Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.690/2014
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2014
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2014


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]               
{T 0/2}
                             
6B_690/2014, 6B_714/2014

Arrêt du 12 juin 2015

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Oberholzer et Brahier
Franchetti, Juge suppléante.
Greffière : Mme Cherpillod.

Participants à la procédure
6B_690/2014
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
recourant,

contre

1. X.A.________, représentée par
Me Catherine Chirazi, avocate,
2. Y.A.________, représenté par
Me Fidèle Joye, avocat,
intimés,

et

6B_714/2014
X.A.________, représentée par
Me Catherine Chirazi, avocate,
recourante,

contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy,

2. Y.A.________, représenté par
Me Fidèle Joye, avocat,
intimés.

Objet
Ordonnance de classement partiel (actes d'ordre sexuel),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 16 juin 2014.

Faits :

A. 
Le 30 mai 2013, la police est intervenue au domicile de la famille A.________.
Une violente dispute y avait éclaté entre les époux X.A.________ et
Y.A.________ dès 9 heures du matin environ, motif pris que la première aurait
entretenu une relation avec un autre homme. Y.A.________ s'est mis à crier et à
menacer son épouse, à la traiter de salope, à la saisir par les cheveux, à lui
tordre le bras et à la frapper, à lui arracher son leggins, à lui donner des
tapes sur le fessier et à lui écraser le visage avec son pied nu. A 11 heures,
il lui aurait demandé de lui prodiguer une fellation, ce qu'elle a fait. Puis
les époux ont eu une relation sexuelle. X.A.________ conteste avoir consenti à
ces actes. Durant tout ce temps, les époux étaient enfermés dans l'appartement
et Y.A.________ avait confisqué le téléphone portable de son épouse et ses
clefs. Vers 13 heures, Y.A.________ était à nouveau énervé et a mordu son
épouse à l'oreille puis l'a menacée, l'a enfermée dans l'appartement et s'est
absenté pendant une heure et demie.
X.A.________ a été examinée par un médecin. Il a été constaté qu'elle souffrait
de multiples lésions, au visage et au tympan notamment.
X.A.________ s'était déjà plainte à maintes reprises auparavant de violences
conjugales mais avait chaque fois retiré sa plainte.

B. 
Après enquête, le Ministère public de la République et canton de Genève a rendu
un acte d'accusation par lequel il a renvoyé Y.A.________ en jugement pour
menaces, injure, lésions corporelles simples, séquestration et enlèvement. Cet
acte d'accusation contient les faits à la base de ces infractions, notamment
l'arrachage du leggins de l'épouse et les propos à caractère sexuel proférés
par le mari mais aucun acte de violence de nature sexuelle.
Le 5 mai 2014, le ministère public a rendu une ordonnance de classement partiel
séparée pour les infractions de contrainte sexuelle et de viol. Il a notamment
relevé que les déclarations des parties étaient contradictoires et que, même à
admettre une contrainte, Y.A.________ ne pouvait pas se rendre compte du refus
de son épouse, dès lors qu'elle ne l'avait pas manifesté.

C. 
Par arrêt du 16 juin 2014, la Chambre pénale de recours de la Cour de Justice
de la République et canton de Genève a déclaré d'emblée, sans échange
d'écritures ni débats, irrecevable le recours de X.A.________ contre
l'ordonnance de classement partiel.

D. 
X.A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral
contre cet arrêt (réf. 6B_714/2014). Elle conclut, avec suite de frais et
dépens, à son annulation, à ce que son recours contre l'ordonnance de
classement partiel du 5 mai 2014 soit déclaré recevable et au renvoi de la
cause au ministère public pour qu'il dresse un acte d'accusation s'agissant des
infractions de viol et de contrainte sexuelle.
Le ministère public forme également un recours en matière pénale auprès du
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 16 juin 2014 (réf. 6B_690/2014). Il conclut
à son annulation, à ce que le recours cantonal formé par X.A.________ soit
déclaré recevable et rejeté, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Le ministère public a conclu à l'admission du recours de X.A.________ dans la
mesure où elle conteste l'irrecevabilité prononcée par l'autorité précédente et
au renvoi de la cause à cette dernière. X.A.________ a conclu à l'admission du
recours du ministère public, sauf en tant qu'il vise à ce que son recours
cantonal, une fois déclaré recevable, soit rejeté.
Y.A.________ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des recours et
demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. L'autorité
précédente a déclaré maintenir son arrêt, estimant les recours irrecevables,
respectivement infondés. X.A.________ a déposé des observations.

Considérant en droit :

1. 
Les deux recours concernent la même décision et la même question (recevabilité
du recours cantonal interjeté par la recourante contre une ordonnance de
classement partiel). Il y a lieu de joindre les causes et de statuer sur les
deux recours par un seul arrêt (art. 24 PCF applicable par renvoi de l'art. 71
LTF).

2. 
La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure pénale. Elle a
un caractère final dès lors qu'elle exclut toute voie de droit contre un
classement partiel. Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale
au sens de l'art. 78 al. 1 LTF.
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Indépendamment des conditions posées
par cette disposition, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre
d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel,
sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des
moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 s.;
136 IV 41 consid. 1.4 p. 44). Il en est ainsi de la décision qui, comme en
l'espèce, déclare irrecevable un recours cantonal et prive la recourante d'une
voie de droit prévue par le CPP (art. 322 al. 2 CPP).
Le ministère public dispose aussi de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1
let. b ch. 3 LTF). Son intérêt au recours se confond avec l'intérêt public à
une application uniforme du droit fédéral ( PIERRE FERRARI, in Commentaire de
la LTF, 2e éd. 2014, n° 30 ad art. 81).

3. 
Dans un raisonnement peu clair, l'autorité précédente considère que si on
admettait que le ministère public est compétent pour prononcer une ordonnance
de classement partiel pour les faits à la base des infractions sexuelles, le
tribunal de première instance serait privé de la faculté qui lui est accordée
par les art. 329 et 333 CPP et ces dispositions deviendraient lettre morte.
Ainsi, le tribunal ne pourrait se saisir d'infractions que l'autorité
précédente qualifie de connexes à un était de fait renvoyé en jugement. Il
appartiendrait en réalité au tribunal de première instance d'inviter le cas
échéant le ministère public à compléter l'état de fait décrit dans l'acte
d'accusation par des actes qui n'y sont pas évoqués, mais qui ont fait l'objet
d'investigations et qui entraînent une qualification nouvelle et
complémentaire. Le principe de l'égalité des armes serait violé si la partie
plaignante disposait d'une voie de recours contre le classement alors que le
prévenu ne peut pas recourir contre l'acte d'accusation (consid. 3). Enfin,
l'autorité précédente a jugé que les infractions figurant dans l'ordonnance de
classement partiel du 5 mai 2014 ne sont « pas classées » (consid. 4), sans
pour autant annuler ledit classement dans le dispositif de son jugement.

4. 
Les recourants prétendent notamment que la décision attaquée viole l'art. 322
al. 2 CPP et constitue un déni de justice.

4.1. Aux termes de l'art. 322 al. 2 CPP, les parties peuvent attaquer
l'ordonnance de classement dans les dix jours devant l'autorité de recours.

4.2. La mise en accusation incombe au ministère public, qui l'assume seul. Elle
n'est pas sujette à recours. Le ministère public saisit le tribunal  in remet 
in personam, de telle sorte que la juridiction saisie ne peut pas connaître des
faits ou des qualifications juridiques qui ne sont pas contenues dans l'acte
d'accusation. A certaines conditions les art. 329 et 333 CPP dérogent à la
maxime accusatoire en permettant au tribunal saisi de donner au ministère
public la possibilité de modifier ou de compléter l'acte d'accusation. Cette
possibilité a été ouverte d'une part en raison de l'absence de recours possible
contre l'acte d'accusation et d'autre part parce que ce dernier n'est pas un
véritable jugement et doit décrire le plus brièvement possible les actes
reprochés au prévenu et les infractions paraissant applicables (cf.
PIERRE-HENRI WINZAP, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse,
2011, n° 1 ad art. 329 et n° 1 ad art. 333). L'exemple souvent cité par la
doctrine est celui d'un prévenu renvoyé pour abus de confiance. Le tribunal
saisi songe à la commission d'une escroquerie. Comme le ministère public n'a
pas inclus dans l'acte d'accusation les faits qui décrivent le processus
astucieux, l'art. 333 al. 1 CPP permet au tribunal d'inviter le ministère
public à modifier cet acte ( STEPHENSON/ZALUNARDO-WALSER, in Basler Kommentar,
Schweizerische Strafprozessordnung, vol. 2, 2e éd. 2014, n° 3 ad art. 333;
WINZAP, op. cit., n° 5 ad art. 333 CPP ).
Cette entorse à la maxime accusatoire ne doit pas devenir la règle. Il
appartient au ministère public, en principe exclusivement, sous réserve des
correctifs prévus aux art. 329, 333 et 344 CPP de décider quels faits et
quelles infractions vont être renvoyés en jugement. Si le ministère public
décide de ne pas poursuivre certains faits, il doit prononcer un classement
(art. 319 CPP). En effet, le CPP subordonne l'abandon de la poursuite pénale au
prononcé d'une ordonnance formelle de classement mentionnant expressément les
faits que le ministère public renonce à poursuivre, de manière à en définir
clairement et formellement les limites. Une telle formalisation de l'abandon
des charges constitue le préalable essentiel à l'exercice du droit de recours
prévu par l'art. 322. al. 2 CPP (ATF 138 IV 241 consid. 2.5 p. 254). Un
classement partiel n'entre en ligne de compte que si plusieurs faits ou
comportements doivent être jugés et qu'ils peuvent faire l'objet de décisions
séparées. Tel n'est pas le cas en présence de plusieurs qualifications
juridiques d'un seul et même état de faits (arrêt 6B_653/2013 du 20 mars 2014
consid. 3.2).

4.3. En l'espèce, toutes les infractions dont l'intimé avait été prévenu ont eu
lieu le 30 mai 2013. Les préventions de contrainte sexuelle et de viol étaient
cependant non seulement discernables temporellement mais également distinctes
des préventions de menaces, injures, lésions corporelles simples, séquestration
et enlèvement, objets de l'acte d'accusation. Il ne s'agissait ainsi en aucun
cas de qualifier le même état de faits. L'acte d'accusation rendu par le
ministère public ne mentionne d'ailleurs aucun acte ou violence de nature
sexuelle, ce qu'admet l'autorité précédente (arrêt attaqué p. 4 let. i et p. 9
consid. 3.1). Il appartenait donc au ministère public de prononcer un
classement s'agissant de ces derniers faits s'il n'entendait pas renvoyer le
prévenu pour ceux-ci auprès l'autorité de répression, ce qu'il a fait.

4.4. Contrairement à l'acte d'accusation qui ne peut faire l'objet d'un recours
(art. 324 al. 1 CPP), les art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP ouvrent la
voie du recours contre l'ordonnance de classement. Cette différence a été
voulue par le législateur pour privilégier la célérité de la procédure. Elle
s'explique également par le fait qu'une condamnation pour les faits objets de
l'acte d'accusation peut fait l'objet d'un appel alors qu'un classement, même
partiel, devient définitif s'il n'est pas attaqué en temps utile. L'autorité de
jugement ne peut en effet plus se saisir des infractions classées sans violer
le principe  ne bis in idem (arrêt 6B_653/2013 du 20 mars 2014 consid. 3.1).

4.5. Au vu de ce qui précède, une ordonnance de classement valable ayant été
prononcée par le ministère public, le refus d'entrer en matière sur le recours
contre un tel classement prive la recourante de la voie de droit prévue à
l'art. 322 al. 2 CPP et constitue un déni de justice. Il convient dès lors de
renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle entre en matière sur le
recours, examine les autres conditions de recevabilité puis, cas échéant, le
mérite du recours cantonal formé par la recourante. Il n'appartient pas au
Tribunal fédéral, à ce stade, de juger ce dernier point.

5. 
Il résulte de ce qui précède que les recours doivent être admis au sens des
considérants, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité
précédente pour nouvelle décision.
Au vu du sort des recours, il ne sera pas prélevé de frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF) et des dépens seront accordés à la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Compte tenu du déroulement de la procédure, ceux-ci seront mis à la charge du
canton de Genève uniquement, alors même que l'intimé Y.A.________ a conclu au
rejet des recours (cf. art. 66 al. 3 LTF par renvoi de l'art. 68 al. 4 LTF). La
requête d'assistance judiciaire de ce dernier doit être admise au vu de sa
situation financière et une indemnité appropriée doit être accordée à son
conseil d'office, à charge de la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2
LTF). L'intimé est toutefois rendu attentif au fait qu'il devra rembourser
cette dernière, s'il peut ultérieurement le faire (art. 64 al. 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Les causes 6B_690/2014 et 6B_714/2014 sont jointes.

2. 
Les recours sont admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
La République et canton de Genève versera à la recourante une indemnité de
3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

5. 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé Y.A.________ est admise, Me
Fidèle Joye est désigné comme avocat d'office et une indemnité de 1'500 fr.,
supportée par la caisse du Tribunal fédéral, lui est allouée à titre
d'honoraires.

6. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 12 juin 2015

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Cherpillod

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben