Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1189/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]                 
{T 0/2}
                               
6B_1189/2014, 6B_1190/2014

Arrêt du 23 décembre 2015

Cour de droit pénal

Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffière : Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure
6B_1189/2014
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
recourant,

contre

X.________, représenté par Me Simon Ntah, avocat,
intimé,

et

6B_1190/2014
X.________, représenté par Me Simon Ntah, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
intimé.

Objet
6B_1189/2014 
Tentative de meurtre, lésions corporelles graves par négligence,

6B_1190/2014 
Lésions corporelles graves par négligence; indemnité pour frais de défense,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 8 septembre 2014.

Faits :

A. 
Par jugement du 12 février 2014, le Tribunal correctionnel du canton de Genève
a reconnu X.________ coupable de tentative de meurtre (art. 22 et 111 CP), de
vol (art. 139 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP), de violation de
domicile (art. 186 CP), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92
al. 2 aLCR) et d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de
conduire (art. 91 al. 1 aLCR). Il l'a condamné à une peine privative de liberté
de cinq ans, sous déduction de 434 jours de détention avant jugement.

B. 
Par arrêt du 8 septembre 2014, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a admis partiellement l'appel formé par X.________.
Elle l'a reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence (en lieu
et place de tentative de meurtre par dol éventuel) et l'a acquitté du chef
d'accusation de vol, de dommages à la propriété et de violation de domicile en
relation avec les faits survenus la nuit du 13 au 14 octobre 2012. Elle a
réduit en conséquence la peine privative de liberté à quatre ans, sous
déduction de 642 jours de détention avant jugement. Elle a confirmé pour le
surplus le jugement attaqué et a ordonné le maintien en détention de X.________
pour des motifs de sûreté.

En résumé, la condamnation de X.________ pour lésions corporelles graves repose
sur les faits suivants:

Le 4 décembre 2011, à la rue de Lausanne, à Genève, peu après 5h25 du matin,
X.________, au volant d'un véhicule BMW, a dépassé à deux reprises A.________,
qui circulait au guidon de son scooter, puis s'est les deux fois rabattu sur la
voie de droite devant lui et a freiné brusquement sans raison. Le scootériste a
pu éviter une collision la première fois, en faisant un écart à gauche, mais
pas la seconde fois. Le scooter a heurté la voiture, ce qui a entraîné la chute
de A.________. Ce dernier a perdu connaissance et s'est fracturé la jambe
gauche et le poignet droit. Le conducteur a continué sa route, le laissant sur
la chaussée. A.________ a dû subir des opérations et a été en incapacité de
travail à 100 % pendant une année.

C. 
Contre ce dernier arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière
pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son
acquittement du chef d'accusation de lésions corporelles graves par négligence.
A titre subsidiaire, il demande l'annulation partielle du jugement attaqué et
le renvoi de l'affaire à l'autorité précédente pour nouvelle décision. En
outre, il sollicite l'assistance judiciaire.

Le Ministère public du canton de Genève forme également un recours en matière
pénale contre l'arrêt cantonal. Il conclut, principalement, à ce que X.________
soit condamné pour tentative de meurtre à une peine privative de liberté de
cinq ans, sous déduction de la détention subie avant jugement. A titre
subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour
qu'elle reconnaisse X.________ coupable de tentative de meurtre et fixe la
peine. Plus subsidiairement, il requiert que X.________ soit reconnu coupable
de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et condamné à une peine privative
de liberté de cinq ans. Plus subsidiairement encore, il sollicite le renvoi de
la cause à l'autorité précédente pour qu'elle reconnaisse X.________ coupable
de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et fixe la peine.

Considérant en droit :

1. 
Les deux recours sont dirigés contre la même décision, concernent le même
complexe de faits et portent sur certaines questions de droit qui se
chevauchent. Il y a lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul
arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF).

I. Recours de X.________

2. 
Le recourant se plaint que la cour cantonale a retenu, de manière manifestement
inexacte, qu'il était le conducteur de la BMW au moment de l'accident. Il
invoque également la présomption d'innocence.

2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les
faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de
fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci
n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte
au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir de façon arbitraire (art.
9 Cst.; cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). Pour qu'il y ait arbitraire,
il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même
critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non
seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (sur la notion
d'arbitraire, cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205; 139 II 404 consid. 10.1 p.
445; 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5).

La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP et 32 al. 1 Cst.,
ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le
fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. Lorsque, comme en
l'espèce, l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont
critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de
portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p.
82).

2.2. La cour cantonale a retenu que le recourant était le conducteur de la
voiture impliquée dans l'accident, en se fondant sur les éléments suivants:

- En décembre 2011, le recourant était l'utilisateur de la voiture en question,
comme l'attestaient le contrat de location et les déclarations de B.________.

- Sur les images extraites des caméras de surveillance, on voyait le recourant
sortir de son immeuble à 5h25 en compagnie de C.________. L'analyse rétroactive
du raccordement utilisé par le recourant montrait en outre que son téléphone
portable avait activé une antenne aux Pâquis à 5h30 (appel émis vers le
raccordement de C.________) et une autre à Chavannes-de-Bogis à 5h47 (contact
avec B.________), l'accident ayant eu lieu sur le trajet entre ces deux bornes
avant 5h36 (heure d'appel des secours).

- Le recourant avait tenté de se débarrasser de la voiture, en la proposant à
la vente à D.________. Il lui avait indiqué qu'il préférait que le véhicule
soit vendu à l'étranger.

- Les dénégations du recourant et ses explications selon lesquelles il aurait
prêté la voiture à deux Lyonnais dont il avait refusé de fournir l'identité
n'avaient cessé de varier pour s'adapter aux éléments révélés par l'enquête.
- C.________ avait indiqué que le recourant conduisait la " nouvelle " BMW, à
savoir celle impliquée dans l'accident lorsqu'il l'avait ramenée chez elle le 4
décembre 2011, à 5h25, alors qu'il était au volant d'une autre voiture, plus
ancienne, un peu plus tard dans la matinée.

- Enfin, la description du déroulement de l'accident, mis dans la bouche des
Lyonnais, concordait pour l'essentiel avec le récit de la victime, ce qui
montrait bien que le recourant était au volant de la voiture.

2.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire,
en retenant que l'accident avait eu lieu peu de temps avant 5h36, à savoir
probablement à 5h35.

Il est établi - et non contesté - qu'une témoin a appelé les secours (144) à
5h36. La témoin a indiqué qu'environ 25 secondes s'étaient écoulées, entre le
moment où elle avait vu le conducteur du scooter à terre et le moment où elle
avait appelé les secours (arrêt attaqué p. 13). Dans ces conditions, il n'est
pas arbitraire de retenir que l'accident a eu lieu un peu avant, à savoir à
5h35.

2.4. Le recourant fait grief à la cour cantonale de s'être fondée sur les
déclarations du témoin C.________. En effet, celle-ci ne serait pas capable de
distinguer l'ancienne de la nouvelle BMW, mélangeant la couleur des intérieurs
des voitures (gris et noir).

Si la témoin a pu mélanger la couleur des intérieurs de l' " ancienne " et de
la " nouvelle " BMW, il n'en reste pas moins qu'elle a déclaré avoir pris place
à 5h25 dans une voiture différente de celle dans laquelle elle était montée
vers 7h. Partant, entre 5h25 et 7h, le recourant avait changé de voiture. A 7h,
seule " l'ancienne " BMW était non détériorée et c'était le véhicule qu'il
conduisait, de telle sorte que l'on peut déduire que peu après 5h25, il était
au volant de la " nouvelle " BMW. Dans ces conditions, la cour cantonale n'a
pas versé dans l'arbitraire en se fondant sur les déclarations de C.________.

2.5. Le recourant reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire
en se fondant sur les rétroactifs d'un téléphone, dès lors que ceux-ci ne
permettaient pas de déterminer qui avait utilisé le téléphone ni l'emplacement
exact de celui-ci.

Par cette argumentation, le recourant se borne à nier la pertinence des
rétroactifs. Lorsqu'il soutient que son propre téléphone, qu'il avait laissé
dans la voiture, a été utilisé en réalité par l'un des deux Lyonnais, pour
l'aviser de l'accident (cf. arrêt attaqué p. 10), il oppose sa propre version
des faits à celle de la cour cantonale, sans démontrer en quoi cette dernière
serait arbitraire. De nature appellatoire, le grief soulevé est irrecevable.

2.6. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu
que le parcours entre son domicile et le lieu de l'accident pouvait être
effectué en dix minutes.

Pour retenir le temps de parcours, la cour cantonale s'est fondée sur une
estimation faite par la police, consignée dans un rapport du 29 janvier 2012
(pièce 40'159; cf. arrêt attaqué p. 14). En outre, elle a relevé que cette
estimation était compatible avec les informations que l'on peut retrouver sur
les sites internet qui proposent de calculer le temps employé pour effectuer un
itinéraire donné. Le recourant conteste la pertinence de ces éléments. Il
reproche à la police de n'avoir donné aucune indication sur la vitesse à
laquelle la patrouille roulait lors de la reconstitution, sur la signalisation
lumineuse, sur le trajet emprunté ou encore sur les conditions de circulation.
De la sorte, il ne démontre toutefois pas en quoi l'estimation retenue par la
cour cantonale serait arbitraire. Dans la mesure de sa recevabilité, le grief
soulevé doit être rejeté.

2.7. En conclusion, les éléments que la cour cantonale a retenus pour conclure
à la culpabilité du recourant sont pertinents. Premièrement, le recourant était
le conducteur habituel de la voiture, qu'il louait à B.________. En outre,
plusieurs éléments établissent la présence sur place du recourant au moment de
l'accident (image de la vidéosurveillance, rétroactifs de son téléphone,
estimation du temps de parcours par la police, témoignage de sa compagne).
Enfin, ses explications, selon lesquelles il aurait prêté la voiture en
question à deux Lyonnais, ne sont guère plausibles. En conséquence, la cour
cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que le recourant était au
volant de la voiture au moment de l'accident. Dans la mesure de leur
recevabilité, les griefs tirés de l'arbitraire dans l'établissement des faits
et de la violation de la présomption d'innocence doivent être rejetés.

3. 
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement rejeté des
réquisitions de preuve, à savoir une reconstitution du trajet allant de son
domicile au lieu de l'accident et la production des vidéos de la Mission
permanente de la République populaire de Chine.
Par là, le recourant ne se plaint plus d'arbitraire dans l'établissement des
faits, mais dénonce une violation de son droit à la preuve. Dans la mesure où
il ne soulève aucun grief tiré de la violation de son droit d'être entendu ni
de la violation d'une disposition du CPP relative au droit à la preuve, son
grief est irrecevable.

4. 
Dans la mesure de sa recevabilité, le recours doit être rejeté.

Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais
(art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa
situation financière.

II. Recours du Ministère public

5. 
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et
l'établissement des faits retenus par la cour cantonale. Il lui reproche de ne
pas avoir retenu l'intention homicide ou, à tout le moins, l'intention
d'infliger des lésions corporelles graves chez A.________ lors de l'accident.
La cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en niant que l'intimé avait
envisagé la possibilité de causer la mort, voire à tout le moins des lésions
corporelles graves, et qu'il avait accepté cette conséquence pour le cas où
elle se produirait. Le recourant invoque également la violation de l'art. 12
al. 2 CP.

5.1. La cour cantonale a retenu, au bénéfice du doute, que l'intimé n'avait pas
envisagé ni accepté que son comportement puisse avoir pour conséquence la mort
de la victime. Elle n'a pas admis que l'intimé avait eu conscience de la
distance qui le séparait du scooter (environ 15 mètres) et surtout qu'il avait
été conscient que celle-ci était insuffisante pour permettre au scootériste de
freiner. Elle a considéré que l'intimé a tenu pour improbable une issue fatale,
dans la mesure où il pouvait partir de l'idée que le conducteur du scooter
était en mesure d'éviter la collision en se déportant sur la gauche, comme il
l'avait déjà fait quelques instants plus tôt.

5.2. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un
crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà
intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction
et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

Le dol éventuel suppose que l'auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable
pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l'accepte au
cas où il se produirait (ATF 133 IV 9 consid. 4.1 p. 16; 131 IV 1 consid. 2.2
p. 4 ss; 130 IV 58 consid. 8.2 p. 61). La différence entre le dol éventuel et
la négligence consciente réside dans la volonté de l'auteur et non dans la
conscience. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite
pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente
escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte
pour le cas où il se produirait (ATF 133 IV 9 consid. 4 p. 15 ss).

En ce qui concerne la preuve de l'intention, le juge - dans la mesure où
l'auteur n'avoue pas - doit, en principe, se fonder sur les éléments
extérieurs. Parmi ces éléments figurent l'importance du risque - connu de
l'intéressé - que les éléments constitutifs objectifs de l'infraction se
réalisent, la gravité de la violation du devoir de prudence, les mobiles, et la
manière dont l'acte a été commis. Plus la survenance de la réalisation des
éléments constitutifs objectifs de l'infraction est vraisemblable et plus la
gravité de la violation du devoir de prudence est importante, plus on
s'approche de la conclusion que l'auteur s'est accommodé de la réalisation de
ces éléments constitutifs. Ainsi, le juge est fondé à déduire la volonté à
partir de la conscience lorsque la survenance du résultat s'est imposée à
l'auteur avec une telle vraisemblance qu'agir dans ces circonstances ne peut
être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat (ATF
133 IV 222 consid. 5.3 p. 225 s.; 125 IV 242 consid. 3c p. 252).

En cas d'accidents de la circulation routière ayant entraîné des lésions
corporelles et la mort, le dol éventuel ne doit être admis qu'avec retenue,
dans les cas flagrants pour lesquels il résulte de l'ensemble des circonstances
que le conducteur s'est décidé en défaveur du bien juridiquement protégé. Par
expérience, on sait que les conducteurs sont enclins, d'une part, à
sous-estimer les dangers et, d'autre part, à surestimer leurs capacités, raison
pour laquelle ils ne sont pas conscients, le cas échéant, de l'étendue du
risque de réalisation de l'état de fait (ATF 133 IV 9 consid. 4.4 p. 20). En
outre, par sa manière risquée de conduire, un conducteur peut devenir sa propre
victime. C'est pourquoi, en cas de conduite dangereuse, par exemple en cas de
manoeuvre de dépassement téméraire, on admet en principe qu'un automobiliste,
même s'il est conscient des conséquences possibles et qu'il y a été rendu
formellement attentif, pourra naïvement envisager - souvent de façon
irrationnelle - qu'aucun accident ne se produira. L'hypothèse selon laquelle le
conducteur se serait décidé en défaveur du bien juridiquement protégé et
n'envisagerait plus une issue positive au sens de la négligence consciente ne
doit par conséquent pas être admise à la légère (ATF 130 IV 58 consid. 9.1.1 p.
64 s.).
Ce que l'auteur savait, voulait et ce dont il s'est accommodé relève de la
constatation des faits, qui lient le Tribunal fédéral, à moins que ceux-ci
n'aient été établis de façon manifestement inexacte. Est en revanche une
question de droit, celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une
juste conception du dol éventuel et si elle l'a correctement appliquée au vu
des éléments retenus (ATF 125 IV 242 consid. 3c). A cet égard, il ne faut
cependant pas perdre de vue que les questions de fait et de droit peuvent se
recouper partiellement. Autant que possible, le juge du fait doit donc établir
exhaustivement les faits pertinents, afin que soient reconnaissables les
circonstances à partir desquelles il a conclu au dol éventuel. Dans une
certaine mesure, le Tribunal fédéral peut contrôler si ces circonstances ont
été correctement appréciées, eu égard à la notion juridique du dol éventuel (
ATF 133 IV 9 consid. 4.1 p. 17; ATF 130 IV 58 consid. 8.5 p. 62 s.; 125 IV 242
consid. 3c p. 252).

5.3.

5.3.1. Il n'est pas contesté que l'intimé a brusquement freiné devant le
scooter, sans motif, aucun obstacle n'existant à cet endroit de la route. La
cour cantonale a toutefois retenu qu'il n'était pas possible d'affirmer,
au-delà de tout doute raisonnable, que l'intimé avait conscience de la distance
qui le séparait du scooter - à savoir 15 mètres selon l'un des experts - et
surtout qu'il était conscient que celle-ci était insuffisante pour permettre au
motocycliste de freiner. A l'appui de cette constatation, elle a relevé que,
juste avant, le scootériste avait pu éviter la collision en se déportant sur la
gauche. Contrairement à ce que soutient le recourant, ces constatations de fait
n'ont rien d'arbitraire ou, à tout le moins, le recourant ne le démontre pas.
Elles lient donc la cour de céans (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 LTF).

5.3.2. Dans la mesure où l'intimé n'a pas eu conscience que la distance le
séparant du scooter était trop courte pour permettre au scootériste de freiner,
il faut admettre qu'il n'a pas envisagé comme possible une issue fatale ni même
une chute pouvant occasionner au motocycliste des lésions corporelles graves.
En conséquence, en condamnant l'intimé pour lésions corporelles graves par
négligence, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral.

6. 
Le recourant requiert le prononcé d'une peine supérieure à celle de quatre ans
retenue par la cour cantonale, dans la mesure où l'intimé est condamné pour
tentative de meurtre ou lésions corporelles graves (en lieu et place des
lésions corporelles par négligence). Le recours étant rejeté sur ce point, le
grief soulevé devient sans objet.

7. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires, dans la mesure où le
recourant agit dans l'exercice de ses attributions officielles sans que son
intérêt patrimonial soit en cause (art. 66 al. 4 LTF).

L'intimé n'a pas droit à des dépens, car il n'a pas été invité à déposer un
mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Les causes 6B_1189/2014 et 6B_1190/2014 sont jointes.

2. 
Le recours de X.________ (6B_1190/2014) est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

3. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.

5. 
Le recours du Ministère public genevois (6B_1189/2014) est rejeté.

6. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens pour la cause
6B_1189/2014.

7. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 23 décembre 2015

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Kistler Vianin

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