurs conclusions, qui tendent au renvoi de la cause pour instruction
complémentaire, sont ainsi suffisamment étayées.

3. 
La jurisprudence rendue à propos de l'art. 75b Cst. n'a jamais encore retenu
définitivement l'abus de droit. Sans les sept arrêts rendus à ce propos jusqu'à
présent, le Tribunal fédéral l'a nié dans une majorité de cas et, dans les
autres, a renvoyé le dossier pour instruction complémentaire (voir le résumé de
jurisprudence dans les arrêts connexes 1C_159/2015 et 1C_160/2015 rendus ce
jour, consid. 3). Tout en étant tenu par les griefs soulevés dans le recours
qui lui est soumis, le Tribunal fédéral recherche s'il existe des indices
concrets mettant d'emblée en doute la volonté ou la possibilité d'utiliser
l'immeuble comme résidence principale. Ces indices peuvent, selon les
circonstances, concerner la situation de l'immeuble (zone de construction,
accessibilité toute l'année, éloignement des lieux de travail), sa conception
même (dans l'optique d'une occupation à l'année), éventuellement son prix, les
circonstances tenant à la personne qui entend y habiter, lor sque celle-ci est
connue (résidence actuelle, lieu de travail, déclarations d'intention de
l'intéressé lui-même). Lorsque le ou les futurs occupants ne sont pas connus
(logements destinés à la vente ou à la location), le critère principal est
celui de la demande de résidences principales dans le même secteur.

3.1. En l'espèce, le permis et l'avenant contestés concernent la construction
d'un chalet comprenant un seul logement de quelque 150 m². La parcelle est
située à Préplan, à 200 m environ de la route cantonale, soit à 9 km de la
plaine du Rhône, correspondant à un trajet en voiture de 20 minutes. Le
logement se prête ainsi à une utilisation en tant que résidence principale.
L'intimée affirme avoir toujours eu l'intention d'utiliser la construction
comme résidence principale, la mention contraire figurant dans le permis de
construire résultant d'une erreur.

3.2. Lorsque le constructeur d'un unique logement entend l'utiliser lui-même
comme résidence principale, la preuve d'une demande correspondante dans la
commune ou le secteur en cause n'a en principe pas à être apportée. Le cas
n'est ainsi pas comparable avec les deux affaires connexes précitées qui
concernent la création de nombreux logements dont les futurs occupants sont
encore inconnus. Au demeurant, selon la jurisprudence, le constructeur supporte
le risque de ne pouvoir utiliser le logement comme résidence principale (cf.
arrêt 1C_114/2015 du 10 juillet 2015 consid. 4.2.2). Dans ces conditions, un
abus de droit manifeste ne saurait être retenu.

4. 
Le recours doit par conséquent être rejeté. Conformément aux art. 66 et 68 LTF,
les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent, de
même que l'indemnité de dépens allouée à l'intimée qui obtient gain de cause
avec l'assistance d'un avocat.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à l'intimée G.H.________, à la
charge solidaire des recourants.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire des
recourants.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Administration
communale de Leytron, au Conseil d'Etat du canton du Valais, au Tribunal
cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral du
développement territorial.

Lausanne, le 3 mai 2016

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Fonjallaz

Le Greffier : Kurz

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben