Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.870/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_870/2014

Arrêt du 1er octobre 2015

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffier : M. Vallat.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat,
recourant,

contre

1.       Ministère public de la République
       et canton de Genève,
2.       Y.________,
       représenté par Me B.________, avocat,
intimés.

Objet
Calomnie ; arbitraire ; portée de l'arrêt de renvoi,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale d'appel et de révision, du 27 juin 2014.

Faits :

A.

A.a. Y.________ a engagé A.________ comme employée de maison au printemps 2003.
Au début 2008, il a régularisé sa situation auprès de l'AVS/AI/APG/AC pour les
années 2003 à 2007 puis réglé les cotisations courantes. Ensuite de la
résiliation du contrat de travail par A.________, une demande a été déposée
devant le Tribunal des Prud'hommes par le Syndicat Interprofessionnel des
Travailleuses et Travailleurs, le 17 novembre 2008. En cours de procédure, le
Syndicat Sans Frontières (SSF), représenté par X.________, a finalement assisté
l'intéressée et déposé une amplification de sa demande, le 12 février 2009. Le
30 mai suivant, s'est tenue au domicile de X.________ une assemblée générale du
SSF à laquelle ont participé trente-six personnes. X.________ y a pris la
parole et traité Y.________ d' « exploiteur », « esclavagiste numéro 1 de
Genève », « escroc » et « voleur ». Le lendemain, X.________ a fait parvenir au
Tribunal des Prud'hommes le procès-verbal de cette assemblée, signé par ses
soins, contenant les propos susmentionnés, accompagné d'un courrier précisant
que le SSF avait été fondé pour protéger les esclaves travaillant en Suisse
pour le corps diplomatique, cette même situation étant vécue par les
travailleurs immigrés sans permis de séjour, « ce qu'a l'habitude d'exploiter
Monsieur Y.________ ». Ce dernier a déposé plainte le 14 juillet 2009. Selon
l'acte d'accusation, il était reproché à X.________ d'avoir, le 30 mai 2009,
lors de l'assemblée du SSF regroupant plus d'une trentaine de personnes,
calomnié Y.________ en le traitant d'« exploiteur », « esclavagiste numéro 1 de
Genève », « escroc » et « voleur » (ch. I.1). Il lui était également imputé
d'avoir tenu les mêmes propos dans le procès-verbal de ladite assemblée,
document signé par lui-même et adressé le 31 mai 2009 au Tribunal des
Prud'hommes de Genève (ch. I.2) et, enfin, d'avoir écrit un courrier audit
tribunal contenant les propos suivants : « Le Syndicat sans Frontières a été
fondé en 1990 par l'impérieuse nécessité de protéger les esclaves qui
travaillent en Suisse pour le corps diplomatique puisque ce[tte] catégorie de
travailleurs n'a jamais été défendu[e] par aucun syndicat suisse, et cette même
situation était vécue par les travailleurs immigrés sans permis de séjour, ce
qu'a l'habitude d'exploiter Monsieur Y.________ » (ch. I.3).

A.b. Par jugement du 17 octobre 2011, le Tribunal de police de Genève a reconnu
X.________ coupable de calomnie et l'a condamné à 30 jours-amende à 30 fr. le
jour, avec sursis pendant deux ans.

A.c. Saisie d'un appel du condamné, la Chambre pénale d'appel et de révision de
la Cour de justice du canton de Genève a ordonné, le 3 février 2012, une
procédure écrite et écarté les offres de preuves de X.________, auquel son
chargé de pièces complémentaires a été retourné, faute de constituer des pièces
nouvelles. Elle a rejeté l'appel, par arrêt du 8 août 2013.

A.d. Par arrêt du 14 février 2013, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a
admis le recours en matière pénale formé par X.________ contre la décision de
dernière instance cantonale, qu'elle a annulée. La cause a été renvoyée à la
cour cantonale afin qu'elle procède conformément aux considérants de l'arrêt
fédéral (arrêt 6B_498/2012 du 14 février 2013).

 En bref, après avoir rejeté autant qu'il était recevable le grief du recourant
relatif à la décision de la cour cantonale d'écarter la production de son
chargé de pièces (consid. 3), la cour de céans a complété l'état de fait de la
décision cantonale en constatant le contenu des déclarations de X.________
pertinentes pour l'interprétation de leur caractère attentatoire à l'honneur
(consid. 5.3.3 et 5.3.6). Sur cette base, le Tribunal fédéral a jugé, en droit,
qu'il ressortait du texte du procès-verbal de l'assemblée syndicale tenue le 30
mai 2009, que les assertions « voleur » et « escroc » utilisées par X.________
n'avaient pas été utilisées de manière isolée, détachée de toute allégation
factuelle, et ne constituaient donc pas de simples jugements de valeur. Le
texte suggérait qu'il s'agissait de stigmatiser le comportement d'un employeur
envers plusieurs employés, dont certains étaient désignés nommément
(C.________, D.________ et E.________) en relation avec le non-paiement des
charges sociales (AVS ; LPP) et le montant de leur rémunération. Rien ne
suggérait, en revanche, pour un destinataire non prévenu, que ces deux
expressions auraient visé plus précisément les comportements spécifiquement
réprimés par les art. 139 et 146 CP dans une acception technique. Le sens du
texte en relation avec l'expression « l'esclavagiste numéro 1 de Genève » était
moins clair et ces termes devaient plutôt être appréhendés, dans ce contexte,
comme un simple jugement de valeur (consid. 5.3.5). Quant au courrier adressé
le 31 mai 2009 par X.________ au Tribunal des Prud'hommes, le terme « voleur »
emportait, dans ce contexte également, le reproche de ne pas s'acquitter de
tout ou partie des salaires et des charges sociales ou fiscales dus en gardant
ces sommes par devers soi. La référence à l'esclavage visait l'exploitation en
Suisse, par des employeurs, Y.________ en particulier, de personnes ne
disposant pas des autorisations nécessaires pour y travailler (consid. 5.3.6).
Le Tribunal fédéral en a déduit qu'en limitant son examen au caractère
attentatoire à l'honneur des termes « voleur » et « escroc » considérés au seul
sens des art. 139 et 146 CP, la démarche interprétative de la cour cantonale
n'était pas conforme à la jurisprudence, qui imposait de prendre en
considération le contexte dans lequel les assertions avaient été formulées et
l'impression qui se dégageait du texte dans son ensemble pour un destinataire
non prévenu. Elle ne pouvait non plus se limiter à examiner si ces affirmations
étaient fausses dans le seul cas de A.________, au regard de la demande
pendante devant le Tribunal des Prud'hommes, alors que les assertions
litigieuses visaient non seulement le non-paiement de charges sociales, mais
aussi le non-respect de règles salariales (qui étaient précisément l'objet de
la demande en justice concernant cette employée) et qu'elles se référaient à
plusieurs autres cas cités nommément, notamment en ce qui concernait l'AVS et
la LPP. On recherchait en vain dans l'arrêt cantonal toute indication quant au
sens qui devait être donné aux termes « esclavagiste numéro 1 de Genève » lors
de la communication aux juges des Prud'hommes, compte tenu des éléments
d'interprétation ressortant de la lettre d'accompagnement, si bien qu'il
n'était pas établi non plus que cette déclaration aurait emporté l'affirmation
d'un fait que le recourant savait faux et qui le fût (consid. 5.3.7). En ce qui
concerne le caractère attentatoire à l'honneur de toutes ces affirmations, il
convenait, au-delà des seuls termes (« escroc », « voleur », « esclavagiste »)
utilisés par le recourant et de leur signification pénale et lexicologique, de
rappeler que le fait d'éluder le paiement de cotisations sociales constitue un
délit, que le non-respect de conditions salariales minimales peut, sous
certaines conditions, réaliser l'infraction d'usure et que le fait d'employer
des étrangers sans autorisation constituait aussi une infraction. On ne
pouvait, partant, exclure a priori le caractère attentatoire à l'honneur des
assertions du recourant. La cause a, dès lors, été renvoyée à la cour cantonale
afin qu'elle réexamine, pour chaque affirmation et en fonction du contexte
pertinent, si elle constituait un simple jugement de valeur et/ou l'affirmation
d'un comportement contraire à l'honneur. La cour cantonale a, ensuite, été
invitée à établir si le recourant savait, le cas échéant, ces affirmations
fausses et si ces dernières l'étaient objectivement, tout au moins en ce qui
concernait les cas cités nommément. Dans la négative, ainsi que dans les cas où
seul entrerait en considération un jugement de valeur, la cour devrait encore
examiner s'il y avait lieu d'appliquer l'art. 173 CP, respectivement l'art. 177
CP, compte tenu, notamment, de la formulation de la plainte et de l'ordonnance
de renvoi. Il convenait, enfin, d'attirer l'attention de la cour cantonale sur
les exigences découlant de la garantie de la liberté d'expression (art. 10 en
corrélation avec l'art. 11 CEDH) en ce sens qu'elle devrait également
rechercher si les propos en cause avaient revêtu un caractère vexatoire et
blessant qui aurait excédé les limites convenables de la polémique syndicale
(consid. 5.3.8). Enfin, la cour de céans a rejeté l'argumentation du recourant
invoquant, en relation avec l'envoi au Tribunal des Prud'hommes du
procès-verbal de l'assemblée syndicale, un acte licite au sens de l'art. 14 CP
(consid. 6).

B. 
Statuant à nouveau le 27 juin 2014, la Chambre pénale d'appel et de révision de
la Cour de justice a condamné X.________, avec suite de frais (2000 fr.), à 20
jours-amende à 10 fr. le jour ainsi qu'à verser à Y.________, au titre de
l'indemnisation des dépenses occasionnées par la procédure, le montant de 9720
francs. Le jugement de première instance a été confirmé pour le surplus.

C. 
X.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement sur
appel du 27 juin 2014. Il conclut, principalement, à sa réforme dans le sens de
son acquittement, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision sur les frais, dépens et indemnités. A titre subsidiaire, il demande,
avec suite de frais et dépens, à être acquitté des accusations figurant au ch.
I.3 de l'acte d'accusation et que s'agissant des termes " exploiteur " et "
esclavagiste numéro 1 " (ch. I.1 de l'acte d'accusation), la cause soit
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Il requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.

 Invités à formuler des observations, le Ministère public genevois et
Y.________ ont conclu au rejet du recours par mémoires des 8 juillet et 31 août
2015, le dernier avec suite de frais et dépens. X.________, auquel ces
écritures ont été transmises, a indiqué persister dans les conclusions de son
recours, par courrier du 18 septembre 2015.

Considérant en droit :

1. 
L'autorité de l'arrêt de renvoi, que prévoyait expressément l'art. 66 al. 1
aOJ, est un principe juridique qui demeure applicable sous la LTF (ATF 135 III
334 consid. 2 p. 335). L'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée
par le Tribunal fédéral est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les
considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral ; sa cognition est limitée
par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée, outre ce qui
a déjà été tranché définitivement par le Tribunal fédéral, par les
constatations de fait qui n'ont pas été critiquées devant lui ou l'ont été sans
succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2 p. 94 ; 104 IV 276 consid. 3d p. 277 s. ;
cf. aussi arrêt 6B_440/2013 du 27 août 2013 consid. 1.1). Saisi d'un recours
contre une nouvelle décision cantonale faisant suite à un arrêt de renvoi, le
Tribunal fédéral est lui-même lié par ce dernier (ATF 125 III 421 consid. 2a)
quant aux points qui ont été tranchés définitivement (ATF 131 III 91 consid.
5.2 p. 94).

1.1. Il est constant que le recourant a été acquitté en première instance déjà
en ce qui concerne l'utilisation du terme « exploiteur » (arrêt 6B_498/2012 du
14 février 2013 consid. 4 ; jugement du 17 octobre 2011 consid. 1.3.c ). Dans
ce dernier arrêt, la cour de céans a aussi indiqué que le sens du texte en
relation avec l'expression « l'esclavagiste numéro 1 de Genève » était moins
clair et que ces termes devaient plutôt être appréhendés, dans ce contexte,
comme un simple jugement de valeur (consid. 5.3.5). La cour cantonale ne s'est
pas écartée de cette appréciation et en a conclu, en incluant la référence à
l'esclavage dans le courrier du 31 mai 2009 adressé au Tribunal des
Prud'hommes, que le jugement de première instance devait être confirmé sous
réserve de ce qualificatif (arrêt entrepris, consid. 2.2 p. 14 s.). Il s'ensuit
que seules demeurent litigieuses les atteintes à l'honneur résultant de
l'utilisation des termes « voleur » et « escroc ».

 Le caractère intrinsèquement attentatoire à l'honneur de ces termes n'est pas
discutable en lui-même. En revanche, dans le contexte d'une accusation de
calomnie, il y avait lieu de déterminer si ces vocables avaient un rapport
reconnaissable avec un ou des faits susceptibles d'être faux (arrêt 6B_498/2012
consid. 5.3.1 et 5.3.8).

1.2. S'agissant de ces termes, la cour cantonale a jugé que, dans leur
acception ordinaire, ils constituaient des allégations méprisantes et
attentatoires à l'honneur censées salir la personne visée. Ce n'étaient pas des
jugements de valeur qui reposaient sur une réflexion de leur auteur, dût-elle
déboucher sur l'expression d'une opinion peu flatteuse pour autrui. Les
qualificatifs utilisés étaient suffisamment explicites pour être compris par
une assemblée de militants syndicaux, même de langue maternelle étrangère. Les
termes utilisés figuraient d'ailleurs dans le code pénal pour stigmatiser les
individus dont les actes étaient susceptibles d'entraîner des sanctions
pénales, ce qui était aisé à assimiler. Ces termes étaient d'autant plus
enclins à rendre méprisable l'intimé qu'ils s'accompagnaient de l'évocation de
diverses manoeuvres auxquelles ce dernier aurait eu recours pour faire taire
l'appelant ou l'inciter à la prudence. Dans ce sens, ils étaient aussi
blessants, car ils sous-tendaient l'idée erronée que l'intimé était prêt à tout
pour continuer à exploiter à sa guise ses employé (e) s de maison.

1.3. Ce considérant de la cour cantonale est, sous réserve de l'ultime passage
relatif à l'évocation de manoeuvres censées faire taire le recourant ou
l'inviter à la prudence, quasi identique au considérant 2.2 de l'arrêt du 8
août 2012. On recherche en vain dans cette analyse la mise en évidence claire
et précise de l'assertion de fait à laquelle serait liée l'utilisation des
termes « voleur » et « escroc ».

 Dans son arrêt du 14 février 2013, la cour de céans a jugé, en relation avec
les propos tenus en assemblée syndicale tels qu'ils ressortaient du
procès-verbal, que ce texte suggérait clairement qu'il s'agissait de
stigmatiser le comportement d'un employeur envers plusieurs employés, dont
certains étaient désignés nommément (C.________, D.________ et E.________), en
relation avec le non-paiement des charges sociales (AVS ; LPP) et le montant de
leur rémunération, alors qu'en revanche, rien ne suggérait dans le contexte
pris dans son ensemble que les expressions « voleur » et « escroc » auraient
visé plus précisément les comportements spécifiquement réprimés par les art.
139 et 146 CP. Contrairement à ce que paraît penser l'intimé, cette
interprétation constitue un point de droit. L'approche adoptée par la cour
cantonale méconnaît, à cet égard, la portée de l'arrêt de renvoi. Le Ministère
public intimé argumente ainsi en vain sur la non-réalisation des éléments
constitutifs des infractions de vol et d'escroquerie.

 La cour cantonale a certes ajouté à ses développements que « ces termes
étaient d'autant plus enclins à rendre méprisable l'intimé qu'ils
s'accompagnaient de l'évocation de diverses manoeuvres auxquelles ce dernier
aurait eu recours pour faire taire l'appelant ou l'inciter à la prudence. Dans
ce sens, ils étaient aussi blessants, car ils sous-tendaient l'idée erronée que
l'intimé était prêt à tout pour continuer à exploiter à sa guise ses employé
(e) s de maison ». Toutefois, ces derniers propos n'ont jamais fait l'objet
d'une accusation de calomnie (v. supra consid. A.a), moins encore en relation
avec les termes « voleur » et « escroc », avec lesquels on peine à reconnaître
tout lien logique. Ils pourraient, tout au plus, se rapporter au terme «
exploiteur » pour l'usage duquel le recourant a toutefois été acquitté (v.
supra consid. 1.1). Il s'ensuit que cette brève adjonction, sans pertinence
pour l'issue du litige, ne rend pas la décision querellée conforme à l'arrêt de
renvoi.

1.4. Il s'agissait, ensuite, de rechercher si les allégations de fait liées aux
qualificatifs « escroc » et « voleur » étaient fausses et si le recourant le
savait.

1.4.1. Sur ce point, la cour cantonale a retenu que « l'appelant n'ignorait pas
que les termes employés, en tant qu'ils visaient formellement l'intimé, ne
correspondaient pas à la réalité formelle, mais il a voulu faire de lui un
exemple des pires abus pourfendus par le Syndicat sans frontières. En tant que
syndicaliste s'exprimant devant une assemblée de militants, il lui appartenait
de ne pas en rajouter, en salissant encore plus la réputation d'un employeur
honni, sauf circonstances particulières, ce qu'un homme rompu au contentieux
avec des employeurs peu scrupuleux pouvait aisément comprendre. Son rôle ne
consistait pas à épouser les thèses les plus extrêmes, ce d'autant que des
témoignages discordants permettaient de se faire une idée moins noire des
conditions de travail de l'employée de maison qui avait travaillé pour le
compte de l'intimé (horaires, temps de vacances et de repos, etc.). L'appelant
aurait aussi dû prendre en compte les années de travail à son service qui
peuvent témoigner, même avec les réserves d'usage, de conditions que l'employée
avait jugées supportables. »

1.4.2. Ces développements, sont partiellement axés sur l'aspect subjectif (" le
recourant n'ignorait pas "). On comprend toutefois que la cour cantonale a jugé
que les déclarations faites par A.________ au recourant étaient largement
exagérées, voire fausses, cependant que la situation de cette employée aurait,
en réalité, été supportable, ce que démontrerait, en particulier, la durée des
rapports de travail et divers témoignages.

 Il reste que, au regard de l'interprétation des propos émis par le recourant
retenue par la cour de céans, les termes « escroc » et « voleur » imposaient de
rechercher ce qu'il en était du paiement des salaires et des charges sociales
ainsi que fiscales. En effet, il n'est pas douteux que, dûment établis, le
non-paiement de salaires, dans une proportion d'une certaine importance et
concernant plusieurs employés, de même que le fait de ne pas s'acquitter de
charges sociales, respectivement d'impôts à la source, pouvait, fût-ce par le
biais d'une certaine exagération, suggérer l'usage de termes tels que voleur
(en particulier dans le fait de garder par devers soi les montants ainsi
épargnés) ou escroc. Il s'ensuit que les considérations très générales de la
cour cantonale relatives aux conditions de travail de A.________ et à leur
caractère supportable pour celle-ci ne répondent pas aux exigences de l'arrêt
de renvoi. Elles ne suffisent pas, en particulier, à démontrer le caractère
objectivement faux des allégations du recourant relatives au paiement des
salaires et à l'acquittement des charges sociales et fiscales.

1.4.3. Sur le point précis du salaire, la décision entreprise constate
uniquement que la rémunération de A.________ s'est chiffrée, à raison d'un
salaire mensuel net, à 2000 fr. en 2004, 2200 fr. en 2005, 2200 fr. en 2006,
2500 fr. en 2007, puis 2600 fr. dès le mois de septembre 2007 et que
l'employeur disait avoir traité avec égards cette employée qu'il avait logée
dans une chambre de 20 m2 avec salle de bain et dont il avait, au début 2008,
régularisé la situation auprès de l'AVS/AI/APG/AC pour les années 2003 à 2007,
puis réglé les cotisations courantes.

1.4.4. Le recourant objecte que la constatation de cette rémunération serait
arbitraire.

 Dans son arrêt du 14 février 2013, la cour de céans a notamment constaté que
les griefs relatifs à l'application de la procédure écrite (art. 406 CPP)
étaient sans objet dès lors que le renvoi incluait la nécessité de compléter
l'état de fait. Ce faisant, la cour de céans n'a pas examiné le grief du
recourant tenant au caractère arbitraire de la constatation des faits relative
à la rémunération de A.________. Le recourant est ainsi habilité à soulever à
nouveau ce moyen.

 A cet égard, il convient de relever que la question de la rémunération de
cette employée n'est pas tranchée par le Tribunal des Prud'hommes. Le jugement
pénal de première instance du 17 octobre 2011 ne contient non plus, hors les
allégations de l'intimé, aucune constatation de fait relative aux rémunérations
versées. Il incombait ainsi à la cour cantonale de se prononcer sur ce point,
cas échéant, en mettant le recourant au bénéfice du doute en cas d'insuffisance
des preuves. Il s'ensuit que, si la cour cantonale entendait tenir pour
établies les allégations relatives au salaire telles qu'elles avaient été
formulées par l'intimé devant les Prud'hommes, il lui incombait tout au moins
d'exposer précisément les motifs pour lesquels ces déclarations devaient être
préférées à celles formulées au nom de A.________ en procédure prud'hommale.
Par ailleurs, contrairement à ce que paraît penser le Ministère public, il
n'incombe pas au Tribunal fédéral de constater le contenu d'un contrat-type de
travail de droit cantonal et, du reste, le seul contenu de ce contrat
n'établirait pas encore qu'il aurait été exécuté en conformité de ses
dispositions (v. infra consid. 1.4.5). Faute de toute motivation précise
permettant de comprendre et contrôler le raisonnement suivi par la cour
cantonale, la décision querellée ne répond pas aux exigences de l'art. 112 al.
1 let. b LTF, respectivement à celles des art. 80 al. 2 et 81 al. 3 let. a CPP
en corrélation avec l'art. 408 CPP.

1.4.5. Les seuls éléments relatifs aux salaires versés ne permettent, au
demeurant pas, à eux seuls, d'établir le caractère faux de l'affirmation que
l'employeur ne se serait pas acquitté, dans une mesure importante, de l'entier
des salaires dus dans ce cas. De surcroît, ces termes ne se rapportaient pas
exclusivement au comportement de l'intimé envers son employée A.________, mais
visaient, plus largement, son comportement envers ses employés (dont trois
autres que A.________ étaient cités nommément) et non seulement l'aspect
salarial, mais aussi le paiement de charges sociales. Aussi, quand bien même
l'intimé avait, en 2008, régularisé rétroactivement la situation de A.________
envers les assurances sociales et quant à l'impôt à la source, et à supposer
que cette employée ait bel et bien perçu un salaire conforme aux minima en
vigueur au regard du droit cantonal, il ne serait pas encore démontré que
l'allégation de fait liée aux qualificatifs « escroc » et « voleur » serait
dénuée de tout fondement, en particulier dans les relations avec les trois
autres employés cités. Il s'ensuit que la démonstration de la cour cantonale,
fondée essentiellement sur le reproche adressé au recourant de s'être
exclusivement fondé sur les déclarations de A.________ pour salir sans retenue
la réputation de l'intimé ne suffit pas à démontrer que " les termes employés,
en tant qu'ils visaient formellement l'intimé, ne correspondaient pas à la
réalité formelle ".

1.4.6. On comprend certes aussi que, du point de vue de la cour cantonale, le
fait de ne pas s'acquitter de l'intégralité de salaires dus et de charges
sociales ou fiscales n'aurait pas pu justifier l'emploi des qualificatifs «
escroc » ou « voleur », en raison du caractère excessif de ces termes dans ce
contexte. Dans la perspective de la calomnie, des jugements de valeurs mixtes
en particulier, seul est déterminant de savoir si le terme attentatoire à
l'honneur entretient un rapport reconnaissable avec un fait. Or, comme l'a jugé
la cour de céans dans l'arrêt 6B_498/2012, ce rapport existe manifestement, en
l'espèce, avec les accusations relatives au paiement des salaires et des
charges sociales. Il est vrai que les termes en question sont, sans aucun
doute, excessifs et inutilement blessants. Cette situation ne laisse pas pour
autant celui qui est atteint dans son honneur sans protection. Si le caractère
faux du fait ne peut être établi, on ne peut exclure qu'en raison de leur
caractère excessif les termes utilisés doivent aussi être appréhendés comme un
jugement de valeur susceptible de constituer une injure (v. arrêt 6B_498/2012
consid. 5.3.8).

1.5. Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale a méconnu la portée de
l'arrêt de renvoi. Il convient d'annuler le jugement entrepris et de lui
renvoyer la cause afin qu'elle rende une nouvelle décision. Cela rend, en
l'état, sans objet les développements subsidiaires du recourant tendant à
obtenir, avec suite de frais et dépens, tout au moins son acquittement formel
partiel en relation avec l'utilisation des termes " exploiteur " et "
esclavagiste ".

2. 
Le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais, une part de
ceux-ci devant être mise à la charge de Y.________ (art. 65 al. 2 et 66 al. 1
et 4 LTF). Il peut prétendre des dépens à la charge des intimés (art. 68 al. 1
LTF). La demande d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64 al. 1 LTF).

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis. Le jugement entrepris est annulé et la cause renvoyée à
la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision.

2. 
Une part des frais judiciaires, arrêtée à 2000 fr., est mise à la charge de
l'intimé Y.________.

3. 
Y.________ versera en main du conseil de X.________ la somme de 1500 fr. à
titre de dépens.

4. 
Le canton de Genève versera en main du conseil de X.________ la somme de 1500
fr. à titre de dépens.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 1er octobre 2015

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

Le Greffier : Vallat

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