Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 8C.407/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
8C_407/2014

Arrêt du 23 mars 2015

Ire Cour de droit social

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Boinay, Juge
suppléant.
Greffière : Mme Fretz Perrin.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Philippe Nordmann, avocat,
recourant,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, Avenue du
Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité; évaluation de l'invalidité; expertise
médicale; appréciation des preuves),

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des
assurances sociales, du 28 mars 2014.

Faits :

A. 
A.________, né en 1960, travaillait en qualité de maçon, machiniste-grutier,
pour le compte de B.________ à U.________. Le 7 mars 2007, il a chuté d'une
hauteur de trois mètres depuis un échafaudage et a été transféré au Service
d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil locomoteur de l'Hôpital
C.________, où le docteur D.________ a diagnostiqué une fracture comminutive du
calcanéum droit avec atteinte de l'articulation calcanéo-cuboïdienne, de
l'articulation sous-astragalienne et de la grosse tubérosité, ainsi qu'une
fracture du calcanéum gauche (rapport du 11 avril 2007). Le cas a été pris en
charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 7 décembre 2007, A.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité auprès de l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (ci-après: l'office AI) en raison des séquelles dues à son
accident du 7 mars 2007.
Dans un rapport du 21 décembre 2007, le docteur E.________, chirurgien qui a
assuré le suivi postopératoire, a constaté la persistance de douleurs au niveau
des calcanea, plus à droite qu'à gauche, nécessitant le port de chaussures avec
des semelles adaptées.
A.________ a séjourné du 3 janvier au 19 février 2008 à la Clinique F.________
à V.________, où il a été examiné par le docteur G.________, spécialiste en
médecine physique et réhabilitation et chirurgien orthopédiste, la doctoresse
H.________, médecin hospitalier, le docteur I.________, chirurgien
orthopédiste, le docteur J.________, neurologue, la doctoresse K.________,
psychiatre, et la doctoresse L.________, neuropsychologue. Dans leur rapport du
22 février 2008, ces médecins ont diagnostiqué une fracture du calcanéum gauche
traitée conservativement, une fracture comminutive du calcanéum droit avec
atteinte de l'articulation calcanéo-cuboïdienne, de l'articulation
sous-talienne et une fracture de la grosse tubérosité, traitée par
reconstruction et arthrodèse sous-talienne le 21 mars 2007 ainsi qu'une
infection précoce du pied droit avec débridement de la plaie infectée et mise
en place d'antibiotiques locaux puis confection d'un lambeau fascio-cutané de
rotation. Ils ont également retenu, à titre de comorbidités, une dépendance à
l'alcool, utilisation continue, actuellement abstinent en milieu protégé (F
10.21), une discrète polyneuropathie sensitivomotrice axonomyélinique, un
discret fléchissement des capacités mnésiques et exécutives ainsi qu'une
ostéopénie. Ils ont considéré que la situation médicale n'était pas stabilisée
mais qu'il fallait d'ores et déjà tenir compte de limitations fonctionnelles
excluant la marche en terrain inégal ou en pente, les montées/descentes
fréquentes d'escaliers ou d'échelles, le maintien prolongé de la position
debout et les accroupissements.
Dans un rapport du 21 février 2008, le docteur E.________ a constaté que l'état
de santé de l'assuré était stationnaire. Une activité sur les chantiers n'était
plus exigible mais il subsistait une capacité de travail entière pour un
travail à la chaîne en position assise ou de magasinier "plutôt assis". Le 8
avril 2008, ce médecin a attesté un suivi de l'assuré pour des problèmes
d'alcool, de tabagisme et de dépression réactive. Il a admis une possible
reprise du travail à 50 % dans une activité adaptée dès le 1er avril 2008. Il a
aussi mentionné qu'il était possible que l'assuré ne récupère pas complètement
au niveau de la fracture du calcanéum et qu'il risquait d'avoir des douleurs
chroniques.
Le docteur M.________, chirurgien orthopédiste et médecin d'arrondissement de
la CNA, a constaté que la reprise de l'activité antérieure n'était pas
envisageable mais qu'il subsistait une pleine capacité de travail dans une
activité ne nécessitant pas de ports de charges de plus de 10 kg, la station
debout prolongée, les longs trajets, la marche en terrain accidenté, ainsi que
l'utilisation d'échelles et d'escaliers (rapport du 8 mai 2008).
Le docteur E.________ a retenu une évolution lentement favorable chez un assuré
qui se plaignait de douleurs au niveau des deux calcanea, nécessitant la prise
d'anti-inflammatoires et d'analgésiques. Il a admis l'existence d'un probable
problème psychique et d'un alcoolisme chronique (rapport du 9 septembre 2008).
Dans un rapport du 2 octobre 2008, le docteur N.________, médecin associé au
Service d'antalgie de l'Hôpital C.________, a constaté des douleurs aux deux
calcanea à caractère clairement mécanique rendant tout geste d'antalgie
interventionnelle inutile.
A.________ a effectué un stage au COPAI de W.________ du 10 novembre au 5
décembre 2008. Dans son rapport du 19 décembre 2008, le COPAI a retenu une
capacité de travail résiduelle de 50 % avec un rendement dans la norme. Il a
constaté que l'assuré manquait d'appuis fonctionnels sur ses membres inférieurs
en raison de douleurs lancinantes et pesantes aux talons, qu'il manquait
également d'endurance et de résistance à l'effort et enfin qu'il était dans un
état général altéré par la consommation de tabac et d'alcool. Il a retenu un
rendement entre 50 et 60 % et des limitations fonctionnelles liées à
l'impossibilité de maintenir la position debout plus de quelques minutes et la
position assise prolongée, ainsi que la nécessité de se lever pour éviter
l'endormissement des membres inférieurs. Dans le cadre de ce stage, le docteur
O.________, médecin consultant du COPAI, a constaté que l'assuré était dans un
état général moyen avec une hypotrophie musculaire nette des quatre membres
entrant certainement dans le cadre d'un éthylotabagisme chronique. Il a aussi
retenu l'existence de troubles vasculaires aux membres inférieurs à mettre sur
le compte du tabac plutôt que sur celui de l'accident. Par contre, la
claudication intermittente, réduisant le périmètre de marche à quelques
dizaines de mètres, était liée aux talons accidentés. Concernant la capacité de
travail, il ne l'a pas déterminée précisément. Il a considéré qu'à l'époque du
stage, l'assuré n'avait pas l'endurance nécessaire pour travailler durant une
journée entière (rapport du 9 décembre 2008).
Dans un rapport du 14 janvier 2009 établi sur la base des avis du médecin
d'arrondissement de la CNA et du rapport de la Clinique F.________, le docteur
P.________, médecin au Service médical régional de l'assurance-invalidité
(SMR), a admis une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Il a
en outre retenu chez l'assuré un alcoolisme primaire pouvant avoir une certaine
influence.
Le 18 février 2009, le docteur M.________ a réexaminé l'assuré. Il a admis
l'existence de séquelles de l'accident relativement importantes. Il a constaté
une comorbidité susceptible d'aggraver les douleurs, notamment leur composante
neurogène, pouvant entraîner des troubles de l'équilibre et, plus généralement,
limiter les capacités d'adaptation. Il a confirmé l'existence d'une capacité de
travail à plein temps sans diminution de rendement.
Dans son rapport du 3 juin 2009, le docteur N.________ a constaté la
persistance de douleurs majeures dans le cadre d'un status compliqué avec
surinfection du côté opéré. Il a proposé la poursuite du traitement antalgique.
Le docteur E.________ a relevé des plaintes de l'assuré concernant
d'importantes douleurs au niveau des deux talons. Il a estimé qu'une reprise du
travail à 50 % était possible sur le plan orthopédique depuis juillet 2008
(rapport du 23 juillet 2009).
Du 24 août au 20 novembre 2009, A.________ a effectué un premier stage aux
Etablissements publics pour l'intégration (EPI). Dans leur rapport du 9
décembre 2009, les conseillères en insertion ont conclu qu'en ne tenant compte
que de l'atteinte physique, l'assuré pouvait occuper un poste dans le circuit
économique normal à plein temps avec des rendements proches de la norme (80 % à
l'époque du rapport). Elles ont relevé que l'assuré présentait des
problématiques annexes, en particulier la consommation importante d'alcool et
de tabac, un état dépressif réactif à son atteinte à la santé et des
difficultés à gérer les douleurs. Pour ces dernières, ces problèmes étaient de
nature à compromettre les chances de trouver un stage en entreprise,
éventuellement un emploi, mais aussi à détériorer massivement l'état de santé
général de l'assuré. Le stage a été prolongé jusqu'au 28 février 2010, d'abord
à 100 % puis à 50 % à partir du 14 décembre 2009, date à laquelle la doctoresse
Q.________, généraliste et médecin traitant de l'assuré, a ordonné un arrêt de
travail à 50 %. Les conclusions des EPI n'ont pas changé à l'issue de la
prolongation du stage (rapport du 9 mars 2010).
Le 1er décembre 2009, le docteur E.________ a examiné l'assuré et a estimé que
celui-ci ne pouvait pas avoir une activité professionnelle supérieure à 50 %.
La doctoresse Q.________ a retenu qu'une reprise du travail à 100 % n'était pas
envisageable (certificat du 11 décembre 2009). Elle a confirmé son appréciation
dans un rapport du 5 février 2010, où elle a maintenu une incapacité de travail
de 50 % et a relevé une symptomatologie douloureuse permanente dans les deux
calcanea répondant mal au traitement antalgique.
Dans un avis médical du 24 février 2010, le docteur P.________ a constaté que
l'état de santé de l'assuré ne s'était pas péjoré et qu'il n'y avait pas
d'éléments médicaux objectifs permettant de s'écarter de son appréciation du 14
janvier 2009.
Par projet d'acceptation de rente du 12 mars 2010, l'office AI a informé
l'assuré qu'il envisageait de lui allouer une rente entière pour la période du
1er mars au 31 juillet 2008 puis un quart de rente dès le 1 ^er août 2008, basé
sur un taux d'invalidité de 40,55 %.
Dans un rapport du 16 juin 2010, le docteur R.________, chirurgien orthopédiste
à l'Hôpital C.________, a précisé que l'assuré présentait des douleurs
localisées essentiellement au niveau de la face plantaire de l'arrière-pied
suite à un vice de position de l'os résultant de la fracture et en raison d'une
hypoplasie du coussin adipeux, relié fort probablement aux comorbidités (grand
tabagisme et alcoolisme chronique). Il ne s'est pas prononcé sur la capacité de
travail.
A la demande de la CNA, le docteur S.________, spécialiste en médecine interne
et en cardiologie, a établi un rapport le 20 août 2010, dans lequel il a estimé
qu'il était possible d'espérer une amélioration de l'état général suite à
l'arrêt de la consommation d'alcool depuis 2 mois au moment de l'examen et à la
diminution du tabagisme. Il a considéré qu'une remise au travail paraissait
difficile car l'assuré s'était estimé incapable de travailler assis plus de
deux heures et encore moins de travailler debout immobile ou accroupi.
Dans un rapport du 1er octobre 2010, le docteur M.________ a confirmé ses
appréciations antérieures, estimant que, du point de vue orthopédique, l'assuré
avait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses
limitations fonctionnelles.
Par décision du 7 décembre 2010, l'office AI a octroyé à l'assuré une rente
entière pour la période du 1 ^er mars au 31 juillet 2008. Par une autre
décision du même jour, il a alloué un quart de rente d'invalidité du 1 ^er août
2008 au 30 novembre 2009 puis à nouveau à partir du 1 ^er février 2010.
Par décision du 16 mai 2011, confirmée sur opposition le 5 juillet 2011, la CNA
a alloué à A.________, dès le 1 ^er janvier 2011, une rente d'invalidité de 29
%, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 25
%.

B. 
A.________ a recouru contre la décision de l'office AI devant la Cour des
assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. En procédure
cantonale, il a produit deux rapports médicaux, le premier du 18 juillet 2013
de la doctoresse Q.________, qui a attesté une consommation modérée d'alcool
ainsi qu'une baisse d'intensité des douleurs grâce au traitement médicamenteux,
tout en relevant que lorsque l'assuré marchait, les talalgies ne répondaient
pratiquement à aucune thérapie. Le traitement médicamenteux entraînait
toutefois des effets secondaires, principalement des étourdissements et des
vertiges. Dans un second rapport du 11 août 2013, le docteur T.________,
spécialiste FMH en santé publique et médecine générale, a retenu que le
syndrome douloureux ne laissait aucun répit à l'assuré et ne permettait aucune
reprise du travail. Par jugement du 28 mars 2014, la juridiction cantonale a
rejeté le recours.
Par jugement du même jour, cette même juridiction a partiellement admis le
recours contre la décision sur opposition de la CNA du 5 juillet 2011. Elle a
porté le taux de la rente d'invalidité à 40 % et a confirmé la décision pour le
surplus.

C. 
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement
du 28 mars 2014 en matière d'assurance-invalidité, dont il demande
l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut principalement au
renvoi du dossier à la juridiction cantonale pour expertise. Subsidiairement,
il demande l'octroi d'une rente entière dès le 1er avril 2008, sous déduction
des indemnités journalières perçues. Il requiert également le bénéfice de
l'assistance judiciaire.
L'office AI a conclu au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D. 
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a joint les recours de l'assuré et de
la CNA contre le jugement cantonal du 28 mars 2014 en matière
d'assurance-accidents et les a admis (8C_408/2014 et 8C_429/2014).

Considérant en droit :

1. 
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les
faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF),
sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend
s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération (cf. art. 97 al. 2 LTF).

2. 
Le litige porte sur la question du taux d'incapacité de travail du recourant,
respectivement du taux d'invalidité qui en résulte.

3. 
La juridiction cantonale a retenu que, dès le 1er mai 2008, le recourant avait
une capacité de travail entière dans une activité adaptée. Pour ce faire, elle
a accordé pleine valeur probante aux rapports médicaux du docteur M.________,
estimant que les avis médicaux contraires n'étaient pas de nature à mettre en
doute cette appréciation. Elle a considéré que la décision de l'office AI était
basée sur une instruction sans lacune et sur une évaluation fondée sur des
éléments médicaux pertinents ayant également pleine valeur probante. Elle a
ainsi admis qu'il n'existait chez l'assuré aucune pathologie psychiatrique
entraînant une incapacité de travail, ni aucun signe d'atteinte psychique
justifiant la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique. Pour la juridiction
cantonale, l'alcoolodépendance était une affection primaire et la discrète
polyneuropathie était liée à l'alcool. Pour déterminer le taux de la rente, la
juridiction cantonale a retenu un revenu sans invalidité de 80'711 fr. 90 pour
2008, en se basant sur le montant de 78'245 fr., porté au compte individuel AVS
du recourant pour 2006, auquel elle a ajouté l'indexation jusqu'en 2008, date
de la naissance du droit à la rente. S'agissant du revenu d'invalide, elle
s'est fondée sur les salaires ESS et a procédé à un abattement de 20 % pour
tenir compte des atteintes organiques et des douleurs. Le taux d'incapacité de
gain a été fixé à 40,55 %.

4.

4.1. Le recourant invoque une violation de ses droits procéduraux, en
particulier de l'obligation pour les assureurs sociaux d'instruire complètement
le cas (art. 43 al. 1 LPGA), de l'obligation de la juridiction cantonale
d'administrer les preuves (art. 61 let. c LPGA), et du droit à un procès
équitable (art. 29 Cst. et 6 par. 1 CEDH).

4.2. L'art. 6 par. 1 CEDH ne contient pas de règles concernant les moyens de
preuve admissibles en procédure judiciaire et sur la manière de les apprécier.
Ainsi, le refus d'un tribunal de donner suite à une demande d'expertise
judiciaire déposée par une des parties, ne contrevient pas à l'art. 6 par. 1
CEDH, lorsque le procès peut encore être qualifié d'équitable.
Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, le principe de l'égalité des armes fait partie des
droits à un procès équitable. Ce principe n'est pas uniquement destiné à
sauvegarder l'égalité formelle des parties dans la procédure judiciaire mais
doit en plus garantir une égalité des chances pour les parties de pouvoir faire
valoir leurs moyens devant le tribunal. Toutefois, l'art. 6 par. 1 CEDH
n'oblige pas les pays signataires de la Convention à prévoir une complète
égalité des armes entre les parties. La Convention exige cependant qu'un assuré
ne soit pas mis dans une situation procédurale dans laquelle il n'a aucune
chance raisonnable de soumettre son affaire au tribunal sans être clairement
défavorisé par rapport aux autres parties à la procédure. En regard de ces
règles, il est en principe admissible qu'un tribunal se fonde sur les preuves
obtenues de manière correcte par l'assureur et renonce ainsi à sa propre
procédure probatoire.
La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le
seul fait que les médecins de l'assurance sont employés de celle-ci ne permet
pas de conclure à l'existence d'une prévention et d'un manque d'objectivité. Si
un cas d'assurance est jugé sans rapport d'un médecin externe à l'assurance,
l'appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes.
L'existence d'un doute même minime sur la fiabilité et la validité des
constatations du médecin de l'assurance, doit conduire le tribunal à demander
des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).
En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de
présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la
validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de
rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par
l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de
la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt
pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent
cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves
et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir
s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des
constatations du médecin de l'assurance.
Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de
l'assurance sont à prendre en considération tant qu'il n'existe aucun doute,
même minime, sur l'exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7
p. 471). L'ATF 137 V 210 n'a pas modifié cette manière de voir.
Par ailleurs, la violation de la maxime inquisitoire (ou, autrement dit, du
devoir d'administrer les preuves nécessaires) dans le sens invoqué par le
recourant est une question qui n'a pas de portée propre par rapport au grief
tiré d'une mauvaise appréciation des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 consid.
3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132). On rappellera que le juge peut en effet
renoncer à accomplir certains actes d'instruction, sans que cela n'entraîne une
violation du devoir d'administrer les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA)
ou plus généralement une violation du droit d'être entendu, s'il est convaincu,
en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V
351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance
prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier
cette appréciation (sur l'appréciation anticipée des preuves en général: ATF
131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2 p. 428). Il s'agit par
conséquent d'un grief qu'il convient d'examiner avec le fond du litige.

5.

5.1. Le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir admis sa pleine
capacité de travail en se fondant uniquement sur les avis du docteur
M.________, médecin d'arrondissement de la CNA, des médecins de la Clinique
F.________ et du médecin de l'assurance-invalidité, alors que les autres
médecins reconnaissaient que sa capacité de travail n'était pas supérieure à 50
%. Il considère qu'elle n'a tenu compte que de l'aspect orthopédique de son cas
sans prendre en considération les douleurs chroniques, la prise d'alcool
secondaire et la lourde médication antalgique. Dans ces circonstances, la
juridiction cantonale ne pouvait pas procéder par une appréciation anticipée
des preuves.

5.2. Le docteur M.________ a admis que l'activité antérieure de l'assuré
n'était plus envisageable et a retenu que, sur le plan orthopédique, il
subsistait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée tenant
compte des limitations fonctionnelles suivantes: pas de ports de charges de
plus de 10 kg, pas de station debout prolongée, pas de longs trajets, pas de
marche en terrain accidenté, pas d'utilisation d'escaliers ou d'échelles. Pour
ce médecin, les séquelles de l'accident étaient relativement importantes et
l'assuré présentait une comorbidité liée à l'alcoolisme et au tabagisme,
susceptible d'aggraver les douleurs - notamment leur composante neurogène -,
d'entraîner des troubles de l'équilibre et de limiter les capacités
d'adaptation. Enfin, le docteur M.________ a conclu qu'il n'était pas
"équitable d'admettre une limitation du temps de travail au motif des douleurs
chroniques plus ou moins explicables mais dont le ressenti et l'impact sur la
capacité de travail varient forcément d'un individu à l'autre" (rapports du 18
février 2009 et 1er octobre 2010). Cette appréciation a été partagée par le
docteur P.________ qui n'a pas trouvé d'éléments objectifs pour s'écarter de
cet avis (rapports des 14 janvier 2009 et 24 février 2010).
Dans le cadre du stage au COPAI, le docteur O.________ a estimé que
l'éthylo-tabagisme présenté par l'assuré et les séquelles de l'accident étaient
des facteurs limitant la capacité de travail. Il ne s'est pas prononcé sur
celle-ci mais a précisé que l'assuré n'avait pas l'endurance nécessaire pour
tenir une journée entière au travail, ceci en raison des douleurs qui allaient
augmentant au fil des heures (rapport du 9 décembre 2008). Le docteur
E.________, qui a assuré le suivi postopératoire, a constaté la persistance de
douleurs au niveau des calcanea entraînant l'obligation de porter des
chaussures avec des semelles adaptées (rapport du 21 décembre 2007). Après
avoir admis que l'activité antérieure n'était plus exigible mais que la
capacité de travail était entière dans une activité adaptée (rapport du 21
février 2008), il a constaté que l'évolution du cas était influencée par des
circonstances sans rapport avec l'accident comme les problèmes d'alcool, de
tabagisme et de dépression réactive (rapport du 8 avril 2008). Par la suite, il
a confirmé l'existence de circonstances extérieures à l'accident ayant une
influence sur l'évolution du cas et a admis que, sur le plan orthopédique,
l'assuré avait une capacité de travail de 50 % depuis juillet 2008 (rapport du
23 juillet 2009). Dans son dernier rapport du 1 ^er décembre 2009, ce médecin a
retenu que la capacité de travail ne dépassait pas 50 % en raison d'une
situation assez précaire du point de vue social, médical et orthopédique
(status post-fracture des deux calcanea). Dans un rapport du 3 juin 2009, le
docteur N.________ a diagnostiqué des douleurs persistantes aux deux talons
après fracture du calcanéum bilatérale. Le docteur R.________ a constaté chez
l'assuré des douleurs localisées essentiellement au niveau de la face plantaire
de l'arrière-pied, c'est-à-dire en regard des calcanea, dues à un vice de
position de l'os suite à la fracture et également à une hypophasie du coussin
adipeux, relié fort probablement aux comorbidités (grand tabagisme et
alcoolisme chronique) présentées par l'assuré (rapport du 29 avril 2010). Le
docteur S.________ a estimé que le status vasculaire et neurologique, lié aux
comorbidités, n'expliquait pas l'origine des douleurs invalidantes qui
paraissaient être d'origine purement mécanique. Il a considéré qu'une remise au
travail était difficile en se fondant sur l'appréciation de l'assuré qui
s'estimait incapable de travailler assis plus de deux heures et encore moins de
travailler debout immobile ou accroupi (rapport du 20 août 2010). La doctoresse
Q.________ a confirmé l'existence de douleurs permanentes aggravées en position
verticale et surtout à la marche. Selon ce médecin, le traitement médicamenteux
ne calmait que partiellement la symptomatologie douloureuse. Elle a estimé que
la capacité de travail de l'assuré était plus proche de 20 % que de 50 %
(rapport du 19 octobre 2010).
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il faut considérer comme établi que
l'accident et les comorbidités dont souffre l'assuré (alcoolisme et tabagisme)
ont occasionné les douleurs à l'origine de son incapacité de travail. Les
médecins qui ont examiné le recourant ont cependant apprécié différemment
l'incidence des douleurs sur la capacité de travail. Le docteur M.________,
dont l'avis est partagé par le docteur P.________, n'a pas tenu compte des
douleurs pour des raisons peu claires et pas probantes. Il a considéré comme
inéquitable de tenir compte des douleurs qui seraient, selon lui, plus ou moins
explicables. Sans nier leur existence, il a invoqué le caractère subjectif de
celles-ci et de leur impact. Il n'a pas précisé pourquoi, in casu, cet aspect
l'amenait à ne pas les prendre en compte. Par ailleurs, il ressort des avis des
docteurs E.________, N.________, Q.________, O.________ et S.________ que les
douleurs sont bien présentes et qu'elles ont une incidence sur la capacité de
travail. Il ne paraît donc pas possible de se fonder sur la seule appréciation
du docteur M.________ pour admettre une pleine capacité de travail. Les avis de
ces médecins, en plus de contenir certaines divergences, ne sont toutefois pas
suffisamment étayés pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante,
le taux d'incapacité de travail. Ils ne se prononcent pas sur les causes des
douleurs et sur leur incidence sur la capacité de travail. Ils devaient
également se déterminer sur le caractère primaire ou secondaire de
l'alcoolisme. Il y a donc lieu de considérer que la juridiction précédente ne
pouvait pas statuer sur la base des avis médicaux au dossier. Elle devait
ordonner une expertise pour établir si une incapacité de travail existait et,
le cas échéant, ses causes ainsi que le caractère primaire ou secondaire de
l'alcoolisme si nécessaire.
Le recours est donc admis dans cette mesure et l'affaire renvoyée à la
juridiction cantonale pour qu'elle ordonne une expertise, au besoin
pluridisciplinaire.

6. 
Concernant le calcul du taux d'invalidité, le recourant relève, à tort, que les
revenus sans invalidité retenus par la juridiction cantonale sont différents
dans la procédure d'assurance-accidents et dans celle d'assurance-invalidité.
Cette différence apparente est justifiée par le fait que le droit à la rente
est né en 2011 pour la première et en 2008 pour la seconde. Il s'agit d'une
question d'indexation.
S'agissant du revenu d'invalide, il y aura lieu de le déterminer en fonction
des conclusions auxquelles arrivera l'expertise à ordonner.
Le recours est admis.

7. 
A.________ obtient gain de cause et n'a donc pas de frais de justice à
supporter (art. 66 al. 1 LTF). Il peut, par ailleurs, prétendre une indemnité
de dépens à la charge de l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Sa demande
d'assistance judiciaire est donc devenue sans objet. L'intimé supportera en
outre les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour
des assurances sociales, du 28 mars 2014 est annulé et la cause lui est
renvoyée pour qu'elle ordonne une expertise et statue à nouveau.

2. 
Les frais de justice, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'office AI.

3. 
L'office AI versera à A.________ une somme de 2'800 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 23 mars 2015
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : Leuzinger

La Greffière : Fretz Perrin

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