Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.817/2014
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2014
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2014


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_817/2014

Arrêt du 2 avril 2015

Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Denys, Président,
Oberholzer et Rüedi.
Greffière : Mme Cherpillod.

Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Henri Carron, avocat,
recourant,

contre

Ministère public du canton du Valais, case postale 2305, 1950 Sion 2,
intimé.

Objet
Détention illégale (art. 5 par. 1 let. e CEDH),

recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre
pénale, du 23 juin 2014.

Faits :

A. 
Par jugement du 17 août 2010, le Juge des districts de Martigny et St-Maurice a
condamné X.________ pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants
(art. 19a LStup) et violation de l'art. 33 al. 1 let. a LArm à une peine
pécuniaire de 15 jours-amende, à 100 fr. le jour, et à une amende de 500 fr.,
sous déduction de la détention avant jugement subie depuis le 30 décembre 2009.
Il l'a exempté de toute peine pour les faits en relation avec la violation des
art. 123 al. 1 et 180 al. 1 CP (lésions corporelles simples et menaces) et a
ordonné un traitement institutionnel dans un établissement psychiatrique ou
pénitentiaire fermé ou dans la section fermée d'un établissement pénitentiaire
ouvert (art. 59 al. 3 CP).
Durant l'enquête, une expertise psychiatrique avait été ordonnée. Dans leur
rapport du 14 avril 2010, les experts ont posé le diagnostic de schizophrénie
paranoïde et préconisé une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP,
réalisée en milieu fermé et accompagnée d'un traitement psychiatrique avec un
accent particulier sur la médication neuroleptique.
X.________ est demeuré à la Prison des Iles jusqu'au 3 mars 2011. A cette date,
il a été transféré aux Etablissements de la Plaine de l'Orbe (EPO) où il a
séjourné jusqu'au 18 mars 2013.

B. 
Par arrêt 6B_445/2013 - 6B_507/2013 du 14 janvier 2014 (ci-après l'arrêt de
renvoi), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par
X.________ contre une ordonnance du 23 avril 2013 de la Chambre pénale du
Tribunal cantonal valaisan. Il a annulé cette décision et a renvoyé la cause à
cette autorité pour nouvelle décision.
Auprès du Tribunal fédéral, X.________ s'était plaint que l'autorité cantonale
n'ait pas statué sur ses conclusions d'une part en complément de l'instruction
sur la légalité des conditions de sa détention entre le 17 septembre 2010 et le
18 mars 2013, d'autre part en constat d'une violation du principe de célérité.
Il dénonçait une violation des art. 5 par. 1 let. e et par. 4 CEDH et 111 al. 3
LTF.
S'agissant de la violation alléguée de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH, le Tribunal
fédéral a estimé que les autorités précédentes - à savoir le Tribunal de
l'application des peines et mesures du canton du Valais (TAPEM) et la Chambre
pénale du Tribunal cantonal valaisan - étaient compétentes pour l'examiner et,
cas échéant, pour la constater (consid. 4.2), ce qu'elles n'avaient pas fait.
Au vu des circonstances d'espèces, le Tribunal fédéral a jugé qu'en n'entrant
pas en matière sur le grief de violation de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH invoqué
par X.________, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan l'avait privé
de la possibilité de faire valoir ce moyen devant le Tribunal fédéral et avait
violé l'art. 111 al. 3 LTF. En empêchant le recourant de faire examiner
l'illicéité alléguée, l'ordonnance du 23 avril 2013 avait en outre violé l'art.
5 par. 4 CEDH. Le Tribunal fédéral a dès lors renvoyé la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle entre en matière sur le grief de violation de l'art. 5.
par. 1 let. e CEDH. Si cette autorité aboutissait à la conclusion que la
détention subie était illégale, il lui appartiendrait soit de se prononcer
elle-même sur l'indemnisation requise, soit de transmettre la cause à
l'autorité cantonale compétente en matière de responsabilité de l'Etat (consid.
4.4).

C. 
A la suite de l'arrêt de renvoi, la Chambre pénale du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté le recours formé par X.________ par ordonnance du 23 juin
2014. Elle a modifié l'ordonnance du 23 avril 2013 en ce sens que X.________
était mis au bénéfice de l'assistance judiciaire totale pour la procédure de
recours. En substance, elle a considéré, après complément d'instruction, que la
détention de X.________ à la Prison des Iles puis aux EPO ne violait ni l'art.
5 par. 1 let. e CEDH, ni l'art. 3 CEDH.

D. 
X.________ forme un recours en matière pénale contre l'ordonnance du 23 juin
2014. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il
est constaté une violation des art. 3 et 5 par. 1 lit. e CEDH et qu'une
indemnité au sens de l'art. 5 par. 5 CEDH lui est accordée à hauteur de 100 fr.
par jour du 29 décembre 2009 au 18 mars 2013, avec intérêts dès le 17 septembre
2010, à charge de l'Etat du Valais. Il requiert subsidiairement le renvoi de la
cause à la juridiction cantonale compétente quant à cette indemnité. Il
sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1.

1.1. Le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, que prévoyait l'art. 66
al. 1 aOJ, demeure valable sous l'empire de la LTF (ATF 135 III 334 consid. 2
p. 335). En vertu de ce principe, l'autorité cantonale à laquelle une affaire
est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de
droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Sa cognition est limitée par les motifs
de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été tranché
définitivement par le Tribunal fédéral, ainsi que par les constatations de fait
qui n'ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être
pris en considération que sur les points qui ont fait l'objet du renvoi,
lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (
ATF 131 III 91 consid. 5.2 p. 94 et la jurisprudence citée). Les parties, quant
à elles, ne peuvent plus faire valoir dans le recours contre la nouvelle
décision cantonale des moyens que le Tribunal fédéral avait expressément
rejetés dans l'arrêt de renvoi (ATF 135 III 334 consid. 2 p. 335; 133 III 201
consid. 4.2 p. 208) ou dont il n'avait pas eu à connaître, faute pour elles de
les avoir invoqués dans la première procédure de recours alors qu'elles
pouvaient le faire (arrêts 5A_139/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1, non
publié à l'ATF 139 III 391, mais in : Praxis 2014 n° 19 p. 136; 4A_278/2012 du
26 septembre 2012 consid. 1.2, non publié à l'ATF 138 III 669). Elles ne
peuvent non plus formuler des conclusions dépassant celles prises dans leur
précédent recours devant le Tribunal fédéral (arrêt 6B_440/2013 du 27 août 2013
consid. 1.1).

1.2. Dans le cadre de la procédure précédente ayant abouti à l'arrêt de renvoi,
le recourant n'avait pas invoqué de violation de l'art. 3 CEDH auprès du
Tribunal fédéral (cf. supra let. B). Le grief de violation de cette
disposition, formulé dans le présent recours en matière pénale, est
irrecevable. Il en va de même du grief de violation de l'art. 8 Cst. qui
n'avait pas fait l'objet de la procédure ayant abouti à l'arrêt de renvoi.

1.3. Le grief de violation de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH, réitéré par le
recourant, n'est en outre recevable que pour la période qu'il avait invoquée
dans le recours qui avait abouti à l'arrêt de renvoi, soit du 17 septembre 2010
au 18 mars 2013 (cf. supra let. B).

1.4. La recevabilité du recours avait pour le surplus été examinée s'agissant
de ce grief dans l'arrêt de renvoi, ad consid. 4. Il n'y a pas lieu d'y
revenir.

2. 
Le recourant invoque des constats inexacts et illégaux des faits, contraires à
l'art. 97 al. 1 LTF.

2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision
entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en
violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al.
1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art.
9 Cst. (cf. ATF 140 III 264 consid. 4.2 p. 266).
Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si
ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF),
c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et
détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 140 III
264 consid. 4.2 p. 266).

2.2. Le recourant reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas tenu compte
qu'il aurait pu, en Valais, être hébergé dans un établissement non
pénitentiaire pour attendre le jugement du 17 août 2010, puis pour effectuer le
traitement institutionnel ordonné par celui-ci. Il cite à cet égard le Centre
d'accueil pour adultes en difficulté (CAAD) à Saxon et Le Chalet à Servan.

2.2.1. La question des conditions de séjour du recourant avant le 17 septembre
2010 ne fait pas l'objet de la présente procédure (cf. supra consid. 1.3). Le
grief est irrecevable sur ce point.

2.2.2. Le jugement du 17 août 2010 avait prononcé un traitement institutionnel
dans un établissement psychiatrique ou pénitentiaire fermé ou dans la section
fermée d'un établissement pénitentiaire ouvert (art. 59 al. 3 CP). Seuls les
établissements acceptant des personnes soumises à un tel traitement auraient
donc pu être considérés comme une alternative aux établissements où a séjourné
le recourant.
Le recourant invoque que le CAAD ou Le Chalet aurait rempli les conditions de
sécurité exigées par l'art. 59 al. 3 CP. Il compare son cas à celui d'un
dénommé A.________. Il discute librement des différents éléments. Il procède de
la sorte de manière purement appellatoire, ce qui n'est pas admissible.
C'est en vain que le recourant allègue qu'il aurait existé en Valais, entre le
17 septembre 2010 et le 18 mars 2013, un établissement non carcéral susceptible
de l'accueillir pour qu'il effectue son traitement institutionnel en milieu
fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP (cf. pour la période ici litigieuse: arrêt
6B_384/2010 du 15 septembre 2010 consid. 2.1.3). Il ne soutient pour le surplus
pas qu'il aurait pu être accueilli dans un établissement approprié hors de son
canton et rien dans l'ordonnance entreprise ne le laisse penser.

2.2.3. Le recourant soulève une violation de plusieurs droits fondamentaux
dont, comprend-on, l'équité et de le droit d'être entendu. Il semble douteux
que ces moyens soient suffisamment motivés (art. 106 al. 2 LTF) et donc
recevables. Ils sont de toute façon infondés dès lors qu'ils partent de la
prémisse erronée de l'existence de lieux d'accueil non carcéraux en Valais pour
effectuer un traitement au sens de l'art. 59 al. 3 CP.
Le grief de violation de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH ou de l'art. 59 al. 3 CP
ne saurait en aucun cas se fonder sur une telle alternative, inexistante.

2.3. Le recourant invoque d'autres passages de l'ordonnance attaquée. Faute
pour lui d'exposer en quoi les constatations critiquées auraient conduit à un
résultat arbitraire, ce conformément aux exigences rappelées ci-dessus (cf.
consid. 2.1) son grief de constatation inexacte des faits est irrecevable.
Il ne sera en outre pas tenu compte des faits allégués par le recourant qui
s'écartent de l'ordonnance entreprise sans que l'arbitraire de leur omission ne
soit invoqué et démontré conformément aux exigences de motivation posées par
l'art. 106 al. 2 LTF.

3. 
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir considéré que son séjour à
la Prison des Iles du 17 septembre 2010 au 3 mars 2011 d'une part, aux EPO du 3
mars 2011 au 18 mars 2013 d'autre part était conforme à l'art. 5 par. 1 let. e
CEDH. Il invoque également les ch. 12 et 47 al. 1 de l'annexe de la
Recommandation Rec (2006) 2 du 11 janvier 2006 du Comité des Ministres aux
Etats membres sur les Règles pénitentiaires européennes (ci-après RPE).

3.1. La RPE 1 prévoit que les personnes privées de liberté doivent être
traitées dans le respect des droits de l'homme. La RPE 12 indique que les
personnes souffrant de maladies mentales et dont l'état de santé mentale est
incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un
établissement spécialement conçu à cet effet (al. 1). Si ces personnes sont
néanmoins exceptionnellement détenues dans une prison, leur situation et leurs
besoins doivent être régis par des règles spéciales (al. 2). Quant à la RPE
47.1, il prévoit que des institutions ou sections spécialisées placées sous
contrôle médical doivent être organisées pour l'observation et le traitement de
détenus atteints d'affections ou de troubles mentaux qui ne relèvent pas
nécessairement des dispositions de la RPE 12.
Les RPE ont le caractère de simples directives à l'intention des Etats membres
du Conseil de l'Europe (arrêt 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 3.2 et
référence citée). Cependant, en tant que reflet des traditions juridiques
communes à ces Etats, le Tribunal fédéral en tient compte de longue date dans
la concrétisation de la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux
garantis par la Cst. et par la CEDH (ATF 123 I 112 consid. 4d/cc p. 121 et la
jurisprudence citée; en dernier lieu: ATF 139 IV 41 consid. 3.2 p. 43). On
parle à leur propos de "code de la détention pénitentiaire" ou de " soft law ",
néanmoins relativement contraignant pour les autorités (arrêt 1B_369/2013 du 26
février 2014 consid. 3.2 et références citées).

3.2.

3.2.1. En vertu de l'art. 5 par. 1 CEDH, toute personne a droit à la liberté et
à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf selon les voies légales
et s'il s'agit, notamment, de la détention régulière d'un aliéné (art. 5 par. 1
let. e CEDH).

3.2.2. Dans une jurisprudence confirmée encore récemment (arrêt de la CourEDH
Papillo contre Suisse du 27 janvier 2015 par. 41 ss et les arrêts cités), la
Cour européenne des droits de l'homme considère que pour respecter l'article 5
par. 1 CEDH la détention doit avoir lieu « selon les voies légales » et « être
régulière ». En la matière, la CEDH renvoie pour l'essentiel à la législation
nationale et consacre l'obligation d'en respecter les normes de fond comme de
procédure. Elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté
au but de l'article 5 CEDH: protéger l'individu contre l'arbitraire. Il doit
exister un lien entre le motif censé justifier la privation de liberté et le
lieu et les conditions de la détention. En principe, la « détention » d'une
personne souffrant de troubles mentaux ne peut être considérée comme «
régulière » aux fins de l'article 5 par. 1 let. e CEDH que si elle s'effectue
dans un hôpital, dans une clinique ou dans un autre établissement approprié. Le
seul fait que l'intéressé ne soit pas intégré dans un établissement approprié
n'a toutefois pas pour effet automatique de rendre sa détention irrégulière au
regard de l'article 5 par. 1 CEDH. Un équilibre raisonnable doit être ménagé
entre les intérêts opposés en cause étant entendu qu'un poids particulier doit
être accordé au droit à la liberté. Dans cet esprit, la Cour prend en compte
les efforts déployés par les autorités internes en vue de trouver un
établissement adapté pour évaluer la régularité du maintien dans l'intervalle
en détention (arrêts de la CourEDH Papillo précité, par. 43; De Schepper contre
Belgique du 13 octobre 2009 par. 48.
Dans le cadre de l'examen des conditions de séjour d'une personne soumis à un
traitement ne revêtant pas de caractère punitif, la Cour a en outre estimé
qu'on ne saurait considérer comme contraire en soi à l'article 5 par. 1 CEDH le
fait de n'entamer qu'après la prise d'effet de dit traitement la procédure de
sélection de l'établissement le plus approprié. Une fois la procédure de
sélection achevée ce serait de plus manquer de réalisme et adopter une attitude
trop rigide que d'escompter que les autorités veillent à ce qu'une place soit
immédiatement disponible dans l'établissement choisi. La Cour admet que, pour
des motifs liés aux nécessités inhérentes à une gestion efficace des fonds
publics, un certain écart entre la capacité disponible et la capacité requise
des établissements est inévitable et doit être jugé acceptable (arrêt de la
CourEDH Morsink contre Pays-Bas du 11 mai 2004, par. 66 s.).

3.2.3. Dans l'affaire Papillo précitée, la Cour a examiné les conditions de
détention d'une personne souffrant de manie avec des symptômes psychotiques,
soumise à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 1 aCP du
fait de son irresponsabilité. Après le prononcé de cette mesure, l'intéressé
était demeuré en détention durant près de deux mois, puis avait été interné
dans une clinique pendant un peu plus de trois mois, avant d'être replacé en
détention, où il resta, faute de trouver une place en institution, acceptée par
lui, durant dix mois. Sa liberté conditionnelle fut ensuite prononcée. Durant
sa détention, il bénéficia de consultations médicales régulières et d'un
traitement par neuroleptiques.
La Cour européenne des droits de l'homme a tout d'abord noté, se référant à
l'art. 59 CP, que la détention et sa prolongation avaient été décidées "selon
les voies légales". Relevant qu'elle n'a jamais conclu concernant la Suisse à
l'existence d'un problème structurel dans la prise en charge des personnes
délinquantes souffrant de troubles mentaux, elle a constaté dans le cas
d'espèce que les autorités avaient pris contact avec plusieurs institutions
susceptibles d'accueillir le requérant dès que celui-ci s'était dit prêt à
suivre un traitement. Ces démarches s'étaient toutefois interrompues lorsque
l'intéressé avait refusé de se rendre à l'entretien auprès de la clinique
susceptible à l'accueillir. La Cour a ensuite relevé que l'intéressé avait
bénéficié de consultations médicales régulières et d'un traitement par
neuroleptiques, qui avaient eu pour conséquence une stabilisation de son état
et, subséquemment sa remise en liberté. La Cour a dès lors jugé que les soins
dont avait bénéficié le requérant lors de sa détention pouvaient être
considérés comme appropriés. La détention entre sa remise en détention et sa
libération conditionnelle était par conséquent conforme au but de l'art. 5 par.
1 let. e CEDH (par. 44 ss).

3.3. La question ici à trancher n'est pas de savoir si le  prononcé d'un
traitement institutionnel en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP était
conforme à cette disposition ou à l'art. 5 par. 1 let. e CEDH. Une telle
question aurait dû faire l'objet d'un recours contre le jugement du 17 août
2010 prononçant dite mesure, recours que le recourant n'a pas formé en temps
utile. Il s'agit uniquement, au vu du grief de violation de l'art. 5 par. 1
let. e CEDH soulevé, de déterminer si l' exécution du traitement ordonné,
compte tenu des conditions concrètes dans lesquelles il a eu lieu, respectait
l'art. 5 par. 1 let. e CEDH.

3.4. Conformément à l'art. 59 al. 2 CP, le traitement institutionnel s'effectue
en règle générale dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un
établissement d'exécution des mesures. L'art. 59 al. 3 CP prévoit toutefois que
le traitement doit être exécuté dans un établissement fermé, tant qu'il existe
un risque de fuite ou de récidive. Il peut aussi être effectué dans un
établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP - soit dans un
établissement fermé ou dans la section fermée d'un établissement ouvert -, si
le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié
(art. 59 al. 3 2e phrase CP).
En introduisant la possibilité d'exécuter une mesure institutionnelle dans un
établissement pénitentiaire, le législateur a prévu une exception au principe
de la séparation des lieux d'exécution des mesures de ceux d'exécution des
peines (art. 58 al. 2 CP; arrêt 6B_629/2009 du 21 décembre 2009 consid. 1.2.2).
Un placement dans un établissement pénitentiaire doit toutefois rester
l'exception (arrêt 6B_629/2009 précité consid. 1.2.4) et des mesures devront
être prises pour que l'intéressé soit transféré aussitôt que possible dans un
établissement spécialisé (arrêt 6B_625/2012 du 27 juin 2013 consid. 4.3). Cela
rejoint l'esprit de l'art. 56a al. 1 CP qui exige que lorsque plusieurs mesures
s'avèrent appropriées, mais qu'une seule est nécessaire, le juge ordonne celle
qui porte à l'auteur les atteintes les moins graves.
La privation de liberté litigieuse a été ordonnée conformément à l'art. 59 al.
3 CP. Elle a donc été décidée selon les voies légales.
Il convient d'examiner si elle a été régulière au sens de l'art. 5 par. 1 let.
e CEDH, ce en distinguant le séjour à la Prison des Iles de celui effectué aux
EPO.

3.5. Séjour à la Prison des Iles du 17 septembre 2010 au 3 mars 2011.

3.5.1. A la suite de l'entrée en force du jugement du 17 août 2010 ordonnant un
traitement institutionnel en milieu fermé, la direction des Établissements
pénitentiaires du Valais a immédiatement déposé une demande de transfert aux
EPO, compte tenu de l'absence d'établissements appropriés en Valais et du fait
que le centre "La Pâquerette" à Genève n'était pas adapté aux personnes
souffrant de schizophrénie. Le Service de médecine pénitentiaire valaisan (SMP)
ne disposait en effet ni des locaux adéquats ni des ressources humaines
suffisantes pour assumer la mise en oeuvre d'une mesure fondée sur l'art. 59
al. 3 CP. Le recourant a été inscrit sur liste d'attente. Dans l'attente d'une
place, il a bénéficié à la Prison des Iles d'entretiens hebdomadaires avec une
psychologue clinicienne, placée sous supervision du médecin psychiatre
responsable du SMP, ainsi que d'un traitement psychopharmacologique prescrit
par ce dernier, en collaboration avec la psychologue et le service infirmier.
Le recourant a pu être transféré aux EPO le 3 mars 2011.
Le recourant se plaint d'avoir été soumis durant son séjour à la Prison des
Iles aux mêmes conditions de détention que les détenus de droit commun. Il
invoque un confinement 23h sur 24h, dans une cellule où il pouvait fumer au
point de déclencher des alarmes, le rationnement des visites et la promiscuité
avec des délinquants. Ce faisant, le recourant s'écarte sensiblement des
constatations de fait figurant dans l'ordonnance attaquée, sans invoquer
conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF leur caractère arbitraire.
Il convient par conséquent de se fonder uniquement sur les faits résultant de
cette ordonnance. Selon cette décision, il n'avait pas été possible d'attribuer
une occupation au recourant en raison de son état psychique qui n'était pas
adapté aux possibilités qui existaient tant à la cuisine qu'à l'imprimerie. Il
avait pour le surplus bénéficié du régime usuel s'appliquant aux détenus, à
savoir une heure de promenade par jour et une heure de sport en plus par
semaine. Le recourant n'avait toutefois pas effectué tous les jours la
promenade, n'étant pas toujours en mesure de sortir au vu de sa consommation de
médicaments (ordonnance attaquée, p. 4). Les privations de télévision dont il
se plaint, au nombre de deux, sont antérieures à la période litigieuse (cf.
idem, p. 5) et donc non pertinentes ici. S'agissant des alarmes fumées, pour la
période litigieuse, soit entre le 17 septembre 2010 et le 3 mars 2011, le
recourant n'a déclenché l'alarme qu'à une seule reprise, le 8 octobre 2010, la
précédente alarme remontant au 17 juillet 2010. Un abus de cigarettes sans
aération avait été constaté et les cigarettes enlevées au recourant (art. 105
al. 2 LTF).

3.5.2. Au vu de la jurisprudence européenne précitée, la détention du recourant
à la Prison des Iles ne viole pas l'art. 5 par. 1 let. e CEDH au seul motif
qu'elle a été exécutée dans un établissement carcéral. Il convient au contraire
d'examiner les différents intérêts en cause.
Soumettre une personne astreinte à un traitement ne revêtant pas un caractère
punitif au même régime que des personnes condamnées à une sanction pénale n'est
de loin pas idéal. Il aurait été souhaitable que le régime de détention soit
adapté, autant que possible, aux caractéristiques du séjour du recourant.
L'art. 2 al. 2 ch. 2 du règlement valaisan concernant la liste des
établissements pour l'exécution des privations de liberté à caractère pénal du
29 octobre 2010 (RS/VS 343.310) semble ainsi prévoir des régimes de détention
différents selon que la personne exécute une peine ou une mesure. Cela étant,
le recourant avait été soumis à un traitement institutionnel en milieu fermé
car le risque de récidive de commettre des infractions sous forme de
comportements violents à l'égard d'autrui était, à dire d'expert, élevé (cf.
jugement du 17 août 2010, p. 10). Un encadrement strict s'imposait donc. A cela
s'ajoute que le séjour du recourant dans de telles conditions n'a duré, une
fois la mesure entrée en force, soit à mi-septembre 2010, qu'un peu plus de
cinq mois. La Prison des Iles a en outre immédiatement entrepris les démarches
pour que le recourant soit transféré dans un établissement approprié. Elle l'a,
dans l'intervalle, fait bénéficier d'entretiens hebdomadaires avec une
psychologue, sous supervision d'un médecin psychiatre, ainsi que d'un
traitement psychopharmacologique.
Au vu de ces circonstances et compte tenu de l'impossibilité pratique et
financière d'assurer immédiatement une place à toute personne soumise à un
traitement, le maintien du recourant à la Prison des Iles dans l'attente d'une
place dans un établissement approprié et au bénéfice du traitement mentionné
ci-dessus durant un peu plus de cinq mois ne viole pas l'art. 5 par. 1 let. e
CEDH.
S'agissant de son séjour à la Prison des Iles, le recourant se plaint de
n'avoir pu rencontrer le psychiatre du SMP. Il s'avère qu'il a dans un premier
temps refusé de rencontrer ce dernier. Le dossier n'établit pour la période
litigieuse qu'une seule demande de voir le psychiatre. Celle-ci a toutefois été
écartée, sans être renouvelée, une discussion ayant permis d'établir que ce
n'était pas le recourant mais ses parents qui voulaient qu'il rencontre le
psychiatre, bien que suivi hebdomadairement par la psychologue sous contrôle de
ce dernier (pièce 141). De telles circonstances ne suffisent pas à fonder, au
vu des éléments mentionnés ci-dessus, le grief de violation de l'art. 5 par. 1
let. e CEDH s'agissant du séjour à la Prison des Iles.
Le recourant se réfère sans convaincre à l'arrêt de la CourEDH Slawomir Musial
contre Pologne du 20 janvier 2009. Celui-ci n'a pas retenu un traitement
contraire à l'art. 3 CEDH, dont le recourant déduit une violation de l'art. 5
par. 1 let. e CEDH, au seul motif qu'une personne atteinte de problème mentaux
était limitée dans son temps de promenade. Une telle violation n'a été admise
que parce qu'outre cette circonstance, les conditions de vie et d'hygiène
étaient préoccupantes dans les établissements où le requérant avait séjourné,
dont un grave problème de surpopulation, les soins médicaux étaient inadéquats
et la durée de la détention litigieuse était très longue (par. 90, 92, 97). De
telles conditions ne sont pas établies dans le cas d'espèce.

3.6. Séjour aux EPO du 3 mars 2011 au 18 mars 2013

3.6.1. Les EPO sont reconnus comme établissement d'exécution des peines
concordataires. Il dispose d'une unité psychiatrique et propose un programme
individualisé de thérapie et de soins (cf. ordonnance attaquée, p. 9 let.
2.2.2.1). Le recourant y a suivi un traitement psychiatrique intégré associant
des entretiens psychothérapeutiques tous les deux à quatre semaines, assurés
par un psychiatre (pièce 121; art. 105 al. 2 LTF), à un traitement
psychopharma-cologique. Selon le service médical des EPO, la prise en charge
n'aurait pas été différente si le recourant n'avait pas été incarcéré. Il n'y
avait aucune indication à un séjour à l'unité psychiatrique des EPO.
Dans le cadre de ce séjour, le recourant a passé par plusieurs étapes, à savoir
tout d'abord une période d'évaluation dans une petite structure cadrante durant
laquelle il a pu sortir 1h 30 le matin et 1 h l'après-midi pour la promenade et
avait 1 h de sport un jour sur deux, ainsi que deux fois 30 min pour les
douches, puis une phase de responsabilisation dans un secteur offrant plus
d'interactions, d'activités, de travail et de loisir, ouvert de 6 h à 20 h 15,
avec de brefs retours en cellule au moment de la rentrée des ateliers et des
repas et, enfin, un passage à la Colonie, ouverte de 6 h 30 à 21 h, où les
activités pouvaient se faire dans des secteurs non délimités et des sorties
avaient été organisées.
La thérapie psychiatrique dispensée aux EPO a permis le prononcé, le 1er mars
2013, de la libération conditionnelle de la mesure et le transfert du recourant
au CAAD le 18 mars 2013.

3.6.2. Le recourant invoque que les EPO n'auraient pas été un établissement
approprié dans le sens de la jurisprudence "sur ce sujet" (recours, p. 8 let.
h). L'examen du respect de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH n'est pas fait
uniquement à l'aune de l'établissement où se déroule le traitement, mais et
surtout compte tenu des conditions dans lesquelles celui-ci se déroule. Les
généralités invoquées par le recourant sur les EPO, outre qu'elles ne résultent
pas de l'ordonnance attaquée, sont impropres à prouver une quelconque
violation. Le recourant déclare avoir fréquenté des condamnés de droit commun.
Il n'expose toutefois pas que cela lui aurait causé un préjudice, étant précisé
qu'il bénéficiait durant son séjour d'une cellule individuelle. Au demeurant,
dès lors que son état ne justifiait pas un placement dans l'unité psychiatrique
de l'établissement, on ne voit pas que son maintien hors de cette unité fonde
son grief.
Pour le surplus, on ne peut que constater que le recourant a vu ses conditions
de séjour adaptées à ses possibilités et évoluer avec celles-ci. Il ne conteste
au demeurant pas avoir bénéficié d'un traitement psychiatrique régulier, ni que
c'est grâce à ce dernier et à sa réussite qu'il a pu obtenir sa libération
conditionnelle de la mesure. Dans ces circonstances, les soins dont il a
bénéficié lors de sa détention aux EPO peuvent être considérés comme
appropriés. Le grief de violation de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH est infondé.

3.7. Le recourant cite les RPE et en particulier ses règles 12 et 47.1. Que
l'établissement où il a séjourné n'ait pas appliqué scrupuleusement l'ensemble
de ces règles ne suffit pas, au vu des considérations qui précèdent, à fonder
une violation de l'art. 5 par. 1 let. e CEDH concernant le séjour du recourant.

3.8. Le grief de violation de l'art. 5 par. 5 CEDH, dès lors qu'il se recoupe
avec celui rejeté ci-dessus, suit le même sort.

4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure où
il est recevable.
Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire
doit être admise (art. 64 al. 1 LTF). Par conséquent, il y a lieu de le
dispenser des frais et d'allouer une indemnité à son mandataire, désigné comme
avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
Me Henri Carron est désigné comme défenseur d'office du recourant et ses
honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 3'000
francs.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Valais, Chambre pénale.

Lausanne, le 2 avril 2015

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Cherpillod

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben