Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1225/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_1225/2014

Arrêt du 18 janvier 2016

Cour de droit pénal

Composition
M. et Mmes les Juge fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffière : Mme Paquier-Boinay.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Anna Sergueeva, avocate,
recourante,

contre

1. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy,
2. A.________, représenté par Me Boris Lachat, avocat,
intimés.

Objet
Diffamation,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 10 novembre 2014.

Faits :

A. 
Par jugement du 26 février 2014, le Tribunal de police genevois a reconnu
X.________ coupable de diffamation et l'a condamnée à une peine pécuniaire de
100 jours-amende à 60 fr. avec sursis pendant 3 ans; elle l'a par ailleurs
condamnée à verser à A.________ la somme de 2000 fr. à titre de réparation du
tort moral.

B. 
Les faits à l'origine de cette condamnation sont en substance les suivants.
Les 26 mars 2011 et 14 décembre 2012, A.________, ancien employé d'un service
chargé de la protection de la jeunesse, a porté plainte pénale contre
X.________, présidente d'une association, pour atteinte à l'honneur. Il lui
reproche d'avoir, en date du 22 mars 2011, adressé à B.________, alors
conseiller d'Etat, ainsi qu'à une collaboratrice de son département,
C.________, un courrier électronique dans lequel elle mentionne qu'une
dénonciation a été déposée, en France en août 2009, contre A.________ pour "
complicité de pédophilie ". Dans le cadre de la même plainte, il l'accuse
d'avoir, le 24 mars 2011 à l'occasion d'un entretien téléphonique, déclaré à
D.________, à l'époque collaboratrice dans le même service, qui lui proposait
de s'entretenir avec A.________, qu'elle ne souhaitait pas parler à un
pédophile.

C. 
Par arrêt du 10 novembre 2014, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a rejeté l'appel et l'appel joint formés par
X.________ respectivement A.________ contre le jugement du Tribunal de police.

D. 
X.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour de
Justice. Elle conclut, avec suite de frais, à son acquittement, à la
constatation que les propos litigieux sont couverts par les preuves
libératoires, à ce qu'il soit constaté que la cour cantonale n'était pas
habilitée à écarter du dossier les déclarations du témoin E.________ devant le
Tribunal de police, à ce que A.________ soit débouté de l'intégralité de ses
prétentions civiles. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau. En tout état de cause, elle
conclut à ce qu'il soit constaté que la cour cantonale a violé l'art. 141 al. 5
CPP faute de constitution d'un dossier séparé pour une pièce illicite, dont
elle demande la destruction. Elle sollicite en outre l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1.

1.1. Dans le contexte du courrier électronique adressé à B.________, la
recourante reproche en premier lieu à la cour cantonale une violation de l'art.
173 ch. 2 CP. Elle soutient que la cour cantonale a violé cette disposition en
considérant qu'elle n'avait pas apporté la preuve de la vérité. Elle fait
valoir que la cour cantonale n'a pas examiné la question de savoir si la
dénonciation évoquée par la recourante avait bien existé.
Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP celui qui, en
s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou aura jeté sur elle le
soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait
propre à porter atteinte à sa considération ou encore aura propagé une telle
accusation ou un tel soupçon. En vertu de l'art. 173 ch. 2 CP, l'inculpé
n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou
propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de
les tenir de bonne foi pour vraies.
Selon la jurisprudence, les propos attentatoires à l'honneur doivent être
interprétés de manière objective, en se fondant sur la signification qu'un
auditeur ou un lecteur non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui
attribuer (ATF 133 IV 308 consid. 8.5.1 p. 312; 128 IV 53 consid. 1a p. 58 et
les arrêts cités). Déterminer le sens qu'un destinataire non prévenu confère
aux expressions et images utilisées constitue une question de droit (ATF 137 IV
313 consid. 2.1.3 p. 316 et les arrêts cités), que le Tribunal fédéral revoit
librement. Un texte doit être analysé selon le sens général qui s'en dégage (
ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 316 et les arrêts cités). Il n'est pas
nécessaire que l'auteur accuse la victime d'avoir une conduite contraire à
l'honneur, il suffit de jeter sur elle le soupçon d'une telle conduite (ATF 119
IV 44 consid. 2a, p. 46 s. et les arrêts cités).

Il ressort de l'arrêt attaqué que, dans le courrier en question, la recourante
mentionnait qu'une dénonciation avait été déposée en France en août 2009 contre
l'intimé pour complicité de pédophilie. Une telle affirmation ne peut être
comprise par un lecteur non prévenu que comme une accusation d'avoir commis une
infraction. Cela implique que la preuve de la vérité ne peut, sauf exceptions
qui ne sont pas réalisées en l'espèce, être apportée que par la condamnation de
la personne visée (ATF 132 IV 118 consid. 4.2 et les arrêts cités). C'est donc
à juste titre que la cour cantonale a considéré qu'une telle preuve n'avait pas
été faite par la recourante.
Par ailleurs, même si on voulait suivre la recourante, qui soutient que c'est
uniquement l'existence d'une dénonciation pénale qu'elle a évoquée et que c'est
donc uniquement sur ce fait que devait porter la preuve de la vérité, il y
aurait tout de même lieu d'admettre qu'elle a échoué à apporter cette preuve
puisqu'elle ne se prévaut que d'un courrier intitulé dénonciation adressé par
E.________ à un avocat français. Il ne saurait être considéré comme une preuve
de la vérité des propos imputés à la recourante alors qu'aucune dénonciation
n'a été adressée à une autorité de poursuite pénale.

1.2. A titre subsidiaire, la recourante se prévaut de la preuve de la bonne
foi. Elle fait valoir qu'elle s'est fiée aux accusations de E.________, qu'elle
avait de très bonnes raisons de considérer comme vraies compte tenu du crédit
dont jouissait ce dernier en ses qualités d'ancien policier et de
parlementaire, avec qui elle avait par ailleurs une relation de confiance
particulière depuis presque 14 ans.
La preuve de la bonne foi est apportée lorsque le prévenu démontre qu'il a
accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui pour contrôler la véracité de
ce qu'il alléguait. Enfin, la défense d'un intérêt légitime allège le devoir de
vérification qui incombe à celui qui s'adresse à la police ou à une autre
autorité, en sachant que celle-ci va procéder à un contrôle approfondi et dénué
de préjugés. Le fait de s'adresser à une autorité de surveillance ne confère
pas au dénonciateur le droit de porter atteinte à l'honneur d'autrui; il doit
agir de bonne foi et avoir des raisons suffisantes de concevoir les soupçons
qu'il communique à cette autorité (CORBOZ, Les infractions en droit suisse,
vol. I, 3e éd., 2010, n. 79 ad art. 173 CP et la jurisprudence citée; RIKLIN,
Commentaire bâlois, vol. II, 3e éd., 2013, n. 22 ad art. 173 CP).
En l'espèce, la confiance que la recourante avait en E.________ ne la
dispensait pas de toute obligation de contrôle des accusations qu'elle
proférait. Il ressort de ses propres déclarations qu'elle entretenait depuis
longtemps une relation de confiance particulière avec E.________. Elle pouvait
donc facilement s'adresser à lui pour avoir la confirmation du fait que la
dénonciation avait été transmise aux autorités judiciaires. Faute d'avoir
procédé à une vérification aussi simple, elle ne peut prétendre avoir accompli
les actes que l'on pouvait exiger d'elle pour contrôler la véracité de ce
qu'elle alléguait. C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour
cantonale a considéré que la recourante n'avait pas apporté la preuve de sa
bonne foi.

1.3. La recourante se plaint en outre d'une violation de l'art. 141 CPP au
motif que les déclarations faites par E.________ devant le Tribunal de police
le 26 février 2014 ont été écartées de la procédure parce qu'il n'avait pas été
délié de son secret professionnel. Bien que l'audition du témoin ait été
répétée devant la cour cantonale, la recourante invoque des contradictions
entre les déclarations qu'il a faites devant les deux autorités et soutient que
la cour cantonale aurait dû faire la lumière sur ces contradictions en raison
de son obligation d'établir les faits d'office. Il ressort de l'argumentation
de la recourante que selon elle les premières déclarations du témoin auraient
été pertinentes pour trancher la question de la preuve de la bonne foi car
elles permettaient de comprendre les motifs pour lesquels elle pouvait se fier
aux dires du témoin.
Ce point n'est pas déterminant puisqu'il n'est pas reproché à la recourante
d'avoir fait confiance au témoin, mais de ne pas s'être assurée que la
dénonciation avait été transmise aux autorités judiciaires. Or elle-même ne
prétend pas qu'elle aurait procédé à une telle vérification et il n'apparaît
pas que les déclarations écartées de la procédure auraient porté sur cette
question.

1.4. La recourante invoque enfin l'art. 9 Cst. et l'interdiction de
l'arbitraire consacrée par cette disposition. Elle fait valoir que la cour
cantonale ne pouvait pas juger de la crédibilité de E.________ en tant que
source d'information de la recourante en faisant abstraction des déclarations
qu'il a faites devant le Tribunal de police.
Outre le fait qu'il apparaît douteux que la motivation de la recourante
satisfasse aux exigences accrues posées par l'art. 106 al. 2 LTF s'agissant de
critiques qui portent sur la violation de droits fondamentaux, son grief doit
être rejeté pour les mêmes motifs qui viennent d'être exposés au considérant
précédent.

2.

2.1. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 141 al. 5
CPP. Dans le contexte de l'entretien téléphonique avec D.________, le Tribunal
de police a écarté les déclarations que celle-ci avait faites le 16 août 2012 à
la police au motif que le témoin n'avait pas été délié de son secret de
fonction. La recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas fait
retirer du dossier le procès-verbal de cette audition.
Bien qu'elle n'ait pas soulevé cette question devant la cour cantonale, la
recourante soutient que ce grief est recevable car les décisions visées par
l'art. 141 al. 5 CPP doivent également être prises d'office par les autorités
pénales.
Il découle du principe de l'épuisement préalable des voies de droit cantonal,
consacré à l'art. 80 al. 1 LTF, que seuls sont recevables devant le Tribunal
fédéral les griefs qui, pouvant l'être, ont été présentés à l'autorité
cantonale de dernière instance (ATF 135 I 91 consid. 2.1 p. 93). La
jurisprudence admet toutefois la recevabilité de moyens de droit nouveaux
lorsque l'autorité cantonale de dernière instance disposait d'un pouvoir
d'examen libre et devait appliquer le droit d'office (ATF 131 I 31 consid.
2.1.1 p. 33).
La recourante ne prétend pas avoir invoqué ce grief devant la cour cantonale.
Elle a conclu à son acquittement et au rejet des conclusions civiles de la
partie plaignante; elle a par ailleurs pris à titre préjudiciel des conclusions
tendant au maintien au dossier des déclarations du témoin E.________ ainsi qu'à
une réaudition de celui-ci. Elle n'a en revanche pris aucune conclusion en
relation avec les déclarations de D.________. Par ailleurs, la condamnation de
la recourante ne repose pas sur les déclarations en question, la cour cantonale
ayant admis que le contenu de la conversation téléphonique entre le témoin et
la recourante n'est pas précisément connu. On ne saurait dès lors considérer
que la cour cantonale devait appliquer d'office l'art. 141 al. 5 CPP à un moyen
de preuve qui n'était pas discuté devant elle et n'influençait pas le sort de
la cause. Le grief n'est pas recevable faute d'épuisement des voies de droit
cantonal.

2.2. La recourante se plaint en outre d'une violation du principe " in dubio
pro reo " ainsi que d'arbitraire dans l'appréciation des preuves.
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 10 CPP et 6
par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent
tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 40 s.; 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 s.). Lorsque l'appréciation des
preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe
in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de
l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82 s.). En tant que règle sur le
fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du
jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter
au prévenu. C'est ainsi à l'accusation d'établir la culpabilité du prévenu, et
non à celui-ci de démontrer qu'il n'est pas coupable. La présomption
d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul
motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p.
40).
Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce
moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire
s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée. Les
critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 249 consid.
1.3.1 p. 253).
Il ressort tant de l'arrêt attaqué que du mémoire de la recourante que
lorsqu'elle a été entendue par le ministère public après avoir été dûment
déliée de son secret de fonction, D.________ a déclaré ne pas se souvenir des
termes exacts utilisés par la recourante, mais a affirmé que le terme de
pédophile ou de pédophilie avait été utilisé à propos de l'intimé. Or, la
recourante ne montre pas que ces déclarations ne seraient pas crédibles. Par
ailleurs, la cour cantonale, en se fondant sur les déclarations de F.________,
relève que la crédibilité des propos de la recourante est accrue par le fait
que cette dernière avait tenu des propos analogues lors d'une conversation avec
celui-ci. La recourante cherche à remettre en cause ce témoignage au motif que
ses relations avec le témoin, qui aurait été son élève, seraient
conflictuelles. Sur ce point son argumentation est purement appellatoire et
donc irrecevable. Elle reproche par ailleurs à la cour cantonale d'avoir
préféré le témoignage de F.________ à ceux, concordants, de trois autres
témoins. Il s'avère que ces derniers sont tous des personnes qui se sont
adressées à son association à la suite de conflits avec les autorités chargées
de la protection des mineurs; leur impartialité n'est donc pas telle que l'on
doive reprocher à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en ne
préférant pas leurs déclarations à celles de D.________ et de F.________. Au
surplus, même si, comme le relève la recourante, ni les trois témoins qu'elle
invoque ni F.________ n'ont assisté à sa conversation avec D.________, force
est de constater que les dires du dernier, qui a entendu des déclarations
analogues faites dans le même contexte, sont plus probantes que ceux des
premiers qui ont côtoyé la recourante alors qu'ils sollicitaient l'intervention
de son association et n'ont jamais pu constater quelle était son attitude dans
le contexte de ses relations avec le service de l'intimé. C'est donc sans
arbitraire que la cour cantonale a admis que la recourante avait tenu devant
D.________ des propos dont on ne connaît pas la teneur exacte mais qui
imputaient à l'intimé un comportement contraire à l'honneur. Comme il
n'apparaît pas que la cour cantonale aurait éprouvé un doute à ce propos, il
n'y a pas lieu d'examiner la question sous l'angle d'une violation des règles
sur le fardeau de la preuve.

3. 
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Comme les conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, supportera les
frais de justice (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en
tenant compte de sa situation financière.

 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et
de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 18 janvier 2016

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Paquier-Boinay

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