Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1052/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_1052/2014

Arrêt du 22 décembre 2015

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.
Greffière : Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Nicolas Gurtner, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République
et canton de Genève,
intimé.

Objet
Ordonnance de classement (indemnité pour détention injustifiée),

recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale de recours, du 29 septembre 2014.

Faits :

A. 
Par ordonnance du 4 juin 2014, le Ministère public genevois a ordonné le
classement de la procédure ouverte à l'encontre de X.________ pour trafic de
stupéfiants, en réservant la reprise de la procédure préliminaire close en cas
de nouveaux moyens de preuve et de faits nouveaux (art. 323 al. 1 CPP).
Conformément à l'art. 429 CPP, il a alloué à l'intéressé un montant de 3'690
fr., avec intérêts à 5 % dès le 21 décembre 2013, pour le tort moral subi dans
la procédure pénale.

B. 
Par arrêt du 29 septembre 2014, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice genevoise a rejeté le recours formé par X.________ contre cette
ordonnance.

C. 
Contre ce dernier arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale devant
le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa
réforme en ce sens que l'autorité cantonale lui octroie une indemnité pour
détention injustifiée de 43'050 fr., avec intérêts dès le 22 octobre 2013, et
le libère des frais de la procédure de recours cantonale. A titre subsidiaire,
il demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public cantonal ont
déposé des observations. X.________ y a répliqué.

Considérant en droit :

1. 
Les décisions sur les prétentions en indemnisation prévues à l'art. 429 al. 1
CPP, notamment celles relatives au tort moral (let. c), constituent des
décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF contre lesquelles le
recours en matière pénale est ouvert (ATF 139 IV 206 consid. 1). Dirigé contre
un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 LTF), le recours est en principe recevable.

2. 
En substance, la cour cantonale a considéré que le montant de base de
l'indemnité allouée par jour de détention était de 100 fr. et qu'il fallait le
réduire à 30 fr., vu le domicile étranger du recourant.
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 429 al. 1 let.
c CPP, tant en fixant le montant de base de l'indemnité journalière à 100 fr.
qu'en refusant de tenir compte de certains facteurs d'augmentation de
l'indemnité. Enfin, la diminution en raison du domicile étranger serait
contraire au droit.

2.1. Conformément à l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si, du fait de la procédure,
le prévenu a subi une atteinte particulièrement grave à ses intérêts personnels
au sens des art. 28 al. 3 CC ou 49 CO, il aura droit à la réparation de son
tort moral (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la
procédure pénale, in: FF 2005 p. 1313). Selon la jurisprudence rendue avant
l'entrée en vigueur du CPP, le montant de l'indemnité en matière de détention
injustifiée doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la
personnalité (art. 49 al. 1 CO; ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47; 113 IV 93
consid. 3a p. 98). Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment
des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou
encore sur la réputation de l'intéressé (ATF 112 Ib 446 consid. 5b/aa p. 458).
L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans
cette appréciation (ATF 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il appartient au demandeur
d'invoquer et de prouver les atteintes subies (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47;
117 IV 209 consid. 4b p. 218).
Selon la jurisprudence, un montant de 200 fr. par jour en cas de détention
injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure
où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le
versement d'un montant inférieur ou supérieur (arrêt 6B_133/2014 du 18
septembre 2014 consid. 3.2 et les arrêts cités). Le taux journalier n'est qu'un
critère qui permet de déterminer un ordre de grandeur pour le tort moral. Il
convient ensuite de corriger ce montant compte tenu des particularités du cas
(durée de la détention, retentissement de la procédure sur l'environnement de
la personne acquittée, gravité des faits reprochés, etc.). Lorsque la détention
injustifiée s'étend sur une longue période, une augmentation linéaire du
montant accordé dans les cas de détentions plus courtes n'est pas adaptée, car
le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi
important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la
personne incarcérée (cf. ATF 113 Ib 155 consid. 3b p. 156). La fixation de
l'indemnité pour tort moral est une question d'appréciation, de sorte que le
Tribunal fédéral ne la revoit qu'avec retenue (cf. ATF 137 III 303 consid.
2.2.2 p. 309 s.; arrêt 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2).

2.2. Le recourant critique, en premier lieu, le montant de base de l'indemnité,
fixé, par la cour cantonale, à 100 fr. par jour de détention.
En l'espèce, la cour cantonale a arrêté à 100 fr. le montant de base par jour
de détention. De la sorte, elle s'est écartée du taux journalier de 200 fr.
fixé par la jurisprudence pour les détentions de courte durée. Pour seule
motivation, elle s'est référée à sa pratique (arrêt attaqué consid. 2.3 p. 6 et
2.5 p. 7). Elle ne mentionne aucune particularité du cas pouvant justifier le
versement d'un montant inférieur. Cette motivation ne suffit pas pour justifier
cet écart par rapport au taux journalier fixé par la jurisprudence. Partant, le
recours doit être admis sur ce point, l'arrêt attaqué annulé et la cause
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.

2.3. Le recourant invoque plusieurs circonstances du cas d'espèce qui
justifieraient, selon lui, une augmentation de l'indemnité de base.
Le recourant mentionne d'abord son jeune âge à l'époque de l'arrestation (21
ans) et l'absence de casier judiciaire. S'agissant de son jeune âge, il se
borne à alléguer que sa détention a représenté un choc d'autant plus important
qu'il était âgé de 21 ans au moment de l'arrestation. Le jeune âge de la
personne détenue ne justifie pas, par principe, une augmentation de l'indemnité
de base. Il ne conduira à une augmentation de l'indemnité de base qu'en cas de
souffrance particulière. L'arrêt cantonal ne contient toutefois aucune
constatation en ce sens, et le recourant ne soulève pas le grief d'arbitraire
dans l'établissement des faits. De même, l'arrêt cantonal ne retient pas que le
recourant a spécialement mal vécu sa détention, car il n'était pas familier du
monde carcéral et du monde de la délinquance en général, et le recourant
n'établit pas que l'absence d'une telle constatation de fait serait arbitraire.
Le grief soulevé est donc irrecevable (art. 105 al. 1 LTF).
Le recourant soutient que l'interdiction qui lui a été faite par le Ministère
public de rencontrer sa famille (sa mère et ses deux soeurs) en prison a
augmenté l'atteinte psychique subie par la détention. La détention provisoire
implique souvent une restriction des visites, en raison du risque de collusion;
cette circonstance n'a donc rien d'exceptionnel. En l'espèce, l'arrêt attaqué
ne constate pas que les restrictions du droit de visite aient entraîné une
souffrance particulière chez le recourant, et celui-ci ne soulève pas le grief
d'arbitraire dans l'établissement des faits à ce sujet. Cet élément n'est donc
pas pertinent en l'espèce.
Le recourant fait valoir des séquelles particulièrement graves consécutives à
la détention. La cour cantonale a considéré que " le recourant n'avait pas
consulté le service médical de la prison pendant sa détention ", et que " son
état de stress post-traumatique, à teneur de la description qu'en fait la
psychologue consultée en Albanie n'apparaît pas avoir dépassé celui lié au
poids psychique inhérent à la procédure pénale " (arrêt attaqué, consid. 2.6,
p. 7). Le recourant s'écarte de ces constatations de fait, sans pour autant
soulever l'arbitraire dans l'établissement des faits, lorsqu'il soutient que sa
souffrance était amplement supérieure à l'ordinaire et dépassait les habituels
sentiments d'injustice et d'enfermement. Son argumentation est irrecevable.

2.4. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir réduit le montant de
base de l'indemnité de 70 % en raison de sa résidence à l'étranger.
Selon la jurisprudence rendue à propos de l'indemnité pour tort moral en droit
civil et de l'indemnisation en vertu de la loi sur l'aide aux victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5), il n'y a pas lieu de prendre en considération
les frais d'entretien au domicile de l'ayant droit lors de la fixation de
l'indemnité pour tort moral. En effet, contrairement à la réparation d'un
dommage matériel, la réparation du tort moral n'est pas destinée à compenser
une diminution du patrimoine, mais à atténuer la douleur au moyen d'une somme
d'argent (ATF 125 II 554 consid. 2b p. 556; 123 III 10 consid. 4 p. 11 ss; 121
III 252 consid. 2b p. 255 s.). Ce n'est qu'exceptionnellement, à savoir en
présence de différences particulièrement grandes par rapport aux conditions de
vie en Suisse, qu'il faut prendre en compte un coût de la vie plus faible pour
le calcul de l'indemnité pour tort moral, afin de ne pas favoriser de manière
crasse l'ayant droit vivant à l'étranger (ATF 125 II 554 consid. 2b p. 556
consid. 4a p. 559; 123 III 10 consid. 4c/bb p. 14 s.). L'ampleur de l'indemnité
pour tort moral doit être justifiée compte tenu des circonstances
particulières, après pondération de tous les intérêts, et ne pas paraître
inéquitable (ATF 125 II 554 consid. 2b p 556).
Le Tribunal fédéral a ainsi admis une réduction (non schématique) de
l'indemnité lorsque les frais d'entretien au domicile de l'intéressé étaient
beaucoup plus bas qu'en Suisse (par exemple ATF 125 II 554 consid. 4a p. 559 s.
concernant Voïvodine: pouvoir d'achat 18 fois plus grand; arrêt 1A.299/2000 du
30 mai 2001 consid. 5c concernant la Bosnie-Herzégovine: pouvoir d'achat 6 ou 7
fois plus élevé). En revanche, il a considéré qu'il n'existait pas une
différence assez grande des niveaux de vie entre la Suisse et le Portugal pour
justifier une réduction de l'indemnité pour tort moral (1C_106/2008 du 24
septembre 2008 consid. 4.2 : le coût de la vie correspondait à 70 % du coût de
la vie en Suisse).
Ces principes doivent également s'appliquer à l'indemnité pour tort moral
définie à l'art. 429 al. 1 let. c CPP (WEHRENBERG/FRANK, in Basler Kommentar,
Schweizerische Strafprozessordnung, 2ème éd., 2014, n° 29 ad art. 429 CPP; cf.
aussi DONATSCH/SCHMID, Kommentar zur Strafprozessordnung des Kantons Zürich,
2007, tome I, n° 20 ad § 43).
En l'espèce, la cour cantonale a réduit l'indemnité pour tort moral de 70 %.
Elle n'a toutefois donné aucune information sur les niveaux de vie des deux
pays en question (l'Albanie où il a consulté et la Grèce d'où le recourant
déclarait venir en octobre 2013). Dans ces conditions, la Cour de céans ne peut
pas se prononcer sur la comptabilité de la réduction de l'indemnité avec le
droit fédéral. Un jugement prononcé sans que les faits nécessaires à
l'application de la loi soient constatés est contraire au droit fédéral.
Lorsqu'un état de fait est lacunaire et qu'ainsi l'application de la loi ne
peut pas être contrôlée, la décision attaquée doit être annulée et la cause
renvoyée à l'autorité précédente afin que l'état de fait soit complété et qu'un
nouveau jugement soit prononcé (ATF 133 IV 293 consid. 3.4 p. 294 ss). Il
convient donc d'admettre le recours et de renvoyer la cause à la cour cantonale
pour qu'elle complète l'arrêt attaqué ou renonce à opérer une réduction en
raison des coûts de la vie au domicile du recourant.

3. 
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir mis à sa charge les frais de
la procédure cantonale.
Il appartiendra à la cour cantonale de se prononcer à nouveau dans sa nouvelle
décision sur la question des frais. Il n'y a donc pas lieu de traiter ce grief.

4. 
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Le recourant qui obtient gain de
cause ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut
prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Genève (art. 68
al. 1 et 2 LTF), ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 
Le canton de Genève versera au conseil du recourant la somme de 3'000 fr. à
titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 22 décembre 2015

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Denys

La Greffière : Kistler Vianin

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