Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.469/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
8C_469/2014
                   

Arrêt du 4 août 2015

Ire Cour de droit social

Composition
MM. les Juges fédéraux Ursprung, Juge présidant, Frésard et Maillard.
Greffière : Mme von Zwehl.

Participants à la procédure
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
recourante,

contre

A.________,
représentée par Me Yvan Jeanneret, avocat,
intimée.

Objet
Assurance-accidents (rechute; affection psychique; causalité adéquate),

recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de
justice de la République et canton de Genève du 12 mai 2014.

Faits :

A. 
A.________ était employée au guichet pour l'entreprise B.________ à un taux
d'activité de 80 %. A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accidents
auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 21 décembre 2010, vers 18 heures, un individu est entré en courant dans le
bureau de l'entreprise B.________ à C.________. Il s'est approché d'une cliente
qui attendait son tour au guichet derrière lequel travaillait A.________.
L'individu a saisi la cliente par la taille en pointant un pistolet contre ses
côtes. Ensuite, il a crié à plusieurs reprises à l'adresse de A.________ de lui
remettre des billets. Celle-ci ne réagissant pas, l'individu a lâché la cliente
et pris la fuite. Le pistolet utilisé était factice. L' auteur de cette
infraction, un homme sans activité professionnelle déclarée et âgé à l'époque
d'une trentaine d'année, a été arrêté par la police le jour même.
A.________ a cessé de travailler le 30 décembre 2010 et a consulté son médecin
traitant le 4 janvier 2011. La doctoresse E.________, psychiatre, a attesté une
incapacité de travail de 100 % jusqu'au 16 janvier 2011 en raison d'un état de
stress post-traumatique. L'assurée ayant informé la CNA qu'elle avait repris
son travail et que le traitement médical était terminée, la CNA a arrêté ses
prestations à cette date. A.________ a toutefois continué à être suivie par sa
psychiatre.
Le 29 mai 2013, l'employeur a annoncé une rechute en indiquant que A.________
était en incapacité de travail depuis le 2 mai précédent. La doctoresse
E.________ a fait état d'une recrudescence des symptômes dépressifs et anxieux
avec pleurs fréquents, troubles du sommeil et perte de l'élan vital. La CNA a
alors chargé son médecin-conseil psychiatre, le docteur D.________, d'effectuer
une expertise. Dans un rapport du 19 août 2013, celui-ci a retenu un trouble
dépressif récurent (épisode actuel moyen) et un trouble anxieux mixte, et
conclu que cette symptomatologie était en lien de causalité naturelle avec la
tentative de brigandage dont l'assurée avait été victime le 21 décembre 2010.
Par décision du 9 octobre 2013, confirmée sur opposition le 14 novem-bre
suivant, la CNA a refusé de prendre en charge la rechute sous l'angle la
causalité adéquate. Elle a retenu que l'événement traumati-sant vécu par
l'assurée le 21 décembre 2010 n'était pas propre, selon le cours ordinaire des
choses et l'expérience de la vie, à générer, plus de deux ans après sa
survenance, une incapacité de travail totale pour des motifs psychiques.

B. 
Par jugement du 12 mai 2014, la Chambre des assurances sociales de la Cour de
Justice de la République et canton de Genève a admis le recours formé par
l'assurée, annulé les décisions des 9 octobre et 14 novembre 2013, et constaté
que A.________ a droit aux prestations LAA du 2 mai au 24 décembre 2013.

C. 
La CNA interjette un recours en matière de droit public. Elle conclut à
l'annulation du jugement cantonal et au rétablissement de sa décision sur
opposition du 14 novembre 2013.
A.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1. 
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de
droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) prévu
par la loi. Il est donc recevable.

2. 
Le litige porte sur le point de savoir si la CNA était fondée, par sa décision
sur opposition du 14 novembre 2013, à nier le droit de l'intimée à des
prestations d'assurance pour les troubles psychiques annoncés en mai 2013 à
titre de rechute de l'événement du 21 décembre 2010.
Lorsque la procédure porte sur des prestations en espèces et en nature de
l'assurance-accidents comme c'est le cas ici, le Tribunal fédéral dispose d'un
pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de
prestations (voir arrêt 8C_584/2009 du 2 juillet 2010 consid. 4).

3. 
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les règles régissant
le droit à la prise en charge des rechutes (art. 11 OLAA [RS 832.202]) ainsi
que la jurisprudence sur les traumatismes psychiques consécutifs à un choc
émotionnel lorsqu'un assuré a vécu un événement traumatisant sans subir
d'atteinte physique (ATF 129 V 177 consid. 4.2 p. 184). On rappellera que
l'existence d'un lien de causalité adéquate entre un tel événement et une
incapacité de gain d'origine psychique déclenchée par cet événement doit être
examiné au regard des critères généraux du cours ordinaire des choses et de
l'expérience de la vie, étant précisé que la jurisprudence considère qu'un
traumatisme psychique devrait normalement, selon l'expérience générale de la
vie, être surmonté au bout de quelques semaines ou mois (ATF 129 V 177 consid.
4.3. et les références p. 185).

4. 
Sur la base de l'expertise du docteur D.________, la cour cantonale a retenu
que les troubles psychiques ayant entraîné une incapacité de travail de
l'assurée à partir du 2 mai 2013 étaient en lien de causalité naturelle avec la
tentative de brigandage dont celle-ci avait été victime le 21 décembre 2010. En
ce qui concerne le point de savoir si cet événement était propre, selon le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner de tels
troubles, elle a relevé que la pratique et la jurisprudence admettaient souvent
la persistance d'un lien de causalité adéquat pendant plusieurs mois, voire des
années, après des faits délictueux de même nature. Elle a cité trois cas jugés
par le Tribunal fédéral en exemples. L'arrêt U 593/06 du 14 avril 2008, dans
lequel l'assurance-accidents a versé durant 18 mois des prestations à un barman
qui avait développé des troubles psychiques après avoir subi un brigandage vers
2 heures du matin au cours duquel il avait été menacé, puis frappé au visage et
au ventre par trois hommes masqués et munis d'armes à feu, avant d'être enfermé
dans un bureau. L'arrêt 8C_522/2007 du 1 ^er septembre 2008 dans lequel le
Tribunal fédéral a retenu le caractère adéquat de troubles psychiques d'une
assurée durant plusieurs années du fait que l'événement considéré présentait
des éléments particulièrement traumatisants (il s'agissait d'une fleuriste
agressée à son lieu de travail à 3h 40 du matin par trois hommes masqués qui
l'avaient menacée au moyen d'un pistolet puis ligotée et enfermée dans les
toilettes; au cours de cette attaque, la victime avait vécu dans la peur -
objectivement fondée - de subir également une agression de type sexuel). Et
enfin, l'arrêt 8C_266/2013 du 4 juin 2013 dans lequel l'assurance-accidents
avait reconnu un droit aux prestations pour une durée de trois ans et trois
mois en faveur d'une assurée, vendeuse dans un kiosque et victime d'un
brigandage commis par deux hommes masqués, dont l'un l'avait tenue par l'épaule
et pointé un pistolet à moins de 10 cm de sa tempe pour l'obliger à ouvrir la
caisse. A l'aune de ces cas qui montraient qu'un traumatisme psychique
perdurant trois ans n'était pas exceptionnel, du fait également qu'il y avait
lieu de tenir compte d'un large cercle d'assurés y compris ceux de constitution
psychique plus fragile, et vu les efforts importants consentis dans un premier
temps par l'assurée pour reprendre rapidement son activité professionnelle, la
cour cantonale a jugé que la rechute de l'incapacité de travail se trouvait
encore en lien de causalité adéquate avec l'événement assuré et ce jusqu'au 24
décembre 2013, date à laquelle la doctoresse E.________ avait arrêté la durée
probable de l'incapacité de travail de sa patiente. La C NA était tenue de
verser ses prestations en conséquence.

5. 
La recourante ne remet pas en cause l'existence du lien de causalité naturelle.
En revanche, elle fait grief à la juridiction cantonale d'avoir admis le
caractère adéquat des troubles psychiques présentés par l'assurée jusqu'à une
durée de trois ans sans avoir procédé à un véritable examen des faits. Or le
caractère impressionnant de la tentative de brigandage du 21 décembre 2010
pouvait en l'occurrence être relativisé par le fait que l'intimée n'avait pas
été directement menacée par l'auteur de l'infraction et que celui-ci avait
rapidement quitté les lieux devant son refus de lui remettre l'argent. De plus,
il ressortait des considérations du docteur D.________ que le contexte
professionnel, notamment la peur de perdre son emploi, avait été une source de
stress importante pour l'assurée. Dans ces conditions, il ne pouvait être admis
que le traumatisme du 21 décembre 2010 constituait rétrospectivement la cause
adéquate des troubles psychiques annoncés en mai 2013.

6. 
On doit donner raison à la recourante. D'une part, il n'y a pas de règle
générale à tirer de la jurisprudence d'après laquelle le caractère adéquat du
choc traumatique ressenti par une victime d'un acte délictueux tel qu'un
brigandage durerait au moins trois ans. D'autre part, force est de constater
que les cas cités par les premiers juges se différencient de la situation vécue
par l'intimée tant par leur intensité que par la dangerosité dont les auteurs
des infractions en cause ont fait preuve. En effet, même si l'intimée n'a pas
pu se rendre compte, sur le moment, que l'arme utilisée par l'individu était
factice - au contraire de la cliente directement menacée qui, en connaissance
de ce fait, est restée tout à fait calme -, il est établi que celui-ci a pris
immédiatement la fuite sans blesser personne après que l'intimée n'eut pas
donné suite à son exigence de lui remettre l'argent. Par ailleurs, les faits se
sont déroulés très rapidement au point que les autres employés n'ont même pas
réalisé qu'une tentative de brigandage avait eu lieu (voir le procès-verbal
d'audition de la cliente à la police). En considération de l'ensemble de ces
circonstances, on ne saurait retenir que cet événement est propre, selon le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à engendrer une rechute
de l'incapacité de travail d'origine psychique qu'il a entraînée initialement
après une période de capacité de travail supérieure à deux ans. Que l'intimée a
repris son travail à peine trois semaines après la tentative de brigandage - ce
qui peut sembler rétrospectivement peut-être prématuré - ne justifie pas une
appréciation différente de la question de la causalité adéquate dans le cadre
de la rechute, pas plus d'ailleurs que la circonstance - relatée dans le
rapport d'expertise du docteur D.________ - que l'intimée a été confrontée à
plusieurs reprises au frère jumeau de l'auteur de l'infraction, qui habite le
quartier de C.________.
Il s'ensuit que la CNA était fondée à refuser de prendre en charge la rechute.
Son recours doit être admis.

7. 
L'intimée, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires et ses propres
dépens (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis. Le jugement de la Chambre des assurances sociales de la
Cour de Justice de la République et canton de Genève du 12 mai 2014 est annulé
et la décision sur opposition du 14 novembre 2013 est confirmée.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances
sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à
l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 4 août 2015
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant : Ursprung

La Greffière : von Zwehl

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